Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Produits de nos grand-mères ND inc. et Gaillardetz

2013 QCCLP 1869

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

20 mars 2013

 

Région :

Mauricie-Centre-du-Québec

 

Dossiers :

354995-04-0808      356158-04-0808      369662-04-0902

370340-04-0902      379434-04-0905

 

Dossier CSST :

132306234

 

Commissaire :

Sophie Sénéchal, juge administratif

 

Membres :

Guy-Paul Hardy, associations d’employeurs

 

Jean-Pierre Périgny, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

354995, 369662     

356158, 370340, 379434

 

 

Produits de nos Grand-Mères ND inc.

Yvon Gaillardetz

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

et

 

 

Yvon Gaillardetz

Produits de nos Grand-Mères ND inc.

Partie intéressée

Partie intéressée

 

 

et

et

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

Partie intervenante

Partie intervenante

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 3 décembre 2009, monsieur Yvon Gaillardetz (le travailleur) dépose une requête en révision à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles du 16 octobre 2009.

[2]           Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles tranche cinq requêtes déposées par Produits de nos Grand-Mères ND inc. (l’employeur) et le travailleur (dossiers 354995-04-0808, 356158-04-0808, 369662-04-0902, 370340-04-0902 et 379434-04-0905).

Dossiers 354995-04-0808 et 356158-04-0808

[3]           La Commission des lésions professionnelles rejette les requêtes de l’employeur et du travailleur, confirme la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) du 17 juillet 2008, déclare que le diagnostic de la lésion professionnelle du 1er octobre 2007 est une entorse lombaire, déclare que la dégénérescence discale lombaire étagée n’est pas en lien avec cet événement et déclare que la lésion professionnelle n’est pas consolidée en date de l’avis rendu par le membre du Bureau d’évaluation médicale (docteur Denis Laflamme) le 25 juin 2008 et que les traitements sont toujours requis.

Dossiers 369662-04-0902 et 370340-04-0902

[4]           La Commission des lésions professionnelles rejette les requêtes de l’employeur et du travailleur, confirme la décision de la CSST du 14 janvier 2009, rendue à la suite d’une révision administrative, déclare que la lésion professionnelle est consolidée le 25 novembre 2008, sans la nécessité de traitements ou de soins après cette date, déclare que la lésion professionnelle entraîne une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, telles que décrites par le membre du Bureau d’évaluation médicale (docteur Jean-Pierre Dalcourt) dans son avis du 1er décembre 2008 et déclare que le travailleur a droit à la réadaptation.

Dossier 379434-04-0905

[5]           La Commission des lésions professionnelles rejette la requête du travailleur, confirme la décision de la CSST du 19 mai 2009, rendue à la suite d’une révision administrative, et déclare que le travailleur n’a pas subi le 21 janvier 2009 de récidive, rechute ou aggravation.

[6]           À l’audience tenue le 13 mars 2013 à Trois-Rivières, le travailleur est présent. L’employeur est présent et représenté. La CSST, dûment intervenue, est absente.

[7]           Le dossier est mis en délibéré à compter du 13 mars 2013.

 

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[8]           Le travailleur demande au tribunal de réviser la décision de la Commission des lésions professionnelles du 16 octobre 2009. Cette décision serait entachée de vices de fond de nature à l’invalider.

L’AVIS DES MEMBRES

[9]           Le membre issu des associations d’employeurs et celui issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête en révision du travailleur.

[10]        La décision de la Commission des lésions professionnelles du 16 octobre 2009 n’est pas entachée de vices de fond de nature à l’invalider. Les différents arguments soulevés par le travailleur traduisent son désaccord avec les conclusions du premier juge administratif, notamment en ce qui a trait au diagnostic  retenu (entorse lombaire). Ce désaccord ne peut donner ouverture à une révision.  Le travailleur ne démontre en rien que la décision du premier juge administratif est entachée d’une erreur justifiant une révision. Par ses différents arguments, le travailleur demande ni plus ni moins une nouvelle appréciation de la preuve, espérant ainsi des conclusions différentes. Le recours en révision ne peut servir à cette fin. Il ne s’agit pas d’une procédure d’appel sur la base des mêmes faits.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[11]        Le tribunal doit déterminer s’il y a lieu de réviser la décision de la Commission des lésions professionnelles du 16 octobre 2009.

[12]        L’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit ce qui suit :

429.49.  Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

[notre soulignement]

[13]        Le législateur a donc prévu qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et que toute personne visée doit s’y conformer sans délai.

[14]        Ceci étant, le législateur a prévu la possibilité de réviser ou révoquer une telle décision selon des motifs particuliers, lesquels sont précisés à l’article 429.56 de la loi:

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[15]        Pour concilier le caractère final et sans appel des décisions de la Commission des lésions professionnelles et ce recours en révision ou révocation, l’on comprend que ce dernier s’avère exceptionnel. Les motifs pouvant le justifier sont d’ailleurs très précis et restreints.

[16]       Dans la cause sous étude, les différents arguments soulevés par le travailleur nous orientent principalement vers la notion de vice de fond de nature à invalider une décision, telle que précisée au troisième paragraphe de l’article 429.56 de la loi.

[17]       Dans l’affaire Produits Forestiers Donohue inc. et Villeneuve[2], la Commission des lésions professionnelles indique que le vice de fond réfère à l’erreur manifeste de droit ou de fait ayant un effet déterminant sur l’issue de la contestation. Cette façon d’interpréter la notion de vice de fond de nature à invalider une décision a été reprise de façon constante et elle est toujours d’actualité.

