Duchesne et Michel St-Pierre couvreur inc. |
2008 QCCLP 4409 |
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Dossier 198132-63-0301
[1] Le 24 janvier 2003, monsieur Nick Duchesne, le travailleur, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 20 novembre 2002, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle initialement rendue le 6 mai 2002 et déclare que monsieur Duchesne est capable d’exercer son emploi d’apprenti couvreur à compter du 2 mai 2002 et qu’il n’a plus droit aux indemnités prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la Loi) depuis cette date.
Dossier 240847-63-0408
[3] Le 2 août 2004, monsieur Nick Duchesne, le travailleur, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 29 juillet 2004, à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme celle initialement rendue le 9 janvier 2003 et déclare que monsieur Duchesne n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 7 novembre 2002.
[5] Le 28 septembre 2005, la Commission des lésions professionnelles a tenu une audience au Centre de détention de Montréal à laquelle assistait le travailleur, qui était représenté. L’employeur, Michel St-Pierre Couvreur inc., était absent à l’audience. La CSST, partie intervenante au dossier à ce moment, était représentée.
[6] Le 27 juin 2006, la Commission des lésions professionnelles a rendu une décision confirmant les décisions de la CSST du 20 novembre 2002 et du 29 juillet 2004. Le travailleur a demandé la révision de cette décision et, le 19 mars 2007, la Commission des lésions professionnelles a déclaré recevable la requête en révision et les parties ont été convoquées à une nouvelle audience sur le fond.
[7] La Commission des lésions professionnelles a donc tenu une audience à Joliette le 14 novembre 2007, à laquelle assistait le travailleur, qui était représenté. L’employeur, Michel St-Pierre Couvreur inc., était absent tout comme la CSST.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier 198132-63-0301
[8] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il n’était pas en mesure d’exercer l’emploi d’apprenti couvreur à compter du 2 mai 2002.
Dossier 240847-63-0408
[9] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles, si elle déclare qu’il était capable d’exercer son emploi d’apprenti couvreur à compter du 2 mai 2002, de déclarer qu’il a été victime d’une récidive, rechute ou aggravation le 7 novembre 2002.
LA PREUVE
[10] La Commission des lésions professionnelles a pris connaissance du dossier médico-administratif qui lui a été soumis, des documents déposés dans le cadre de l’audience et entendu le témoignage de monsieur Duchesne. Elle retient les faits suivants.
[11] Au moment de l’événement, monsieur Duchesne est âgé de 33 ans et est au service de l’employeur Michel St-Pierre Couvreur inc. depuis trois mois lorsque, le 15 octobre 2001, il est victime d’une lésion professionnelle.
[12] Monsieur Duchesne est apprenti couvreur, mais il exécute toutes les tâches réalisées par un couvreur œuvrant dans le secteur résidentiel. Il s’agit d’un travail d’équipe.
[13] Pour accéder au toit, il utilise une échelle motorisée, lorsqu’elle est disponible, ou une échelle conventionnelle. Lorsqu’une toiture est en pente, il se positionne à genoux, le dos penché vers l’avant et lorsqu’il arrache le vieux bardeau à l’aide d’une pelle, il le lance dans un conteneur au sol. Il doit aussi monter plusieurs paquets de bardeaux sur son épaule ou sur l’échelle motorisée, qu’il pose ensuite. Il indique que cette tâche est exigeante physiquement, car un paquet de bardeau pèse environ 70 livres.
[14] Le 15 octobre 2001, en montant dans une échelle pour accéder au toit, son pied glisse et il chute d’une hauteur d’environ 12 à 15 pieds. Sa jambe gauche heurte le conteneur et il tombe tête première sur le sol. Il ressent des douleurs au cou, au dos et à la cuisse gauche.
[15] Le jour même, il consulte le docteur Dufort à la Polyclinique médicale de Terrebonne. Le docteur Dufort retient les diagnostics d’abrasion au visage, de contusion dorsolombaire et d’hématome à la cuisse gauche.
[16] Le 21 octobre 2001, le docteur Dufort pose le diagnostic d’entorse cervicale avec évolution lente et fait une demande de traitements de physiothérapie.
[17] Le 23 octobre 2001, le docteur Dufort reprend les diagnostics d’abrasion, d’entorse cervicale avec contusion dorsolombaire et d’hématome de la cuisse gauche. Le docteur Dufort indique que monsieur veut retourner travailler.
[18] Monsieur Duchesne tentera effectivement un retour au travail, lequel s’avérera un échec.
[19] Le 30 octobre 2001, il voit la docteure Dorval à la Polyclinique médicale de Terrebonne et celle-ci indique une augmentation de la douleur à la suite du retour au travail. Elle prescrit un arrêt de travail.
[20] Le 2 novembre 2001, la CSST rend une décision qui est à l’effet d’accepter la réclamation du travailleur. Elle retient les diagnostics d’entorse cervicale, de contusion dorsolombaire et d’hématome à la cuisse gauche.
[21] Le 5 décembre 2001, le travailleur débute les traitements de physiothérapie recommandés par le docteur Dufort.
[22] Le 9 janvier 2002, le docteur Dufort maintient les diagnostics d’entorses cervicale et lombaire. Le travailleur présente une meilleure mobilisation, mais sa condition demeure très instable. Le médecin recommande la poursuite des traitements de physiothérapie.
