Décision

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Wener et École à Pas de Géant

2011 QCCLP 3933

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

7 juin 2011

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

397307-71-0912

 

Dossier CSST :

127759561

 

Commissaire :

Renée M. Goyette, juge administratif

 

Membres :

Jean-Marie Trudel, associations d’employeurs

 

Jennifer Smith, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Perry Wener

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

École à Pas de Géant

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 11 décembre 2009, monsieur Perry Wener (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 13 novembre 2009 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 30 juillet 2009 déclarant que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût des traitements de physiothérapie et d’adaptation de son véhicule.

[3]           L’audience est tenue à Montréal le 23 mars 2011. Le travailleur est présent et est accompagné de sa conjointe, madame Maureen Adler Wener. L’employeur, École à Pas de Géant n’est pas présent ni représenté.

[4]           Lors de l’audience, le travailleur s’est engagé à produire un complément de son  dossier médical. Ce complément d’enquête s’étant terminé le 1er avril 2011, c’est à cette date que l’affaire est mise en délibéré.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit aux traitements de physiothérapie ainsi qu’au remboursement du coût d’une transmission automatique sur un véhicule neuf.

L’AVIS DES MEMBRES

[6]           Conformément à l’article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) la soussignée a demandé et obtenu l’avis des membres qui ont siégé avec elle sur les questions faisant l’objet de la contestation ainsi que sur les motifs de cet avis.

[7]           Le membre issu des associations patronales et la membre issue des associations syndicales partagent le même avis et considèrent que la requête du travailleur doit être rejetée tant à l’égard de la réclamation des traitements de physiothérapie que des frais relatifs à une transmission automatique d’un véhicule.

[8]           Selon eux, la condition du travailleur ne justifie pas qu’il reçoive des traitements de physiothérapie considérant que le travailleur n’a pas établi, de manière prépondérante, que ces traitements étaient requis par son état.

[9]           En ce qui concerne les frais reliés au coût d’une transmission automatique sur un véhicule, les membres considèrent que la réclamation du travailleur doit être rejetée puisque l’article 155 de la loi relatif à l’adaptation d’un véhicule implique nécessairement l’exécution de travaux d’adaptation du véhicule.

[10]        De plus, le travailleur a acquis un nouveau véhicule avec transmission automatique au mois de février 2008 alors que la prescription du médecin relativement à la conduite d’un véhicule équipé d’une transmission automatique est datée du 12 juin 2009. Force est de constater que ce nouveau véhicule n’a pas fait l’objet d’une adaptation.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[11]        Le travailleur a subi une lésion professionnelle le 19 septembre 2005 pour laquelle les diagnostics d’entorse cervicale sur rachis dégénératif, d’entorse dorsolombaire sur rachis dégénératif et d’entorse au poignet gauche ont été reconnus.

[12]        La lésion du travailleur est consolidée depuis le 22 août 2006 avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles selon l’avis signé, le 22 novembre 2006, par le docteur Pierre-Paul Hébert, chirurgien orthopédiste, pour le Bureau d’évaluation médicale. Le médecin est d’avis que le travailleur conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique s’élevant à 6 % et des limitations fonctionnelles de classe I de l’IRSST consistant à éviter  de :

-       Subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne cervicale;

-       Effectuer des mouvements amples de la colonne cervicale dans toutes les directions.

 

[13]        Le travailleur affirme que depuis sa lésion professionnelle, il est lourdement restreint dans ses activités et que son état requiert des traitements de physiothérapie et diverses mesures de réadaptation dont une transmission automatique sur son véhicule.

[14]        Le 6 mars 2009, la Commission des lésions professionnelles confirme une décision de la CSST rendue le 6 août 2008 à la suite d’une révision administrative et déclare que le travailleur est apte à occuper l’emploi convenable d’aide-enseignant à compter du 6 février 2008.

[15]        Tel qu’il appert des notes évolutives du 29 juillet 2009, le travailleur a produit deux prescriptions médicales, datées du 12 juin 2009, émises par la docteure P. L. Johansson; une pour des traitements d’ostéopathie sur un bordereau de physiothérapie et d’ergothérapie ainsi qu’une autre indiquant que le travailleur ne peut conduire une transmission manuelle parce que son état requiert qu’il conduise un véhicule équipé d’une transmission automatique.

[16]        À la demande de la soussignée, le travailleur a produit les notes cliniques du docteur P. L. Johansson dont celles afférentes à la consultation du 12 juin 2009.