[18]       Dans sa décision CSST et Fontaine[3], la Cour d’appel du Québec se penche notamment sur cette notion de vice de fond de nature à invalider une décision de la Commission des lésions professionnelles. La Cour d’appel ne remet pas en question le critère de vice de fond, tel qu’interprété par la Commission des lésions professionnelles. Elle invite plutôt à la prudence dans son application.

[19]       La Cour d’appel insiste également sur le fait que le recours en révision, pour vice de fond de nature à invalider une décision, ne doit pas être l’occasion de procéder à une nouvelle appréciation de la preuve afin de substituer son opinion à celle du premier juge administratif.

[20]       Ce ne peut être non plus l’occasion de compléter ou bonifier la preuve ni d’ajouter de nouveaux arguments[4].

[21]       Seule une erreur grave, évidente et déterminante peut amener une intervention à l’égard de la décision du premier juge administratif[5].

[22]       C’est en ayant à l’esprit ces principes de droit que le tribunal entend procéder à l’analyse des motifs mis de l’avant par le travailleur pour faire réviser la décision de la Commission des lésions professionnelles du 16 octobre 2009.

[23]       Il convient de revenir sur les faits de la présente affaire. Cet exercice ne vise pas à reprendre l’ensemble de la preuve soumise, mais bien de s’attarder à certains faits permettant de saisir le contexte dans lequel est déposée la requête du travailleur et d’évaluer le bien-fondé des motifs avancés à son soutien.

[24]        L’employeur se spécialise dans la fabrication de produits alimentaires.

[25]        À l’époque pertinente, le travailleur occupe un poste de journalier de production (maintenance) à l’établissement de l’employeur.

[26]        Le 1er octobre 2007, en transférant un moteur électrique d’une palette de bois à sa base, il ressent une douleur lombaire.

[27]        Le 14 octobre 2007, la docteure Christine Jacques pose un diagnostic de lombalgie mécanique avec sciatalgie.

[28]        Par la suite, le travailleur consulte les docteurs Michèle Cormier et Pierre Boily, lesquels posent un diagnostic d’entorse lombaire.

[29]        Le 22 novembre 2007, la CSST rend une décision par laquelle elle reconnaît l’existence d’une lésion professionnelle le 1er octobre 2007, soit une entorse lombaire.

[30]        Le 30 novembre 2007, le travailleur revoit la docteure Jacques, laquelle parle d’une lombalgie et d’une entorse lombaire L4-L5 avec sciatalgie.

[31]        Le 6 décembre 2007, à la demande du docteur Boily, le travailleur passe une radiographie de la colonne lombosacrée. Le radiologiste observe un léger pincement de la portion postérieure de l’espace intervertébrale L4-L5 avec très légère ostéophytose antérieure à tous les niveaux.

[32]        Le même jour, le travailleur passe une résonance magnétique. Le radiologiste indique ce qui suit :

CONCLUSION :

 

Modifications dégénératives prédominant aux trois derniers niveaux dont L4-L5 et L5-S1 présentent de petites anomalies focales gauches telles que décrites. Elle est un peu plus marquée en L4-L5, en contact et associée à un léger refoulement de la racine émergente L5 gauche.

 

 

[33]        Le travailleur revoit le docteur Boily, lequel retient les diagnostics d’entorse lombaire et de hernie discale L4-L5 et L5-S1.

[34]        Le 4 janvier 2008, le travailleur consulte la docteure Marie-Claude Pinard, laquelle pose un diagnostic de lombalgie mécanique. Il s’agit du diagnostic également retenu par le docteur Boily le 11 janvier 2008.

[35]        À compter du 1er février 2008, le docteur Boily réfère davantage à un diagnostic de hernie discale L4-L5 et L5-S1. Il dirige le travailleur en neurochirurgie, vers le docteur Alain Bilocq.

[36]        Entre-temps, le 3 avril 2008, le travailleur est examiné par le docteur Paul-O. Nadeau, orthopédiste, à la demande de son employeur.

[37]        L’examen clinique du docteur Nadeau ne révèle aucune évidence de déficit sensitif ou moteur. Il n’observe aucun changement de réflexe, d’atrophie musculaire ou de faiblesse.

[38]        Il pose un diagnostic d’entorse lombaire sur dégénérescence discale d’ordre personnel. Il consolide la lésion professionnelle le 3 avril 2008, sans la nécessité de traitements additionnels. Il ne détermine aucun déficit anatomo-physiologique, ni limitations fonctionnelles.

[39]        Le 18 avril 2008, le travailleur revoit le docteur Boily. Il qualifie la condition du travailleur de « stationnaire ». Il pose un diagnostic de lombosciatalgie gauche. Le travailleur est toujours en attente d’une consultation avec le docteur Bilocq.

[40]        Par ailleurs, le docteur Boily demande un électromyogramme, lequel a lieu le 7 mai 2008. Le docteur Charles Guitté, neurologue, conclut que son étude électromyographique est dans les limites de la normale. Il n’y a pas d’évidence de radiculopathie lombosacrée active du côté gauche.

[41]        Le dossier du travailleur est donc acheminé au Bureau d’évaluation médicale sur les questions du diagnostic, de la date de consolidation et de la nécessité des traitements.

[42]        Le 2 juin 2008, il est examiné par le docteur Denis Laflamme, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale.

