Bérubé et Ressources Meston inc. |
2009 QCCLP 2803 |
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[1] Le 23 mai 2006, monsieur Raymond Bérubé (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 11 mai 2006 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 22 mars 2006 et déclare que le travailleur n’a pas subi, le 12 janvier 2006, une lésion professionnelle, et ce, en fonction d’un diagnostic de syndrome du défilé thoracique.
[3] Une audience s’est tenue le 25 mars 2009 à Chibougamau, en présence du travailleur et de son représentant. Pour sa part, la compagnie Ressources Meston inc. (l’employeur) n’était pas représentée lors de cette audience.
[4] Le 16 avril 2009, le tribunal a suspendu son délibéré et a demandé au représentant du travailleur s’il avait des commentaires à formuler sur la question de la recevabilité de la réclamation déposée par le travailleur le 25 janvier 2006, compte tenu que cette réclamation n’était pas accompagnée d’attestations médicales indiquant formellement un diagnostic de syndrome du défilé thoracique. Le 21 avril 2009, le tribunal a reçu les commentaires demandés au représentant du travailleur et le dossier fut remis en délibéré à compter de cette date.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer recevable sa réclamation déposée le 25 janvier 2006 et de reconnaître que le syndrome du défilé thoracique dont il est atteint constitue, pour lui, une maladie professionnelle.
L’AVIS DES MEMBRES
[6] Le membre issu des associations d’employeurs ainsi que le membre issu des associations syndicales sont d’avis unanime que la requête du travailleur doit être rejetée.
[7] Ils sont d’avis que la réclamation du travailleur déposée à la CSST le 25 janvier 2006 est irrecevable puisque celle-ci n’est accompagnée d’aucun document médical démontrant l’existence de la maladie dont le travailleur prétend être atteint.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[8] La Commission des lésions professionnelles doit d’abord statuer sur la recevabilité de la réclamation déposée par le travailleur à la CSST le 25 janvier 2006. Si cette réclamation est jugée recevable, le tribunal devra par la suite déterminer si le travailleur est atteint d’une lésion professionnelle.
[9] En l’espèce, la preuve révèle que le travailleur a exercé le métier de mineur pendant une trentaine d’années, et ce, pour différents employeurs.
[10] Le 25 janvier 2006, le travailleur dépose à la CSST une réclamation. Dans la section « Description de l’événement », il est uniquement écrit : « défilé thoracique ».
[11] En plus de sa réclamation, le dossier du travailleur contient un document appelé « Annexe à la réclamation » ainsi qu’un questionnaire complété par le travailleur en date du 25 janvier 2006. Dans ces documents, le travailleur y décrit ses fonctions ainsi que la façon dont sont apparus ses malaises. D’ailleurs, lors de l’audience, le travailleur a expliqué en détails, les fonctions qu’il exerçait chez l’employeur ainsi que les outils utilisés.
[12] De plus, le dossier du travailleur contient un rapport d’évaluation médicale du docteur Michel Langelier daté du 19 janvier 2006. Ce rapport du docteur Langelier avait pour objectif d’évaluer les séquelles permanentes que conserve le travailleur en relation avec un phénomène de Raynaud dont il est atteint et dont le caractère professionnel a été reconnu par la CSST. Aux fins de la présente décision, il est utile de reproduire les extraits suivants de ce rapport :
1. Diagnostic de préévaluation :
Phénomène vasospastique.
2. Plaintes et problèmes reliés à la lésion professionnelle :
Il s’agit d’un patient maintenant âgé de 49 ans, droitier, qui est mineur depuis l’âge de 18 ans. Il utilise des outils vibrants de façon régulière à raison de 3 à 4 heures par jour. Depuis environ cinq (5) ans, il note des phénomènes vasospastiques type phénomène de Raynaud au niveau des deux membres supérieurs. Les 2e et 3e doigts des deux mains sont principalement attaqués par ce phénomène vasospastique. De plus, le patient décrit des symptômes compatibles avec un syndrome du défilé thoracique avec des fatigabilités au niveau des membres supérieurs lors de l’hyperabduction. Ce patient ne décrit pas de symptôme systémique pouvant nous associer à un tel phénomène. Il n’y a pas de symptôme d’arthrite aux membres supérieurs, il décrit cependant de l’arthrose au niveau des genoux et récemment de la hanche droite.
