Lavoie et Services Drummondville inc.

2010 QCCLP 9260

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Trois-Rivières

29 décembre 2010

 

Région :

Mauricie-Centre-du-Québec

 

Dossiers :

365714-04-0812   365715-04-0812

 

Dossier CSST :

120474549

 

Commissaire :

Diane Lajoie, juge administratif

 

Membres :

Ginette Vallée, associations d’employeurs

 

Serge Saint-Pierre, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Gilles Lavoie

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Les Services Drummondville inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 365714-04-0812

 

[1]           Le 12 décembre 2008 le travailleur, monsieur Gilles Lavoie, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) le 18 novembre 2008, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 15 juillet 2008 et déclare que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation de sa maladie professionnelle pulmonaire et que le déficit anatomophysiologique demeure inchangé.

Dossier 365715-04-0812

[3]           Le 12 décembre 2008, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 18 novembre 2008, à la suite d’une révision administrative.

[4]           Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a rendue initialement le 4 août 2008 et déclare que le travailleur est capable d’occuper l’emploi de préposé aux établissements de sports à compter du 2 août 2008 et qu’il a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu réduite à compter de cette date.

[5]           À l’audience tenue le 17 novembre 2010, le travailleur est présent et représenté par sa procureure. L’employeur, Les Services Drummonville inc., est une entreprise fermée et n’est pas présente ni représentée à l’audience. La CSST qui est intervenue au dossier est représentée par sa procureure.

[6]           L’affaire est prise en délibéré le 17 novembre 2010.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

[7]           Dans le dossier 365714, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il a subi une aggravation de sa maladie professionnelle pulmonaire à compter du 22 mai 2007 et qu’un déficit anatomophysiologique doit lui être accordé.

[8]           Dans le dossier 365715, le travailleur demande au tribunal de déclarer qu’il n’est pas capable de reprendre le travail le 2 août 2008, et ce, considérant sa condition lombaire et sa condition pulmonaire.

LA PREUVE

[9]           Du dossier constitué par la Commission des lésions professionnelles et de la preuve produite à l’audience, le tribunal retient les éléments suivants.

[10]        Monsieur Lavoie travaille dans l’industrie du textile depuis 1979. En 1993, il est engagé chez Swift Textiles, devenu par la suite Les Services Drummondville inc.

[11]        Le 12 septembre 1995, il produit une réclamation à la CSST pour un événement du 4 septembre 1995.  Il décrit qu’en poussant une balle, il a ressenti une douleur dans le bas du dos.

[12]        Des diagnostics de conflit disco duremérien et d’entorse lombaire sont posés.

[13]        Le 26 octobre 1995, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que le travailleur a subi le 4 septembre 1995 un accident du travail qui lui a causé une entorse lombaire.

[14]        Le 6 novembre 1995, le docteur Soucy émet un rapport médical final pour un diagnostic d’entorse lombaire gauche, consolidée le 1er novembre 1995, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.

[15]        Le 8 novembre 1995, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que le travailleur est capable d’exercer son emploi depuis le 1er novembre 1995.

[16]        Le 12 mai 1997, le travailleur est examiné par trois pneumologues du Comité des maladies professionnelles pulmonaires (CMPP). Leur impression est la possibilité d’un asthme personnel versus byssinose. Les résultats de tests complémentaires sont à venir.

[17]        Le 12 septembre 1997, le CMPP émet un rapport après avoir obtenu les résultats complémentaires. Les pneumologues concluent que le travailleur est asthmatique et que sa condition n’est pas aggravée en milieu de travail. Il n’y a pas de byssinose chez ce patient.

[18]        Les membres du CMPP conclut donc à l’absence d’une maladie professionnelle pulmonaire et, en conséquence, ne reconnaissent aucun déficit anatomophysiologique ni aucune limitation fonctionnelle.

[19]        Le 9 octobre 1997, le Comité spécial des présidents (CSP) confirme les conclusions du CMPP.

[20]        Le 21 octobre 1997, la CSST rejette la réclamation du travailleur pour une maladie professionnelle pulmonaire.

[21]        Le 25 septembre 2000, le travailleur consulte le docteur Bégin, pneumologue. Dans son rapport de consultation, il écrit qu’il connaît le travailleur pour l’avoir examiné au CMPP en 1997 pour une exacerbation d’asthme en milieu de travail. L’investigation avait alors démontré que la condition de monsieur Lavoie était semblable à celle de la semaine de contrôle.

[22]        Après son examen de septembre 2000, le docteur Bégin conclut que le diagnostic d’asthme personnel ne fait aucun doute. L’aggravation de cette condition par les poussières en milieu de travail tout comme les autres irritants de l’environnement ne fait pas de doute non plus. Le docteur Bégin envisage deux options : un travail convenable, avec possiblement un transfert de département ou une nouvelle demande d’expertise auprès de la CSST.

[23]        Le 13 décembre 2000, la docteure Labonté diagnostique un asthme professionnel et réfère le travailleur au docteur Bégin, pneumologue.

[24]        Le 30 janvier 2001, le travailleur produit une réclamation à la CSST pour un asthme professionnel et des difficultés respiratoires au travail.

[25]        Le 9 août 2001, le dossier du travailleur est transmis au CMPP.

[26]        Le travailleur est examiné par le CMPP le 8 novembre 2001. Dans leur rapport, les pneumologues mentionnent que monsieur Lavoie utilise un respirateur de type Air-Mate et doit prendre de plus en plus de Ventolin au travail. Sa condition s’améliore les jours où il n’est pas au travail.

[27]        Les membres du CMPP considèrent que la fonction respiratoire du travailleur s’est détériorée depuis l’examen antérieur et que son milieu de travail a pu contribuer à cette aggravation. Le CMPP recommande donc de procéder à des tests de provocation spécifique en usine.