[43]        L’examen neurologique des membres inférieurs s’avère strictement dans les limites de la normale. Le docteur Laflamme constate toutefois que le travailleur demeure symptomatique avec une limitation douloureuse des mouvements de la colonne lombaire.

[44]        Il retient un diagnostic d’entorse lombaire sur dégénérescence discale. Cette lésion n’est pas encore consolidée au moment de son examen. Il suggère des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie.

[45]        Le 7 juillet 2008, la CSST rend une décision à la suite de cet avis du membre du Bureau d’évaluation médicale. L’employeur et le travailleur demandent la révision de cette décision.

[46]        Le 17 juillet 2008, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative. Elle confirme sa décision initiale du 7 juillet 2008.

[47]        L’employeur et le travailleur déposent une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre de cette décision (dossiers 354995-04-0808 et 356158-04-0808).

[48]        Le travailleur revoit le docteur Boily à quelques reprises, lequel maintient le diagnostic de hernie discale et reprend celui de lombalgie mécanique. Il précise que le travailleur est toujours en attente d’une consultation avec le docteur Bilocq.

[49]        Le 24 septembre 2008, à la demande de l’employeur, le travailleur est examiné par le docteur Charles Gravel, orthopédiste.

[50]        Les examens subjectifs et objectifs sont discordants, selon le docteur Gravel.

[51]        Considérant un diagnostic d’entorse lombaire, il est d’avis que cette lésion est consolidée depuis le 5 novembre 2007. Cette lésion ne nécessite aucun traitement additionnel. Il ne détermine aucun déficit anatomo-physiologique, ni limitations fonctionnelles. Le docteur Gravel est d’avis que le travailleur souffre d’une discopathie dégénérative multiétagée.

[52]        Le 22 octobre 2008, le travailleur revoit le docteur Boily, lequel maintient le diagnostic de hernie discale sur discopathie. Le travailleur est toujours en attente d’une consultation avec le docteur Bilocq.

[53]        Le dossier est acheminé de nouveau du Bureau d’évaluation médicale sur les questions de la date de consolidation, de la nécessité des traitements, de l’atteinte permanente à l'intégrité physique et des limitations fonctionnelles.

[54]        Le 25 novembre 2008, le travailleur est examiné par le docteur Jean-Pierre Dalcourt, membre du Bureau d’évaluation médicale.

[55]        Le docteur Dalcourt tient pour acquis le diagnostic d’entorse lombaire sur une dégénérescence discale lombaire multiétagée préexistante, sans lien avec l’événement du 1er octobre 2007.

[56]        Il est d’avis que cette entorse lombaire est consolidée le jour de son examen, sans la nécessité de traitements additionnels.

[57]        Il détermine un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour une entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées, avec ou sans changement radiologique et les limitations fonctionnelles suivantes :

Compte tenu du diagnostic retenu

Compte tenu de mon évaluation de ce jour, monsieur devra éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente, des activités qui impliquent :

 

-      Soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 15 à 25 kilos,

-      Travailler en position accroupie

-      Ramper, grimper,

-      Effectuer des mouvements avec amplitude extrême de flexion, extension, torsion de la colonne lombaire,

-      Subir des vibrations de basses fréquences ou contrecoups à la colonne lombaire.

[58]        Le 11 décembre 2008, la CSST rend une décision à la suite de cet avis du membre du Bureau d’évaluation médicale. L’employeur et le travailleur demandent la révision de cette décision.

[59]        Le 18 décembre 2008, la CSST statue sur le droit à la réadaptation du travailleur. L’employeur demande la révision de cette décision.

[60]        Le 14 janvier 2009, la CSST rend une décision par laquelle elle établit l’atteinte permanente à l'intégrité physique à 2,20 %, en relation avec la lésion professionnelle du 1er octobre 2007.

[61]        Le même jour, elle rend une décision à la suite d’une révision administrative. Elle confirme ses conclusions émises à la suite de l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale et le droit à la réadaptation du travailleur.

[62]        L’employeur et le travailleur déposent une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre de cette décision (dossiers 369662-04-0902 et 370340-04-0902).

[63]        Entre-temps, avec la collaboration du travailleur et de l’employeur, la CSST entreprend, dès l’automne 2008, un processus de réadaptation professionnelle. Après différentes discussions et vérifications, l’on identifie un emploi convenable disponible chez l’employeur.

[64]        C’est ainsi que le 22 janvier 2009, la CSST rend une décision par laquelle elle détermine que le travailleur a la capacité d’exercer l’emploi convenable de journalier avec des tâches spécifiques à compter du 22 janvier 2009, pour un revenu annuel brut de 24 692,16 $.

[65]        Le même jour, le travailleur consulte la docteure Elizabeth Germain, laquelle pose un diagnostic de hernie discale sur discopathie dégénérative. Elle mentionne une impossibilité de retour au travail pour le travailleur et suggère une consultation en neurochirurgie.

[66]        Le 12 février 2009, le travailleur revoit le docteur Boily, lequel parle d’une hernie discale avec rechute et aggravation. Le travailleur doit rencontrer le docteur Bilocq le 13 mars 2009.

[67]        À cette date, le docteur Bilocq examine le travailleur. À la suite de son examen, il indique ce qui suit :

Impression :

 

Lombalgie mécanique sur discopathie lombaire. Présence de deux hernies discales L4-L5, L5-S1 gauches sans répercussion à l’examen clinique ou à l’électrophysiologie.

