Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Laval

28 juin 2004

 

Région :

Laval

 

Dossier :

221906-61-0312

 

Dossier CSST :

124571704

 

Commissaire :

Ginette Morin

 

Membres :

André Chagnon, associations d’employeurs

 

Richard Montpetit, associations syndicales

 

Assesseur :

 

Pierre Taillon, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Cascades Groupe Tissu inc.

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Julie Petitclerc

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 3 décembre 2003, l’employeur, Cascades Groupe Tissu inc., dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 19 novembre 2003 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 21 août 2003 et déclare que la travailleuse, madame Julie Petitclerc, a subi une lésion professionnelle le 2 juillet 2003.

[3]                L’employeur est représenté à l’audience tenue à Laval le 22 avril 2004. Madame Petitclerc est présente et elle est représentée.

[4]                La cause a été mise en délibéré le 9 juin 2004 après que les parties aient complété par écrit leur argumentation relativement aux dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) applicables dans la présente affaire.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]                L’employeur demande de déclarer que madame Petitclerc n’a pas subi de lésion professionnelle le 2 juillet 2003.

L’AVIS DES MEMBRES

[6]                Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la requête de l’employeur doit être accueillie.

[7]                Il estime que le diagnostic posé par le médecin traitant de madame Petitclerc ne permet pas l’application de la présomption de maladie professionnelle édictée par l’article 29 de la loi. Il estime également que les dispositions de l’article 30 ne peuvent non plus trouver application puisque, selon le témoignage du docteur Rivas, la maladie diagnostiquée chez madame Petitclerc n’est pas directement reliée aux risques particuliers du travail que cette dernière a exercé au mois de juin 2003.

[8]                Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la requête de l’employeur doit être rejetée.

[9]                Il estime que la présomption de maladie professionnelle prévue par l’article 29 de la loi trouve application dans la présente affaire. Il retient que le diagnostic posé par le médecin traitant de madame Petitclerc en est un d’intoxication aux hydrocarbures aromatiques et aliphatiques et que la preuve démontre que cette dernière a exercé un travail impliquant une exposition à ces substances. Il retient également que la preuve offerte par l’employeur n’est pas de nature à permettre le renversement de cette présomption.

 

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[10]           Madame Petitclerc est étudiante et elle est embauchée par l’employeur au mois de juin 2003 pour effectuer différentes tâches au cours de l’été notamment, nettoyer et peinturer de la machinerie.

[11]           Elle travaille 36 heures par semaine, à raison de trois jours consécutifs, de 7 h à 19 h ou de 19 h à 7 h. Elle bénéficie d’une pause repas et de deux pauses santé, lesquelles totalisent une heure et demie.

[12]           Les jeudi 26, vendredi 27 et samedi 28 juin 2003, outre une période d’environ une heure durant laquelle elle fait une autre tâche, madame Petitclerc nettoie et peinture des machines. Elle peinture aussi la partie des planchers située à proximité de ces machines.

[13]           Pour ce faire, elle utilise une peinture industrielle à base d’huile et un produit nettoyant appelé « Enkrosol 750 ». Elle ne porte pas de masque pour vapeurs organiques en utilisant ces deux produits.

[14]           Les vendredi 27 et samedi 28 juin 2003, elle ressent des maux de tête, des étourdissements, des nausées et une sensation « d’ulcères au fond de la gorge », de sorte qu’elle doit se rendre quelques fois à la salle de bain pour se reposer. Elle se rend à cet endroit parce que la température extérieure et intérieure est très élevée et que celle de la salle de bain est plus fraîche.

[15]           Dimanche le 29 juin, lundi le 30 juin et mardi le 1er juillet 2003, madame Petitclerc est en congé et elle reste alitée en raison de la persistance de ces symptômes. Elle ne consulte pas un médecin croyant que sa condition est attribuable à la chaleur.

[16]           Mercredi le 2 juillet 2003, elle débute son quart de travail à 19 h alors qu’elle se sent encore faible et affectée par un manque de concentration. Bien qu’elle pose des étiquettes sur des boîtes, elle se sent incommodée par l’odeur d’un vernis qui a été appliqué durant la journée sur un plancher situé à proximité de l’endroit où elle exécute cette tâche. En raison d’une sensation de faiblesse, elle doit se rendre à deux ou trois reprises à la salle de bain pour s’asseoir. Vers 20 h, elle sent qu’elle est sur le point de s’évanouir et un collègue de travail doit l’aider à s’asseoir et ensuite, la conduire à la clinique médicale afin de rencontrer le docteur Paquette.

