Décision

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Bélanger et Gestion Technomarine International inc.

2007 QCCLP 6798

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

Rimouski

30 novembre 2007

 

Région :

Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent et Côte-Nord

 

Dossier :

292878-01A-0606

 

Dossier CSST :

119008217

 

Commissaire :

Me Normand Michaud

 

Membres :

M. Yvon Hubert, associations d’employeurs

 

M. Nelson Isabel, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

Jean Bélanger

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Gestion Technomarine International inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 28 juin 2006, monsieur Jean BĂ©langer (le travailleur) dĂ©pose Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles une requĂŞte par laquelle il conteste une dĂ©cision de la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail (la CSST) rendue le 26 mai 2006 Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative.

[2]                Par cette dĂ©cision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 14 mars 2006 et dĂ©clare que le travailleur n’a pas droit au remboursement de la marihuana sĂ©chĂ©e.

[3]                L’audience s’est tenue le 28 fĂ©vrier 2007 Ă  Rivière-du-Loup en prĂ©sence du procureur de la CSST. Le 28 mars 2007, la procureure du travailleur a transmis ses reprĂ©sentations par Ă©crit, tel qu’elle y avait Ă©tĂ© autorisĂ©e par le soussignĂ©. La cause a Ă©tĂ© prise en dĂ©libĂ©rĂ© le 10 avril 2007 Ă  la rĂ©ception de la rĂ©plique du procureur de la CSST.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande de reconnaĂ®tre qu’il a droit au remboursement des frais relatifs Ă  l’acquisition de marihuana sĂ©chĂ©e auprès de SantĂ© Canada.

LES FAITS

[5]                Le 10 aoĂ»t 2000, monsieur BĂ©langer, alors âgĂ© de 33 ans, se blesse Ă  l’épaule gauche en dĂ©plaçant un quai alors qu’il travaille comme journalier-boiseur. Ă€ la suite d’une fausse manĹ“uvre du grutier, le quai est balancĂ© vers l’arrière et heurte violemment son membre supĂ©rieur gauche provoquant ainsi une hyperextension. Le travailleur ressenti alors une vive douleur et une sensation de brĂ»lure comme si son bras avait arrachĂ©. Cette lĂ©sion est acceptĂ©e par la CSST le 21 septembre 2000 avec un diagnostic initial d’entorse Ă  l’épaule gauche. Ă€ la suite d’une Ă©valuation faite le 5 avril 2001 par le Dr Denis Laflamme, membre du Bureau d’évaluation mĂ©dicale (BEM), la CSST ajoute le diagnostic d’un possible Ă©tirement du plexus brachial gauche.

[6]                Le 24 octobre 2001, le travailleur est examinĂ© par le Dr Bernard Leduc Ă  la demande de la CSST. Celui-ci indique Ă  ses notes de consultation que « cliniquement ce patient reste avec des douleurs chroniques quotidiennes importantes, qu’il situe au pourtour de la rĂ©gion sus et sous-Ă©pineuse gauche de mĂŞme qu’en avant de l’épaule gauche Â».

[7]                Le Dr Leduc conclut que le travailleur prĂ©sente donc « une impotence fonctionnelle proximale assez importante du membre supĂ©rieur gauche en rapport avec des phĂ©nomènes douloureux dont l’étiologie n’est pas Ă  première vue Ă©vidente. Une lĂ©sion traumatique du nerf supra-scapulaire est impossible, compte tenu de l’EMG, mais cet examen n’a pas formellement exclu une atteinte radiculaire C5 puisqu’il n’est pas clair, d’après le rapport d’EMG, si d’autres muscles qui pourraient appartenir au myotome C5 ont Ă©tĂ© explorĂ©s (deltoĂŻdes en particulier) Â».

[8]                Ă€ la suite d’une autre Ă©valuation effectuĂ©e par le Dr David Wiltshire Ă  titre de membre du BEM le 9 janvier 2002, celui-ci conclut Ă  un dysfonctionnement du membre supĂ©rieur gauche avec un syndrome douloureux qui a Ă©voluĂ© vers un nouveau diagnostic de dystrophie rĂ©flexe sympathique du membre supĂ©rieur gauche, diagnostic qui est acceptĂ© par le CSST le 7 novembre 2002. De plus le Dr Wiltshire consolide la lĂ©sion Ă  la date de son examen, entraĂ®nant une atteinte permanente Ă  l’intĂ©gritĂ© physique ou psychique (APIPP) de 4,5 % pour une atteinte des tissus mous et une atrophie musculaire de l’avant-bras et des limitations fonctionnelles. Ainsi, le travailleur doit Ă©viter d’utiliser sa main gauche plus haut que son Ă©paule, d’effectuer des mouvements forçants ou rĂ©pĂ©titifs avec le membre supĂ©rieur gauche et de lever des poids de plus de 5 livres avec la main gauche.

[9]                Le 6 janvier 2003, la Commission des lĂ©sions professionnelles[1] accepte le diagnostic de fissure anale en relation avec la lĂ©sion professionnelle initiale. Le tribunal considère que les nombreux mĂ©dicaments (anti-inflammatoires et analgĂ©siques) prescrits par les mĂ©decins dans le cadre du traitement de sa lĂ©sion Ă  l’épaule gauche sont susceptibles d’entraĂ®ner, Ă  titre d’effets secondaires ou de complications, des problèmes de constipation. D’ailleurs, le Dr Roch Banville, qui a examinĂ© le travailleur Ă  la demande de la CSST, indique Ă  son rapport de consultation du 29 juillet 2002 que monsieur BĂ©langer a prĂ©sentĂ© une gastrite secondaire Ă  la prise d’anti-inflammatoires d’une façon continue pendant 11 mois, ainsi que des hĂ©morroĂŻdes et une fissure anale opĂ©rĂ©e le 24 mai 2002.

[10]           Le 4 avril 2003, la psychologue Nathalie Sicard indique Ă  son rapport de suivi psychologique « que monsieur BĂ©langer souffre apparemment de douleurs Ă  son bras droit[2]. Lors des rencontres, il bouge peu son bras et lorsqu’il le fait, il montre des signes de souffrance. Monsieur BĂ©langer prend ses mĂ©dications afin de calmer ses douleurs. Toutefois, comme cela ne lui apparaĂ®t pas suffisant, il indique qu’il consomme parfois du cannabis afin de se calmer et de faire diminuer la douleur. L’intensitĂ© de la douleur est telle que monsieur BĂ©langer consulte son mĂ©decin, le Dr Desrochers afin d’obtenir un arrĂŞt de ses cours pour motifs de rechute Â».

[11]           Le travailleur dĂ©mĂ©nage dans la rĂ©gion des Basques au printemps 2003, il est alors suivi par le Dr Éric Lavoie.