 

            Recommandation :

 

La chirurgie ne fera qu’augmenter la lombalgie. Je lui suggère des blocs facettaires L4-L5, L5-S1 bilatéraux. Je lui explique qu’une discopathie lombaire évolue sur cinq à dix ans et finalement la lombalgie finie par s’améliorer. Je tente de diminuer les symptômes entre temps avec les blocs facettaires. Éventuellement, une co-analgésie pourrait être considérée.

 

 

[68]        Le 26 mars 2009, le travailleur revoit le docteur Boily, lequel retient un diagnostic de lombalgie mécanique (hernie discale) sur discopathie. Il s’agit, selon lui, d’une récidive, rechute ou aggravation du 22 janvier 2009. Il dirige le travailleur en anesthésiologie pour des blocs facettaires L4-L5 et L5-S1.

[69]        Entre-temps, le 19 février 2009, la CSST rend une décision par laquelle elle refuse de reconnaître l’existence d’une récidive, rechute ou aggravation à compter du 21 janvier 2009. Le travailleur demande la révision de cette décision.

[70]        Le 19 mai 2009, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative. Elle maintient son refus de reconnaître l’existence d’une récidive, rechute ou aggravation.

[71]        Le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre de cette décision (dossier 379434-04-0905).

[72]        Une audience a lieu devant la Commission des lésions professionnelles le 20 août 2009 pour trancher les différentes requêtes soumises par les parties (dossiers 354995-04-0808, 356158-04-0808, 369662-04-0902, 370340-04-0902 et 379434-04-0905).

[73]        Assistent à cette audience le travailleur, l’employeur et leurs procureurs respectifs.

[74]        La Commission des lésions professionnelles entend le témoignage du travailleur et reçoit le dépôt de documents médicaux, dont un rapport de consultation du docteur Bilocq du 12 juin 2009, les notes de consultation du 22 janvier 2009 ainsi que le rapport de consultation du 13 mars 2009 avec le docteur Bilocq.

[75]        Le 16 octobre 2009, la Commission des lésions professionnelles rend sa décision. Elle déclare principalement que le diagnostic de la lésion professionnelle du 1er octobre 2007 est celui d’entorse lombaire et précise que la dégénérescence discale lombaire étagée n’est pas en lien avec cet événement. L’entorse lombaire est consolidée le 25 novembre 2008, sans la nécessité de traitements additionnels. La Commission des lésions professionnelles reconnaît l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, lesquelles donnent droit à la réadaptation. Elle déclare également que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 21 janvier 2009.

[76]        Le travailleur dépose une requête en révision à l’encontre de cette décision du 16 octobre 2009.

[77]        Il exprime principalement son désaccord avec le diagnostic retenu par le premier juge administratif. Selon le travailleur, le diagnostic devant être retenu est celui de lombalgie mécanique et non celui d’entorse lombaire. Il commente plusieurs aspects de la preuve médicale. Il reproche notamment au premier juge administratif d’avoir écarté les avis des docteurs Jacques, Pinard ou Boily. Le premier juge administratif n’aurait pas suffisamment considérer l’opinion du docteur Bilocq.

[78]        Il reproche également au premier juge administratif d’avoir considéré l’existence d’une condition personnelle dégénérative lombaire. Il soumet qu’il s’agit d’une interprétation erronée de la preuve médicale.

[79]        Il déplore aussi que la CSST refuse de lui offrir une réadaptation professionnelle alors que le premier juge administratif conclut qu’il a droit à cette réadaptation.

[80]        Dans sa requête, le travailleur fait brièvement allusion à la notion de fait nouveau.

[81]        À ce sujet, il réfère à une consultation médicale du 25 novembre 2009 avec le docteur Bilocq. Il fournit le rapport médical dans lequel le docteur Bilocq parle de lombalgie sur discopathie lombaire multiétagée.

[82]        Il annexe à sa requête différents documents déjà au dossier et il ajoute une copie du rapport médical du 25 novembre 2009 du docteur Bilocq.

[83]        À l’audience de la présente requête, le travailleur revient sur les différents motifs de sa requête.

[84]        Pour sa part, la procureure de l’employeur rappelle les principes encadrant le recours en révision. Elle soumet que les différents arguments soulevés par le travailleur ne peuvent constituer des motifs de révision. La décision rendue par la Commission des lésions professionnelles ne comporte aucun vice de fond permettant de l’invalider.

[85]        Avec respect, le tribunal ne peut faire droit à la requête en révision du travailleur. Les motifs invoqués ne peuvent justifier une révision de la décision du 16 octobre 2009. Cette décision de la Commission des lésions professionnelles n’est pas entachée de vices de fond de nature à l’invalider.

[86]        D’abord, aux paragraphes 11 à 14 de sa décision du 16 octobre 2009, le premier juge administratif précise l’objet des contestations qu’il doit trancher :

L’OBJET DES CONTESTATIONS

 

[11]      L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la lésion professionnelle, soit l’entorse lombaire, est consolidée le 5 avril 2008, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. En conséquence, il demande au tribunal de reconnaître que le travailleur n’a pas droit à la réadaptation.

 

[12]      L’employeur demande également au tribunal de déclarer que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation.

 

[13]      Quant au travailleur, il demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que le diagnostic de la lésion professionnelle est celui de hernie discale. Si le tribunal en venait à la conclusion que le diagnostic de hernie discale ne doit pas être retenu, le travailleur demande de reconnaître que le diagnostic est davantage une lombalgie mécanique qu’une entorse lombaire.