[23] Dans le cadre de procédures judiciaires, le travailleur est incarcéré le 14 janvier 2002 au Centre de détention de Saint-Jérôme, sans avoir eu connaissance préalablement qu’il allait entrer en prison. Il devait revoir le docteur Dufort pour la poursuite de son suivi médical le 31 janvier suivant.
[24] Au centre de détention, monsieur Duchesne consulte le docteur Daniel Forest, l’un des médecins responsables du bureau médical, le 11 février 2002. Le docteur Forest pose les diagnostics d’entorses cervicale et lombaire, demande une évaluation médicale et prescrit des traitements de physiothérapie.
[25] À ce sujet, monsieur Duchesne soumet qu’il n’avait aucun choix quant au médecin qu’il devait consulter.
[26] Il a fait une demande au centre de détention afin de revoir le docteur Dufort et cette requête lui a été refusée puisque deux médecins étaient disponibles au Centre de détention de Saint-Jérôme. Le travailleur explique qu’il avait la possibilité de consulter l’un ou l’autre des médecins, mais la situation aurait été la même selon lui puisque ces deux médecins collaborent.
[27] Le travailleur continue donc de consulter le docteur Forest, qui a pris charge de son dossier. Le 1er mars 2002, ce médecin pose le diagnostic d’entorse cervicale, avec céphalées d’origine cervicale probable. À ses notes de consultation, il indique des limitations de mouvements dans tous les axes à l’exception de la flexion antérieure, mais sans spasme ni induration. Il ne note aucune brachialgie. Il recommande la poursuite des traitements de physiothérapie et demande à nouveau qu’une expertise médicale soit réalisée.
[28] Aux notes évolutives, le docteur Allard, médecin régional de la CSST, écrit le 6 mars 2002[2] qu’il a parlé au docteur Forest :
Bilan fait avec le docteur Forest
1) Il n’y a aucun signe objectif mais uniquement une allégation de douleur.
Le physiothérapeute se questionnait aussi sur la disproportion entre subjectif et objectif.
Le docteur Forest se proposait de faire encore 1 semaine de physio et que, en l’absence de changement des allégations de douleur, il cessera la physio.
L’expertise a été demandé par lui dans le cadre d’une entorse sans signe objectif qui ne s’améliore pas après 5 mois.
Ne serait pas surpris qu’il y ait consolidation par l’expert.
2) Aucun problème à ce qu’il se rende à l’expertise.
[sic]
[29] Le 11 mars 2002, le travailleur cesse les traitements de physiothérapie. Le thérapeute écrit que la condition est inchangée depuis le début des traitements et, qu’objectivement, il ne note aucune tension musculaire et il y a une bonne mobilité des vertèbres lombaires et cervicales. La douleur est présente lors des étirements.
[30] Le 20 mars 2002, le docteur Forest pose les diagnostics d’entorses cervicale et dorsale; il précise qu’il a oublié de faire état de l’entorse dorsale dans son dernier rapport médical. Il note des céphalées secondaires d’origine cervicale et des limitations de mouvements, sans déficit neurologique ni spasme. Les traitements de physiothérapie se poursuivent.
[31] Le 22 mars 2002, une expertise médicale est réalisée par le docteur Claude Lamarre, chirurgien orthopédiste, à la demande de la CSST. Comme impression diagnostique, il retient une entorse cervicale, une entorse dorsolombaire ainsi qu’une contusion de la fesse gauche avec hématome.
[32] Les douleurs n’irradient pas dans les membres périphériques. L’examen clinique objectif du docteur Lamarre de la colonne cervicale est le suivant :
Les mensurations ne montrent pas d’atrophie.
CÔTÉ DROIT CÔTÉ GAUCHE
bras 27 cm 26,5 cm
avant-bras 26 cm 25 cm
Les réflexes bicipitaux, tricipitaux et stylo-radial sont vifs et symétriques. Je ne constate aucune atrophie des muscles de l’épaule et de l’omoplate. Il n’y a pas de spasme au niveau des trapèzes et des musculatures para-vertébrales. La mobilisation des épaules est complète. L’élévation de l’omoplate se fait normalement. Il n’y a pas de winging.
Les mouvements de la colonne aujourd’hui sont bons.
- L’extension va à 30 degrés.
- La flexion va à 40 degrés.
- La rotation gauche et droite va à 60 degrés.
- La flexion latérale gauche et droite va à 30 degrés.
Le patient dit ressentir de la douleur à l’extension.
La percussion au niveau de la région cervicale lui donne des douleurs surtout à la partie cervicale basse et dorsale haute.
[33] L’examen de la colonne lombaire est le suivant :
À l’examen de la colonne dorso-lombaire, je ne vois aucune déformation, aucune scoliose. L’indice de Schoeber est de 4/15 en position debout et de 5/15 en position assise. Le patient se penche à environ un pied et demi du sol.
- La flexion se fait donc à 80 degrés.
- L’extension va à 30 degrés.
- La flexion latérale gauche et droite va à 30 degrés.
- La rotation gauche et droite va à 30 degrés.
Les mouvements se font facilement, harmonieusement. Je ne constate aucun spasme au niveau de la région para-vertébrale. La percussion lombaire n’est pas douloureuse.
Les mensurations ne montrent pas d’atrophie.