[28]        Le 10 avril 2002, le CMPP émet un autre rapport. Il considère que l’asthme personnel du travailleur s’aggrave de façon subjective et objective dans son poste de travail actuel. Le CMPP considère que le travailleur doit être déplacé vers un travail où l’exposition à la poussière de coton est la moins élevée possible à l’intérieur de l’usine.

[29]        Le 25 avril 2002, le CSP rend son avis par lequel il entérine les conclusions et les recommandations du CMPP.

[30]        Le 5 juin 2002, la CSST rend une décision à la suite de cet avis du CSP par laquelle elle accepte la réclamation du travailleur pour une aggravation au travail de la condition personnelle préexistante d’asthme personnel.

[31]        Le 24 septembre 2002, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que le travailleur n’est pas capable d’occuper son emploi pré-lésionnel. Elle détermine comme emploi convenable celui d’ourdisseur et met en place une mesure de réadaptation, à savoir une période de formation.

[32]        Le 28 novembre 2003, le CMPP revoit le travailleur. Dans le rapport produit par les pneumologues, il est mentionné que le travailleur présente une dyspnée d’effort 3/5. Son asthme est stable avec la médication.

[33]        Au niveau des antécédents, il est rapporté deux visites à l’urgence pour aggravation d’asthme associée à un feu dans l’usine et à une aggravation en milieu de travail, sans facteur spécifique.

[34]        La radiographie pulmonaire est décrite comme normale, sauf pour le nodule pulmonaire connu.

[35]        Le CMPP maintient le diagnostic d’asthme personnel, aggravé en milieu de travail et antérieurement connu. La condition étant par ailleurs stable, il n’y a pas lieu de modifier le déficit anatomophysiologique.

[36]        En conclusion, le CMPP est d’avis qu’aucun déficit anatomophysiologique ne doit être reconnu. Les limitations fonctionnelles sont en fonction des conditions non pulmonaires.

[37]        Quant à la tolérance aux contaminants, le travailleur doit continuer de travailler avec un respirateur Air-Mate et doit travailler dans les conditions les plus salubres possibles. Son exposition à la poussière de coton doit donc être la plus faible possible au travail.

[38]        Une réévaluation dans cinq ans est recommandée.

[39]        Le 18 décembre 2003, le CSP entérine les conclusions émises par le CMPP.

[40]        Le 23 janvier 2004, la CSST rend une décision à la suite de l’avis du CSP. Elle déclare que le diagnostic d’asthme personnel aggravé en milieu de travail est maintenu et qu’il ne subsiste toujours pas d’atteinte permanente en lien avec cette lésion. La maladie n’entraîne pas non plus de limitations fonctionnelles. Il est toutefois recommandé au travailleur de continuer à travailler avec un respirateur Air-Mate, et ce, dans les conditions les plus salubres possibles. L’exposition à la poussière de coton doit être la plus faible possible à l’intérieur de l’usine.

[41]        La CSST et le travailleur discutent des possibilités de retour au travail. Il appert des notes évolutives du dossier qu’avec la fermeture imminente de l’entreprise de l’employeur en avril 2004, l’emploi convenable d’ourdisseur retenu à l’automne 2002 ne peut plus être considéré comme l’emploi du travailleur. De plus, le seul département de l’usine qui demeure ouvert ne respecte pas la tolérance aux contaminants du travailleur.

[42]        C’est dans ce contexte que la CSST entreprend la détermination d’un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail. Des recherches sont faites au fichier Repères et des descriptions d’emploi sédentaires sont remises au travailleur.

[43]        Le 25 février 2004, le travailleur communique avec la CSST et lui dit de retenir l’emploi de préposé aux établissements de sports.

[44]        Le 2 mars 2004, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que le travailleur est capable d’exercer l’emploi convenable de préposé aux établissements de sports à compter du 25 février 2004, emploi qui pourrait lui procurer un revenu de 15 225 $.

[45]        Le 25 mars 2004, le travailleur est opéré par le docteur Bilocq, neurochirurgien, qui pratique une discoïdectomie lombaire L5-S1 gauche et une foraminectomie L5 gauche.

[46]        Le 4 novembre 2004, le docteur Bilocq émet le rapport médical final. Il réfère le travailleur au docteur Delisle, neurologue, pour l’évaluation médicale.

[47]        Le 17 novembre 2004, le docteur Delisle examine le travailleur et produit un rapport d’évaluation médicale pour des diagnostics de hernie discale L5-S1 gauche et du contusion discale L4-L5 gauche avec sténose foraminale. Le docteur Delisle conclut que le travailleur demeure avec un statut post discoïdectomie et foraminectomie avec douleurs lombaires résiduelles et ankyloses qui entraînent des limitations fonctionnelles au niveau du rachis lombaire.

[48]        Le docteur Delisle évalue les limitations fonctionnelles comme suit :

Le travailleur devra éviter de :

- soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 10 kg;

- effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, extension ou torsion au niveau de la colonne lombaire, même de faible amplitude;

- marcher en terrain accidenté ou glissant;

- monter fréquemment plusieurs escaliers;

- travailler en position accroupie;

- ramper ou grimper;

- subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale.

 

 

[49]        Le docteur Delisle évalue le déficit anatomophysiologique à 7 % pour une discoïdectomie avec séquelles fonctionnelles (code 204219), une perte de 20 degrés de la flexion antérieure (code 207608) et une perte de 10 degrés de l’extension (code 207644).

[50]        Le 29 novembre 2004, la CSST reconnaît que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation le 25 mars 2004 en lien avec une discoïdectomie L5-S1 gauche.