 

[14]      Le travailleur demande également au tribunal de déclarer que la lésion professionnelle n’est pas consolidée, et qu’en conséquence, il est trop tôt pour en évaluer les séquelles permanentes. Si le tribunal en venait à la conclusion que la lésion professionnelle est consolidée, le travailleur demande de reconnaître qu’il a subi le 21 janvier 2009, une récidive, rechute ou aggravation.

 

[nos soulignements]

 

 

[87]        On constate ainsi que la question du diagnostic fait l’objet d’un débat contradictoire entre les parties. L’employeur soutient le diagnostic d’entorse lombaire alors que le travailleur soutient principalement celui de hernie discale et subsidiairement, celui de lombalgie mécanique.

[88]        Ce débat contradictoire commande donc une analyse de la preuve médicale de la part du premier juge administratif.

 

[89]        Aux paragraphes 15 à 123, ce dernier rapporte de façon détaillée la preuve soumise à son attention. Il décrit notamment le suivi médical assuré par les docteurs Jacques, Boily, Pinard ou Bilocq. Il réfère également aux opinions des docteurs Nadeau, Laflamme, Gravel et Dalcourt.

[90]        Aux paragraphes 142 à 192, le premier juge administratif livre son analyse de cette preuve et expose sa motivation quant aux différentes questions qu’il doit trancher.

[91]        En ce qui a trait au diagnostic, sujet avec lequel le travailleur exprime clairement son désaccord dans sa requête en révision, le premier juge administratif indique de qui suit:

Le diagnostic

 

[146]    En l’espèce, il n’est pas remis en question que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 1er octobre 2007. En effet, la décision rendue par la CSST le 22 novembre 2007, laquelle reconnaît une lésion professionnelle, n’a pas été contestée.

 

[147]    Toutefois, tous les aspects médicaux de cette lésion professionnelle ont été contestés. Il convient donc en premier lieu de décider du diagnostic en lien avec cette lésion professionnelle du 1er octobre 2007.

 

[148]    Le travailleur prétend que le diagnostic de hernie discale doit être retenu en lien avec l’événement. Pour les motifs ci-après exposés, le tribunal est d’avis qu’on ne peut retenir ce diagnostic.

 

[149]    La jurisprudence de ce tribunal3 nous enseigne que pour conclure à un diagnostic de hernie discale, il ne suffit pas qu’elle soit démontrée à l’imagerie médicale. En effet, la hernie discale démontrée radiologiquement doit être corroborée par l’examen clinique, c’est-à-dire que l’examen clinique objectif doit révéler des signes neurologiques constants et compatibles avec l’image radiologique.

 

[150]    Or, ce n’est pas le cas en l’espèce. Le travailleur a été examiné par plusieurs médecins, dont des spécialistes. Aucun de ces médecins ne décrit à l’examen clinique des signes neurologiques compatibles avec un diagnostic de hernie discale L4-L5, L5-S1.

 

[151]    L’analyse des résultats des examens objectifs pratiqués par les docteurs Nadeau, Laflamme, Gravel et Dalcourt mène le tribunal à la conclusion que l’examen neurologique se situe dans les limites de la normale et ne peut donc pas soutenir la reconnaissance d’un diagnostic de hernie discale.

 

[152]    Même le docteur Bilocq, neurochirurgien, consulté par le travailleur sur référence de son médecin traitant, décrit un examen neurologique normal et précise que les hernies discales ne démontrent pas, à la résonance magnétique, de compression majeure.

 

[153]    Aussi, le physiothérapeute et l’ergothérapeute qui ont traité le travailleur rapportent un examen neurologique normal.

 

[154]    Enfin, l’examen par électromyogramme s’est avéré normal.

[155]    Le docteur Boily retient, après avoir obtenu les résultats de la résonance magnétique, le diagnostic de hernie discale. Toutefois, la preuve ne démontre pas qu’il a constaté, lors d’examens cliniques objectifs, des signes neurologiques compatibles et constants permettant de retenir, comme il le fait, le diagnostic de hernie discale. La seule mention par le docteur Boily de paresthésies, sans plus de description, est insuffisante pour soutenir le diagnostic de hernie discale.

 

[156]    Ainsi, en présence de hernies discales qui ne sont que radiologiques et qui ne sont pas corroborées par les examens cliniques, le tribunal ne peut retenir en lien avec l’événement du 1er octobre 2007 le diagnostic de hernie discale.

 

[157]    Conformément à la preuve médicale prépondérante, le tribunal juge que seul le diagnostic d’entorse lombaire doit être retenu en lien avec cet événement.

 

[158]    En effet, le geste, tel que décrit par le travailleur, peut avoir mené à la survenance d’une entorse lombaire. Monsieur Gaillardetz décrit avoir soulevé une charge importante, alors qu’il est en position fléchie. Bien que ce geste ne soit pas d’une violence extraordinaire ni d’une amplitude extrême, il est susceptible de causer une lésion à la région lombaire, laquelle est ici sollicitée par le geste décrit. Aussi, le tribunal tient compte du fait que le travailleur est porteur d’une condition de dégénérescence lombaire préexistante qui a pu rendre le travailleur plus fragile à ce niveau.

 

[159]    Le tribunal tient cependant à dire qu’il est toutefois d’avis que cette condition préexistante de discopathie est une condition de nature personnelle qui n’a pas été causée par l’événement. Rien dans la preuve ne permet de conclure autrement.