CÔTÉ DROIT CÔTÉ GAUCHE
cuisse 49 cm 49 cm
mollet 34 cm 34 cm
Les rotuliens sont lents et symétriques en position couchée et sont vifs et symétriques en position assise. Les achilléens sont lents et symétriques en position couchée mais vifs et symétriques en position à genoux. La force musculaire en dorsi-flexion du pied et des orteils est normale. Le réflexe plantaire est normal. Les sensations sont normales. Les Lasègue se font à 90 degrés de chaque côté sans aucun problème. Les mouvements de la hanche gauche sont complets dans tous les plans mais il dit avoir des douleurs aux extrêmes des mouvements. Le tripode est complètement négatif.
[34] Il consolide la lésion du travailleur sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitations fonctionnelles. Il écrit ce qui suit :
Le patient se plaint encore de douleurs à la région cervicale, de douleurs à la région dorso-lombaire mais qui ne s’accompagnent d’aucune atrophie musculaire, d’aucun signe neurologique, d’aucune limitation des mouvements de la colonne cervicale ou de la colonne dorso-lombaire, d’aucune limitation des mouvements de la hanche gauche, d’aucun signe d’hématome actuellement, d’aucun signe neurologique, c’est pourquoi, d’après le barème de la C.S.S.T., cette entorse cervicale, cette contusion dorso-lombaire et cet hématome au niveau de la fesse gauche ne laissent aucune séquelle permanente.
[35] Le 27 mars 2002, la CSST transmet au docteur Forest le rapport d’expertise médicale du docteur Lamarre ainsi qu’un formulaire de rapport complémentaire.
[36] Le 2 avril 2002, le docteur Forest complète deux rapports finaux. Dans son premier rapport final daté du 2 avril 2002, le docteur Forest reprend le diagnostic d’entorse cervicale, indique que la lésion est consolidée depuis le 25 mars précédent, mais il ne se prononce pas sur l’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique et de limitations fonctionnelles. Ce document a été reçu à la CSST le 8 avril suivant.
[37] Dans le deuxième rapport final, daté du 2 avril 2002 et reçu à la CSST le 21 mai 2002, le docteur Forest indique que ce document est un addendum au premier, que la lésion est consolidée sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitations fonctionnelles.
[38] Le 2 avril 2002, le docteur Forest complète également un rapport complémentaire. Il retient une cervicalgie chronique sans signe objectif non améliorée par la physiothérapie, mais indique cependant que le travailleur a subi un traumatisme important à ce niveau. La lésion est consolidée parce que stable, avec une incapacité non mesurable alléguée par le travailleur. Le docteur Forest poursuit le traitement anti-inflammatoire. Au bas de ce document, il y a une note indiquant « Laisser au dossier ».
[39] Le travailleur affirme n’avoir jamais reçu copie des rapports finaux ni du rapport complémentaire. Il n’en a pris connaissance qu’en novembre 2007, lors d’une rencontre avec son procureur.
[40] Selon les notes de consultation du docteur Forest, il a revu le travailleur le 24 avril 2002. Ces notes font état d’une douleur vertébrale chronique, sans plus.
[41] Le 1er mai 2002, le médecin régional de la CSST écrit ce qui suit :
Lors du bilan, le docteur Forest disait qu’il n’y avait aucun signe objectif, mais uniquement des allégations de douleur.
Il ne voulait pas consolider lui-même la lésion mais désirait autre expertise, compte tenu de la situation. Toutefois, il croyait qu’il serait consolidé et qu’il n’y avait aucun facteur objectif pour émettre des L.F.
Le Dr Lamarre (204) consolide sans L.F. et sans DAP.
Soumis au Dr Forest, ce rapport est entériné, en répétant qu’il n’y a pas d’élément objectif pour mesurer l’incapacité, mais uniquement des allégations.
À la demande s’il acceptait les conclusions du 204, il faut conclure selon lui qu’il acceptait toutes les conclusions.
[sic]
[42] Le 3 mai 2002, l’agente d’indemnisation écrit aux notes évolutives qu’elle a laissé un message à la conjointe du travailleur pour l’aviser de la consolidation de la lésion et qu’une décision de capacité de travail serait rendue.
[43] Le même jour, l’agente d’indemnisation écrit qu’après discussion avec son chef d’équipe, il a été convenu de communiquer avec le docteur Forest pour s’assurer que monsieur Duchesne ne conservait aucune atteinte permanente à son intégrité physique ni limitations fonctionnelles. Elle laisse des messages au docteur Forest les 3 et 13 mai suivants.
[44] La conversation avec ce médecin a eu lieu quelques jours plus tard[3] et le docteur Forest lui confirme qu’il est d’accord avec toutes les conclusions du docteur Lamarre, qu’il avait oublié de cocher les cases appropriées sur le rapport final et qu’il en compléterait un autre.
[45] Monsieur Duchesne indique qu’il a eu connaissance de la consolidation de sa lésion durant son incarcération par le biais de son ex-conjointe. Elle l’a informé que la CSST mettait fin au versement de l’indemnité de remplacement du revenu. Il a en effet reçu la décision rendue le 6 mai 2002 selon laquelle il était capable d’exercer l’emploi de couvreur à compter du 2 mai 2002. Il a contesté cette décision le 22 mai 2002, laquelle fait l’objet du présent litige.
