Lanthier

2013 QCCLP 2279

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

5 avril 2013

 

Région :

Québec

 

Dossier :

485833-31-1210

 

Dossier CSST :

082721259

 

Commissaire :

Jean-François Clément, juge administratif

 

Membres :

Suzanne McNeil, associations d’employeurs

 

Gilles Dubé, associations syndicales

 

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Fernand Lanthier

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

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DÉCISION

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[1]           Le 26 octobre 2012, monsieur Fernand Lanthier (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 13 septembre 2012, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue initialement le 29 juin 2012 et déclare qu’elle ne peut rembourser, pour l’année 2012, les frais d’entretien courant du domicile du travailleur pour la peinture extérieure, puisqu’elle a remboursé les mêmes travaux en 2011.

[3]           Seul le travailleur est présent à l’audience tenue à Québec, le 22 mars 2012. Le délibéré débute le jour même.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au remboursement de la somme 1 100 $ pour des travaux de peinture effectués en 2012.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le même avis et accueilleraient, tous deux, en partie la requête du travailleur.

[6]           En effet, comme il n’a dépensé que 250 $ pour les frais de peinture dans l’année 2012, la CSST ne peut payer plus que ce montant, puisque l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) nécessite que les frais aient été « engagés » avant d’être remboursés. Ils sont cependant remboursables, car ils ne visent pas les mêmes travaux que ceux remboursés l’année précédente.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[7]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement du montant réclamé de 1 100 $ pour des travaux de peinture effectués à l’été 2012.

[8]           Le travailleur subit une lésion professionnelle le 24 août 1982, alors qu’il présente une douleur aiguë à la région lombaire basse en soulevant un tronc d’arbre.

[9]           Plusieurs récidives, rechutes ou aggravation sont reconnues par la suite.

[10]        Le travailleur s’est également vu octroyer, au fil du temps, une atteinte permanente importante et des limitations fonctionnelles restrictives.

[11]        Le travailleur a donc été admis en réadaptation, tel que prévu à l’article 145 de la loi :

145.  Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

[12]        Le travailleur a notamment droit à la réadaptation sociale prévue à l’article 151 de la loi :

151.  La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

[13]        Tel que le prévoit l’article 152 de la loi, la réadaptation sociale prévoit notamment le remboursement du coût des travaux d’entretien courant du domicile.

[14]        Cette avenue est détaillée plus explicitement à l’article 165 de la loi :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[15]        Au fil des ans, le travailleur s’est vu rembourser le coût des différents travaux de déneigement, de tonte du gazon et d’entretien de son domicile.

[16]        Dans le cas qui nous concerne, la CSST refuse de rembourser le travailleur en se basant uniquement sur le fait que les sommes réclamées visent des travaux qui ont déjà été remboursés l’année précédente.

[17]        En conséquence, la CSST ne remet nullement en question que le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique, qu’il est incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile lui-même et qu’il les effectuerait normalement n’eût été sa lésion professionnelle.

[18]        La preuve confirme d’ailleurs la présence de tous ces éléments.

[19]        Il n’est pas contesté que la peinture extérieure constitue un travail d’entretien courant du domicile, comme le confirme d’ailleurs la jurisprudence[2].

[20]        Selon le témoignage du travailleur et la preuve au dossier, les travaux qu’il voulait faire effectuer en 2012 étaient différents de ceux de 2011. Comme il possède une maison bordée d’un patio et d’une galerie en plus de six cabanons, il y a beaucoup de peinture à faire et le travail est divisé pour qu’une partie soit effectuée chaque année.

[21]        Toutefois, la preuve à l’audience permet de constater que le travailleur, lorsque confronté au refus de paiement de la CSST en 2012, a mis fin aux travaux après avoir dépensé 250 $ pour le salaire du peintre et les frais de déplacement encourus pour aller chercher le matériel.

[22]        Le travailleur emploie généralement son petit-fils ou un autre jeune membre de sa famille, des étudiants, qui bénéficient de ces petits contrats pour gagner un peu d’argent et goûter un peu au marché du travail. Il les accompagne donc dans les quincailleries pour aller chercher les matériaux requis et la somme 250 $ représente le salaire versé pour le temps consacré à ces tâches par son petit-fils et les frais de déplacement, ce qui apparait raisonnable au tribunal, et surtout beaucoup moins cher que de recourir à une entreprise œuvrant dans ce domaine.

[23]        Le tribunal ne peut cependant ordonner le remboursement d’un montant supérieur à 250$ pour l’année 2012, puisque le texte de l’article 165 de la loi est clair : le travailleur peut être remboursé des frais qu’il engage pour faire exécuter les travaux jusqu’à concurrence de la limite annuelle prévue par la législation.

[24]        Or, le travailler n’a engagé que 250 $ à cette fin et le tribunal ne peut ordonner le remboursement d’une somme supérieure, qui n’a pas été dépensée étant donné que les travaux n’ont pas été effectués.

[25]        Dans l’affaire Air Canada et Chapdelaine[3], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles décide que les frais réclamés via l’article 165 de la loi doivent bel et bien avoir été déboursés et engagés avant de faire l’objet d’un remboursement au travailleur. Les travaux doivent s’être matérialisés pour que l’article 165 puisse trouver application.

[26]        Dans l’affaire Lebrun et Sept-Îles[4], la Commission des lésions professionnelles décide qu’une demande de remboursement est prématurée lorsque les frais n’ont pas réellement été engagés.

[27]        Le présent tribunal ne peut disposer à l’avance, de façon exécutoire, du droit du travailleur au remboursement de frais éventuels susceptibles d’être engagés, et ce, tant qu’ils n’ont pas réellement été effectués et payés[5].

