Gauthier et Groupe Alcan Metal Primaire (énergie électrique) |
2007 QCCLP 3375 |
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[1] Le 10 octobre 2006, madame Pauline Gauthier (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 31 août 2006 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST déclare irrecevable la demande de révision de la travailleuse du 22 juin 2006. De plus, elle confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 26 mai 2006 et déclare que suite à la lésion professionnelle du 24 août 2004, la travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique.
[3] L’audience s’est tenue le 28 février 2007 à Saguenay en présence de la travailleuse. La Compagnie Groupe Alcan Métal Primaire (énergie électrique) (l’employeur) n’était pas représentée. Toutefois, le 26 février 2007, l’employeur a transmis à la Commission des lésions professionnelles une argumentation écrite au soutien de ses prétentions.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La travailleuse demande de déclarer qu’elle conserve des séquelles permanentes de la lésion professionnelle qu’elle a subie le 24 août 2004.
LES FAITS
[5] En 2004, la travailleuse occupe un poste de commis à la planification pour l’employeur.
[6] Le 24 août 2004, la travailleuse subit un accident du travail qu’elle décrit ainsi :
En circulant par l’allée piétonnière où sont entreposées les cruches d’eau, je fus heurtée par la charge basculante des caisses de bouteilles d’eau pleines.
[7] Le 25 août 2004, la travailleuse consulte la docteure Mylène Simard. Un diagnostic de contusion à la cheville droite est alors posé par la docteure Simard et un arrêt de travail est recommandé.
[8] Le même jour, une radiographie de la cheville et du pied droit de la travailleuse est effectuée. Selon le radiologiste Raymond Boucher, cet examen démontre l’absence de lésion osseuse à ce niveau.
[9] Par la suite, la docteure Annie Harvey assure le suivi médical de la travailleuse.
[10] Le 17 septembre 2004, la docteure Harvey maintient le diagnostic de contusion au pied droit et recommande la prolongation de l’arrêt de travail.
[11] Le 1er octobre 2004, la docteure Harvey pose le diagnostic d’entorse à la cheville droite et des traitements de physiothérapie pour renforcement de la cheville sont recommandés à la travailleuse.
[12] Le 29 octobre 2004, la docteure Harvey autorise une assignation temporaire pour la travailleuse. Lors de la période des Fêtes de l’année 2004, la travailleuse cesse son assignation temporaire puisqu’elle prend sa retraite.
[13] Durant l’hiver 2005, la travailleuse continue d’être suivie régulièrement par la docteure Harvey. Le diagnostic de contusion au pied droit est maintenu ainsi que les traitements de physiothérapie.
[14] Après plus de 90 traitements de physiothérapie, la docteure Harvey remplit, le 6 juin 2005, un rapport final pour la CSST.
[15] Sur ce rapport final, le diagnostic de contusion au pied droit est posé par la docteure Harvey. Elle consolide la lésion en date du 6 juin 2005 et prévoit que la travailleuse conservera une atteinte permanente ainsi que des limitations fonctionnelles de cette lésion. Il est à noter que sur ce rapport final, la docteure Harvey n’indique pas si elle produira le rapport d’évaluation des séquelles ou si elle orientera la travailleuse vers un autre médecin.
[16] Le 16 juin 2005, la CSST écrit à la travailleuse afin que cette dernière identifie le médecin qui évaluera les séquelles permanentes qui découlent de sa lésion professionnelle du 24 août 2004. Le 29 juin 2005, la travailleuse remplit un document dans lequel elle indique que c’est le docteur Rémy Lemieux qui procédera à l’évaluation des séquelles permanentes de sa lésion professionnelle.
[17] Le 14 octobre 2005, la travailleuse consulte à nouveau la docteure Harvey. Elle pose alors un diagnostic de récidive d’entorse à la cheville droite et fait état de douleurs persistantes à la cheville de la travailleuse. Des traitements de physiothérapie sont à nouveau prescrits à la travailleuse, mais aucun arrêt de travail n’est recommandé.
[18] Le 8 novembre 2005, la CSST accepte de payer les nouveaux traitements de physiothérapie prescrits à la travailleuse.