[46] Cependant, monsieur Duchesne a aussi indiqué qu’il a discuté avec le docteur Forest, à une date qu’il ne peut préciser, de l’absence de séquelles et ce dernier lui aurait dit qu’il n’était pas d’accord avec les conclusions du docteur Lamarre.
[47] Le travailleur explique qu’au mois de mai 2002 il n’était pas en mesure de travailler comme couvreur puisque cet emploi est trop exigeant physiquement. Il n’était pas et il n’est toujours pas en mesure de se pencher ou même de forcer en raison de douleurs au cou et au dos. Il indique qu’il est en mesure de soulever un poids maximum de 20 livres sans avoir mal au cou, si ce mouvement n’est pas répétitif.
[48] Monsieur Duchesne a revu le docteur Forest les 7 et 23 mai 2002. Dans ses notes médicales du 7 mai 2002, le docteur Forest écrit que les douleurs cervicales sont stables et que les rotations ainsi que l’extension sont limitées.
[49] Le 23 mai 2002, le travailleur écrit une lettre à l’attention de la CSST, indiquant qu’il a des maux de tête et qu’il ressent toujours des douleurs au cou et au dos. Il désire recommencer des traitements de physiothérapie.
[50] Le 3 juin 2002, le travailleur écrit une seconde lettre à l’attention de la CSST où il demande de passer une tomodensitométrie et un examen d’imagerie par résonance magnétique. Il exprime son désaccord avec l’opinion du docteur Forest quant à l’absence d’atteinte permanente à son intégrité physique et de limitations fonctionnelles. Monsieur Duschene manifeste le désir de revoir le docteur Dufort.
[51] Le 10 juin 2002, le docteur Forest pose le diagnostic de cervicalgie chronique, note l’échec des traitements de physiothérapie et prescrit toujours de la médication au travailleur; il demande une consultation en orthopédie et une autre expertise médicale.
[52] Monsieur Duchesne reverra le docteur Forest en septembre et octobre 2002. Les notes de consultation sont encore une fois à l’effet que les mouvements cervicaux sont limités.
[53] Le 25 octobre 2002, il sort de prison. Il prend rendez-vous avec le docteur Dufort, qu’il reverra le 7 novembre suivant. Le docteur Dufort complète un rapport médical à l’attention de la CSST où il pose le diagnostic d’entorse cervicale avec persistance de douleurs et céphalées. Le médecin demande un examen d’imagerie par résonance magnétique cervicale et indique qu’il s’agit d’une récidive, rechute ou aggravation de la lésion initiale.
[54] Dans ses notes cliniques, le docteur Dufort précise que les douleurs cervicales n’irradient pas aux membres supérieurs et, à l’examen physique, il note la présence de contracture des trapèzes. Le niveau lombaire est sans particularité.
[55] Monsieur Duchesne soumet une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation, qui sera refusée par la CSST le 9 janvier 2003, laquelle fait également l’objet du présent litige.
[56] Le 26 novembre 2002, le docteur Dufort reprend le diagnostic d’entorse cervicale, indique que monsieur Duchesne n’est pas en mesure de travailler comme couvreur, mais qu’il pourrait faire des travaux légers.
[57] Le 12 février 2003, un examen d’imagerie par résonance magnétique de la colonne cervicale est réalisé et interprété comme suit :
Opinion :
Petite hernie discale sous-ligamentaire multi-étagée, plus marquée en C5-C6 où on note une proéminence de part et d’autres de la ligne médiane, il ne s’agit pas de bombement à base large.
[58] Le travailleur indique avoir été dans l’impossibilité de voir le docteur Dufort de mars 2003 à septembre 2004, puisqu’il a de nouveau été incarcéré un certain temps et qu’il ne possédait pas de voiture pour se rendre à Terrebonne. Il affirme cependant avoir consulté médicalement dans la région de Joliette, mais les notes de consultation n’ont pas été soumises au tribunal.
[59] Le 30 avril 2004, une expertise médicale est réalisée à la demande du travailleur par le docteur Gilles Roger Tremblay, chirurgien orthopédiste. Ce médecin retient la même date de consolidation que le docteur Forest, soit le 25 mars 2002, parce que la condition était stable à ce moment. Toutefois, il retient des pourcentages de déficit anatomophysiologique de 2 % pour une entorse cervicale et un pourcentage additionnel de 2 % pour une atteinte des tissus mous du membre inférieur. Il décrit des limitations fonctionnelles et indique que ces limitations sont incompatibles avec l’emploi de couvreur. Le docteur Tremblay est d’avis que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation en novembre 2002 parce qu’il s’agit de la manifestation de la lésion originale.
[60] Depuis septembre 2004, monsieur Duschene est de nouveau incarcéré et continue de recevoir un suivi médical en prison ainsi que des médicaments contre la douleur.
[61] Au jour de l’audience, le travailleur indique qu’il bénéficie de traitements de physiothérapie, à raison d’une fois par mois depuis maintenant quatre mois. Il présente toujours des problèmes au dos et au cou.
[62] Le 22 octobre 2007, monsieur Jean-François Longtin, directeur de l’établissement de détention de Saint-Jérôme, signe une lettre qui a été produite au dossier du tribunal.