[12]           En date du 31 octobre 2003, la CSST accepte la rĂ©clamation du travailleur pour une rechute, rĂ©cidive ou aggravation (RRA) de sa lĂ©sion initiale survenue le 14 mars 2003 pour un diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur dĂ©pressive. Cette lĂ©sion psychologique est consolidĂ©e en date du 20 avril 2004 avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Le 9 juin 2004, la CSST Ă©value l’atteinte permanente Ă  15 % pour cette lĂ©sion. Ă€ ce pourcentage s’ajoute 3 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie. Le 22 septembre 2004, la CSST informe le travailleur que dix sĂ©ances de traitements en psychologie ont Ă©tĂ© acceptĂ©es depuis le 31 mars 2004.

[13]           Toutefois, le 31 octobre 2003, la CSST refuse la rĂ©clamation de monsieur BĂ©langer pour une RRA allĂ©guĂ©e survenue le 14 mars 2003 pour le diagnostic de dystrophie sympathique rĂ©flexe du membre supĂ©rieur gauche. Cette dĂ©cision est confirmĂ©e par la CSST le 17 mars 2004 Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative. Par contre, le 17 mai 2005, la Commission des lĂ©sions professionnelles[3] entĂ©rine un accord par lequel les parties reconnaissent que le travailleur a subi le 14 mars 2003 une RRA de sa lĂ©sion initiale dont le diagnostic est une dystrophie rĂ©flexe active.

[14]           Le 20 avril 2004, le travailleur est vu par le Dr Yves Rouleau, psychiatre, Ă  la demande de la CSST. Le Dr Rouleau rapporte :

« Il nous dit que depuis 2000, malgrĂ© tous les traitements mĂ©dicaux, de physiothĂ©rapie ou psychologiques, il n’y a aucune amĂ©lioration. Son problème principal est la douleur chronique, une douleur qui est permanente sous forme de dĂ©chirures, d’élancements au niveau de l’épaule gauche exacerbĂ©s par certains mouvements. Cette douleur l’éveille souvent la nuit et il a de la difficultĂ© Ă  mettre ses bas et ses souliers. Il se couche le soir vers 22 h et s’éveille très souvent durant la nuit en raison de la douleur. L’avant-midi, il se fait un traitement avec de la glace. Après son dĂ©jeuner, il se recouche. Il sort parfois un peu sur le terrain. L’après-midi, il sort un peu et il se recouche Ă  nouveau. Il signale qu’il se couche de 3 Ă  4 fois par jour. Après le souper, il regarde parfois la tĂ©lĂ©vision. Comme distractions, il a un chien avec qui il se promène. Il ne conduit pas l’automobile, il s’en dit incapable. Il signale qu’il fait une vie restreinte, isolĂ©e. Son appĂ©tit est bon. Du point de vue sexuel, il n’y a aucune Ă©rection. Il se sent triste, impatient et irritable. Il n’a jamais, dit-il, acceptĂ© son Ă©tat. C’est un homme d’activitĂ©s physiques. Il se sent complètement annihilĂ© et il devient très anxieux. On lui a fait prendre des cours de dessin par ordinateur, mais il dit que la douleur l’empĂŞchait et qu’il avait aussi de la difficultĂ© Ă  se concentrer. Â»

 

 

[15]           Le Dr Rouleau conclut Ă  un diagnostic d’un trouble de l’adaptation chronique avec anxiĂ©tĂ© et humeur dĂ©pressive Ă  la suite d’une entorse Ă  l’épaule gauche et d’une dystrophie rĂ©flexe au membre supĂ©rieur gauche avec comme comorbiditĂ© un syndrome douloureux chronique. Il perçoit chez le travailleur une dĂ©tresse psychologique importante, un Ă©tat de colère, une non-adaptation Ă  son Ă©tat et il ajoute que le travailleur en est rendu au stade 3 selon le modèle de Gatchel oĂą il a adoptĂ© le rĂ´le de malade. Il consolide nĂ©anmoins la lĂ©sion psychologique en date du 24 avril 2004 avec une atteinte permanente Ă  l’intĂ©gritĂ© psychique qu’il Ă©value Ă  15 % au chapitre des nĂ©vroses (code 922556) du Règlement sur le barème des dommages corporels[4]. MĂŞme s’il considère consolidĂ© l’état du travailleur, il indique que les traitements mĂ©dicaux doivent ĂŞtre poursuivis autant du cĂ´tĂ© des analgĂ©siques que de la psychopharmacologie. Il ne reconnaĂ®t pas l’existence de limitations fonctionnelles au niveau psychiatrique.

[16]           Le 31 mai 2004, le Dr Éric Lavoie, mĂ©decin du travailleur, produit un rapport complĂ©mentaire Ă  la CSST Ă  la suite du rapport d’expertise du Dr Rouleau. Le Dr Lavoie se dit en accord avec le Dr Rouleau concernant le diagnostic, la date de consolidation, la nĂ©cessitĂ© de poursuivre les traitements et l’existence et le pourcentage d’atteinte permanente Ă  l’intĂ©gritĂ© physique du travailleur.

[17]           Toutefois, au niveau des limitations fonctionnelles, il lui semble qu’étant donnĂ© les troubles majeurs de concentration, de fatigabilitĂ©, d’irritabilitĂ© et d’impatience de son client, on devrait lui accorder des limitations fonctionnelles au niveau psychique. Ainsi, il accorde des limitations psychiques pour toute situation d’apprentissage qui demande de l’attention soutenue et de la concentration. De mĂŞme, il indique que monsieur BĂ©langer ne pourrait pas supporter toute situation de travail qui demande patience et tolĂ©rance Ă©tant donnĂ© son irritabilitĂ© interrelationnelle manifeste.

[18]           Le 3 dĂ©cembre 2004, monsieur BĂ©langer est vu par le Dr RenĂ© Parent, physiatre, Ă  la demande de la CSST. Le Dr Parent indique Ă  son rapport d’évaluation mĂ©dicale que le travailleur lui mentionne :

« Ses douleurs sont prĂ©sentes tous les jours. Les douleurs sont au cou, au niveau cervical et au niveau de l’épaule. Cette douleur est constante et prĂ©sente 24 heures sur 24 heures. Il dĂ©crit une impression de main engourdie, impression de changement de coloration du membre supĂ©rieur gauche. Il dĂ©crit des tremblements Ă  l’effort. La douleur diminue lĂ©gèrement au repos, mais dès qu’il sollicite son membre supĂ©rieur la douleur rĂ©apparaĂ®t. La douleur est parfois aggravĂ©e après une pĂ©riode d’immobilitĂ©. Il se dit rĂ©veillĂ© la nuit. Les mĂ©dicaments le soulagent peu. Â»

 

 

[19]           Ă€ l’examen clinique, le Dr Parent constate que le simple fait de toucher quelque peu Ă  l’épaule ou au bras du travailleur provoque de vives douleurs, le patient Ă©tant très souffrant au moindre geste. Il ajoute que le simple effleurement de l’épaule provoque de vives douleurs. Il conclut que le patient prĂ©sente effectivement des douleurs qui semblent exacerbĂ©es au cours des dernières annĂ©es. Objectivement, l’examen est devenu tout Ă  fait non fiable Ă©tant donnĂ© le phĂ©nomène douloureux, l’ankylose et les mĂ©canismes de protection. L’examen physique serait effectuĂ© au prix de souffrances du malade ce qui devient est inutile.