[19] Par la suite, la docteure Harvey assure un suivi médical mensuel de la travailleuse. Les diagnostics d’entorse à la cheville droite ainsi que de sciatalgie droite sont alors posés par la docteure Harvey. Au mois de mars 2006, des traitements de chiropraxie sont recommandés à la travailleuse.
[20] Le 11 mai 2006, le docteur Lemieux procède à l’évaluation des séquelles permanentes de la travailleuse. Le docteur Lemieux conclut son rapport en affirmant que :
Il s’agit d’une dame qui a eu une contusion au niveau de la cheville qui est documentée au dossier, qui n’a laissé aucune séquelle esthétique et a eu une longue réadaptation avec physiothérapie pour un total de 97 traitements pour cette contusion. Elle demeure avec des signes subjectifs de douleur au niveau du pied et de la cheville qui ne correspondent pas avec l’intensité et la réalité du traumatisme. De plus, elle accuse une amplitude articulaire complète ne pouvant justifier aucune limitation fonctionnelle. (sic)
[21] Le docteur Lemieux n’accorde donc aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles à la travailleuse.
[22] Le 26 mai 2006, la CSST rend une décision par laquelle elle entérine les conclusions du docteur Lemieux suivant lesquelles la travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles suite à sa lésion professionnelle du 24 août 2004.
[23] Cette décision est contestée par la travailleuse, d’où le présent litige.
L’AVIS DES MEMBRES
[24] Le membre issu des associations d’employeurs ainsi que le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que la requête de la travailleuse doit être rejetée.
[25] Ils sont d’avis que la loi ne permet pas à la travailleuse de contester l’opinion du médecin qu’elle a choisi pour faire l’évaluation des séquelles permanentes qui découlent de sa lésion professionnelle.
[26] Le membre des associations syndicales ajoute que si la travailleuse croit que sa condition s’est détériorée, il lui est possible de faire une nouvelle réclamation à la CSST afin que celle-ci établisse si la travailleuse présente une aggravation de sa condition à la cheville droite.
LES MOTIFS
[27] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse conserve des séquelles permanentes de sa lésion professionnelle du 24 août 2004. Toutefois, le tribunal doit d’abord décider si la demande de révision de la travailleuse est recevable.
[28] L’article 224 de la loi prévoit que la CSST est liée par l’opinion du médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets indiqués à l’article 212 dont notamment la question de l’existence et de l’évaluation des séquelles permanentes.
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.
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1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
[29] La question de la détermination du médecin qui a charge de la travailleuse revêt une importance majeure, puisque selon l’article 358 de la loi, une personne ne peut demander la révision d’une question d’ordre médical sur laquelle la CSST est liée en vertu de l’article 224 de la loi.
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2.
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1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14.
[30] C’est ainsi que si l’employeur ou la CSST n’ont pas enclenché la procédure de contestation médicale prévue à la loi, une personne ne peut contester une décision de la CSST qui entérine les conclusions médicales du médecin qui a charge du travailleur.
[31] En l’espèce, le tribunal doit donc déterminer si le rapport d’évaluation médicale du docteur Lemieux, daté du 11 mai 2006, doit être considéré comme étant le rapport du médecin qui a charge de la travailleuse au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) (LATMP).
[32] Les articles suivants sont aussi pertinents au présent litige :
192. Le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix.
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1985, c. 6, a. 192.
199. Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui-ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et:
1° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou
2° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.
Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.
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1985, c. 6, a. 199.
200. Dans le cas prévu par le paragraphe 2° du premier alinéa de l'article 199, le médecin qui a charge du travailleur doit de plus expédier à la Commission, dans les six jours de son premier examen, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport sommaire comportant notamment:
1° la date de l'accident du travail;
2° le diagnostic principal et les renseignements complémentaires pertinents;
3° la période prévisible de consolidation de la lésion professionnelle;
4° le fait que le travailleur est en attente de traitements de physiothérapie ou d'ergothérapie ou en attente d'hospitalisation ou le fait qu'il reçoit de tels traitements ou qu'il est hospitalisé;
5° dans la mesure où il peut se prononcer à cet égard, la possibilité que des séquelles permanentes subsistent.