[…]
5. Examen physique :
Il s’agit d’un patient non souffrant dont la tension artérielle est de 135/85 aux deux bras en position assise. L’examen de la tête et du cou est sans particularité de même que l’examen cardio-pulmonaire. Les extrémités sont bien perfusées avec des pouls grade 4/4 aux membres supérieurs et aux membres inférieurs. Au niveau des membres supérieurs, les pulsations radiales et cubitales sont perçues et la manœuvre d’Allen est négative de façon bilatérale. Lors des manœuvres d’hyperabduction, il n’a pas été possible de reproduire la symptomatologie.
(nos soulignements)
[13] Le docteur Langelier conclut son rapport en indiquant que le travailleur est atteint d’un phénomène vasospastique de type phénomène de Raynaud secondaire à l’utilisation d’outils vibrants. De plus, le docteur Langelier écrit que le travailleur doit éviter l’utilisation d’outils vibrants ainsi que l’exposition au froid.
[14] Relativement aux séquelles permanentes que conserve le travailleur, le docteur Langelier indique :
Phénomène de Raynaud secondaire à l’utilisation des outils vibrants.
SÉQUELLES ACTUELLES :
Classe 3 à gauche
- Code 121353 (modéré) % D.A.P. 2,0 %
Classe 3 à droite
- code 121353 (modéré) % D.A.P. 2,0 %
BILATÉRALITÉ : % D.A.P. 2,0 %
[15] Finalement, le docteur Langelier ne suggère aucune autre évaluation au travailleur.
[16] D’autre part, le tribunal constate que le dossier du travailleur ne contient aucun autre document médical et, lors de l’audience, le représentant du travailleur a indiqué qu’il n’avait aucun document de cette nature à ajouter au dossier du travailleur.
[17] Sur le plan administratif, la CSST a rejeté, le 22 mars 2006, la réclamation du travailleur au motif que le syndrome du défilé thoracique, dont il allègue être atteint, ne constituait pas une maladie professionnelle, ni un accident du travail.
[18] À la suite d’une révision administrative, la CSST a confirmé, le 11 mai 2006, sa décision initiale du 22 mars 2006, d’où le présent litige devant le tribunal.
[19] En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles constate que le dossier du travailleur ne contient aucune attestation médicale ou autres documents médicaux, sur lesquels un médecin pose formellement un diagnostic de syndrome du défilé thoracique.
[20] En effet, bien que le docteur Langelier fasse état, dans son rapport d’évaluation médicale du 19 janvier 2006, que le travailleur lui décrit des symptômes compatibles avec un syndrome du défilé thoracique, le tribunal constate que, lors de son examen clinique, le docteur Langelier indique, notamment, que lors des manœuvres d’hyperabduction, qu’il lui a été impossible de reproduire la symptomatologie décrite par le travailleur. Il faut donc en conclure que le docteur Langelier n’a pas pu objectiver, lors de cet examen, la présence d’un syndrome du défilé thoracique.
[21] D’ailleurs, le tribunal remarque que le docteur Langelier ne pose aucunement le diagnostic de syndrome du défilé thoracique et ne suggère pas que le travailleur soit évalué pour cette condition.
[22] Dans ces circonstances, il est pertinent de rappeler que les articles 199 et 267 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoient que :
199. Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui-ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et :
1° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou
2° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.
Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.
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1985, c. 6, a. 199.
(notre soulignement)
267. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui le rend incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion doit remettre à son employeur l'attestation médicale prévue par l'article 199 .
Si aucun employeur n'est tenu de verser un salaire à ce travailleur en vertu de l'article 60, celui-ci remet cette attestation à la Commission.
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1985, c. 6, a. 267.