[17]           Dans l’attestation médicale qu’il remplit le jour même, ce médecin indique ce qui suit : « Exposition à vapeurs R-OH + solvants - malaises secondaires - repos - protection devrait être portée pour produits volatiles ».

[18]           Après avoir bénéficié du repos prescrit par le docteur Paquette jusqu’au 7 juillet 2003, madame Petitclerc retourne au travail selon ce qui est prévu à son horaire. Durant sa période de repos, madame Petitclerc prend un médicament qui lui a été prescrit le 2 juillet 2003 par le docteur Paquette pour ses « sensations d’ulcères à la gorge ».

[19]           Le docteur José Rivas a témoigné à l’audience à la demande de l’employeur et, selon ses explications, le médicament qui a été prescrit à madame Petitclerc par le docteur Paquette est un antiseptique, mais aussi un analgésique qui est souvent prescrit pour des aphtes attribuables à une infection virale.

[20]           Madame Petitclerc ne revoit pas le docteur Paquette et, jusqu’à la fin du mois d’août 2003, elle fait uniquement de l’emballage.

[21]           Madame Petitclerc prétend qu’elle a été victime d’une lésion professionnelle le 2 juillet 2003, sous la forme d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Compte tenu de la nature des faits en cause, la Commission des lésions professionnelles estime cependant que c’est sous l’angle de la maladie professionnelle que sa réclamation doit être analysée.

[22]           La notion de « maladie professionnelle » est définie comme suit à l’article 2 de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[23]           Les articles 29 et 30 de la loi prévoient les dispositions suivantes concernant la reconnaissance d’une maladie professionnelle :

29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[24]           Pour sa part, la section I de l’annexe I de la loi prévoit, à titre de maladies causées par des produits ou substances toxiques, l’intoxication par les hydrocarbures aliphatiques, alicycliques ou aromatiques :

ANNEXE I

 

MALADIES PROFESSIONNELLES

(Article 29)

 

SECTION I

MALADIES CAUSÉES PAR DES PRODUITS

OU SUBSTANCES TOXIQUES

 

 

MALADIES

GENRES DE TRAVAIL

[...]

[...]

12. Intoxication par les hydrocarbures aliphatiques, alicycliques et aromatiques:

un travail impliquant l'utilisation, la manipulation ou une autre forme d'exposition à ces substances.

 

 

[25]           Après étude de la preuve et de l’argumentation soumises, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion que madame Petitclerc a contracté une telle maladie professionnelle et ce, pour les motifs suivants.

[26]           La Commission des lésions professionnelles estime que la présomption de maladie professionnelle édictée par l’article 29 de la loi trouve application dans la présente affaire parce que la preuve démontre, de façon prépondérante, qu’un diagnostic d’intoxication par des hydrocarbures aromatiques et aliphatiques a été posé chez madame Petitclerc et que cette dernière a exercé un travail impliquant une exposition à ces substances.

[27]           Au soutien de cette conclusion, la Commission des lésions professionnelles retient qu’il n’est pas contredit que madame Petitclerc a, sans masque protecteur et durant toute la journée les 26, 27 et 28 juin 2003, fait des travaux de nettoyage avec un produit appelé « Enkrosol » qui, selon la fiche signalétique qui est au dossier, contient des hydrocarbures aromatiques et aliphatiques. Il n’est pas non plus contredit que madame Petitclerc a aussi fait durant ces trois jours des travaux de peinture en utilisant une peinture industrielle à base d’huile. Malgré l’absence d’une fiche signalétique relative aux caractéristiques de la peinture utilisée, la Commission des lésions professionnelles comprend du témoignage du docteur Rivas qu’il s’agit également d’un produit contenant le même type d’hydrocarbures.

[28]           La Commission des lésions professionnelles retient également que madame Petitclerc a ressenti des malaises dès la deuxième journée d’utilisation de ces produits, soit des étourdissements, des nausées, une sensation de faiblesse, un manque de concentration et une sensation « d’ulcères dans la gorge », que ces malaises ont persisté durant les trois jours suivants malgré son absence du travail et que, le 2 juillet 2003, le docteur Paquette a conclu à une intoxication par des hydrocarbures aromatiques et aliphatiques.