[63] Monsieur Longtin écrit qu’en vertu de l’article 30 de la Loi sur les services correctionnels[4], en vigueur à cette époque, le directeur de l’établissement de détention à la responsabilité de la garde des personnes qui y sont admises. Une personne incarcérée doit demander des soins de santé au directeur de l’établissement qui ne peut les refuser.
[64] Une personne incarcérée ne peut choisir son médecin traitant. La personne est confiée au médecin de l’établissement de détention qui exerce son jugement médical avec libre discrétion. La personne incarcérée doit accepter ce jugement médical.
[65] Monsieur Longtin précise qu’il est possible pour une personne incarcérée de recevoir des soins extérieurs, lorsque sa condition requiert des soins spécialisés qui ne sont pas disponibles dans l’établissement de détention.
L’AVIS DES MEMBRES
[66] Conformément à la Loi, la commissaire soussignée a recueilli l’avis des membres issus des associations syndicales et d’employeurs sur les objets en litige.
[67] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que les requêtes de monsieur Duchesne doivent être rejetées. En effet, en ce qui concerne tout d’abord la question du médecin qui a charge, le docteur Forest avait ce statut. Monsieur Duchesne a rencontré ce médecin à plusieurs reprises lors de sa détention.
[68] Le docteur Forest a exprimé qu’il était d’accord avec les conclusions du docteur Lamarre et le travailleur ne pouvait pas contester les conclusions de son médecin traitant. La lésion professionnelle du 15 octobre 2001 est donc consolidée depuis le 25 mars 2002 sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitations fonctionnelles. Compte tenu de ces conclusions, monsieur Duchesne était capable, à compter du 2 mai 2002, d’exercer son emploi d’apprenti couvreur.
[69] En ce qui concerne maintenant la réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation du 7 novembre 2002, les membres sont d’avis que cette réclamation doit être accueillie. La preuve médicale prépondérante est à l’effet que bien que la lésion initiale ait été consolidée sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitations fonctionnelles, le suivi médical s’est régulièrement poursuivi et les examens cliniques objectifs ont démontré la présence de limitations de mouvements de la colonne cervicale.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[70] La Commission des lésions professionnelles doit décider de deux questions en litige.
[71] Elle doit tout d’abord déterminer si le travailleur était capable d’exercer son emploi d’apprenti couvreur à compter du 2 mai 2002. Selon la réponse qu’elle donnera à cette question, elle devra également se prononcer sur la réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation du 7 novembre 2002.
[72] La Commission des lésions professionnelles a attentivement analysé le dossier, qui est assez complexe, et soupesé les arguments soumis par le représentant du travailleur. Elle rend en conséquence la décision suivante.
[73] Préalablement, le tribunal devra examiner qui était le médecin traitant du travailleur au printemps 2002, alors qu’il était incarcéré.
LE MÉDECIN QUI A CHARGE
[74] Le principe du libre choix du médecin traitant, dans le cadre d’une lésion professionnelle, est édicté à l’article 192 de la Loi :
192. Le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix.
__________
1985, c. 6, a. 192.
[75] La jurisprudence a plus d’une fois consacré ce principe, qui est fondamental car les conséquences du choix du médecin qui a charge sont importantes pour un travailleur, et une prépondérance est accordée à l’opinion de ce médecin, tel qu’indiqué à l’article 224 de la Loi :
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .
__________
1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
[76] La preuve au dossier est à l’effet que le docteur Dufort était le premier médecin choisi par le travailleur, lequel il a d’ailleurs consulté à plusieurs reprises jusqu’en janvier 2002.
[77] Cependant, monsieur Duchesne a été incarcéré, ce qui l’a empêché de revoir le docteur Dufort. Lors de son incarcération, monsieur Duschene a consulté le docteur Forest qui était l’un des médecins du Centre de détention de Saint-Jérôme.
[78] Est-ce que le fait d’être incarcéré a pour effet de mettre en échec le droit de choisir son médecin traitant?
[79] Selon la lettre soumise par monsieur Longtin, directeur du Centre de détention de St-Jérôme, une personne incarcérée ne peut choisir son médecin traitant. Cette personne est confiée au médecin de l’établissement de détention qui exerce son jugement médical avec libre discrétion. La personne incarcérée doit accepter ce jugement médical.
[80] Monsieur Longtin précise cependant qu’il est possible pour une personne incarcérée de recevoir des soins extérieurs, lorsque sa condition requiert des soins spécialisés qui ne sont pas disponibles dans l’établissement de détention.
[81] La jurisprudence du tribunal a toutefois confirmé récemment[5] qu’un travailleur incarcéré a toujours le droit de choisir son médecin, conformément à l’article 192 de la Loi, et qu’il peut refuser de consulter le médecin de l’établissement pour le suivi de sa lésion professionnelle.
[82] L’article 22.13 de la Loi sur les services correctionnels[6] permet la possibilité de visites médicales à l’extérieur, aux conditions déterminées par le directeur général :
22.13. Le directeur général peut, pour des raisons médicales, aux conditions qu’il détermine, autoriser une personne incarcérée à s’absenter temporairement de l’établissement de détention, quelle que soit la durée de son emprisonnement et même si elle n’est pas admissible à l’absence temporaire visée à l’article 22.2.
[83] De ce fait, le directeur de l’établissement de détention aurait pu autoriser monsieur Duchesne à s’absenter temporairement pour des visites médicales extérieures.