[17]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit à des traitements d’ostéopathie et de physiothérapie prescrits et au remboursement du coût d’une transmission automatique sur son véhicule.

Les traitements de physiothérapie

[18]        Rappelons que le travailleur a subi sa lésion professionnelle le 19 septembre 2005 dont les diagnostics reconnus sont ceux d’entorse cervicale sur rachis dégénératif, d’entorse dorsolombaire sur rachis dégénératif et d’entorse au poignet gauche. Cette lésion professionnelle est consolidée depuis le 22 août 2006 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.

[19]        L’article 1 de la loi édicte que son objet est la réparation des lésions professionnelles et de ses conséquences.

1.  La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.

 

Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.

 

La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.

 

 

[20]        De manière plus particulière à l’objet de la réclamation du travailleur pour des traitements de physiothérapie, les articles 188 et 189 octroient au travailleur le droit à l’assistance médicale requise en raison de la lésion professionnelle :

188.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

189.  L'assistance médicale consiste en ce qui suit :

 

1° les services de professionnels de la santé;

 

2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 


5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.

 

[Soulignements ajoutés]

 

 

[21]        Le Règlement sur l’assistance médicale[2] (règlement) confirme la portée du droit du travailleur à l’assistance médicale requise par l’état du travailleur .

2.  Les soins, les traitements, les aides techniques et les frais prévus au présent règlement font partie de l'assistance médicale à laquelle peut avoir droit un travailleur, lorsque le requiert son état en raison d'une lésion professionnelle.

 

D. 288-93, a. 2.

 

3.  La Commission de la santé et de la sécurité du travail assume le coût des soins, des traitements et des aides techniques reçus au Québec, selon les montants prévus au présent règlement, si ces soins, ces traitements ou ces aides techniques ont été prescrits par le médecin qui a charge du travailleur avant que les soins ou traitements ne soient reçus ou que les dépenses pour ces aides techniques ne soient faites; à moins de disposition contraire, ces montants comprennent les fournitures et les frais accessoires reliés à ces soins, traitements ou aides techniques.

 

De plus, toute réclamation à la Commission concernant ces soins, traitements ou aides techniques doit être accompagnée d'une copie de la prescription du médecin qui a charge du travailleur, de la recommandation de l'intervenant de la santé le cas échéant, et des pièces justificatives détaillant leur coût.

 

D. 288-93, a. 3; D. 888-2007, a. 2.

 

 

[22]        Dans l’affaire Beauchamp et Inspec-Sol inc.[3], notre collègue, madame I. Piché analyse la qualification d’une demande lorsque les concepts de récidive, rechute ou aggravation et d’assistance médicale réclamées par un travailleur dont la lésion est consolidée en s’exprimant de la manière suivante :

Qualification de la demande

 

[47]      Afin de catégoriser la demande formulée par le travailleur, la Commission des lésions professionnelles doit d’abord définir les concepts qui s’affrontent, à savoir celui de récidive, rechute ou aggravation et celui d’assistance médicale.

 


[48]      C’est à l’article 2 de la loi que l’on retrouve la notion de récidive, rechute ou aggravation  :

 

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation; (Notre soulignement)

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

[49]      Les expressions « récidive, rechute ou aggravation » n’étant pas définies à la loi, la jurisprudence3 a retenu le sens courant de ces termes et a établi que ceux-ci signifiaient une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d’une lésion initiale ou de ses symptômes.

 

[50]      Cette première désignation implique donc nécessairement qu’il y ait modification de la condition de santé du travailleur par comparaison avec la situation prévalant au moment de la dernière consolidation de la lésion et que celle-ci en découle.

 

[51]      En ce qui a trait à l’assistance médicale, ce sont les articles 188 et 189 de la loi qui la définissent un tant soit peu :

 

[…]

 

[52]      En cette matière, il n’y a donc aucune exigence relative à une quelconque démonstration de détérioration ou de réapparition d’une symptomatologie. Il suffit que le travailleur ait été victime d’une lésion auparavant, qu’elle soit consolidée ou non, et que le besoin d’assistance prescrit soit requis par l’état de santé du travailleur et qu’il soit en lien avec la lésion.

 

[53]      Fort de ces principes, la Commission des lésions professionnelles4 a décidé à maintes reprises que l’assistance médicale demeurait accessible aux travailleurs après la date de consolidation de la lésion afin, par exemple, de contrôler une douleur chronique ou encore dans le but de faciliter la réintégration d’un travailleur, de préserver des acquis ou de remplacer une prothèse ou orthèse déjà prescrite antérieurement.