[29]           La Commission des lésions professionnelles ne retient pas la prétention de l’employeur selon laquelle la présomption de maladie professionnelle ne peut trouver application parce que le docteur Paquette n’a pas posé un diagnostic d’intoxication aux hydrocarbures aromatiques et aliphatiques puisqu’il mentionne simplement à son rapport médical qu’il y a eu « exposition » à ces substances.

[30]           Le docteur Paquette n’emploie effectivement pas le terme précis d’intoxication. Cependant, parce qu’il précise clairement à son rapport médical qu’il estime être en présence de « malaises secondaires » à une « exposition à des vapeurs d’alcool et de solvants », la Commission des lésions professionnelles estime qu’il faut comprendre que ce médecin conclut en fait à une intoxication à ces substances.

[31]           À maintes reprises, le tribunal a décidé que la notion d’intoxication retrouvée à l’annexe I de la loi devait être définie en référant au sens commun de ce terme. Notamment, dans l’affaire Stacey et Allied Signal Aérospatiale inc.[2], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles s’exprime comme suit à ce sujet :

« La notion d’intoxication n’étant pas définie dans la loi, la Commission d’appel considère qu’il y a lieu, d’une part, de se référer au sens usuel du terme et d’autre part, de chercher le but poursuivi par le législateur en édictant cette partie de l’annexe de la loi, afin d’en comprendre sa signification et sa portée. De plus, il ne faut pas oublier que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles est une loi sociale qui a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires. C’est dans ce contexte que le tribunal doit interpréter la notion d’intoxication qu’on retrouve à l’annexe afin de lui donner son plein effet.

 

Le Petit Robert définit ainsi le terme « intoxication » :

 

 

 

« Action nocive qu’exerce une substance toxique (poison) sur l’organisme : ensemble des troubles qui en résultent …»

 

Le Dictionnaire de Médecine Flammarion définit ce terme comme suit :

 

          « INTOXICATION Ensemble des accidents provoqués par des substances toxiques, provenant de l’extérieur (intoxication exogène) ou de l’intérieur de l’organisme (intoxication endogène : concept un peu vieilli et terme encore plus désuet). »

 

De ces définitions, il faut conclure que la notion d’« intoxication » comprend aussi bien l’intoxication chronique qu’aiguë, puisqu’elle consiste en l’ensemble des troubles ou des accidents qui résultent de l’action nocive d’une substance toxique. »

 

 

[32]           Puisqu’une intoxication constitue un ensemble des troubles qui résultent de l’action nocive qu’exerce une substance toxique sur l’organisme, il est permis de conclure que c’est là le diagnostic que pose le docteur Paquette même s’il n’emploie pas formellement ce terme puisqu’il conclut à l’existence de malaises qui sont secondaires à une exposition à des substances toxiques.

[33]           Même si les faits diffèrent de ceux qui sont en cause, la Commission d’appel précise également dans l’affaire Stacey[3] qu’il n’est pas nécessaire que le médecin traitant pose strictement le diagnostic d’intoxication pour permettre l’application de la présomption de maladie professionnelle :

« Par ailleurs, la Commission d’appel considère qu’il n’est pas nécessaire pour l’application de la section I de l’annexe I de la loi que le médecin qui a charge du travailleur pose strictement le diagnostic d’ « intoxication ». […]. »

 

 

[34]           De plus, suivant la jurisprudence[4], le travailleur n’a pas à faire la preuve d’un seuil minimal d’exposition à une substance toxique pour bénéficier de la présomption de maladie professionnelle puisque, tel qu’il appert de l’annexe I de la loi, le législateur n’a pas prévu qu’un degré d’exposition donné à ces substances était requis.

[35]           La Commission des lésions professionnelles ne retient pas non plus la prétention de l’employeur selon laquelle un seul diagnostic d’intoxication à une substance toxique ne permet pas l’application de la présomption de maladie professionnelle puisqu’il faut qu’une maladie spécifique résulte d’une intoxication.