[23] Dans l’affaire Beaucaire et Municipalité St-Joseph-du-Lac et CSST[2], la Commission des lésions professionnelles précisait que l’obtention d’une attestation médicale indiquant, notamment, un diagnostic, est un élément essentiel à l’analyse par la CSST d’une réclamation d’un travailleur en vue d’obtenir un bénéfice prévu à la loi. À cet effet, il est pertinent de reproduire les extraits suivants de cette décision :
[19] Le dépôt d’une attestation médicale émanant du médecin qui a charge du travailleur blessé est un élément nécessaire à la prise en considération initiale de toute demande en vue d’obtenir les avantages prévus à la loi, selon la procédure de réclamation instaurée au chapitre VIII de la loi, tout comme à la détermination subséquente des droits des parties impliquées est tributaire des autres rapports médicaux souscrits par le ou les médecins ayant pris le travailleur en charge. Plusieurs articles de la loi illustrent ce mécanisme d’application, les articles 267, 269, 199, 200, 202, 203, 204, 212 et 224 notamment :
[…]
[21] Dès l’ouverture d’un dossier à la suite du dépôt d’une réclamation, l’Attestation médicale initiale et le premier rapport du médecin traitant fournissent des informations cruciales pour les parties en cause : d’abord préciser la date à laquelle le fait accidentel allégué est survenu, ensuite identifier la nature de la lésion (c’est le diagnostic), justifier l’absence du travail et en fixer la durée, prévoir la période de consolidation de la lésion, annoncer un plan de traitement et même, si possible, faire un pronostic quant à d’éventuelles séquelles permanentes. Il ne s’agit donc pas d’une exigence de pure forme à laquelle on peut passer outre comme en matière procédurale, selon l’article 353 de la loi. Au contraire, étant donné que les droits et recours dont tous les intéressés pourront se prévaloir conformément à la loi dépendent largement des informations médicales livrées dès le début du dossier, les documents médicaux d’ouverture représentent une condition de fond substantielle et indispensable à l’exercice du droit de réclamer.
[24] Ce raisonnement du tribunal a d’ailleurs été repris dans l’affaire St-Martin et Métro Grenier et CSST[3] où l’on peut lire que :
[20] Le tribunal estime que la CSST est justifiée de refuser de statuer en regard de la réclamation déposée par madame St-Martin le 1er décembre 2004 puisqu'en l'absence de l'attestation médicale prévue par l'article 199, elle ne dispose pas de l'élément essentiel à la prise en considération de sa demande, à savoir le diagnostic de la lésion professionnelle alléguée.
[21] Le tribunal est d'avis que les termes utilisés par le législateur à l'article 267 sont sans équivoque et imposent l'obligation de déposer l'attestation médicale prévue par l'article 199 sur laquelle le médecin doit émettre son opinion en regard du diagnostic.
[…]
[23] La réclamation déposée par madame St-Martin le 1er décembre 2004 est donc irrecevable pour ce motif.
(notre soulignement)
[25] En l’espèce, le tribunal est d’avis que, compte tenu qu’aucun médecin n’a formellement posé un diagnostic de syndrome du défilé thoracique, et qu’au surplus aucune attestation médicale pour la CSST n’a été complétée, la réclamation du travailleur doit donc être déclarée irrecevable.
[26] D’ailleurs, le tribunal constate que la preuve dans le présent dossier ne révèle aucunement que le travailleur a eu des soins, des examens ou un suivi médical quelconque pour traiter ou évaluer une lésion de type « défilé thoracique ».
[27] Dans ce contexte, le tribunal s’explique mal que la CSST se soit prononcée, en l’absence de diagnostic, sur l’admissibilité de la réclamation déposée par le travailleur, et ce, sur la seule base de symptômes décrits par ce dernier à un médecin chargé d’évaluer les séquelles permanentes découlant d’une autre lésion professionnelle.
[28] Par conséquent, le tribunal est d’avis qu’il n’y avait pas lieu, pour la CSST, d’analyser le bien-fondé ou non de la réclamation déposée par le travailleur le 25 janvier 2006 ni de rendre une décision à cet effet.
[29] Compte tenu que l’article 377 de la loi permet à la Commission des lésions professionnelles de rendre la décision qui aurait dû être rendue par la CSST, le tribunal déclare donc irrecevable la réclamation déposée par le travailleur le 25 janvier 2006.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Raymond Bérubé, le travailleur;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 11 mai 2006 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la réclamation déposée à la Commission de la santé et de la sécurité du travail par le travailleur, le 25 janvier 2006, est irrecevable.
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Jean Grégoire |
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M. Daniel Bradette |
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CSN |
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Représentant de la partie requérante |
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