Il en est de même pour tout médecin qui en aura charge subséquemment.
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1985, c. 6, a. 200.
203. Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.
Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant:
1° le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;
2° la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;
3° l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.
Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.
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1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.
[33] La loi ne définit pas la notion de médecin qui a charge du travailleur. La jurisprudence[2] de la Commission des lésions professionnelles a déjà établi qu’il s’agissait du médecin choisi par le travailleur, qui assure le suivi médical de celui-ci et qui lui prodigue des soins ou traitements.
[34] De plus, ce médecin peut diriger le travailleur vers d’autres spécialistes de la santé pour obtenir des avis spécialisés, si nécessaire.
[35] Dans le présent dossier, il apparaît clairement que c’est la docteure Harvey qui a été le médecin qui a eu charge de la travailleuse durant toute la période qui a précédé le rapport final du 6 juin 2005. La travailleuse a vu régulièrement en consultation ce médecin et a suivi les traitements qu’elle lui a recommandés.
[36] Par ailleurs, la loi prévoit que dès qu’une lésion professionnelle est consolidée, le médecin qui a charge doit fournir à la CSST, un rapport final sur lequel il indique si une atteinte permanente et/ou des limitations fonctionnelles découlent de cette lésion.
[37] C’est ce que la docteure Harvey a fait, le 6 juin 2005, en remplissant un rapport final indiquant que la lésion de la travailleuse entraînait une atteinte permanente ainsi que des limitations fonctionnelles.
[38] Il est à noter que la docteure Harvey ne procède pas, à ce moment, à l’évaluation des séquelles qu’entraîne, selon elle, la lésion de la travailleuse. De plus, elle n’indique pas qu’elle réfère la travailleuse à un autre médecin pour qu’il procède à cette évaluation des séquelles.
[39] C’est la raison pour laquelle, la CSST a demandé à la travailleuse, le 16 juin 2005, qu’elle identifie le médecin qui procédera à cette évaluation des séquelles.
[40] La preuve démontre clairement que la travailleuse a alors choisi le docteur Lemieux pour réaliser cette évaluation. Aucune preuve n’a été faite au tribunal démontrant que ce choix de la travailleuse n’est pas libre et volontaire ou qu’il lui a été imposé par la CSST.
[41] Dès lors, la Commission des lésions professionnelles constate que le docteur Lemieux devient le médecin qui a charge de la travailleuse en ce qui concerne l’évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles qui découlent de cette lésion professionnelle. Ainsi donc, la travailleuse ne pouvait remettre en question les conclusions du docteur Lemieux.
[42] Comme la preuve le démontre, le docteur Lemieux conclut que la travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles de sa lésion.
[43] La décision de la CSST qui entérine l’avis du docteur Lemieux du 11 mai 2006 ne pouvait, par le fait même, être contestée par la travailleuse.
[44] Finalement, le tribunal tient à préciser que même si le docteur Lemieux conclut à l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, alors que la docteure Harvey en prévoyait l’existence, que cela n’invalide pas l’évaluation faite par le docteur Lemieux.
[45] En effet, selon la jurisprudence[3] du tribunal, si le premier médecin qui remplit le rapport final n’évalue pas l’atteinte permanente ou les limitations fonctionnelles, le second médecin évaluateur a alors toute la liberté nécessaire pour faire cette évaluation incluant, le cas échéant, la possibilité de conclure à l’absence d’atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles.
[46] C’est d’ailleurs ainsi que s’exprimait la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Trudel et Transelec/Common inc.[4]:
[47] La procureure du travailleur invoque par ailleurs le fait que le docteur Nault conclut à l’absence de limitations fonctionnelles alors que le docteur Jean avait indiqué qu’il y en avait, ce qui ne peut selon elle être accepté : elle plaide que le docteur Nault était lié par la conclusion du docteur Jean quant à l’existence de limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle.
[48] Encore une fois, le tribunal a effectué une revue de la jurisprudence sur cette question. Or, il en ressort de façon majoritaire qu’un seul médecin peut agir au même moment ou sur le même aspect d’un dossier, afin d’éviter une situation où il y aurait production de rapport médicaux contradictoires6. Il en ressort que plusieurs médecins peuvent agir de façon concurrente, mais sur des aspects différents du dossier, et que le médecin ayant charge de façon plus générale du travailleur peut déléguer certains aspects particuliers à d’autres médecins.