[36]           Certaines décisions du tribunal supportent certes cette prétention[5]. Dans l’affaire Tripp c. Commission des lésions professionnelles[6], la Cour supérieure a cependant décidé que l’intoxication était une « maladie » prévue à l’annexe I de la loi et que ce seul diagnostic posé par le médecin traitant donnait ouverture à l’application de la présomption de maladie professionnelle édictée à l’article 29 de la loi. La Commission des lésions professionnelles privilégie cette position adoptée dans ce jugement récent.

[37]           Cette affaire implique un travailleur qui utilise des solvants contenant des hydrocarbures aliphatiques, alicycliques ou aromatiques et qui présente divers malaises notamment, des maux de tête, des saignements de nez et des troubles de mémoire. Son médecin traitant pose le diagnostic « d’intoxication chronique aux solvants volatiles » mais la Commission des lésions professionnelles rejette la requête du travailleur en retenant comme premier motif que la présomption de maladie professionnelle ne peut trouver application parce qu’une intoxication n’est pas une maladie en soi.

[38]           Le travailleur demande l’intervention de la Cour supérieure au motif que cette décision est manifestement déraisonnable quant à l’interprétation et l’application de l’article 29 de la loi. Dans sa requête, il soumet notamment que le législateur a, à l’annexe I de la loi, spécifiquement inscrit le terme « intoxication » sous la rubrique « maladie » et que le fait de ne pas retenir un tel diagnostic non contesté du médecin traitant contrevient aux dispositions de l’article 224 de la loi. Il y a lieu de rappeler que l’article 224 prévoit ce qui suit :

224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

[39]           La Cour supérieure accueille la requête en révision judiciaire du travailleur. Elle fait siens les motifs énoncés dans cette requête et considère que la décision de la Commission des lésions professionnelles est manifestement déraisonnable en ce qu’elle n’applique pas la présomption de maladie professionnelle prévue à l’article 29 alors qu’il est clair que le terme « intoxication » est une maladie énumérée à l’annexe I de la loi.

[40]           Une exposition à des substances toxiques, dont les hydrocarbures aliphatiques, alicycliques et aromatiques, peut certes dans certains cas entraîner une maladie bien précise, comme par exemple une myélodysplasie dans l’affaire Stacey[7] ou une encéphalopathie dans l’affaire Mineault et Hull Wolkswagen[8]. Cependant, une telle exposition peut aussi entraîner seulement un ensemble de symptômes qui conduit le médecin traitant à ne poser que le diagnostic d’intoxication, comme par exemple dans l’affaire Tripp[9]rapportée ci-dessus. En pareilles circonstances, suivant ce qu’a décidé la Cour supérieure dans cette affaire, il s’agit d’un diagnostic de maladie qui permet l’application de la présomption de maladie professionnelle.

[41]           Dans l’affaire Osunero et Technicolor Canada inc.[10], impliquant une travailleuse chez qui le médecin traitant pose seulement le diagnostic d’intoxication aux hydrocarbures aliphatiques et aromatiques en raison d’un ensemble de symptômes secondaires à une exposition à ces substances, soit des nausées, des étourdissements, de la fatigue, des maux de gorge, de la toux et des larmoiements, la Commission des lésions professionnelles conclut aussi qu’un tel diagnostic permet l’application de la présomption de maladie professionnelle prévue à l’article 29 de la loi.

[42]           La présomption de maladie professionnelle étant ainsi appliquée, il appartenait donc à l’employeur de présenter une preuve prépondérante permettant de la renverser.

[43]           De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, cette preuve n’a cependant pas été faite.

[44]           Lors de son témoignage, le docteur Rivas reconnaît que madame Petitclerc a utilisé en champ proche des produits volatiles contenant des hydrocarbures aromatiques et aliphatiques. Il reconnaît aussi que ces produits ont été utilisés dans un contexte de contrainte thermique étant donné le témoignage de madame Petitclerc relativement à une température élevée à la fin du mois de juin 2003 et qu’il s’agit d’un élément qui a pu jouer un rôle en affectant la volatilité des solvants.

[45]           Il explique cependant que, selon lui, il existe plusieurs raisons pour lesquelles on ne peut conclure à l’existence d’une intoxication aux hydrocarbures aromatiques et aliphatiques.