[51]        Le 21 janvier 2005, elle rend une décision par laquelle elle reconnaît que la lésion professionnelle du 25 mars 2004 entraîne une atteinte permanente de 8,05 %, en fonction de l’évaluation du docteur Delisle.

[52]        La CSST entreprend un processus de réadaptation avec le travailleur. Une consultation auprès de madame Linda Cameron pour une réorientation professionnelle et l’exploration du marché du travail est organisée.

[53]        Après discussion avec le travailleur, la CSST retient à titre d’emploi convenable celui déjà déterminé de préposé aux établissements de sports.

[54]        Selon le fichier Repères, cet emploi consiste à surveiller et contrôler l’utilisation des installations sportives dans divers établissements de sports et de loisirs, tels que des terrains de golf, des centres de conditionnement physique et des clubs sportifs en vue de répondre aux demandes de la clientèle et d’assurer le bon fonctionnement de l’établissement.

[55]        Les tâches sont ainsi décrites :

- Dresse l’horaire d’utilisation des installations,

- Prend les réservations par téléphone,

- Accueille les gens, les informe et leur remet l’équipement et le matériel selon l’activité,

- Perçoit les droits d’entrée ou les cotisations des joueurs,

- Contrôle le nombre de clients, par activité, par groupe, selon l’horaire établi,

- Fait observer les règles qui régissent l’habillement, la conduite des joueurs ou l’utilisation des installations,

- Règle les disputes ou les désaccords portant sur l’utilisation des installations entre les joueurs,

- Peut également vendre ou louer du matériel ou de l’équipement pour les activités sportives,

- Peut faire l’inventaire de la marchandise de la boutique sportive.

 

 

[56]        Toujours selon Repères, le matériel utilisé est l’horaire d’utilisation du matériel ou de l’équipement, la fiche d’inscription ou de location, le téléphone, la caisse enregistreuse, la liste de l’inventaire, la feuille de pointage, l’ordinateur dans les grands établissements.

[57]        Cet emploi implique un contact constant avec la clientèle. Au niveau des champs d’intérêt, la personne doit aimer travailler physiquement ou manipuler des instruments, communiquer avec les gens pour les convaincre et travailler en contact avec les gens ou les aider.

[58]        Les capacités physiques exigées sont d’être capable de voir de près, être capable de communiquer verbalement, être capable de travailler en position assise et debout ou en marche, être capable de coordonner les mouvements de ses membres supérieurs et être capable de soulever un poids jusqu’à environ 5 kg.

[59]        On demande quelques années d’études secondaires. Les perspectives d’emploi jusqu’en 2008 sont supérieures à la moyenne.

[60]        Le 17 novembre 2005, la CSST rend une décision par laquelle elle reconnaît que le travailleur n’est pas en mesure de retourner travailler chez son employeur. En conséquence, elle retient que l’emploi de préposé aux établissements de sports est un emploi convenable que le travailleur est en mesure d’occuper à compter du 7 novembre 2005.

[61]        La radiographie des poumons du 24 février 2006 est normale. L’étude de la ventilation pulmonaire et de la perfusion pulmonaire est normale.

[62]        Le 21 juillet 2006, le travailleur subit une bronchoscopie qui s’avère normale.

[63]        Le 18 octobre 2006, le docteur Soucy, omnipraticien, produit un rapport médical à la Régie des rentes du Québec (T-2). Il identifie divers problèmes de santé de nature à entraîner l’incapacité de monsieur Lavoie à travailler : byssinose, discoïdectomie lombaire avec séquelles fonctionnelles, MPOC, arthrose, asthme bronchique et obésité. Il est d’opinion que le travailleur devrait être reconnu invalide par la Régie des rentes du Québec,

[64]        Le 20 mars 2007, le docteur Bilocq constate une récidive de lombosciatalgie bilatérale, sur discopathie. La CSST reconnaît une récidive, rechute ou aggravation du 19 mars 2007.

[65]        La résonance magnétique du 18 avril 2007 démontre de la dégénérescence discale L2-L3, L4-L5 et L5-S1. Il n’y a pas de hernie discale, pas de sténose ni d’arachnoïdite ou spondylodiscite.

[66]        Le docteur Bilocq conclut à un syndrome douloureux référé sur discopathie. À la demande du travailleur, il le réfère au docteur Blanchard, pour une deuxième opinion. Ce dernier conclut à une lombalgie chronique avec douleur radiculaire gauche, séquelles post hernie discale et discoïdectomie avec dégénérescence. Il n’y a pas d’indication chirurgicale.

 

[67]        Le 3 mai 2007, le travailleur consulte pour dyspnée, céphalée et hémoptysies. Une radiographie des poumons prise le même jour est décrite comme normale.

[68]        Le 22 mai 2007, le travailleur consulte à l’urgence parce qu’il crache du sang et a de la difficulté à respirer. Les notes de consultation font état d’antécédents de hernie discale L4-L5 et L5-S1 et de byssinose. Après consultation auprès du docteur Breault, le médecin note que l’hémoptysie est probablement secondaire à une infection.

[69]        La radiographie pulmonaire prise le 22 mai 2007 est comparée à celle du 3 mai 2007. Le radiologiste Racicot conclut qu’il n’y a pas eu de changement significatif et que l’image cardiopulmonaire demeure dans les limites de la normale.

[70]        Le 30 juillet 2007, le travailleur est examiné par le docteur Molina-Negro, neurochirurgien, à la demande du médecin évaluateur de la Régie des rentes du Québec (T-3). Comme antécédents, le médecin retient entre autres une maladie professionnelle pulmonaire d’asthme personnel aggravé en milieu de travail (byssinose).