 

[160]    En l’espèce, on retrouve aussi dans les rapports médicaux émis par les médecins du travailleur la mention de lombalgie mécanique. Cette condition est décrite dans l’extrait de littérature déposé par l’employeur (E-1). On y retrouve une liste des critères diagnostiques, lesquels sont reproduits plus haut dans la présente décision. Le travailleur a décrit l’ensemble de ces symptômes comme faisant partie de ses malaises.   Ainsi, pour son procureur, le diagnostic de lombalgie mécanique correspond mieux à sa condition.  

 

[161]    Le tribunal constate, à l’instar du procureur du travailleur, que les critères diagnostiques de la lombalgie mécanique énumérés ci-haut ont en effet été décrits par monsieur Gaillardetz. Pour le tribunal, il s’agit là de symptômes, qui se manifestent principalement sous forme de douleurs. Ce faisant, la référence à une lombalgie mécanique semble davantage décrire une douleur, plus qu’un réel diagnostic.

 

[162]    De l’avis du tribunal, bien que l’on constate chez le travailleur la présence de ces symptômes, le diagnostic d’entorse lombaire demeure plus indiqué.­­­­­ Il décrit en effet une lésion traumatique survenue à la suite d’un geste compatible, tel que décrit par le travailleur.

 

[163]    Par ailleurs, toujours selon l’extrait de littérature E-1, l’affectation ligamentaire qui devrait être associée à une entorse lombaire, est rarement identifiable, de sorte que certaines autorités ont proposé une acceptation élargie du terme entorse lombaire. Le tribunal estime que cette acceptation élargie s’applique en l’espèce et il convient de retenir ce diagnostic en lien avec l’événement, même si une atteinte ligamentaire n’a pas pu être identifiée de façon précise. Ce qui n’empêche pas que le travailleur puisse présenter les symptômes douloureux décrits sous le vocable de lombalgie mécanique.

 

[164]    De plus, selon la jurisprudence de ce tribunal, un mouvement qui sollicite la colonne lombaire de façon contraignante et qui provoque une douleur immédiate, est compatible avec un diagnostic d’entorse lombaire.

 

[165]    Pour toutes ces raisons, le tribunal retient donc, en lien avec l’événement du 1er octobre 2007, le diagnostic d’entorse lombaire.

 

__________________

3          Mongrain et CLSC La Petite patrie, 126636-63-9911, 4 juin 2001, M. Gauthier; Saint-Martin et Société des alcools, 174611-04B-0112, 11 juin 2004, D. Lajoie; Lauzière et Équipements Laplante et Lévesque, 271861-04B-0509, 19 mai 2006, D. Lajoie; Samuel et Briquelage Marius Dufresne, C.L.P. 224309-01B-0312, 23 juin 2004, L. Desbois; Lapointe et Solamco inc., C.L.P. 241328-04-0408, 20 décembre 2004, D. Lajoie; Les Carrelages Centre du Québec et Thibodeau, C.L.P. 230800-04-0403, 28 janvier 2005, J.-F. Clément; Bérubé et Moulins LPM inc., C.L.P. 232110-61-0404, 20 avril 2005, G. Morin; Joubert et E.F. Lavallée inc., C.L.P. 166814-64-0108, 16 mai 2005, M. Montplaisir; Malette International inc. et Schwarz, C.L.P. 224240-62A-0312, 7 novembre 2005, H. Rivard.

 

[nos soulignements]

 

 

[92]        Le premier juge administratif écarte d’abord le diagnostic de hernie discale et il s’en explique (paragraphes 148 à 156). Par la suite, son analyse détaillée de la preuve l’amène à retenir le diagnostic d’entorse lombaire plutôt que celui de lombalgie mécanique. Le premier juge administratif motive ce choix (paragraphes 157 à 165).

[93]        Dans sa motivation, le premier juge administratif tient compte de l’existence d’une condition personnelle de dégénérescence lombaire (paragraphes 158-159). Ce constat n’est pas le résultat d’une analyse arbitraire ou capricieuse de la preuve. Cette notion de condition personnelle est bien présente dans la preuve médicale que le premier juge administratif doit analyser. Il y a le résultat des examens paracliniques de même que les avis des docteurs Nadeau, Laflamme, Gravel ou Dalcourt.

[94]        Ceci étant, le tribunal constate que le travailleur semble avoir une appréciation de cette preuve bien différente de celle du premier juge administratif. Ce différend quant à l’appréciation de la preuve ne peut constituer un motif permettant une intervention. Il ne démontre en rien que le premier juge administratif aurait commis une erreur pouvant justifier une révision.

[95]        La décision du 16 octobre 2009 respecte les enseignements d’analyse, de motivation, d’intelligibilité et de rationalité. Elle n’est entachée d’aucune erreur pouvant être qualifiée de grave, évidente et déterminante sur l’issue des contestations qu’il devait trancher et particulièrement en ce qui concerne la question du diagnostic.

[96]        Les différents arguments développés par le travailleur ne visent qu’à obtenir une nouvelle appréciation, sur la base des mêmes faits.

[97]        Comme l’indique clairement la Cour d’appel dans l’affaire précitée CSST c. Fontaine[6], il appartient d’abord au premier juge administratif d’interpréter la loi et la preuve soumise. C’est son interprétation qui, toutes choses étant par ailleurs égales, doit prévaloir. Il ne saurait s’agir pour le tribunal agissant au stade du recours en révision ou révocation de substituer à l’opinion ou l’interprétation des faits ou du droit du premier juge administratif une seconde opinion ni plus ni moins défendable que la première[7].