[20]           Le Dr Parent retient une atteinte permanente Ă  l’intĂ©gritĂ© physique qu’il Ă©tablit Ă  un pourcentage de 7 %. Au niveau des limitations fonctionnelles, il recommande des restrictions sĂ©vères. En effet, dit-il, le caractère continu de la douleur au membre supĂ©rieur gauche et son effet sur le comportement et sur la capacitĂ© de concentration sont incompatibles avec tout travail rĂ©gulier. On peut toutefois envisager une activitĂ© que le travailleur pourrait contrĂ´ler lui-mĂŞme le rythme et l’horaire.

[21]           Le 24 janvier 2005, le travailleur est vu par la psychiatre HĂ©lène Fortin, Ă  titre de membre du BEM dans le but d’établir l’existence ou le pourcentage d’atteinte permanente Ă  son intĂ©gritĂ© psychique et l’existence ou l’évaluation des limitations fonctionnelles. Elle note que :

« […]

 

Monsieur se sent incapable de travailler dans un milieu qui serait bruyant, de travailler avec le public car il se sent trop irritable, il mentionne par ailleurs avoir des troubles de concentration étant donné la douleur d’une part, mais également lorsqu’il prend certaines médications analgésiques. Il se dit incapable de tolérer de hauts niveaux de stress.

 

[…] Â»

 

 

[22]           Elle accorde, elle aussi, une atteinte permanente Ă  l’intĂ©gritĂ© psychique du travailleur de l’ordre de 15 % au chapitre des nĂ©vroses, code 222556 du barème.

[23]           Elle recommande les limitations fonctionnelles suivantes :

« […]

 

Il apparaĂ®t que monsieur ne pourra plus travailler Ă  un emploi demandant une bonne tolĂ©rance au stress, une bonne tolĂ©rance au bruit, par ailleurs. Il ne pourra plus travailler dans un endroit demandant une bonne concentration de façon soutenue. Il ne pourra pas travailler avec le public, Ă©tant donnĂ© les troubles de l’humeur allĂ©guĂ©s. Â»

 

 

[24]           Le 21 avril 2005, la conseillère en rĂ©adaptation de la CSST, StĂ©phanie LĂ©vesque, fait un rĂ©sumĂ© du dossier dans le but de dĂ©terminer s’il y a lieu de verser des indemnitĂ©s de remplacement du revenu jusqu’à ce que le travailleur soit capable d’exercer un emploi convenable. On y constate que le travailleur a pris, depuis sa lĂ©sion initiale du 10 aoĂ»t 2000, près de 30 sortes de mĂ©dicaments diffĂ©rents afin de tenter de diminuer la douleur qu’il ressent. De plus, le dossier indique, qu’au cours de cette pĂ©riode, monsieur BĂ©langer a Ă©tĂ© vu et suivi par de nombreux mĂ©decins omnipraticiens, orthopĂ©distes, chirurgiens-orthopĂ©distes, physiatres, psychologues et psychiatres. De mĂŞme, il a passĂ© de nombreux examens de radiographies, Ă©lectromyographies et imageries par rĂ©sonance magnĂ©tique. Il a Ă©galement eu au cours de cette pĂ©riode de nombreux traitements de physiothĂ©rapie, d’ergothĂ©rapie, d’acupuncture et Ă©galement des traitements au Centre de traitement de la douleur de MontrĂ©al.

[25]           MalgrĂ© cette panoplie de mĂ©dicaments, d’examens mĂ©dicaux et de traitements, elle note que le travailleur continue de toujours ressentir de la douleur au niveau de son membre supĂ©rieur droit. Cette douleur continue a un effet sur le comportement tant physique que psychologique de monsieur BĂ©langer, Ă©crit-elle.

[26]           Le dossier indique Ă©galement que le travailleur a Ă©tĂ© victime dans le passĂ© de deux lĂ©sions professionnelles au niveau dorsal depuis 1989, lĂ©sions qui ont cumulĂ© plus de 2 100 jours d’indemnitĂ©s de remplacement du revenu.

[27]           Le 25 avril 2005, la CSST informe le travailleur qu’il est actuellement impossible de dĂ©terminer un emploi qu’il sera capable d’exercer Ă  temps plein et qu’il aura donc droit Ă  une indemnitĂ© de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’il ait 68 ans.

[28]           Le 21 juillet 2005, le travailleur est vu par la Dre HĂ©lène BĂ©langer, psychiatre, Ă  la demande de son mĂ©decin traitant. Relativement aux habitudes de vie du travailleur, elle indique que le travailleur lui mentionne avoir fait des essais occasionnels de cannabis en quantitĂ© difficile Ă  prĂ©ciser et qui aurait amenĂ© une diminution de l’irritabilitĂ©, une tendance Ă  ĂŞtre plus calme sans toutefois soulager les douleurs.

[29]           Au niveau du plan de soins, la Dre BĂ©langer indique :

« Ă€ la lecture du dossier ainsi que l’entrevue que nous avons faite avec monsieur BĂ©langer, nous sommes conscients du fait que de nombreux essais mĂ©dicamenteux ont Ă©tĂ© faits chez lui et se sont tous avĂ©rĂ©s soit plutĂ´t inefficaces ou encore mal tolĂ©rĂ©s. L’utilisation d’autres alternatives pour le soulager, en plus de la mĂ©dication, ne semblent pas avoir amenĂ© d’effets bĂ©nĂ©fiques non plus. Comme seule substance qui avait tendance Ă  l’apaiser, le rendre plus calme et le rendre moins irritable il y avait l’utilisation de cannabis. Cela avait donc amenĂ© monsieur a discutĂ© avec son mĂ©decin de famille, le Dr Lavoie, de la possibilitĂ© d’avoir une autorisation de SantĂ© Canada pour possĂ©der de la marijuana. Je pense qu’une telle alternative pourrait peut-ĂŞtre ĂŞtre envisagĂ©e effectivement. Les risques associĂ©s Ă  l’utilisation d’une telle substance Ă  long terme ont cependant Ă©tĂ© expliquĂ©s Ă  monsieur dont entre autres les risques de dĂ©velopper une dĂ©pendance, d’avoir des problèmes physiques tels les complications pulmonaires, les complications psychiatriques sous forme de tableau dĂ©pressif, difficultĂ©s de concentration, etc. Â»

 

 

[30]           La Dre BĂ©langer rapporte que la conjointe du travailleur lui dit avoir remarquĂ© qu’il s’agissait d’une des rares substances Ă  avoir pu apaiser monsieur. La Dre BĂ©langer ajoute que le couple n’a pas semblĂ© dĂ©montrer d’attitude de manipulation derrière ce dĂ©sir d’avoir du cannabis et en dehors de son dĂ©sir d’être soulagĂ©, monsieur ne semble pas dĂ©sireux d’avoir des gains secondaires dus Ă  cela.