[46]           Il considère que, même si elle ne portait pas de masque protecteur, madame Petitclerc travaillait dans un établissement ventilé de manière réglementaire et qu’elle n’a pas présenté les symptômes caractéristiques d’une intoxication à ces substances à savoir, des symptômes locaux tels une conjonctivite ou une rhinite, ou des signes témoignant d’une atteinte du système nerveux central.

[47]           Il considère aussi que l’on ne peut conclure à une intoxication à ces hydrocarbures tenant compte de leur durée de vie dans l’organisme et des périodes au cours desquelles madame Petitclerc s’est trouvée à l’extérieur de l’établissement.

[48]           Il considère également que le médicament prescrit par le docteur Paquette pour la sensation « d’ulcères dans la gorge » décrite par cette dernière est un médicament qui est souvent prescrit pour des aphtes dus à une infection virale. Étant donné cette prescription et les dires de madame Petitclerc quant à des ulcères à la gorge, il croit que l’état présenté par cette dernière à la fin du mois de juin 2003 constituait plutôt le prodrome d’une infection virale.

[49]           Le docteur Rivas considère enfin que les symptômes vagues et généraux décrits par madame Petitclerc ne sont pas suffisants pour conclure à une réelle intoxication, même dans un mode de présentation aigu. Selon lui, l’historique des faits rapporté par madame Petitclerc et les symptômes peu spécifiques décrits par cette dernière font en sorte que l’hypothèse la plus probable selon lui est qu’elle a souffert d’une maladie virale et non pas d’une intoxication aux hydrocarbures aromatiques et aliphatiques.

[50]           De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, cette opinion émise par le docteur Rivas ne permet pas de renverser la présomption de maladie professionnelle.

[51]           La Commission des lésions professionnelles estime en effet qu’il s’agit d’une opinion qui se fonde essentiellement sur des considérations ayant trait à la valeur médicale du diagnostic d’intoxication aux hydrocarbures aromatiques et aliphatiques posé par le docteur Paquette le 2 juillet 2003 et donc, d’une opinion qui, à toutes fins utiles, a pour effet de nier le bien - fondé de ce diagnostic. Puisqu’il n’a pas été contesté par le biais de la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi pour ce faire, le diagnostic d’intoxication à ces hydrocarbures retenu par le docteur Paquette ne peut être remis en cause dans le contexte du présent litige.

[52]           Puisque, par ailleurs, il n’est aucunement démontré que l’intoxication aux hydrocarbures aromatiques et aliphatiques diagnostiquée chez madame Petitclerc le 2 juillet 2003 résulte d’une exposition à ces substances ailleurs qu’au travail les 26, 27 et 28 juin 2003, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’employeur n’a pas renversé la présomption de maladie professionnelle édictée par l’article 29 de la loi au moyen d’une telle preuve.

[53]           Pour l’ensemble de ces motifs, la Commission des lésions professionnelles en vient donc à la conclusion que madame Petitclerc a subi une lésion professionnelle le 2 juillet 2003, soit une maladie professionnelle.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de l’employeur, Cascades Groupe Tissu inc.,

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 19 novembre 2003 à la suite d’une révision administrative; et

DÉCLARE que la travailleuse, madame Julie Petitclerc, a subi une lésion professionnelle le 2 juillet 2003.

 

 

__________________________________

 

Ginette Morin

 

Commissaire

 

 

 

 

Me Jean Beauregard

LAVERY, DE BILLY, AVOCATS

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Denis Mailloux

C.S.N.

Représentant de la partie intéressée

 

 

 

 

 

 



[1]          L. R. Q., c. A-3.001

[2]          C. A. L. P. [1997] 1713

[3]          Précitée, note 2

[4]          Voir notamment : Gagné et Miron inc., C.A.L.P. o5190-60-8711, 9 août 1991, M. Paquin; Roy et Hawker Siddeley Canada inc., [1999] C.L.P. 279 ; Mineault et Hull Volkswagen, [2002] C. L. P. 646 , requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Hull, 550-17-000736-031, 3 juin 2003, j. Tannenbaum

[5]          Voir notamment : Federated Genco ltée et Saint-Amand, [2001] C. L. P. 610

[6]          C.S. Saint-François, 450-17-000783-036, 5 mai 2004, j. Fournier

[7]          Précitée, note 2

[8]          Précitée, note 4

[9]          Précitée, note 6

[10]        C. L. P. 188159-72-0207, 17 février 2003, M. Denis

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