[71]        Après avoir passé en revue le dossier et examiné le travailleur, le docteur Molina-Negro conclut à des diagnostics de lombalgie mécanique dont la base organique est constituée par la spondylodiscarthrose présente aux trois derniers espaces. À cette condition, s’associent les séquelles de la chirurgie. Le travailleur demeure avec un syndrome rachidien léger et un syndrome duremérien modéré. Il souffre d’un asthme bronchial personnel qui a été aggravé par l’exposition aux fibres de coton (byssinose).

[72]        Le médecin conclut à une légère détérioration, en comparaison de l’évaluation faite par le docteur Delisle le 17 novembre 2004. Il conclut à des limitations fonctionnelles de classe III.

[73]        Il ajoute qu’afin d’évaluer la capacité globale de retour au travail, il faudra tenir compte, le cas échéant, des limitations qui pourraient être présentes en relation avec la condition pulmonaire.

[74]        Le 21 août 2007, le travailleur présente une réclamation à la CSST pour une récidive, rechute ou aggravation de sa maladie professionnelle pulmonaire du 22 mai 2007.

[75]        Le 31 janvier 2008, le docteur Bilocq émet le rapport médical final pour des séquelles de hernies discales et discopathie lombaire. Il prévoit une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles et réfère le travailleur au docteur Delisle pour évaluation.

[76]        Le 22 février 2008, la CSST admet le travailleur en réadaptation.

[77]        Le 14 mars 2008, le CMPP émet son rapport. Au niveau des symptômes respiratoires, les pneumologues décrivent que récemment l’asthme personnel du travailleur est instable. Il utilise plus de corticostéroïdes. Le travailleur présente un problème de lombalgie chronique suite à un accident du travail et prend un analgésique pour cette condition. Par ailleurs, monsieur Lavoie a été investigué pour un nodule pulmonaire qui est apparu depuis 2004, qui est non spécifique, selon le Ct-Scan de juin 2004. Le travailleur a présenté des hémoptysies[1] mais il n’y a aucune anomalie, pas de bronchiestasie au Ct-scan de juin 2008.

[78]        Il est noté que monsieur Lavoie ne travaille plus depuis 2004.

[79]        La radiographie pulmonaire est décrite comme normale. Par ailleurs, un micronodule au lobe supérieur droit a été démontré au Ct-Scan de juin 2007.

[80]        Le bilan de base des fonctions respiratoires démontre des volumes à tendance restrictive. Toutefois, il est noté des efforts sub maximaux durant l’épreuve. La courbe débit-volume démontre un VEMS à 75 % de la prédite avec un Tiffeneau normal. Il est noté un problème de collaboration optimale également au niveau de la fonction respiratoire.

[81]        Les membres du CMPP écrivent qu’en comparaison avec l’examen antérieur de 2003, les volumes sont plus petits, les débits respiratoires démontrent également une légère diminution du VEMS mais avec une préservation du Tiffeneau chez ce patient connu avec un asthme personnel ayant eu une aggravation en milieu de travail.

[82]        En conclusion, le CMPP maintient le diagnostic d’asthme personnel antérieurement reconnu et considère que cette condition est actuellement stable avec des épreuves de fonction qui sont plus petites mais qui correspondent à une difficulté technique, soit un effort sub-optimal.

[83]        Par ailleurs, le nodule pulmonaire pour lequel le travailleur est suivi ne constitue pas une maladie pulmonaire professionnelle. Le travailleur ne présente donc pas de nouvelle maladie pulmonaire professionnelle.

 

 

[84]        Le diagnostic d’asthme personnel aggravé en milieu de travail est maintenu et il n’y a pas de byssinose dans le cas du travailleur.

[85]        Les membres du CMPP conclut que le déficit anatomophysiologique demeure inchangé. Les limitations fonctionnelles sont en relation avec l’asthme personnel. Le travailleur ne doit pas être exposé aux irritants respiratoires.

[86]        Enfin, les membres du CMPP ajoutent que compte tenu des conditions de monsieur Lavoie, à la fois respiratoire et orthopédique, il ne pourra jamais retourner au travail.

[87]        Le 29 février 2008, le docteur Delisle examine le travailleur. Il décrit que le travailleur demeure avec un tableau de lombalgie chronique irradiant aux deux membres inférieurs. Il doit circuler avec une canne à l’extérieur. Les douleurs sont de type mécanique augmentées par les mouvements répétitifs et soulagées partiellement par le repos. Le médecin rapporte que le travailleur estime que ses capacités ont diminué puisqu’il ne peut pas demeurer en position statique debout ou assise au-delà de 15 minutes et les douleurs deviennent intolérables au-delà de 15 minutes de marche.

[88]        Le docteur Delisle reconnaît au travailleur les limitations fonctionnelles de classe III :

En plus des restrictions de classe I et II, le travailleur devra éviter :

- les activités qui impliquent de soulever, porter, pousser ou tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de  plus de 5 kg;

- De marcher longtemps ou garder la même posture debout ou assise plus de 30 minutes;

- De travailler dans une position instable;

- D’effectuer des mouvements répétitifs des membres inférieurs.

 

 

[89]        Le docteur Delisle évalue le déficit anatomophysiologique à 10 %, le déficit anatomophysiologique antérieur étant de 7 %.

[90]        Le 3 avril 2008, le CSP émet son avis par lequel il entérine les conclusions du CMPP de mars 2008. Le 12 juin 2008, il produit un rapport pour corriger une erreur cléricale, sans changer ses conclusions.

[91]        Le 29 mai 2008, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que la lésion professionnelle du 19 mars 2007 entraîne pour le travailleur une atteinte permanente de 3,45 %.