[31]           Les notes Ă©volutives de la CSST font Ă©tat d’une conversation tĂ©lĂ©phonique tenue le 25 aoĂ»t 2005 entre le Dr Lavoie et madame StĂ©phanie LĂ©vesque agente de rĂ©adaptation. Celui-ci l’informe qu’étant donnĂ© l’échec des traitements pour contrer la douleur, il demandera Ă  SantĂ© Canada une autorisation pour que monsieur BĂ©langer puisse consommer et possĂ©der de la marihuana. D’ailleurs, le Dr Lavoie a transmis Ă  la CSST les documents pertinents.

[32]           Les notes Ă©volutives font Ă©tat d’un bilan mĂ©dical tĂ©lĂ©phonique effectuĂ© le 30 septembre 2005 auprès du Dr Lavoie par le Dr Claude Morel, mĂ©decin rĂ©gional de la CSST. Le Dr Morel rapporte :

« Dr Éric Lavoie indique qu’il a prescrit l’utilisation de la marijuana pour les effets psychotrope et antidouleur du produit. Il indique avoir tout essayĂ© pour les troubles d’adaptation et la souffrance (douleur chronique) du patient.

 

Le patient prendrait déjà de la marijuana sur une base personnelle qu’il se paye avec difficulté et ça fonctionnerait; ce qui serait donc un dernier recours.

 

L’essai de Marinol et du Césamet n’avaient pas donné de résultats. L’apprentissage de techniques de relaxation fut tenté, cependant ses activités qui exigent une certaine concentration sont trop exigeantes car le patient n’aurait pas assez de réserve cérébrale à cause de la douleur chronique.

 

Le travailleur aurait des sautes d’humeur et serait assez irritable; tout stress lui ferait « prendre les nerfs Â». La personnalitĂ© du patient serait un peu en cause avec ses rĂ©actions.

 

La demande fut transmise le 25 août à Santé Canada. Le travailleur aurait eu des contacts avec l’organisme fédéral qui n’aurait pas d’objection. La facture devrait obligatoirement être envoyée à monsieur Bélanger alors qu’il aurait préféré une facturation directe à la CSST. Aucune réponse officielle par écrit ne serait rendue.

 

J’indique au mĂ©decin qu’une expertise sera demandĂ©e au Dr Pierre Rouillard, spĂ©cialiste en toxicomanie. Le Dr Lavoie a dĂ©jĂ  fait voir le patient en psychiatrie afin d’éliminer la possibilitĂ© d’un usage illicite de ce produit. Â»

 

 

[33]           Les notes Ă©volutives font aussi Ă©tat d’une communication tĂ©lĂ©phonique du 30 aoĂ»t 2005 entre le travailleur et madame LĂ©vesque de la CSST. Madame LĂ©vesque rapporte que monsieur BĂ©langer lui dit que c’est son mĂ©decin qui lui a offert ce traitement Ă  la suite de l’échec de tous les autres mĂ©dicaments. Il est Ă©valuĂ© par une psychiatre qui a aussi recommandĂ© ce traitement.

[34]           Le travailleur lui dit que la marihuana lui procure les effets suivants:

« Il dit en prendre illĂ©galement de façon occasionnelle; il est plus dĂ©tendu et plus calme; il arrive Ă  oublier momentanĂ©ment sa douleur; il n’y a pas de soulagement comme tel de la douleur, mais cela lui change les idĂ©es. Â»

 

 

[35]           Le 7 octobre 2005, SantĂ© Canada informe le travailleur que sa demande pour obtenir de la marihuana sĂ©chĂ©e de l’approvisionnement de SantĂ© Canada a Ă©tĂ© acceptĂ©e. Toutefois, cette autorisation de possession expire le 10 octobre 2006. La quantitĂ© maximale de marihuana sĂ©chĂ©e qu’il peut possĂ©der Ă  tout moment en vertu de cette autorisation de possession est de 90 grammes. Une première livraison a lieu et le travailleur transmet Ă  la CSST la facture au montant de 517,50 $ afin d’en obtenir le remboursement.

[36]           Le 28 octobre 2005, le travailleur est vu par le Dr Rouillard, psychiatre, Ă  la demande de la CSST pour l’étude d’une demande de prise de marihuana pour soulager la douleur chronique.

[37]           Après avoir analysĂ© tout le dossier ainsi que les nombreux rapports d’examens mĂ©dicaux subis par le travailleur, le Dr Rouillard indique Ă  ses considĂ©rations clinico-administratives :

« Il est possible que la marijuana l’aide vraiment, car il est reconnu qu’elle a des effets contre la douleur, les spasmes musculaires et les nausĂ©es mĂŞme s’il y a peu d’études contrĂ´lĂ©es cliniques sur l’humain.

 

Il est aussi démontré qu’il peut y avoir une synergie entre les opiacées et le cannabis contre la douleur.

 

[…]

 

Je n’ai pas toutes les informations sur les doses et/ou la durĂ©e du CĂ©samet et du Marinol. Ces doses Ă©taient beaucoup plus petites en Ă©quivalent THC que les trois grammes de marijuana qu’il fume actuellement. De plus, l’absorption par la bouche est beaucoup plus lente et l’effet plus difficile Ă  ajuster selon la douleur. Par contre, le travailleur ne dit pas clairement que le cannabis diminue beaucoup sa douleur. Â»

 

 

[38]           Le Dr Rouillard conclut :

« D’autre part, tenant compte de toute l’histoire, de l’aspect humanitaire de la question, de l’appui que la conjointe a toujours donnĂ© au client, de l’impression qu’a le travailleur que le cannabis l’aide vraiment; et malgrĂ© les risques qu’il dĂ©veloppe une dĂ©pendance et des complications associĂ©es Ă  l’utilisation chronique de la marijuana, je crois qu’il est possible qu’il y ait plus d’avantages actuellement pour le travailleur de prendre de la marijuana telle que prescrite par son mĂ©decin de famille. Â»

 

 

[39]           Le 14 mars 2006, la CSST refuse la demande de remboursement que lui a soumise le travailleur relativement Ă  l’acquisition de marihuana sĂ©chĂ©e. Elle indique que cette dĂ©cision repose sur le fait que la marihuana n’est pas un mĂ©dicament et que son efficacitĂ© pour traiter ou prĂ©venir une affection n’a pas Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©e. Elle ajoute que mĂŞme si cette substance est rĂ©clamĂ©e Ă  la CSST pour des raisons d’ordre humanitaire, celle-ci demeure liĂ©e par la Loi sur les accidents du travail et maladies professionnelles[5] (la loi) qui ne prĂ©voit que le remboursement du coĂ»t d’un mĂ©dicament ou d’un produit pharmaceutique.

[40]           Le 22 mars 2006, le Dr Lavoie mĂ©decin traitant du travailleur, Ă©crit au Dr Morel de la CSST pour lui exprimer sa profonde dĂ©ception Ă  l’égard du refus de la CSST d’assumer la facture d’acquisition de marihuana sĂ©chĂ©e. Le Dr Lavoie Ă©crit :

« Noter que cette demande fait suite Ă  trois ans d’échecs thĂ©rapeutiques pour traiter la douleur dont souffre monsieur Jean BĂ©langer. Suite Ă  de multiples expertises, nul ne saurait ignorer Ă  quel point la souffrance brime la vie de mon client. Il s’agit d’une souffrance autant physique que psychologique qui limite toute activitĂ©, le confinant Ă  passer toutes ses journĂ©es dans un Ă©tat oĂą la douleur domine toute volontĂ© et lui impose un horaire annihilant. Pour tout dire, il n’a plus de vie. Sa souffrance Ă©quivaut Ă  celle d’un patient en phase terminale sauf qu’ici, sa souffrance est interminable.