[49] Par contre, un médecin vers qui un travailleur est dirigé pour agir sur un ou des sujets précis du dossier ne peut remettre en cause et infirmer des conclusions sur des sujets déjà réglés par le médecin ayant charge du travailleur7. Ainsi, un médecin chargé d’évaluer l’atteinte permanente ne peut par exemple remettre en question le diagnostic ou la date de consolidation de la lésion professionnelle déterminés par le médecin ayant eu charge du travailleur précédemment et s’étant prononcé sur ces questions.
[50] Il importe cependant de préciser qu’il ressort clairement de la jurisprudence que cela ne vaut que si le sujet sur lequel il y a apparente contradiction a été complètement réglé par le premier médecin et respecte ainsi les exigences de l’article 2038. Ainsi, le bref formulaire « Rapport final » ne suffit pas et doit être complété par un rapport d’évaluation médicale, à moins qu’il ne comporte les éléments requis par l’article 203. Ainsi, si le premier médecin n’évalue pas l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, le second médecin a toute liberté pour les évaluer, incluant pour conclure qu’il n’y en a pas, l’article 203 référant au « pourcentage d’atteinte permanente » et à « la description des limitations fonctionnelles » et non simplement à leur existence. La commissaire Joëlle L’Heureux s’exprimait notamment comme suit sur le sujet dans l’affaire Colgan8 qui a ensuite fait jurisprudence :
« Aux fins de transmettre les avis médicaux à la suite de la consolidation de la lésion du travailleur, la Commission a mis en circulation deux formulaires pour obtenir l’opinion du médecin traitant sur les sujets prescrits par la loi, formulaires appelés respectivement « rapport final » et « rapport d’évaluation médicale ». Il ressort toutefois que le formulaire appelé « rapport final » ne rencontre pas les prescriptions de l’article 203 qui prévoit l’existence légale d’un rapport final et en détermine le contenu.
L’affirmation ou la négation pure et simple de l’existence d’une atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles, demandée au formulaire de « rapport final » par la Commission, ne correspond à aucune des étapes de la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi. L’article 203, 2ième et 3ième paragraphes, prévoit spécifiquement qu’à la suite de la consolidation de la lésion, le médecin ayant charge du travailleur doit indiquer le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur d’après le barème des dommages corporels adopté par règlement et doit décrire les limitations fonctionnelles du travailleur résultant de cette lésion.
Le geste demandé par la Commission au médecin, par le biais du « rapport final », ne correspond pas au geste demandé par le législateur à l’article 203.
Comme le législateur a aussi prévu que la Commission est liée par l’avis du médecin ayant charge du travailleur, il apparaît normal à la Commission d’appel que l’avis sur lequel la Commission devienne liée corresponde à un sujet sur lequel la loi demande au médecin ayant charge du travailleur de se prononcer.
De plus, l’absence de spécification sur la nature de la limitation fonctionnelle accordée, ou sur l’atteinte permanente dont est affligé le travailleur, rend ces séquelles abstraites.
La limitation fonctionnelle, tout comme l’atteinte permanente, ne devient réelle, et donc applicable, ou encore contestable, que lorsqu’elle est décrite dans sa nature. »
[51] Le tribunal souligne que la pertinence des questions de la CSST quant à l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles sur le bref rapport final que doit compléter le médecin, bien que ne correspondant pas exactement à ce qui est exigé à l’article 203, s’explique aisément : la réponse à ces questions permet de déterminer si une évaluation exhaustive devra être faite. Advenant une réponse négative, le dossier est en effet fermé. Cette façon de procéder respecte le libellé de l’article 203 selon lequel le médecin indique « le cas échéant […] le pourcentage d’atteinte permanente […] la description des limitations fonctionnelles […] ». Ainsi, si le médecin indique qu’aucune atteinte permanente et aucune limitation fonctionnelle ne résultent de la lésion professionnelle, il n’y a pas lieu d’aller plus loin, les exigences de l’article 203 étant respectées. Dans le cas contraire, il doit y avoir évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. En fait, un médecin de famille dans le doute et ne connaissant pas bien le barème des atteintes permanentes et les usages en matière de reconnaissance et de rédaction des limitations fonctionnelles n’a qu’à répondre « oui » aux questions de savoir s’il en découle de la lésion professionnelle pour qu’il y ait ensuite évaluation par un médecin plus compétent en la matière. Il apparaît dès lors raisonnable de privilégier l’opinion de ce second médecin lorsque le premier ne s’est pas avancé à évaluer l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, s’étant limité à indiquer à la CSST qu’il en subsisterait.