[84] Monsieur Duchesne affirme qu’il a demandé à revoir le docteur Dufort, ce qui lui a été refusé par le Centre de détention de Saint-Jérôme.
[85] Un mécanisme de plainte existe dans les centres d’établissement de détention, tel que précisé aux articles 23 à 26 du Règlement sur les établissements de détention[7] qui étaient en vigueur en 2002 :
23. Une personne incarcérée peut présenter une plainte écrite à l’administrateur de l’établissement ou au fonctionnaire qu’il a désigné à cette fin.
24. Une plaine écrite reçoit une réponse écrite dans les 7 jours.
25. Si la personne incarcérée juge que sa plainte n’a pas reçu une réponse équitable, elle peut adresser à nouveau cette plainte au directeur général ou au fonctionnaire qu’il a désigné à cette fin.
26. Une réponse écrite doit être expédiée à cette personne dans les 7 jours suivant la réception de la plainte par le directeur général ou le fonctionnaire qu’il a désigné à cette fin.
[86] La Commission des lésions professionnelles n’a pas reçu de preuve à l’effet que monsieur Duchesne aurait utilisé ce mécanisme de plainte lorsqu’il en avait l’opportunité, afin de contester le refus de lui accorder des visites médicales à l’extérieur. Il a revu le docteur Forest, qui avait pris en charge son dossier, et il a accepté les soins qu’il lui a prescrits.
[87] Il a donc consenti à consulter le docteur Forest tout au long de son incarcération au Centre de détention de Saint-Jérôme. De plus, monsieur Duchesne a indiqué avoir eu la possibilité de consulter le second médecin de l’établissement de détention, ce qu’il n’a pas fait, n’en voyant pas la différence puisque selon lui, ces deux médecins collaborent.
[88] Dans l’affaire Kotrbaty et Henderson[8], il a été décidé qu’un travailleur incarcéré avait le libre choix de son médecin traitant et pouvait entreprendre des démarches pour consulter un médecin à l’extérieur du centre de détention. Parce qu’il n’a pas entrepris de telles démarches et a donc accepté du même fait les soins du médecin du centre de détention.
[89] Ainsi, le tribunal estime que le docteur Forest est devenu le médecin traitant du travailleur et donc que son opinion médicale est en principe prépondérante quant à la lésion professionnelle et les prescriptions de l’article 192 de la Loi ont donc été ainsi respectées.
[90] Par ailleurs, la CSST, tel que prévu à l’article 204 de la Loi, pouvait requérir un examen médical du travailleur par le médecin qu’elle désigne :
204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.
La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115 .
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1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.
[91] Dans le présent cas, la CSST s’est prévalue de ce droit et a demandé au docteur Lamarre d’examiner le travailleur, ce qu’il a fait le 22 mars 2002. Ce médecin a déterminé que la lésion était consolidée sans atteinte permanente à l’intégrité physique, ni limitation fonctionnelle.
[92] À la suite de cette expertise, le docteur Forest a complété deux rapports finaux et un rapport complémentaire dans lesquels il se dit en somme d’accord avec les conclusions du docteur Lamarre.
LA COMMUNICATION DES INFORMATIONS MÉDICALES AU TRAVAILLEUR
[93] Le travailleur dit qu’il n’a jamais reçu les rapports du docteur Forest. Le représentant du travailleur soumet au tribunal qu’il n’est donc pas lié par ces conclusions parce que cette omission est contraire aux prescriptions des articles 203 et 205.1 de la Loi :
203. Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.
Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant :
1° le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;
2° la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;
3° l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.
Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.
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1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.
205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .
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1997, c. 27, a. 3.
[94] La jurisprudence est à l’effet que le médecin traitant a l’obligation, en vertu de l’article 203 de la Loi, d’informer sans délai le travailleur du contenu du rapport final. Il a aussi l’obligation d’informer sans délai le travailleur du contenu du rapport complémentaire, tel qu’indiqué à l’article 205.1 de la Loi; cette exigence n’est pas une simple formalité, mais bien une exigence de fond[9]. C’est à ce seul moment que le travailleur peut exercer le libre choix de son médecin traitant dévolu à l’article 192, s’il est en désaccord avec le contenu du rapport. (Notre soulignement)
[95] À l’audience, le travailleur indique qu’il a pu lire le rapport complémentaire et les rapports finaux du docteur Forest lors de sa rencontre avec son avocat, en novembre 2007. Il n’a jamais reçu copie de ces rapports. Sur le rapport complémentaire du docteur Forest, une note encerclée indique que ce rapport a été effectivement laissé au dossier.
[96] Monsieur Duchesne a indiqué avoir eu connaissance de la consolidation de sa lésion par un écrit de la CSST.
[97] Dans la décision Clermont et Broderie Rive-Sud[10], la travailleuse n’a jamais été informée autrement que par la CSST des modifications de son médecin traitant quant aux conclusions sur l’atteinte permanente à l’intégrité physique et les limitations fonctionnelles. Ceci ne respecte pas l’obligation légale faite au médecin traitant de communiquer les informations au travailleur.
[98] Le travailleur doit connaître le contenu de ces rapports par l’entremise du médecin qui a charge selon la procédure médicale prévue par la Loi, et non par un agent de la CSST[11].
[99] Mais, il n’est spécifié nulle part dans la Loi que le fait d’informer le travailleur passe obligatoirement par la remise d’un document écrit, car la Loi impose uniquement un devoir de partage d’information.