 

Heureusement, ces dernières semaines, j’ai pu observer que le THC inhalé avait réussi à lui apporter un peu de paix. Ceci se manifestant au bureau par une attitude moins irritable et plus patiente avec un faciès moins crispé et une humeur plus mobilisable. En trois ans de suivi, le THC inhalé sous cette forme est la seule alternative thérapeutique qui a offert un soulagement à mon client.

 

Cette substance porte Ă©videmment son lot de controverse. Pour limiter toute attitude manipulatrice, mon client a subi deux expertises psychiatriques. Il faut comprendre que le processus de prescription s’est effectuĂ© avec la plus grande prudence et le plus de professionnalisme possible. MalgrĂ© la controverse, vous comprendrez que je me dois, en ma qualitĂ© de mĂ©decin, d’utiliser toute alternative valable pour arriver Ă  soulager la souffrance. C’est ce que j’ai cru possible avec le programme de SantĂ© Canada pour l’usage de marihuana Ă  des fins mĂ©dicales. Contrairement aux arguments prĂ©sentĂ©s dans la lettre de refus, le THC a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© efficace pour traiter certaines affections. C’est d’ailleurs la raison d’être du programme de SantĂ© Canada et la raison qui pousse les compagnies pharmaceutiques Ă  mettre sur le marchĂ© des mĂ©dicaments dĂ©rivĂ©s du THC. Â»

 

 

[41]           Le 26 mai 2006, la CSST confirme la dĂ©cision initiale de refus de remboursement Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative. La CSST est d’avis que la marihuana n’est pas considĂ©rĂ©e comme un mĂ©dicament et qu’elle est liĂ©e par les règlements et les politiques  en vigueur et qu’elle ne peut acquitter que le coĂ»t des mĂ©dicaments prescrits lorsqu’ils sont prescrits par le mĂ©decin qui a charge et en relation avec la lĂ©sion professionnelle. De plus, elle indique qu’elle ne peut considĂ©rer comme une tendance jurisprudentielle bien Ă©tablie le fait que la Commission des lĂ©sions professionnelles ait dĂ©jĂ  accueillie une semblable demande d’un autre travailleur. Finalement, elle ajoute qu’il s’agit d’une question fort controversĂ©e autant sur le plan mĂ©dical que lĂ©gal.

[42]           Le travailleur conteste cette dĂ©cision devant la Commission des lĂ©sions professionnelles, d’oĂą le prĂ©sent litige.

[43]           Le 14 mars 2006, le Dr Lavoie transmet une lettre Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles dans laquelle il rĂ©itère sensiblement les arguments qu’il avait soumis dans sa lettre au Dr Morel le 22 mars 2006.

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[44]           La procureure du travailleur soutient que la marihuana sĂ©chĂ©e qui a Ă©tĂ© prescrite est un mĂ©dicament au sens de la loi et qu’il a droit Ă  son remboursement selon les dispositions relatives Ă  l’assistance mĂ©dicale prĂ©vue Ă  la loi puisque ce mĂ©dicament a Ă©tĂ© requis en raison de sa lĂ©sion professionnelle.

[45]           Le travailleur allègue Ă©galement que mĂŞme si la marihuana n’était pas considĂ©rĂ©e comme un mĂ©dicament, il a droit au remboursement de la facture de SantĂ© Canada pour la marihuana sĂ©chĂ©e prescrite en raison du droit Ă  la rĂ©adaptation physique et sociale prĂ©vue aux articles 145 et suivants de la loi.

[46]           Pour sa part, le procureur de la CSST soutient que la marihuana n’a Ă©tĂ© reconnue qu’à des fins humanitaires et non pas comme mĂ©dicament. Aucune autoritĂ© gouvernementale ou mĂ©dicale, tant au Canada qu’aux États-Unis ne l’a reconnue comme tel. De plus, la CSST prĂ©tend que la marihuana ne peut-ĂŞtre considĂ©rĂ©e comme un traitement, car l’efficacitĂ© et l’innocuitĂ© de la marihuana ne sont pas reconnues par la communautĂ© mĂ©dicale et scientifique.

[47]           Le procureur plaide que le travailleur consommait de la marihuana avant mĂŞme sa lĂ©sion initiale et qu’il a toujours continuĂ© Ă  en prendre par la suite. Selon lui, la rĂ©clamation du travailleur vise plus Ă  se faire rembourser le coĂ»t d’achat de la marihuana qu’il a toujours consommĂ©e depuis plusieurs annĂ©es.

[48]           La CSST allègue Ă©galement que la marihuana n’aurait pas Ă©tĂ© recommandĂ©e pour soulager les douleurs chroniques du travailleur, mais plutĂ´t parce que cela le rendait de meilleure humeur. De plus, la CSST ne peut rembourser la consommation de la marihuana par compassion, la loi ne le permettant pas.

[49]           Finalement, il considère que l’opinion du Dr Lavoie, mĂ©decin du travailleur, ne devrait pas ĂŞtre retenue puisque celui-ci ne respecte pas les attentes relatives au rĂ´le des experts devant la Commission des lĂ©sions professionnelles en prenant un rĂ´le proactif, agissant plutĂ´t comme reprĂ©sentant du travailleur, lors de ses demandes tant Ă  SantĂ© Canada, Ă  la CSST qu’à la Commission des lĂ©sions professionnelles.

L’AVIS DES MEMBRES

[50]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la contestation du travailleur devrait ĂŞtre rejetĂ©e. Selon lui, on ne retrouve pas au dossier de prescription du mĂ©decin traitant. De plus, sa consommation n’est pas reliĂ©e Ă  une diminution de la douleur, mais plutĂ´t pour amĂ©liorer son caractère.

[51]           Le membre issu des associations d’employeurs est Ă©galement d’avis que la requĂŞte du travailleur devrait ĂŞtre rejetĂ©e. Selon lui, la preuve n’a pas rĂ©vĂ©lĂ© que la marihuana est un mĂ©dicament. Il n’y a aucune prescription du mĂ©decin au dossier. Le travailleur consommait dĂ©jĂ  de la marihuana avant sa lĂ©sion. De plus, mĂŞme dans le cadre de la rĂ©adaptation physique, la CSST ne peut payer une substance pour que la vie paraisse plus belle.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[52]           Le Commission des lĂ©sions professionnelles doit dĂ©cider si le travailleur a droit au remboursement des frais relatifs Ă  l’acquisition de la marihuana sĂ©chĂ©e auprès de SantĂ© Canada.