[92]        Le 15 juillet 2008, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que la réclamation du travailleur pour maladie professionnelle pulmonaire demeure acceptée et qu’il n’y a pas de changement dans la condition du travailleur. Le travailleur n’a pas droit à une indemnité pour dommages corporels puisqu’il ne subsiste aucune atteinte permanente. Cette décision sera confirmée le 18 novembre 2008, à la suite d’une révision administrative, d’où le présent litige.

[93]        Le 4 août 2008, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que le travailleur est capable d’exercer son emploi à compter du 2 août 2008.

[94]        Le 18 novembre 2008, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative par laquelle elle confirme que le travailleur est capable d’occuper l’emploi convenable déjà déterminé de préposé aux établissements de sports à compter du 2 août 2008. Le travailleur conteste maintenant cette décision devant le tribunal, d’où le second litige.

[95]        Le 23 avril 2009, le Tribunal administratif du Québec rend une décision[2] (T-1) par laquelle il entérine un accord intervenu entre le travailleur et la Régie des rentes du Québec. En conséquence, le travailleur est reconnu invalide à compter du mois d’octobre 2006 et la rente d’invalidité devient payable au mois de février 2007.

[96]        Monsieur Gilles Lavoie témoigne à l’audience. Il explique que la réclamation produite à la CSST pour une récidive, rechute ou aggravation du 22 mai 2007 est associée au fait qu’il a présenté des difficultés respiratoires et qu’il a craché du sang. C’est pour ces raisons qu’il a consulté à l’urgence. On lui a alors recommandé un suivi par un pneumologue. Les résultats des examens ont été envoyés au docteur Bégin.

[97]        Le travailleur explique qu’il était aussi suivi par le docteur Coll pour un nodule au poumon.

[98]        Il explique qu’il a déjà craché du sang à d’autres occasions, soit quand il y a eu un incendie à l’usine et en présence de beaucoup de poussière.

[99]        Monsieur Lavoie témoigne qu’il ne travaille plus depuis janvier 2003.

[100]     En janvier 2010, il a passé d’autres examens pour sa condition pulmonaire. On a mis en place un plan d’action, ce qui lui permet d’obtenir des médicaments antibiotiques et de la cortisone pour 10 jours si des expectorations verdâtres sont présentes. Il a utilisé ce plan.

[101]     Il n’a pas obtenu les résultats des derniers examens mais il a produit une nouvelle réclamation à la CSST.

[102]     Monsieur Lavoie décrit que depuis trois ans, il marche avec une canne. Il l’utilise depuis qu’il a subi un blocage en physiothérapie. D’ailleurs, il ne suit plus de traitements depuis ce temps.

[103]     Invité à décrire ses capacités, en lien avec sa condition lombaire, le travailleur dit qu’il ne fait rien; certains matins il ne se lève pas. C’est alors sa conjointe qui lui apporte ses médicaments. Il prend de la morphine matin et soir, plus six entre doses. Il prend de plus un relaxant musculaire et du Lyrica.

[104]     Il s’assoit dans son fauteuil ou utilise un lit plus élevé. Il est incapable de se pencher. S’il n’utilise pas sa canne, il a plus de douleurs au dos. Il n’est pas capable de faire la vaisselle. Il ne conduit pas. C’est sa conjointe qui conduit, par exemple pour se rendre à Sherbrooke chez son médecin il se couche sur le siège arrière. Il résume la situation en disant qu’il est très limité au quotidien.

[105]     Il est en attente de résultats d’examens et d’une consultation avec le docteur Bilocq.

[106]     Concernant sa condition pulmonaire, il dit qu’il perd la voix. Il est essoufflé facilement. Parler lui demande un effort.

[107]     Le travailleur se dit détérioré depuis l’évaluation du docteur Delisle en 2007.

L’AVIS DES MEMBRES

[108]     Le membre issu des associations syndicales et la membre issue des associations d’employeurs partagent le même avis dans les deux dossiers à savoir que les requêtes du travailleur devraient être rejetées.

[109]     Les membres estiment en effet que le travailleur n’a pas démontré par une preuve probante et prépondérante qu’il a  subi le 22 mai 2007 une récidive, rechute ou aggravation de sa maladie professionnelle pulmonaire. Le fait de cracher du sang et la présence d’un nodule au poumon ne sont pas démontrés en lien avec la lésion professionnelle. Au contraire, l’opinion de tous les pneumologues qui ont examiné le travailleur et étudié son dossier de même que les résultats des examens ne mènent pas à la conclusion que la maladie professionnelle pulmonaire est aggravée. Les membres estiment de plus qu’il n’est pas démontré que le plan d’action mis en place en cas de crise aiguë est en lien avec la lésion professionnelle. Enfin, les membres estiment qu’il n’y a pas lieu en l’espèce de retenir le diagnostic de byssinose, les médecins spécialistes ayant clairement conclu à l’absence de cette condition.

[110]     En l’absence de preuve médicale probante et prépondérante, il ne saurait être reconnu de déficit anatomophysiologique en lien avec la maladie pulmonaire professionnelle.

[111]     Concernant la capacité de travail, les membres sont d’avis que l’emploi convenable de préposé aux établissements de sports respecte les limitations fonctionnelles reconnues au travailleur, tant au niveau lombaire que pulmonaire.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[112]     Dans un premier temps, la Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a subi le 22 mai 2007 une récidive, rechute ou aggravation de sa maladie professionnelle pulmonaire. Le tribunal doit aussi décider si un déficit anatomophysiologique doit être reconnu en lien avec cette condition.

[113]     Dans un deuxième temps, le tribunal doit statuer sur la capacité de travail de monsieur Lavoie le 2 août 2008.