 

[54]      Par conséquent, en présence d’une situation où la lésion professionnelle est consolidée, ou bien l’état du travailleur est altéré à la suite de cette consolidation et nécessite en ce sens impérativement une reprise de suivi par le médecin qui a charge, possiblement certains besoins d’investigations et l’administration de nouvelles mesures thérapeutiques et dans ce cas il s’agit d’une récidive, rechute ou aggravation. Ou bien, au contraire, il est question d’un état connu et récurrent qui ne requière que des traitements d’entretien ou de support et alors ce sont les dispositions sur l’assistance médicale qui s’appliquent.

___________________

(3)           Lapointe et Compagnie minière Québec-Cartier [1989] C.A.L.P.38.

(4)           Ross et Cambior inc., C.L.P. 159218-02-0104, 23 septembre 2002, P. Simard; Denis et Coffrages C.C.C. ltée, C.L.P. 117405-32-9905, 24 janvier 2001, G. Tardif.


[23]        En l’espèce, le travailleur a produit, le 29 juillet 2009, à la CSST une prescription, émise le 12 juin 2009, par son médecin traitant pour des soins d’ostéopathie sur un bordereau de prescription pour des traitements de physiothérapie ou d’ergothérapie indiquant ce qui suit[4] :

Ostéopathy :

 

-       Cervical facets stain trapezian inflammation

-       Lombosacral facet strain, L Sciatica

-       Patello femoral pain syndrome + (…)

 

Please see (…)

 

 

[24]        Tel qu’indiqué dans l’affaire Beauchamp et Inspec-Sol inc. précitée[5], la jurisprudence reconnaît que la consolidation d’une lésion professionnelle ne fait pas obstacle au droit à l’assistance médicale en autant que ces traitements sont requis par l’état du travailleur.

[25]        Conformément à ce qui est prévu au règlement, le travailleur a produit à la CSST une prescription pour des traitements d’ostéopathie sur un bordereau de prescription de physiothérapie ou d’ergothérapie. Le tribunal constate que la CSST a traité cette prescription de traitements d’ostéopathie comme étant des traitements de physiothérapie.  De fait, la jurisprudence reconnaît les traitements d’ostéopathie à titre d’assistance médicale, conformément aux articles 188 et 189 de la loi dans la mesure où ils sont requis par l’état du travailleur[6]. Dans un tel contexte, le tribunal comprend que la CSST a assimilé ces traitements d’ostéopathie à ceux de physiothérapie.

[26]        Reste à déterminer si ces traitements sont requis par l’état du travailleur.

[27]        De ce dont la soussignée peut lire de la note clinique prise le 12 juin 2009 par la docteure Johansson, cette dernière a relevé des limitations d’amplitudes articulaires du rachis cervical, dont une perte de 20 degrés de rotation à droite et à gauche ainsi qu’une perte de 10 degrés en flexion et en extension. Aucun élément au dossier ne permet de relier ces pertes d’amplitudes articulaires du rachis cervical à la lésion professionnelle subie par le travailleur.

[28]        Par ailleurs, le tribunal retient le témoignage du travailleur à l’effet que depuis qu’il a subi sa lésion professionnelle en 2005, il a subi trois accidents de voiture et des agressions.

[29]        D’ailleurs, la lettre émise à « Qui de droit » le 16 février 2007 par la docteure Johansson, indique que le travailleur a été poussé sur la rue le faisant tomber de son vélo, ce qui a provoqué un étirement au bas du dos. Elle ajoute que depuis cet événement, il ressent plus de douleurs au bas du dos et au niveau sciatique droit, confirme en partie le témoignage du travailleur.

Feb 16, 2007

 

To Whom It May Concern :

 

[…]

 

This patient had low back pain and right sciatica following his work accident the 19 August 2005, but the main injury from the work accident was a cervical strain on October 2005. He was pushed on the street and fell over his bicycle thus straining his lower back. Since then the patients  complains of more severe low back pain and right sciatica and given the nature of the fall this could well be the case.

 

[Soulignements ajoutés]

 

 

[30]        Or, il s’est écoulé plus de quatre ans depuis que le travailleur a subi sa lésion professionnelle et près de trois ans entre l’émission de cette prescription et de production à la CSST et la consolidation de la lésion professionnelle du travailleur au mois d’août 2006.