[53]           Le travailleur allègue qu’il ressent toujours des douleurs chroniques importantes depuis sa lĂ©sion, douleurs qui n’ont pu ĂŞtre rĂ©sorbĂ©es malgrĂ© la grande quantitĂ© de mĂ©dicaments qui lui ont Ă©tĂ© prescrits, qu’il a pris et qui lui ont causĂ© des effets secondaires ou des complications. C’est Ă  la suite de trois annĂ©es de traitements que son mĂ©decin traitant, le Dr Lavoie, lui a prescrit de la marihuana pour diminuer sa douleur. D’ailleurs, le travailleur mentionne qu’il a dĂ©jĂ  utilisĂ© cette substance et qu’il a pu en constater les bienfaits.

[54]           La consommation et la possession de marihuana sont interdites au Canada, sauf Ă  des fins mĂ©dicales et Ă  certaines conditions.

[55]           Le tribunal estime qu’il faut d’abord situer le dĂ©bat dans son contexte. Il s’agit d’un travailleur victime d’une lĂ©sion professionnelle qui, en raison de la persistance des douleurs depuis de nombreuses annĂ©es, alors que les traitements conservateurs n’apportent pas vĂ©ritablement de soulagement et que la prise massive de mĂ©dicaments provoque des effets secondaires et des complications importantes, se voit reconnaĂ®tre la permission par les autoritĂ©s compĂ©tentes, de possĂ©der et de consommer pour son propre besoin de la marihuana. Cette permission se traduit par une exemption en vertu de la Loi rĂ©glementant certaines drogues et autres substances[6] pour la pĂ©riode du 7 octobre 2005 au 10 octobre 2006, mais soumise Ă  des conditions très strictes en regard de cette exemption.

[56]           La Commission des lĂ©sions professionnelles est d’avis que les dispositions de la loi permettent au travailleur d’avoir droit au remboursement demandĂ© pour les raisons suivantes.

[57]           Il y a lieu d’adopter une interprĂ©tation large et libĂ©rale des dispositions de la loi considĂ©rant le but de celle-ci et de trouver les dispositions nĂ©cessaires qui sauront rĂ©pondre aux besoins exprimĂ©s par le travailleur selon le mĂ©rite rĂ©el du cas, comme les articles 1 et 351 autorisent le tribunal Ă  le faire dans des circonstances inhabituelles :

1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.

 

Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.

 

La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.

 

 

351. La Commission rend ses décisions suivant l'équité, d'après le mérite réel et la justice du cas.

 

Elle peut, par tous les moyens légaux qu'elle juge les meilleurs, s'enquérir des matières qui lui sont attribuées.

__________

1985, c. 6, a. 351; 1997, c. 27, a. 13.

 

 

[58]           L’article 188 de la loi prĂ©voit que le travailleur victime d’une lĂ©sion professionnelle a droit Ă  l’assistance mĂ©dicale que requiert son Ă©tat en raison de cette lĂ©sion.

[59]           Pour sa part, l’article 189 de la loi prĂ©cise en quoi consiste l’assistance mĂ©dicale.

189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit:

 

1°   les services de professionnels de la santé;

 

2°   les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3°   les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4°   les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5°   les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.

 

 

[60]           La CSST a refusĂ© la rĂ©clamation du travailleur pour le motif principal que la marihuana n’est pas considĂ©rĂ©e comme un mĂ©dicament au sens de loi. Pour sa part, le travailleur prĂ©tend qu’elle peut l’être.

[61]           Or, la loi ne dĂ©finit pas la notion de « mĂ©dicament Â». Qu’en est-il?

[62]           Cette question a fait l’objet d’une seule dĂ©cision auprès de la Commission des lĂ©sions professionnelles, selon les recherches faites tant par le soussignĂ© que les procureurs des parties. Dans l’affaire Corbeil et Wilfrid Nadeau inc. (fermĂ©e) et Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail Chaudières-Appalaches[7], la commissaire Marielle Cusson a dĂ©cidĂ© que la marihuana constitue un mĂ©dicament au sens de la loi. Elle Ă©crit :

[37]      Ă€ ce stade de l'analyse, la Commission des lĂ©sions professionnelles dĂ©sire revenir sur la dĂ©finition du terme « mĂ©dicament Â», tel que nous l’enseignent les dictionnaires et les autres sources de rĂ©fĂ©rence. Ă€ la lecture des dĂ©finitions aux dictionnaires, la Commission des lĂ©sions professionnelles constate que le terme « mĂ©dicament Â» fait appel Ă  une description très large.  Il est question de toute substance ou composition reprĂ©sentant des propriĂ©tĂ©s curatives ou prĂ©ventives Ă  l’égard des maladies humaines. Il est aussi question de toute substance active employĂ©e pour prĂ©venir ou traiter une affection ou une manifestation morbide. On parle de drogue, de mĂ©dicament, de potion ou encore de remède.  La Loi sur la pharmacie dĂ©finit Ă©galement le mĂ©dicament en rĂ©fĂ©rant Ă  toute substance ou mĂ©lange de substances pouvant ĂŞtre employĂ©, entre autres, Ă  l’attĂ©nuation des symptĂ´mes d’une maladie. Quant Ă  la Loi sur les aliments et drogues, c'est le mot « drogue Â» qu'elle dĂ©finit comme substances ou mĂ©langes de substances fabriquĂ©s, vendus ou prĂ©sentĂ©s comme pouvant servir, entre autres, au diagnostic, au traitement, Ă  l’attĂ©nuation ou Ă  la prĂ©vention d’une maladie, d’un dĂ©sordre, d’un Ă©tat physique anormal ou de leurs symptĂ´mes. La Commission des lĂ©sions professionnelles est donc d'avis que la dĂ©finition des mots « mĂ©dicament Â» et « drogue Â», alors que chacune de ces dĂ©finitions rĂ©fère Ă  toute substance ou mĂ©langes de substance, est suffisamment large pour y inclure la marihuana lorsque celle-ci est prescrite Ă  des fins mĂ©dicales.

[38]      Il est évident, dans le cas présent, que la consommation de la marihuana vise l'atténuation de la manifestation douloureuse de la maladie. Elle a donc été prescrite à des fins médicales et le but recherché s’apparente à celui d’une médication conventionnelle pour laquelle le médicament fera partie de la liste reconnue et sera distribué en pharmacie. La Commission des lésions professionnelles ne retient donc pas l'argument de la CSST voulant que la marihuana ne soit pas un médicament et qu’en conséquence, il soit impossible de considérer cette substance aux fins de l’application de l’article 189 de la LATMP.

 

 

[63]           Elle conclut ainsi :

[43]      La Commission des lésions professionnelles est donc d'avis, dans la mesure où la marihuana est prescrite et qu'elle fait l'objet d'une exemption à des fins médicales par Santé Canada, que celle-ci se doit d'être considérée comme un médicament en application de l'article 189 de la LATMP. Bien entendu, il ne saurait être question de tenir un tel discours en l'absence de cette exemption. Nous ne serions d'ailleurs pas en train d'en débattre.