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6 Voir notamment : Fortin et Société Groupe Emb Pepsi Canada [2004] C.L.P. 168
7 Voir notamment :Chabot et Roger Vallerand inc. [1994] C.A.L.P. 693 ; Rioux et Provigo Distribution inc. C.A.L.P. 55673-03-9312, 29 juin 1995, M. Carignan; Landry et Centre d’accueil Émilie Gamelin [1995] C.A.L.P. 1049 ; Hassan Mir et Fibres Jasxtex inc. C.L.P. 121772-72-9908, 23 novembre 1999, R. Langlois; Di Carlo et Pharmaprix Bureau Central, C.L.P. 145258-71-0008, 7 juin 2002, L. Crochetière; Casino de Montréal et Raymond, C.L.P. 214264-61-0308, 3 mai 2004, G. Morin; Gagnon et CSST, [2005] C.L.P. 798 .
8 Voir notamment : Colgan et C.A. Champlain Marie-Victorin, [1995] C.A.L.P. 1201 ; Benoît et Ayerst, McKenna et Harrison inc., C.A.L.P. 08827-60-8808, 31 mars 1993, M. Cuddihy; Ouellet et Entr. forestières F.G.O. inc., C.A.L.P. 26176-01-9101, 21 juillet 1993, M. Carignan; Dubreuil et Monsanto Canada inc., précitée note 3; Larivière et Hôpital du Haut-Richelieu, C.A.L.P. 38310-62-9203, 9 mars 1994, M. Lamarre; Gagné et Chaussures Henri-Pierre inc., C.A.L.P. 41250-03-9206, 2 mai 1994, C. Bérubé; Colgan et Thibodeau et J. H. Ryder Machinerie ltée, C.A.L.P. 43929-62-9206, 28 juin 1995, L. Thibault; Gagné et Pyrotex ltée, précitée, note 5; Bellemare et Fonderie Grand-Mère ltée, C.A.L.P. 38632-04-9204, 22 septembre 1997, M. Carignan (décision sur requête en révision); Leclair et Ressources Breakwater-Mine Langlois, C.L.P. 138655-08-0004, 23 juillet 2001, P. Prégent; Côté et Gestion Rémy Ferland inc., C.L.P. 175597-03B-0201, 20 juin 2002, J.-F. Clément; Armatures Bois-Francs inc. et Allard, C.L.P. 171777-64-0111, 22 avril 2003, R. Daniel; Bussières et Abitibi Consolidated (Division La Tuque), [2004] C.L.P. 648 ; Raymond et Transformation B.F.L., C.L.P. 230973-04-0403, 25 février 2005, A. Gauthier.
9 Précitée, note 8
[47] Ainsi donc, la Commission des lésions professionnelles juge irrecevable la demande de révision déposée par la travailleuse à l’encontre de l’évaluation réalisée par le docteur Lemieux le 11 mai 2006.
[48] La décision de la CSST du 26 mai 2006 est donc bien fondée. Le tribunal confirme que la lésion professionnelle du 24 août 2004 n’a entraîné aucune atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et que par conséquent, la travailleuse n’a droit à aucune indemnité pour préjudice corporel.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de la travailleuse, madame Pauline Gauthier;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 31 août 2006 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE IRRECEVABLE la demande de révision formulée par la travailleuse le 22 juin 2006.
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Jean Grégoire |
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Commissaire |
Me Valery Sandra Paré |
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MORNEAU SOBECO |
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Représentante de la partie intéressée |
AVIS :
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