[100] Dans le cas présent, le travailleur a cependant dit qu’il avait discuté avec le docteur Forest de son désaccord quant à ses conclusions médicales, sans qu’il puisse en préciser la date. La revue des notes médicales du docteur Forest est à l’effet qu’il a rencontré monsieur Duchesne à tout le moins le 24 avril, et à quelques reprises en mai et en juin 2002. Il a donc été informé par ce médecin de ses conclusions.
[101] Dans l’affaire Perron et Transport Marcel St-Pierre[12], il a été décidé que le fait qu’un médecin qui a charge transmette le rapport complémentaire à la CSST sans en informer le travailleur, ne constitue pas une omission grave si le médecin traitant a partagé avec le travailleur son accord sur les conclusions médicales du médecin de l’employeur.
[102] Dans l’affaire Raymond et Transformation B.F.L.[13], le médecin choisi par la travailleuse, qui a évalué ses séquelles, a omis de lui expédier une copie de son rapport, qui n’est pas une obligation prévue à l'article 203 de la Loi. La Commission des lésions professionnelles a décidé que même si cette technicalité n'a pas été respectée intégralement, cela n'a pas pour effet de donner à la travailleuse des droits que la Loi ne prévoit pas. En effet, le législateur laisse au travailleur le choix de son médecin autant pour les traitements que pour l'évaluation de l'atteinte permanente, mais le travailleur ne peut contester les conclusions de ce médecin lorsqu'il en est insatisfait sinon cela conduirait à une surenchère inacceptable.
[103] Dans une autre affaire[14], la Commission des lésions professionnelles a décidé que le fait pour le médecin en charge du travailleur de ne pas avoir communiqué ses conclusions médicales directement et sans délai au travailleur ne représente qu'un aspect technique dont le non-respect ne peut donner des droits exorbitants au travailleur.
[104] De la preuve prépondérante au dossier, le tribunal constate que le docteur Forest s’est dit d’accord avec l’opinion du médecin désigné par la CSST, le docteur Lamarre, et conclut dans son rapport final du 2 avril 2002 et dans son rapport complémentaire daté du même jour que la lésion du travailleur est consolidée sans atteinte permanente à son intégrité physique ni limitations fonctionnelles.
[105] La Commission des lésions professionnelles est donc liée par les conclusions du docteur Forest à l’effet que la lésion professionnelle du 15 octobre 2001 est consolidée depuis le 25 mars 2002, sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitation fonctionnelle.
[106] Le travailleur ne peut contester les conclusions de ce médecin, qu’il a continué de consulter par la suite. Bien qu’il ait été démontré que le docteur Forest n’a pas informé le travailleur le 2 avril 2002 du fait qu’il était en accord avec les conclusions du docteur Lamarre, le tribunal retient que le travailleur a revu ce médecin à plusieurs reprises par la suite et qu’à l’une ou l’autre de ces visites ils ont eu des discussions relativement à l’opinion exprimée par le docteur Lamarre et entérinée par le docteur Forest.
[107] Cette légère entorse procédurale, soit l’obligation faite au médecin qui a charge d’informer sans délai un travailleur du contenu de son rapport, n’est pas fatale dans les circonstances du présent dossier.
[108] La CSST était donc bien fondée de ne pas soumettre ce dossier à la procédure d’évaluation médicale prévue à la Loi puisqu’il n’y avait pas de divergence d’opinions entre le médecin désigné et le médecin traitant.
LA DÉCISION DE CAPACITÉ DE TRAVAIL À COMPTER DU 2 MAI 2002
[109] Dans ses rapports médicaux du 2 avril 2002, le docteur Forest a consolidé la lésion le 25 mars 2002 et ne retient aucune atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitations fonctionnelles.
[110] Toujours en vertu du principe de la prépondérance accordée à l’opinion du médecin qui a charge, le travailleur ne peut, comme mentionné plus avant, contester ses conclusions.
[111] Le tribunal ne peut donc retenir l’opinion exprimée par le docteur Tremblay, le médecin expert choisi par le représentant du travailleur.
[112] Compte tenu de ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles confirme la décision rendue par la CSST déclarant le travailleur capable d’exercer son travail d’apprenti couvreur à compter du 2 mai 2002.
LA RÉCIDIVE, RECHUTE OU AGGRAVATION DU 7 NOVEMBRE 2002
[113] En ce qui concerne maintenant la réclamation du travailleur pour une récidive, rechute ou aggravation du 7 novembre 2002, la Commission des lésions professionnelles rend la décision suivante.
[114] La Loi définit la lésion professionnelle comme suit :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[115] Les notions de récidive, rechute ou aggravation d’une blessure ou d’une maladie survenue par le fait ou à l’occasion d’un accident du travail sont comprises dans la notion de lésion professionnelle, tel que précité.
[116] Comme elles ne sont cependant pas définies dans la Loi, il faut s’en référer à leur sens courant pour en comprendre la signification.
[117] Un examen des définitions qui en sont données dans le dictionnaire permet de dégager qu’il peut s’agir d’une reprise évolutive, d’une réapparition ou d’une recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes[15].
[118] Il n’est par ailleurs pas nécessaire que la récidive, rechute ou aggravation résulte d’un nouveau fait accidentel.