 

[44]      La Commission des lĂ©sions professionnelles partage donc le point de vue Ă©laborĂ© par le reprĂ©sentant du travailleur quant au fait de reconnaĂ®tre la marihuana comme mĂ©dicament aux fins de l’application de l’article 189 (3) de la loi, malgrĂ© qu'elle ne le soit pas en regard de la Loi sur les aliments et drogues. Le contexte de la loi disposant des lĂ©sions professionnelles est particulier en ce qu’il prĂ©voit que le travailleur a droit Ă  l’assistance mĂ©dicale que requiert son Ă©tat, et ce, dans un contexte oĂą tout doit ĂŞtre fait pour attĂ©nuer les consĂ©quences de sa lĂ©sion professionnelle. Or, les mĂ©decins s'entendent pour dire que c’est par le biais de la consommation de la marihuana que l’on pourra, dans le cas prĂ©sent, attĂ©nuer la douleur chronique. […] Â»

 

 

[64]           La Commission des lĂ©sions professionnelles a rejetĂ© la demande de rĂ©vision prĂ©sentĂ©e par la CSST Ă  l’encontre de la dĂ©cision de la commissaire Cusson[8]. Le commissaire Claude BĂ©rubĂ© indiquait :

[85]      La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision ne peut conclure que cette démarche décisionnelle est entachée d'un vice de fond, de la nature d'une erreur manifeste et déterminante, qui serait de nature à invalider la décision rendue.

 

 

[65]           Ces deux dĂ©cisions de la Commission des lĂ©sions professionnelles ont Ă©tĂ© portĂ©es en rĂ©vision judiciaire devant la Cour supĂ©rieure. Le 12 novembre 2004, l’honorable Claudette Tessier-Couture rejetait la requĂŞte de la CSST[9]. Madame la juge Tessier-Couture Ă©crivait :

[42]      Certes, la Commission a fait Ă©tat de lois et règlements autres que la LATMP et les règlements en dĂ©coulant mais seulement pour souligner les diverses dĂ©finitions qui y sont donnĂ©es, notamment pour le terme « mĂ©dicament Â». La CLP n’a pas analysĂ© ces lois ou règlements. Elle a suivi un raisonnement qui a conduit Ă  une interprĂ©tation large et libĂ©rale de l’article 189.3 de sa loi constitutive, mais que le Tribunal ne peut considĂ©rer manifestement dĂ©raisonnable.

 

[…]

 

[44]      Le paragraphe 3e de l’article 189 ne limite pas le terme médicaments à ceux disponibles auprès d’un pharmacien ou autrement; aucune condition spécifique ne s’applique.

 

[45]      Devant le fait que la LATMP ne fournit aucune définition du terme médicaments, la commissaire Cusson s’en est remise aux définitions données par les dictionnaires généraux et les autres sources telles que les définitions disponibles dans d’autres lois.

 

[46]      Comme il a été mentionné ci-dessus, la commissaire Cusson n’analyse pas ces autres lois, elle ne fait qu’y puiser la définition du terme médicaments.

 

[47]      La commissaire a bien analysé ce qui lui était soumis. Elle a apprécié la preuve, appliqué la loi et motivé sa décision.

 

 

Plus loin, elle poursuivait :

[51]      Monsieur Corbeil, suite Ă  un accident de travail subi en 1981, ressent toujours une douleur que les mĂ©dicaments usuels ne soulagent plus. Cependant, la marihuana l’attĂ©nue. Il bĂ©nĂ©ficie d’une exemption accordĂ©e par SantĂ© Canada en regard de cette substance. La loi prĂ©voit l’assistance mĂ©dicale notamment par « les mĂ©dicaments et autres produits pharmaceutiques Â» sans dĂ©finir ces termes. Le sens usuel des mots a Ă©tĂ© retenu par la commissaire Cusson.

 

[52]      Suivant son analyse, il n’est pas manifestement déraisonnable de conclure que la marihuana doit être considérée comme un médicament et que les frais encourus pour l’utilisation de ce produit doivent être remboursés.

 

 

[66]           La Cour d’appel du QuĂ©bec a refusĂ© la requĂŞte pour permission d’en appeler de cette dĂ©cision[10].

[67]           Le soussignĂ© partage le point de vue Ă©mis par la commissaire Cusson et estime que la marihuana doit ĂŞtre considĂ©rĂ©e comme un mĂ©dicament pour l’application de la Loi sur les accidents du travail et maladies professionnelles.

[68]           La Commission des lĂ©sions professionnelles ne retient pas l’argument de la CSST Ă  l’effet que la marihuana n’a pas Ă©tĂ© prescrite par un mĂ©decin puisqu’on ne retrouve pas au dossier de formulaire de « prescription formelle Â».

[69]           Le 10 octobre 2005, le Dr Morel de la CSST rapporte un bilan mĂ©dical tĂ©lĂ©phonique effectuĂ© le 30 septembre 2005 auprès du Dr Éric Lavoie, mĂ©decin traitant du travailleur depuis plus de 3 ans, conversation au cours de laquelle celui-ci lui indique qu’il a prescrit l’utilisation de la marihuana pour les effets psychotropes et antidouleur. Rappelons que le Dr Lavoie a rempli le formulaire d’autorisation de possession auprès de SantĂ© Canada. De mĂŞme, les lettres du Dr Lavoie adressĂ©es au Dr Morel le 22 mars 2006 et Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles le 14 juin 2006 ne laissent aucun doute, dans l’esprit du tribunal, qu’il a effectivement prescrit cette substance au travailleur.

[70]           La Commission des lĂ©sions professionnelles considère que la forme ou le choix du formulaire de la prescription mĂ©dicale ne doit pas prĂ©valoir sur le contenu de la prescription et ne doit pas servir pour refuser une demande lĂ©gitime du travailleur.

[71]           Le tribunal ne retient pas l’argument de la CSST voulant que la marihuana ne puisse ĂŞtre considĂ©rĂ©e comme un traitement, car l’efficacitĂ© et l’innocuitĂ© de celle-ci ne sont pas reconnues par la communautĂ© mĂ©dicale et scientifique.

[72]           Ă€ l’appui de cette prĂ©tention, la CSST a dĂ©posĂ© la dĂ©cision Succession Wazir et Bunyar-Malenfant international (fermĂ©e) et CSST[11]. Toutefois, avec respect, le tribunal considère que la situation dans cette affaire Ă©tait totalement diffĂ©rente de la prĂ©sente. La thĂ©rapie immunoaugmentative (TIA) n’avait pas Ă©tĂ© prescrite par un professionnel de la santĂ©, le travailleur ayant plutĂ´t pris la dĂ©cision de se rendre aux Bahamas pour y suivre des traitements dans une clinique privĂ©e. Selon la dĂ©cision, de nombreuses Ă©tudes avaient Ă©tĂ© faites par diverses autoritĂ©s et tous s’entendaient pour dire que l’efficacitĂ©, l’indication et la crĂ©dibilitĂ© mĂŞme du traitement controversĂ© n’avaient pas Ă©tĂ© prouvĂ©s de façon scientifique. De plus, dans cette cause, les autoritĂ©s fĂ©dĂ©rales amĂ©ricaines et canadiennes avaient interdit l’importation et la vente sur leur territoire de produits de la clinique bahamienne. Toujours selon la dĂ©cision, on avait mĂŞme considĂ©rĂ© que cela pouvait ĂŞtre dangereux pour la santĂ© des gens.