[31]        Des propos mêmes du travailleur, il s’est produit plusieurs évènements depuis qu’il a subi sa lésion professionnelle. Il a subi trois accidents de voiture et deux agressions qui ont causé des lésions au travailleur tel qu’il appert de la lettre émise le 16 février 2007 par la docteure Johansson.

[32]        L’écoulement d’un aussi long délai durant lequel divers évènements se sont produits ne permet pas au tribunal de conclure que les traitements prescrits par la docteure Johansson sont en relation avec la lésion professionnelle subie, le 19 septembre 2005, par le travailleur.

[33]        D’ailleurs, la prescription émise par la docteure Johansson indique divers diagnostics dont ceux d’entorse des facettes cervicales et inflammation du trapèze, d’entorse lombosacrée, de sciatalgie gauche et de syndrome douloureux patello-fémoral. Or, les diagnostics d’inflammation du trapèze et de syndrome douloureux patello-fémoral ne sont pas des diagnostics reconnus à l’égard de la lésion professionnelle subie par le travailleur pour laquelle il a droit à l’assistance médicale prévue en vertu des articles 188 et suivants de la loi.

[34]        Le tribunal considère que le travailleur n’a pas fait la preuve prépondérante que ces traitements sont requis par son état découlant de sa lésion professionnelle. La preuve suggère davantage que ces traitements puissent être en relation avec d’autres évènements dont l’agression dont il a été victime, qui a provoqué une chute de vélo qui lui a causé des douleurs au dos.

[35]        Enfin, le travailleur n’a pas produit de réclamation pour récidive, rechute ou aggravation dans le cadre de laquelle le tribunal aurait pu apprécier le droit à ces traitements  en regard d’une détérioration objective de l’état du travailleur en relation avec sa lésion professionnelle initiale.

Le remboursement du coût d’une transmission automatique sur un véhicule neuf

[36]        Tel que mentionné précédemment, le travailleur dépose, le 29 juillet 2009, une prescription émise le 12 juin 2009 émise par la docteure Johannson indiquant que le travailleur ne peut conduire un véhicule équipé d’une transmission manuelle et qu’il requiert un véhicule équipé d’une transmission automatique ou qu’il doit utiliser le taxi.

[37]        Selon l’état du travailleur au moment de sa réinsertion sociale et professionnelle, il peut avoir droit soit à la réadaptation sociale, à la réadaptation physique ou à la réadaptation professionnelle.

[38]        L’adaptation d’un véhicule fait partie de la réadaptation sociale prévue aux articles 151 à 165 de la loi.

[39]        Pour les fins du présent litige, le tribunal reproduit les articles 151, 152 et 155, de la loi s’appliquant plus particulièrement à la réclamation du travailleur à l’égard du remboursement des frais reliés à l’adaptation du véhicule requis par l’état du travailleur.

151.  La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

152.  Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :

 

1° des services professionnels d'intervention psychosociale;

 

2° la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

 

3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;

 

4° le remboursement de frais de garde d'enfants;

 

5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.

__________

1985, c. 6, a. 152.

 

 

155.  L'adaptation du véhicule principal du travailleur peut être faite si ce travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique et si cette adaptation est nécessaire, du fait de sa lésion professionnelle, pour le rendre capable de conduire lui-même ce véhicule ou pour lui permettre d'y avoir accès.

__________

1985, c. 6, a. 155.

 

 

[40]        Qu’en est-il dans la présente affaire?

[41]        Lors de son témoignage, le travailleur a confirmé, à quelques reprises, qu’il avait déjà changé son véhicule équipé d’une transmission manuelle, en février 2008, pour un véhicule équipé d’une transmission automatique.

[42]        Or, ce n’est que le 12 juin 2009 que le travailleur a obtenu une prescription de son médecin, la docteure Johansson attestant que le travailleur ne peut conduire une voiture manuelle et qu’elle lui prescrit la conduite d’un véhicule équipé d’une transmission automatique ou l’utilisation du transport en taxi.

[43]        Selon ce qui peut être lu des notes cliniques du 12 juin 2009 prises par la docteure Johansson, le travailleur lui rapporte qu’il a de la difficulté à reculer son véhicule car il ressent des douleurs au dos et des douleurs au cou en changeant les vitesses de son véhicule.

[44]        Le 2 juillet 2009, le travailleur communique avec son agent de la CSST pour effectuer un suivi à l’égard d’une demande de traitement d’homéopathie. À cette occasion, il informe son agent qu’ «il aimerait aussi que la CSST débourse pour adapter son auto en voiture automatique ».