[98]        Il en va de même quant à l’analyse du premier juge administratif concernant la date de consolidation et la nécessité des traitements (paragraphes 166 à 174), l’atteinte permanente à l'intégrité physique, les limitations fonctionnelles et le droit à la réadaptation (paragraphes 175 à 179) et quant à la récidive, rechute ou aggravation alléguée du 21 janvier 2009 (paragraphes 180 à 192).

[99]        En ce qui a trait au droit à la réadaptation, le travailleur affirme que malgré la décision du premier juge administratif lui octroyant ce droit, la CSST lui en a refusé l’exercice.

[100]     Bien que ceci ne puisse constituer un motif de révision de la décision du 16 octobre 2009, le tribunal croit utile de remettre en contexte cette affirmation du travailleur.

[101]     Il est vrai qu’au paragraphe 179, le premier juge administratif indique :

[179]    Enfin, conformément à l’article 145 de la loi, en présence de séquelles permanentes, il faut reconnaître au travailleur le droit à la réadaptation

 

 

[102]     Il faut comprendre que le premier juge administratif, en plus de la question du diagnostic et des autres sujets médicaux, devait également trancher cette question du droit à la réadaptation (dossier 369662-04-0902).

[103]     Il s’agit du droit à la réadaptation octroyé au travailleur à l’automne 2008, à la suite de l’avis du membre du Bureau d'évaluation médicale. D’ailleurs, en date du 18 décembre 2008, la CSST rend une décision par laquelle elle statue sur ce droit à la réadaptation du travailleur. C’est cette décision qui a été contestée jusque devant le premier juge administratif.

[104]     Une analyse du dossier permet de constater qu’à partir de l’automne 2008, la CSST, en collaboration avec le travailleur et son employeur, met donc en branle un processus de réadaptation professionnelle.

[105]     Un tel processus se déroule jusqu’en janvier 2009. Le 22 janvier 2009, la CSST rend une décision statuant sur la capacité du travailleur d’exercer un emploi convenable de journalier avec des tâches spécifiques à compter du 22 janvier 2009. À cette date, le travailleur allègue une récidive, rechute ou aggravation.

[106]     Par sa décision du 16 octobre 2009, le premier juge administratif confirme ce droit à la réadaptation professionnelle du travailleur mis en branle à l’automne 2008 et concrétisé par la décision du 22 janvier 2009 sur l’emploi convenable.

[107]     La décision du premier juge administratif n’a donc pas pour effet d’octroyer au travailleur un nouveau processus de réadaptation professionnelle après le 22 janvier 2009.

[108]     Surtout que dans la poursuite de son analyse, le premier juge administratif en vient à la conclusion qu’il n’y a pas de récidive, rechute ou aggravation à compter du 21 janvier 2009.

[109]     Et sur cette question de la récidive, rechute ou aggravation alléguée, le tribunal ne peut davantage conclure à la présence de vices de fond de nature à invalider la décision du 16 octobre 2009.

[110]     Aux paragraphes 184 à 192, une fois le cadre légal établi, le premier juge administratif expose les motifs suivants:

[184]    Ces principes étant établis, qu’en est-il en l’espèce?

 

[185]    Dans le présent dossier, la preuve médicale démontre que la condition du travailleur perdure même après la consolidation. Dans la note de consultation médicale du 22 janvier 2009, moment de la rechute alléguée, on décrit sensiblement la même situation que celle qui prévaut au moment de la consolidation de la lésion, à savoir une mobilité réduite et douloureuse, avec engourdissement au niveau de la fesse. L’examen neurologique est normal, à part un Lasègue et un tripode positifs à droite.

 

[186]    Dans son témoignage, le travailleur décrit aussi une condition semblable. Le tribunal reconnaît en l’espèce que la lésion initiale entraîne pour le travailleur une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles qui ne semblent toutefois pas être augmentées ou aggravées le 21 janvier 2009.

 

 

 

[187]    Le docteur Bilocq, qui rencontre le travailleur après la date de la rechute alléguée, rapporte un problème de lombalgie, augmentée par les mouvements et la mobilisation. La douleur est située au bas du dos et irradie vers la gauche. Cette description est superposable à celle que l’on retrouve dans l’avis du docteur Dalcourt, membre du BEM, à la suite de son examen le 25 novembre 2008, date à laquelle il consolide la lésion.

 

[188]    L’examen clinique objectif du docteur Bilocq ne démontre donc pas de signes déterminants permettant de conclure à une modification négative de l’état de santé du travailleur. Le médecin décrit des mouvements de la colonne lombaire qui sont limités et un examen neurologique normal.

 

[189]    Dans ces circonstances, le tribunal ne peut conclure à une récidive, rechute ou aggravation.

 

[190]    Le docteur Bilocq écrit de plus dans son premier rapport de consultation de mars 2009 qu’il explique au travailleur qu’une discopathie lombaire évolue sur cinq à dix ans et finit par s’améliorer. Il tente entretemps de diminuer les symptômes. Le tribunal estime que ces propos du docteur Bilocq indiquent qu’il tente de régler les problèmes du travailleur qui semblent davantage causés par sa condition personnelle de discopathie lombaire que par l’entorse lombaire. Il devient donc difficile de relier la condition du travailleur à l’événement initial.

 

[191]    Au surplus, tel que mentionné, l’événement du 1er octobre 2007 n’est pas d’une grande gravité. Il demeure donc surprenant que la condition du travailleur ne s’améliore pas après tout ce temps, comme le souligne le docteur Dalcourt dans son avis.