La récidive, rechute ou aggravation

[114]     La récidive, rechute ou aggravation constitue une lésion professionnelle au sens de l’article 2 de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[115]     La notion de récidive, rechute ou aggravation n’est pas définie à la loi. Suivant la jurisprudence bien établie en la matière, il y a lieu de s’en remettre au sens commun de ces termes. La rechute est une reprise évolutive, la récidive est une réapparition, alors que l’aggravation est la recrudescence de la lésion ou de ses symptômes y incluant la complication de la lésion initiale.

[116]     Il est depuis longtemps établi que la présence d’une récidive, rechute ou aggravation implique nécessairement une modification de l’état de santé par rapport à celui qui existait antérieurement.

[117]     C’est pourquoi le seul témoignage du travailleur ne suffit pas et une preuve médicale doit supporter ses allégations.

[118]     Par ailleurs, aux termes de la jurisprudence unanime, afin de prouver la récidive, rechute ou aggravation, le travailleur doit démontrer un lien de causalité entre la maladie professionnelle pulmonaire initiale et la modification de son état de santé.

[119]     Cette démonstration peut être faite par le dépôt d’une opinion médicale ou, à tout le moins, par présomption de faits, y incluant des faits médicaux, tirée d’un ensemble d’indices graves, précis et concordants[3].

[120]     Pour apprécier si un lien de causalité existe entre la lésion initiale et la condition ultérieure, il y a lieu, selon la jurisprudence unanime, de considérer les facteurs suivants en retenant qu’aucun de ceux-ci n’est décisif en lui-même :

-           la gravité de la lésion initiale;

-           l’histoire naturelle de la lésion;

-           la continuité de la symptomatologie;

-           l’existence ou non d’un suivi médical;

-           le retour au travail, avec ou sans limitations fonctionnelles;

-           la présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique;

-           la présence ou l’absence de conditions personnelles;

-           la compatibilité entre la symptomatologie alléguée au moment de la rechute, récidive ou aggravation avec la nature de la lésion initiale;

-           le délai entre la rechute, récidive ou aggravation et la lésion initiale.

 

 

[121]     Ces principes étant établis, qu’en est-il en l’espèce ?

[122]     Conformément à l’article 233 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[4] (la loi), la CSST est liée par les conclusions du CSP :

233.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi sur les droits du travailleur qui lui produit une réclamation alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission est liée par le diagnostic et les autres constatations établis par le comité spécial en vertu du troisième alinéa de l'article 231 .

__________

1985, c. 6, a. 233.

[123]     Compte tenu de l’avis du CSP rendu le 3 avril 2008, corrigé le 12 juin 2008, la CSST a refusé la réclamation du travailleur pour une récidive, rechute ou aggravation du 22 mai 2007. Le tribunal est d’avis que cette décision doit être confirmée. Cette conclusion repose sur les éléments suivants.

[124]     À la suite de sa réclamation pour récidive, rechute ou aggravation du 22 mai 2007, le travailleur est examiné par le CMPP qui compte trois pneumologues. De plus, les résultats des tests passés par le travailleur sont analysés par ces trois spécialistes qui concluent de façon unanime à une maladie professionnelle  pulmonaire stable. Bien que les épreuves de fonction soient plus petites, les pneumologues expliquent que ces résultats correspondent à une difficulté technique, soit un effort sub-optimal durant l’épreuve.

[125]     Par ailleurs, les pneumologues font état dans leur avis que c’est l’asthme personnel qui était instable depuis quelques temps.

[126]     Pour ce qui est du nodule pulmonaire, les pneumologues du CMPP en reconnaissent l’existence tout en indiquant clairement dans leur rapport que cela ne constitue pas une maladie pulmonaire professionnelle et que le travailleur n’est donc pas atteint d’une nouvelle maladie pulmonaire professionnelle.

[127]     Enfin, les membres du CMPP réitère que le travailleur n’est pas atteint de byssinose, comme ils l’ont affirmé dans leurs avis précédents.

[128]     Le CSP, aussi composé de trois pneumologues, a entériné ces conclusions.

[129]     Il faut dire d’abord que les conclusions médicales des pneumologues du CMPP et des pneumologues du CSP n’ont pas été contredites par une preuve médicale probante et prépondérante.

[130]     Tel que mentionné, en matière de récidive, rechute ou aggravation, les seules allégations du travailleur sont insuffisantes et une preuve médicale est nécessaire. Le travailleur n’a pas présenté de telle preuve.

[131]     Il relie sa récidive, rechute ou aggravation à quatre éléments. D’abord la présence d’un nodule pulmonaire. Le CMPP parle d’un nodule non spécifique, selon les examens paracliniques. Il n’est donc pas démontré de réelle aggravation. De plus, tel que mentionné, les six pneumologues ne relient pas la présence de ce nodule à la maladie professionnelle pulmonaire.

[132]     Le travailleur soumet que, comme il est mentionné dans le rapport du CMPP, il ne s’agit pas d’une nouvelle maladie pulmonaire mais plutôt de l’aggravation de la maladie déjà existante.

[133]     Le tribunal ne peut retenir cette prétention du travailleur qui n’est pas appuyée par la preuve médicale qui n’établit  au contraire aucun lien entre le nodule et la maladie pulmonaire professionnelle.

[134]     Le travailleur associe aussi sa récidive, rechute ou aggravation à la présence de byssinose. Ce diagnostic est mentionné par le docteur Soucy, omnipraticien et le docteur Molina-Negro, neurochirurgien, Toutefois, aucun de ces deux médecins ne justifient ce diagnostic, alors que tous les pneumologues au dossier affirment qu’il n’y a pas de byssinose. Dans un cas de maladie pulmonaire, le tribunal privilégie l’opinion des médecins dont la spécialité est pertinente dans le cas de la lésion sous étude.