[119] Il faut cependant qu’il y ait une preuve médicale prépondérante pour établir la relation entre la pathologie présentée par un travailleur à l’occasion de la récidive, rechute ou aggravation alléguée et survenue par le fait ou à l’occasion de la lésion professionnelle initiale.
[120] Dans la décision Boisvert et Halco inc.[16], le commissaire Tardif établit certains paramètres quant à l’établissement de la relation entre la récidive, rechute ou aggravation alléguée et l’événement initial :
1. la gravité de la lésion initiale;
2. la continuité de la symptomatologie;
3. l’existence d’un suivi médical;
4. le retour au travail avec ou sans limitations fonctionnelles;
5. la présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique;
6. la présence ou l’absence de conditions personnelles;
7. la compatibilité de la symptomatologie alléguée au moment de la récidive, rechute ou aggravation avec la nature de la lésion initiale;
8. le délai entre la récidive, rechute ou aggravation et la lésion initiale.
[121] Aucun de ces paramètres n’est à lui seul décisif, mais ils permettent d’éclairer le tribunal sur le bien-fondé ou non de la réclamation.
[122] Un travailleur qui présente une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation doit démontrer, par une preuve médicale prépondérante, l’existence d’une relation entre la lésion alléguée comme récidive, rechute ou aggravation avec celle diagnostiquée lors de la réclamation initiale[17].
[123] Qu’en est-il en l’espèce?
[124] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que dans le cas présent, bien que le docteur Forest ait consolidé la lésion du 15 octobre 2001 au 25 mars 2002 sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitations fonctionnelles, il y a eu un suivi médical régulier qui a démontré la présence d’une pathologie au niveau cervical.
[125] En effet, dans les notes médicales du docteur Forest du 7 mai 2002 et suivantes, il constate à chaque visite des limitations des mouvements cervicaux, lors de la rotation droite et gauche ainsi que de l’extension. Il y a donc présence de limitations objectives qui permettent de relier la condition cervicale pour laquelle monsieur Duchesne a consulté de nouveau le docteur Dufort en novembre 2002 à l’événement du 15 octobre 2001.
[126] Pour ces motifs, la requête de monsieur Duchesne à ce chapitre est accueillie.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 198132-63-0301
REJETTE la requête de monsieur Nick Duchesne, le travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité rendue le 20 novembre 2002, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Nick Duchesne, le travailleur, était capable d’exercer son emploi d’apprenti couvreur à compter du 2 mai 2002.
Dossier 240847-63-0408
ACCUEILLE la requête de monsieur Nick Duchesne, le travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 29 juillet 2004, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Nick Duchesne, le travailleur, a subi une récidive, rechute ou aggravation le 7 novembre 2002; et
DÉCLARE que monsieur Nick Duchesne, le travailleur, a le droit à tous les avantages et bénéfices prévus à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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Manon Gauthier |
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Commissaire |
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Me André Laporte |
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Laporte-Lavallée |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] À la page 8 du dossier, la date du 6 février 2002 est notée par le docteur Allard, mais le tribunal croit qu’il faut plutôt lire le 6 mars 2002, car le 6 février 2002 le docteur Forest n’avait pas encore rencontré le travailleur.
[3] La date de cette note est illisible, mais selon l’ordre chronologique, elle a eu lieu entre le 13 et le 22 mai 2002.
[4] L.R.Q., c. S-4.01; Le chapitre S-4.01 est remplacé par la Loi sur le système correctionnel du Québec (chapitre S-40.1) (2002, c. 24, a. 210) depuis le 5 février 2007.
[5] Côté et Les constructions L.P.G. inc., C.L.P. 268027-04-0507, 29 janvier 2008, D. Lajoie.
[6] Supra, note 3.
[7] R.R.Q., 1981, c. P-26, r. 1; c. S-4.01, r.1; ce règlement a été remplacé en 2007 : Règlement d'application de la Loi sur le système correctionnel du Québec, (2007) 139 G.O. II, 135A, eff. 07- 02-05; voir S-40.1, r. 1.
[8] Kotrbaty et Henderson, Barwick inc., C.A.L.P. 13246-60-8906, 9 mars 1994, A. Leydet, révision rejetée, 5 janvier 1995, M. Lamarre.
[9] McQuinn et Étiquettes Mail-Well, C.L.P. 201087-62A-0303, 31 janvier 2005, N. Tremblay.
[10] Clermont et Broderie Rive-Sud, C.L.P. 254081-62B-0501, 15 décembre 2005, A. Vaillancourt.
[11] Gagné et Entreprises Cuisine-Or, C.L.P. 231454-03B-0404, 13 juin 2005, M. Cusson.
[12] Perron et Transport Marcel St-Pierre, C.L.P. 163232-08-0106, 25 juin 2003, P. Prégent.
[13] Raymond et Transformation B.F.L., C.L.P. 230973-04-0403, 25 février 2005, A. Gauthier.
[14] Trudel et Transelec/Common inc., C.L.P., 257302-01B-0502, 06-02-24, L. Desbois, révision rejetée, 07-07-13, C.-A. Ducharme.
[15] Lapointe et Cie Minière Québec-Cartier (1988) CALP, 38.
[16] (1995) CALP, 19.
[17] Supra note 16; Leblanc et Prud’homme & Frères ltée, 40863-63-9206, 19 août 1994, A. Leydet.