[45]        À cet effet, le travailleur explique qu’il a subi trois accidents de voiture, dont deux accidents en conduisant son ancien véhicule équipé d’une transmission manuelle en raison de ses limitations au niveau des amplitudes articulaires au niveau de la colonne cervicale. Il déclare également qu’il a subi un accident de voiture en conduisant son véhicule équipé d’une transmission automatique.

[46]        Le 29 juillet 2009, l’agent de la CSST indique notamment que le travailleur soumet une prescription pour l’adaptation de son véhicule automobile. À cet effet, il écrit notamment ce qui suit :

[…]

 

Demande pour adapter son véhicule :

T possède une voiture manuelle. Il aimerait faire des modifications pour une voiture automatique à cause de ses douleurs. Il demande à la CSST pour adapter sa voiture.

 

[…]

 

 

[47]        Tel qu’il appert de la note d’intervention, datée du 6 août 2009, prise par l’agent de CSST, le travailleur lui demande des explications « pour le refus d’une automobile automatique » car il se dit incapable de conduire un véhicule standard.

[48]        Selon la jurisprudence[7], seul le coût d’adaptation d’un véhicule est prévu à la loi.

[49]        À cet égard, le tribunal partage les propos de notre collègue monsieur M. Watkins, dans l’affaire Duhaime et Lavalum S.E.C.[8], qui analyse les articles 155 à 157 de la loi à l’égard de l’adaptation d’un véhicule de la manière suivante :

[76]      L’article 155 de la loi permet l’adaptation d’un véhicule afin de rendre le travailleur « capable de conduire lui-même le véhicule ou pour lui permettre d’y avoir accès ».

 

 

[77]      De l’avis du tribunal, l’adaptation d’un véhicule peut consister par exemple, à l’installation d’une transmission automatique sur un véhicule muni d’une transmission manuelle ou encore de l’installation de différents aides à la conduite qui permettent au travailleur, malgré son handicap, de conduire son véhicule.

 

[78]      C’est ainsi que la jurisprudence a reconnu les demandes de travailleurs, en fonction de leurs handicaps respectifs, à l’installation de divers aides à la conduite ou de modification aux systèmes existants, tels :

 

-           un mécanisme de démarrage à distance, un mécanisme de motorisation des glaces et la relocalisation de ce système4;

-           une barre d’appui et un marchepied5;

-           un toit de fibre de verre et d'un système permettant de soulever ce toit pour sortir le fauteuil électrique ou le triporteur du camion6;

-           un siège orthopédique pivotant7.

 

[79]      Bien que le travailleur ait le droit à des mesures qui lui procurent un véhicule adapté à sa capacité résiduelle, au terme de l’article 152 (2°) de la loi, encore faut-il qu’il y ait « adaptation » dudit véhicule.

 

[80]      La loi ne définit pas le sens à donner à l’expression « adaptation ». Le dictionnaire Petit Robert9, donne les définitions suivantes :

 

Adaptation : n.f.  1° Action d’adapter ou de s’adapter, modification qui en résulte.

 

Adapter : v.tr. 1° Réunir, appliquer après ajustement. […] 2° Fig. Approprier, mettre en

harmonie avec.

 

[81]      Le Petit Larousse illustré 9 propose les définitions suivantes :

 

Adaptation : n.f. 1. Action d’adapter, fait de s’adapter ; état qui en résulte.

 

Adapter : v.t. 1. Appliquer, ajuster ; mettre en accord ; approprier. Adapter un robinet à un tuyau.

 

[82]      L’article 155 de la loi parle de l’adaptation du véhicule. Les articles 156 et 157 de la loi spécifient les conditions d’autorisation et de la prise en charge par la CSST du coût « des travaux d’adaptation du domicile ou du véhicule ».

 

[83]      De l’avis du tribunal, pour qu’il y ait adaptation du véhicule au sens de ces articles, il doit y avoir des travaux de cette nature sur les composantes initiales d’un véhicule, pour en changer les attributs, et faire en sorte de respecter la capacité fonctionnelle du travailleur.

 

[…]

 

[89]      Néanmoins, de l’avis de la Commission des lésions professionnelle, ce paiement ne signifie pas pour autant que l’achat d’un véhicule muni d’une transmission automatique constitue, en soi, « l’adaptation du véhicule ».