[28]        En sus du 250 $ déjà décrit, le travailleur a aussi payé des matériaux, notamment de la peinture. Toutefois, cette dépense n’est pas remboursable selon la jurisprudence[6].

[29]        En effet, selon les termes de son article 1, la loi vise la réparation des conséquences d’une lésion professionnelle :

1.  La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.

 

Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.

 

La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.

 

 

[30]        N’eût été de sa lésion professionnelle, le travailleur aurait lui-même effectué les travaux, mais il aurait dû tout de même assumer le coût des matériaux. Le fait d’assumer le coût des matériaux ne découle pas de la survenance de la lésion ou de ses conséquences. La lésion professionnelle change sa situation seulement et uniquement en le privant de la possibilité de faire lui-même les travaux et c’est strictement pour pallier cette incapacité que l’article 165 de la loi prévoit un remboursement.

[31]        Par ailleurs, le travailleur réfère à l’audience à une entente qu’il aurait contractée avec la CSST, lui donnant le droit de recevoir automatiquement, chaque année, un montant de 2 000 $ couvrant la tonte du gazon, le déneigement, la peinture et les frais d’entretien de son domicile.

[32]        Après avoir révisé le dossier, le tribunal ne peut confirmer l’existence d’une telle entente. D’ailleurs, le législateur n’a pas prévu de verser automatiquement chaque année un montant forfaitaire pour les frais reliés aux travaux d’entretien du domicile[7].

[33]        De toute façon, la note évolutive du 5 juin 2008 indique clairement que la CSST informe le travailleur que pour les travaux d’entretien courant de son domicile, il devra fournir deux soumissions chaque année avant d’effectuer les travaux, avec le détail des travaux à effectuer.

[34]        Dans une autre note évolutive du 4 septembre 2008, alors que le travailleur se questionne sur le fait qu’il n’a pas encore reçu le remboursement des travaux de peinture, on lui réitère que dorénavant il doit fournir deux soumissions avec le détail des travaux de peinture à effectuer. Il n’est donc pas question d’une entente fixant un montant forfaitaire annuel.

[35]        L’existence de cette entente quant à un remboursement automatique annuel de frais de peinture est également contredite par une autre note évolutive datée du 28 juin 2012 :

Après vérification le T a réclamé de la peinture extérieure en 2011 au montant de $ 1,100,00 sans soumissions et a été payé.

Les travaux réclamés sont majoritairement les mêmes que ceux réclamés en 2012.

 

Selon les frais et factures au dossier le T n’a réclamé de la peinture pour l’extérieure qu’en 2008 après avoir soumis 2 soumissions et en accord avec la note OSI du 2008-09-04.

Donc T ne fait pas comme ses prétentions de la peinture à l’extérieure tous les ans.

Quant à son allégation que Mme. Savard aurait autorisé de la peinture extérieure chaque années, s’est cette dernière qui a soumis pour étude la facture de 2012, car le T réclamait deux années de suite.

 

La seule autre fois selon le dossier où de la peinture fut réclamé est en 2009, pour le même montant sans détail mais pour l’intérieur.

 

[sic]

 

 

[36]        Une note évolutive du 3 février 2004 indique aussi que la CSST informe le travailleur qu’il a droit à des frais de remboursement de peinture à chaque période de cinq ans, tout en respectant la limite législative quant aux coûts.

[37]        Le 25 mars 2004, le travailleur produit d’ailleurs deux soumissions pour des travaux de peinture intérieure.

[38]        En conséquence, le témoignage non contredit du travailleur démontre qu’en 2012 il a déboursé une somme de 250 $ pour des travaux de peinture extérieure et c’est le montant auquel il a droit.

[39]        Pour l’année 2013, il pourra s’adresser à nouveau à la CSST et convenir avec elle du montant auquel il a droit.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête de monsieur Fernand Lanthier, le travailleur;

MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 13 septembre 2012, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit, pour l’année 2012, au remboursement d’un montant de 250 $ pour les frais courants d’entretien de son domicile.

 

 

 

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            Jean-François Clément

 

 

 

 

 



[1]           L.R.Q. c. A-3.001.

[2]           Castonguay et St-Bruno Nissan inc., C.L.P. 137426-62B-0005, 26 novembre 2001, A. Vaillancourt; Ouimet et Revêtement Polyval inc., C.L.P. 157104-61-0103, 26 septembre 2001, L. Nadeau.

[3]           C.A.L.P. 35803-64-9112, 17 novembre 1995, B. Roy, décision accueillant en partie la requête en révision; Boisvert et Centre vérification Mecan Montréal, 2012 QCCLP 6357 ; Daraîche et Paquette, 2012 QCCLP 5120 ; Robitaille et Servisair, 2012 QCCLP 3162 .

[4]           C.A.L.P. 79061-04-9605, 27 mars 1997, P. Brazeau; Voir aussi Benoît et Produits Électriques Bezo ltée, C.A.L.P. 144924-62-0008, 13 février 2001, R. L. Beaudoin.

[5]           Ouellet et Excavation Leqel 1993 ltée, C.L.P. 144557-03B-0008, 13 février 2001, P. Brazeau; Voir aussi Lamontagne et C.L.S.C. Samuel de Champlain, C.L.P. 175805-62-0112, 7 janvier 2004, E. Ouellet; Duciaume et Entrepreneur Minier CMAC inc., 2011 QCCLP 3777 .

[6]           St-Pierre et Legault et Touchette inc., C.A.L.P. 44225-60-9209, 20 mai 1994, L. Boucher; Castonguay et St-Bruno Nissan, précitée, note 2; Cyr et Thibault et Brunelle, C.L.P. 165507-71-0107, 25 février 2002, L. Couture.

[7]           Desroches et Astenjohnson inc., 2010 QCCLP 7439 .

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