[135]     Le travailleur prétend également que les hémoptysies (crachats de sang) doivent être considérées dans l’analyse de la récidive, rechute ou aggravation. Le tribunal retient plutôt de la preuve que les pneumologues mentionnent que le travailleur a présenté des hémoptysies mais qu’il n’y a pas d’anomalie.

[136]     De plus, dans les notes médicales, on peut lire que les hémoptysies sont probablement secondaires à une infection, laquelle n’a d’aucune façon été reliée à la maladie pulmonaire professionnelle.

[137]     Il est en l’espèce insuffisant d’alléguer que les hémoptysies constituent une aggravation de l’état de santé sans que ne soit démontré par une preuve médicale prépondérante que cette condition est reliée à la maladie pulmonaire professionnelle, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

[138]     Enfin, le travailleur plaide que la mise en place d’un plan d’action pour l’obtention de médicaments en cas de crise aiguë est un autre élément permettant de conclure à une récidive, rechute ou aggravation. Bien que cette approche de traitement ait été mise en place il y a trois ans, rien dans la preuve ne permet de la relier à la maladie professionnelle.

[139]     Par ailleurs, le travailleur a mentionné avoir passé d’autres tests dont les résultats ont été acheminés au pneumologue Bégin. Le tribunal ne dispose pas des résultats et de l’interprétation des résultats de ces tests qui, selon la représentante du travailleur, seront produits au soutien d’une nouvelle réclamation.

 

[140]     Enfin, tel que le diagnostic l’indique, la maladie professionnelle pulmonaire est un asthme d’abord personnel, aggravé au travail. Cette maladie professionnelle n’a jamais entraîné de limitations fonctionnelles, ni d’atteinte permanente. Les limitations fonctionnelles sont reliées, selon les pneumologues, à l’asthme personnel. Aussi, le travailleur présente des symptômes qu’il dit aggravés en 2007, alors qu’il ne travaille plus depuis au moins trois ans.

[141]     En conclusion, le tribunal juge que la preuve médicale probante et prépondérante ne permet pas de conclure que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation le 22 mai 2007 de sa maladie professionnelle pulmonaire.

[142]     Le travailleur demande aussi au tribunal de reconnaître qu’il a droit à un déficit anatomophysiologique. Il ne soumet cependant aucune preuve médicale soutenant sa demande. Aucun des médecins au dossier ne reconnaît de déficit anatomophysiologique en lien avec la maladie professionnelle pulmonaire. Le tribunal est lié par les conclusions médicales du CSP.

[143]     En conséquence, le tribunal ne peut que conclure à l’absence d’atteinte permanente en lien avec la maladie professionnelle pulmonaire.

La capacité de travail

[144]     Le  travailleur prétend qu’il n’est pas capable d’exercer l’emploi convenable de préposé aux établissements de sports à cause de ses limitations physiques lombaires et de sa condition pulmonaire.

[145]     Il ne remet pas en question que l’emploi qui doit servir à analyser sa capacité de travail est l’emploi convenable déjà déterminé de préposé aux établissements de sports. Il estime toutefois que cet emploi ne respecte pas sa capacité résiduelle. Il ne remet pas en question le fait que l’emploi convenable déjà déterminé répond aux autres critères de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[146]     Ainsi, le travailleur ne prétend pas que l’emploi n’est pas approprié ou qu’il ne lui permet pas d’utiliser ses qualifications professionnelles ni qu’il présente une possibilité raisonnable d’embauche. La raison invoquée au soutien de sa contestation est sa capacité physique, tant pulmonaire que lombaire.

[147]     Il s’agit donc maintenant de déterminer si le travailleur est capable d’exercer cet emploi compte tenu des limitations fonctionnelles reconnues à la suite de la récidive, rechute ou aggravation de mars 2007.

[148]     Le tribunal estime que les limitations fonctionnelles décrites par le docteur Delisle dans son rapport d’évaluation médicale du 10 avril 2008 sont compatibles avec les exigences physiques de l’emploi convenable.

[149]     En effet, le travailleur ne s’est vu reconnaître aucune limitation fonctionnelle en regard de sa vue.  Il est aussi capable de communiquer verbalement. L’emploi exige d’être capable de travailler en position assise et debout ou en marche. Cette exigence n’est pas précisée en terme de durée. Or, rien ne laisse croire que les périodes de travail assis ou debout ou en marche puissent être plus longues que 30 minutes.

[150]     Rien dans les limitations fonctionnelles ne permet de conclure que le travailleur n’est pas en mesure de coordonner les mouvements de ses membres supérieurs.

[151]     Enfin, l’exigence de l’emploi d’être capable de soulever un poids jusqu’à 5 kg respecte la limite de charge décrite par le docteur Delisle. La preuve n’a pas démontré que le poids des charges manipulées pouvait dépasser de façon répétitive ou fréquente 5 kg.

[152]     Le travailleur prétend que l’utilisation de sa canne pourrait l’empêcher de remettre le matériel ou l’équipement au client puisque l’utilisation de la canne ne lui laisse qu’une seule main pour ce faire et pour manipuler la charge. Le tribunal ne retient pas cet argument puisque le travailleur a témoigné qu’il utilisait sa canne pour marcher, alors que la tâche qui consiste à remettre le matériel ne se fait pas en marchant. De plus, le docteur Delisle ne tient pas compte de l’utilisation d’une canne dans l’évaluation des limitations fonctionnelles.