 

[192]    En conclusion, le tribunal juge qu’il n’est pas démontré par une preuve probante et prépondérante des éléments permettant de reconnaître en l’espèce une récidive, rechute ou aggravation.

 

[111]     Encore une fois, il s’agit de l’appréciation que fait le premier juge administratif de la preuve. Il respecte le cadre légal applicable en semblable matière et sa motivation est intelligible. D’aucune façon, le travailleur ne démontre la présence d’une erreur grave évidente et surtout déterminante sur l’issue de cette contestation.

[112]     De l’avis du tribunal, les motifs avancés par le travailleur ne sont qu’une invitation pour apprécier de nouveau le droit et les faits et espérer ainsi une conclusion différente quant à la question de la récidive, rechute ou aggravation.

[113]     Enfin, dans sa requête en révision, le travailleur fait brièvement allusion au motif de fait nouveau en référant à un rapport médical du 25 novembre 2009 du docteur Bilocq.

[114]     Le motif de fait nouveau est précisé au paragraphe 1 de l’article 429.56 de la loi.

[115]     À ce paragraphe, on précise que la Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente.

[116]     Plusieurs décisions de la Commission des lésions professionnelles rappellent les critères élaborés pour conclure à l’existence d’un tel motif[8].

[117]     Il s’agit de la découverte postérieure à la décision d’un fait nouveau, de la non-disponibilité de cet élément de preuve au moment où s’est tenue l’audience initiale et du caractère déterminant qu’aurait eu cet élément sur le sort du litige, s’il avait été connu en temps utile.

[118]     Ces critères d’analyse s’avèrent pertinents et justifiés puisqu’ils permettent d’éviter que, sous prétexte d’un fait nouveau, l’on cherche tout simplement à compléter ou bonifier la preuve soumise à l’attention du premier juge administratif.

[119]     En effet, il est bien établi qu’une partie ne peut, au stade du recours en révision, tenter de combler les lacunes de la preuve qu'elle a eue l'occasion de faire valoir devant le premier juge administratif. Ceci vise principalement à préserver la stabilité et la finalité des décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles.

[120]     Dans la cause sous étude, l’audience devant le premier juge administratif a lieu le 20 août 2009. Sa décision est rendue le 16 octobre 2009. Le rapport médical invoqué par le travailleur, à titre de fait nouveau, est daté du 25 novembre 2009.

[121]     Ce rapport est non seulement postérieur à l’audience tenue par le premier juge administratif, mais également postérieur à sa décision du 16 octobre 2009.

[122]     De l’avis du tribunal, il ne peut s’agir d’un fait nouveau au sens du premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi. Il s’agit davantage d’une preuve nouvelle visant à compléter ou bonifier celle déjà soumise à l’attention du premier juge administratif.

 

[123]     Au surplus, le tribunal constate que les informations contenues à ce rapport du 25 novembre 2009 ne font que s’inscrire dans la foulée de ce que le docteur Bilocq a déjà indiqué dans ses rapports du 13 mars 2009 ou 12 juin 2009. Ces deux rapports ayant par ailleurs été portés à la connaissance du premier juge administratif dans le cadre de l’audience du 20 août 2009.

[124]     En ce sens, le rapport du 25 novembre 2009 ne pourrait constituer un élément déterminant sur l’issue du litige que devait trancher le premier juge administratif.

[125]     À la lumière de cette analyse, le tribunal conclut que les différents motifs soumis par le travailleur ne peuvent donner ouverture à une révision de la décision de la Commission des lésions professionnelles du 16 octobre 2009.

[126]     La requête en révision du travailleur est rejetée.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en révision déposée le 3 décembre 2009 par monsieur Yvon Gaillardetz, le travailleur.

 

 

__________________________________

 

SOPHIE SÉNÉCHAL

 

 

 

 

 

 

Me Sannie Dumouchel

ADP SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

Représentante de la partie intéressée

 

 

Me Évelyne Julien

VIGNEAULT THIBODEAU BERGERON

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           [1998] C.L.P. 733 ; voir aussi Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 .

[3]           [2005] C.L.P. 626 (C.A.).

[4]           Voir également Bourassa c. C.L.P., [2003] C.L.P. 601 (C.A.), requête pour permission de pourvoi à la Cour suprême rejetée.

[5]           Voir également CSST c. Touloumi, [2005] C.L.P. 921 (C.A.).

[6]           Précitée, note 3.

[7]           Voir également TAQ c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.); Amar c. CSST, [2003] C.L.P. 606 (C.A.).

[8]           Gariépy et Autobus Gaudreault inc., C.L.P 247770-63-04, 4 mars 2008, L. Nadeau; Bourdon c. Commission des lésions professionnelles, [1999] C.L.P. 1096 (C.S.); Pietrangelo et Construction NCL, C.L.P. 107558-73-9811, 17 mars 2000, A. Vaillancourt; Nadeau et Framatome Connectors Canada inc., C.L.P. 110308-62C-9902, 8 janvier 2001, D. Rivard, 2000LP-165; Soucy  et Groupe RCM inc., C.L.P. 143721-04-0007, 22 juin 2001, M. Allard, 2001LP-64; Provigo Dist. (Maxi Cie) et Briand, C.L.P. 201883-09-0303, 1er février 2005, M. Carignan; Lévesque et Vitrerie Ste-Julie, C.L.P. 200619-62-0302, 4 mars 2005, D. Lévesque.

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