 

[…]

 

[96]      Pour les raisons précédemment mentionnées, le tribunal considère que le fait d’avoir acheté un véhicule muni d’une transmission automatique ne transforme pas la situation en une « adaptation du véhicule » au sens de l’article 155 de la loi, aucun « travail » n’ayant été requis. […]

 

_______________

4             Morin et Lefèvre et Frères ltée. C.L.P. 130982-63-0001, 22 janvier 2001, M.-R. Pelletier

5              Comtois et Garderie éducative Mimi Pinson inc., C.L.P.188255-62-0207, 29 septembre 2003, révision rejetée 3 août 2004, B. Roy ; Coulombe et Construction F.A.K. inc., C.L.P. 251972-62B-0412, 30 mars 2006, M.-D. Lampron

6              Desnoyers et Laurier Desnoyers (fermé), C.L.P. 309524-64-0702, 2 mars 2007, M. Montplaisir

7             Vézina et R.D.H.C.C. - Direction Travail, C.L.P. 296892-04B-0608, 19 décembre 2007, révision rejetée 10 juillet 2008, A. Suicco

            8          Le petit Robert 1 : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Le Robert, 1977, 2173 .

9             Le petit Larousse illustré 2000, Paris, Larousse, 1999, 1787 p.

 

 

[50]        Ayant fait l’acquisition en février 2008 d’un véhicule déjà équipé d’une transmission automatique, force est de constater que ledit véhicule n’a pas fait l’objet d’une adaptation telle que le prescrit l’article 155 de la loi.

[51]        Le véhicule acquis par le travailleur étant déjà équipé d’une transmission automatique n’a pas été transformé ou adapté de manière à rendre son véhicule conforme à la prescription du médecin. Le nouveau véhicule acquis par le travailleur correspondait déjà au besoin requis par son état.

[52]        Dans les circonstances, le tribunal est d’avis que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût relié à une transmission automatique sur le véhicule neuf dont il a fait l’acquisition en février 2008.

[53]        Enfin, mentionnons que ce n’est que le 12 juin 2009 que le travailleur a obtenu une prescription de son médecin, la docteure Johansson attestant que le travailleur ne peut conduire une voiture manuelle et qu’elle lui prescrit la conduite d’un véhicule équipé d’une transmission automatique ou l’utilisation du transport en taxi.

[54]        Le tribunal constate que le travailleur s’est procuré un véhicule équipé d’une transmission automatique environ 16 mois avant que le médecin ne lui prescrive.

[55]        Même si l’article 155 de la loi n’indique aucun délai pour faire une réclamation pour l’adaptation d’un véhicule ni si une prescription d’un médecin doit être obtenue avant de procéder à l’adaptation de son véhicule, le tribunal estime que la réclamation doit être déposée dans un délai raisonnable après avoir obtenu la prescription de son  médecin. 

[56]        Le tribunal estime qu’un délai de 16 mois entre le mois de février 2008 où il a acquis son véhicule équipé d’une transmission automatique et l’obtention d’une prescription de son médecin, le 12 juin 2009 et un délai de 17 mois entre le mois de février 2008 et le dépôt, le 29 juillet 2009, d’une réclamation pour l’adaptation de son véhicule est nettement déraisonnable.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête du travailleur, monsieur Perry Wener;

CONFIRME la décision rendue le 13 novembre 2009 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût des traitements de physiothérapie prescrits, le 12 juin 2009, par la docteure Johansson;


DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût relié à une transmission automatique pour un véhicule.

 

 

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Renée M. Goyette

 



[1]           L.R.Q. c. A-3.001.

[2]          R.Q., c. A-3.001, r.0.002.

[3]          [2009] C.L.P. 93.

[4]           De ce dont la soussignée peut lire.

[5]          Précitée note 3; Voir au même effet :

[6]           Bélanger et Quincaillerie Frigon, [2005] C.L.P. 711 ; Dicaire et Métallurgie Noranda inc. (Division CCR), 152843-63-0012, 01-07-13, M. Gauthier; Lavallée et Commission scolaire Marguerite Bourgeois, 286566-71-0604, 06-12-08, Anne Vaillancourt; Ladora et Hôpital Rivière-des-Prairies, 262039-64-0505, 07-03-13, J.-F. Martel, (06LP-300); Lambert et Siemens Canada ltée, 330976-04B-0710, 09-03-09, M. Watkins, (08LP-289).

[7]           Bibeau et Atco ltd, C.L.P. 105613-62-9810, 11 août 1999, S. Mathieu.

[8]           Duhaime et Lavalum S.E.C., C.L.P. 348771-04-0805, 25 septembre 2008, M. Watkins.

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