[153]     Le travailleur souligne que la description des tâches de l’emploi prévoit qu’il doit faire observer les règles qui régissent l’habillement, la conduite des joueurs ou l’utilisation des installations et régler les disputes ou désaccords entre les joueurs quant à l’utilisation des installations. Il prétend que l’intervention dans une bagarre pourrait mettre sa sécurité et son intégrité physique en danger. Le tribunal estime que les tâches ainsi décrites ne réfèrent pas à des interventions physiques exigeantes. Comme l’a plaidé la procureure de la CSST, il n’est pas ici question d’un travail d’agent de sécurité. De plus, rien dans les exigences physiques de l’emploi ne laisse supposer que le travailleur doive intervenir physiquement auprès des clients.

[154]     Le travailleur soumet que s’il doit faire l’inventaire, il aura à se pencher, s’accroupir, grimper, ce qui va à l’encontre de ses limitations fonctionnelles et de ses capacités. Le tribunal est d’avis que la prise d’inventaire n’est pas une tâche que l’on retrouve dans tous les emplois de préposé aux établissements de sports puisque Repères mentionne peut faire l’inventaire. Il serait donc possible de trouver un emploi dans lequel le travailleur n’aurait pas à exécuter cette tâche.

[155]     Le travailleur soumet de plus que dans le fichier Repères, il est mentionné que la personne doit préférer travailler physiquement, ce qu’il ne peut plus faire. Or, cette mention se retrouve au chapitre des champs d’intérêt et non des exigences physiques. Elle sert davantage à déterminer si l’emploi est approprié pour le travailleur, ce qui n’est pas ici remis en question.

[156]     Le travailleur soumet que sa condition s’est détériorée entre 2008 et 2010. Toutefois, le tribunal doit tenir compte, aux fins de son analyse, des limitations fonctionnelles décrites par le docteur Delisle en 2008. Si le travailleur est d’avis que ses limitations fonctionnelles ne sont plus adaptées à sa condition lombaire en 2010, il lui appartiendra de faire les représentations auprès de la CSST.

[157]     Le travailleur prétend au surplus que sa condition pulmonaire l’empêche également d’occuper l’emploi de préposé aux établissements de sports. Or, aucune limitation fonctionnelle en lien avec la maladie professionnelle pulmonaire n’est reconnue en l’espèce. Les seules limitations fonctionnelles le sont en lien avec l’asthme personnel. Cependant, ces limitations ne sont pas décrites par les pneumologues et en l’absence de preuve médicale soutenant les allégations du travailleur, le tribunal ne peut s’en remettre uniquement à ces allégations.

[158]     En effet, les plaintes du travailleur relatives à la perte de la voix ou au fait de s’essouffler plus rapidement ne sont pas supportées par la preuve médicale contemporaine à la décision de capacité de travail et le tribunal juge qu’il ne peut retenir ces éléments pour conclure à l’incapacité du travailleur d’exercer l’emploi convenable le 2 août 2008.

[159]     Par ailleurs, il n’est pas démontré que l’emploi de préposé aux établissements de sports exposerait le travailleur à des irritants.

 

 

[160]     Les membres du CMPP écrivent dans leur rapport que le travailleur ne pourra pas retourner travailler, compte tenu de sa condition orthopédique et respiratoire. Le tribunal ne peut conclure à une incapacité de travailler sur la seule base de cette affirmation. D’abord, le CMPP ne réfère aucunement aux limitations fonctionnelles lombaires. Ensuite, il ne reconnaît aucune limitation fonctionnelle en lien avec la maladie professionnelle pulmonaire. Dans ce contexte, l’affirmation n’apparaît pas motivée.

[161]     Enfin, le tribunal estime qu’il n’est pas lié par la reconnaissance de l’invalidé du travailleur par la Régie des rentes du Québec. Cette invalidité est reconnue en vertu d’une autre loi et en fonction de critères qui lui sont propres. Aussi, dans le rapport médical soumis à la Régie des rentes, le docteur Soucy réfère à plusieurs conditions médicales pour justifier l’incapacité de travailler, dont certaines ne sont pas reconnues par la CSST. Enfin, il complète ce rapport en 2006, avant même que le docteur Delisle n’évalue le travailleur à la suite de la récidive, rechute ou aggravation de 2007. Cette décision d’invalidité n’apparaît pas pertinente en l’espèce.

[162]     Dans la présente affaire il n’est de plus pas question de la reconnaissance de l’inemployabilité du travailleur. En effet, le docteur Delisle, de même que le docteur Molina-Negro, ont reconnu des limitations fonctionnelles qui n’empêchent pas le travailleur d’occuper tout travail.

[163]     Pour l’ensemble de ces raisons, le tribunal; en vient à la conclusion que le travailleur est capable d’occuper l’emploi convenable de préposé aux établissements de sports depuis le 2 août 2008.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 365714-04-0812

REJETTE la requête du travailleur, monsieur Gilles Lavoie;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 18 novembre 2008, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi le 22 mai 2007 de récidive, rechute ou aggravation de sa maladie professionnelle pulmonaire et que le déficit anatomophysiologique demeure inchangé.

 

Dossier 365715-04-0812

REJETTE la requête du travailleur, monsieur Gilles Lavoie;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 18 novembre 2008, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur est capable d’occuper l’emploi convenable de préposé aux établissements de sports à compter du 2 août 2008.

 

 

_________________________________

 

Diane Lajoie

 

 

 

 

Me Élaine Giguère

LACOURSIÈRE, LEBRUN & ASS.

Représentante de la partie requérante

 

 

 

Me Évelyne Julien

VIGNEAULT, THIBODEAU, GIARD

Représentante de la partie intervenante

 

 



[1]           Crachement de sang

[2]           Lavoie c. Régie des rentes du Québec 2009 QCTAQ 04536

[3]           Dubé et Entreprises du Jalaumé enr. 380599-01A-0906, 21 septembre 2009, G. Tardif

[4]           L.R.Q., c. 3.001

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