[73]           Or, en l’espèce, la situation est toute diffĂ©rente. Le Dr Lavoie a prescrit la marihuana pour les effets psychotropes et antidouleur du produit. Il dit qu’il a pu « observer que le THC inhalĂ© avait rĂ©ussi Ă  lui apporter un peu de paix. Ceci se manifestant au bureau par une attitude moins irritable et plus patiente avec un faciès moins crispĂ© et une humeur plus mobilisable. En trois ans de suivi, le THC inhalĂ© sous cette forme est la seule alternative thĂ©rapeutique qui a offert un soulagement significatif Ă  son client Â».

[74]           La Dre BĂ©langer note que la conjointe du travailleur lui rapporte qu’il s’agissait de la seule substance Ă  avoir pu apaiser un peu monsieur. La Dre BĂ©langer pense qu’une telle alternative pourrait peut-ĂŞtre ĂŞtre envisagĂ©e et elle a appuyĂ© la demande faite auprès de SantĂ© Canada.

[75]           De mĂŞme, le Dr Rouillard, psychiatre dĂ©signĂ© par la CSST, considère que malgrĂ© les consĂ©quences nĂ©gatives possibles, il est probable qu’il y ait plus d’avantages actuellement pour le travailleur de prendre de la marihuana telle que prescrite par son mĂ©decin de famille. Il ne relie pas la prescription et la consommation actuelle de marihuana Ă  une condition personnelle du travailleur.

[76]           De plus, les autoritĂ©s gouvernementales (SantĂ© Canada) ont reconnu que, dans certaines situations, la marihuana pouvait avoir un effet bĂ©nĂ©fique chez certaines personnes. Or, SantĂ© Canada a accordĂ© l’autorisation Ă  monsieur BĂ©langer de possĂ©der cette substance, en vertu du Règlement sur l’accès Ă  la marihuana Ă  des fins mĂ©dicales[12].

[77]           La Commission des lĂ©sions professionnelles a dĂ©jĂ  accordĂ© des traitements d’ostĂ©opathie[13], de massothĂ©rapie, d’acupuncture[14], et ce, mĂŞme si l’efficacitĂ© de ces traitements ne fait pas l’objet d’unanimitĂ© chez la communautĂ© scientifique ou mĂ©dicale.

[78]           La Commission des lĂ©sions professionnelles a Ă©galement ordonnĂ© le remboursement de produits naturels tels la glucosamine[15] et l’omĂ©ga 3[16] mĂŞme si les vertus thĂ©rapeutiques de ces produits ne font pas non plus l’unanimitĂ©.

[79]           En outre, le tribunal constate que ni l’employeur ni la CSST n’ont contestĂ© de la façon prĂ©vue Ă  la loi la nĂ©cessitĂ© ou la valeur de ce traitement prĂ©conisĂ© par le mĂ©decin qui a charge du travailleur alors qu’ils auraient pu le faire en recourant Ă  la procĂ©dure du Bureau d’évaluation mĂ©dicale (BEM) sous l’item de la nature des soins pour qu’il en soit dĂ©cidĂ© conformĂ©ment Ă  l’article 212 de la loi qui se lit comme suit :

212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants:

 

1°   le diagnostic;

 

2°   la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

 

3°   la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

 

4°   l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

 

5°   l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

__________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

 

[80]           La Commission d’appel en matière de lĂ©sions professionnelles et par la suite la Commission des lĂ©sions professionnelles en ont dĂ©cidĂ© ainsi Ă  quelques reprises[17].

[81]           Par consĂ©quent, la CSST Ă©tait liĂ©e, tout comme l’est la Commission des lĂ©sions professionnelles, par l’opinion du mĂ©decin du travailleur, quant Ă  la nĂ©cessitĂ© pour celui-ci de consommer de la marihuana sĂ©chĂ©e.

[82]           Qui plus est, il subsiste un courant jurisprudentiel du tribunal voulant qu’en vertu de l’article 184 alinĂ©a 5 de la loi, la CSST doive prendre toutes les mesures qu’elle juge utile pour attĂ©nuer les consĂ©quences d’une lĂ©sion professionnelle. Ainsi s’énonce cet article :

184. La Commission peut:

 

[…]

 

5°   prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle.

 

__________

1985, c. 6, a. 184.

 

 

[83]           En conclusion, le soussignĂ© fait siens les propos de madame la juge Tessier-Couture qui indiquait[18] :

[63]      La marihuana a longtemps été et est toujours l’objet de restrictions. Cependant, devant l’évolution des connaissances sur ce produit, la législation canadienne s’est adaptée dans le but de soulager et de venir en aide à ceux qui en ont besoin, et ce, après avoir examiné chaque demande formulée, chaque cas étant un cas d’espèce. Les décisions de l’administration doivent aussi s’adapter, voire se conformer à la législation adoptée.

[84]           Pour toutes ces raisons, la Commission des lĂ©sions professionnelles considère que la marihuana sĂ©chĂ©e constitue un mĂ©dicament au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi). L’article 194 de la loi indique que le coĂ»t de l’assistance mĂ©dicale est Ă  la charge de la CSST. Il est donc clair qu’à partir du moment oĂą le travailleur bĂ©nĂ©ficie d’une assistance mĂ©dicale, celle-ci doit ĂŞtre Ă  la charge de la CSST. La CSST devra donc rembourser le travailleur du coĂ»t d’achat de la marihuana sĂ©chĂ©e auprès de SantĂ© Canada.

[85]           Vu la conclusion Ă  laquelle en arrive le tribunal, celui-ci estime qu’il n’est pas nĂ©cessaire de disposer du deuxième argument soulevĂ© par le travailleur.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Jean Bélanger;

INFIRME la dĂ©cision de la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail rendue le 26 mai 2006 Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative;

DÉCLARE que le travailleur est en droit de bénéficier du remboursement des coûts de l’achat de marihuana séchée pour la période où il est détenteur d’une autorisation de possession d’une telle substance émise par Santé Canada.

 

 

__________________________________

 

Normand Michaud

 

Commissaire

 

 

 

Me Maryse Rousseau

F.A.T.A. - Québec

Représentante de la partie requérante

 

Me Maurice Cloutier

Panneton Lessard

Représentant de la partie intervenante

 



[1]           BĂ©langer et Gestion Technomarine international inc, C.L.P. 189833-63-0209, 6 janvier 2003, D. Besse.

[2]           Le tribunal constate que madame Sicard fait référence au bras droit alors que l’ensemble du dossier fait plutôt mention du bras gauche comme site de la lésion. Par conséquent, le tribunal considère qu’il s’agit d’une simple erreur et qu’il s’agit effectivement du bras gauche.

[3]           C.L.P. 230395, 17 mai 2005, D. Sams.

[4]           [1987] 119 G.O.II, 5576.

[5]           L.R.Q., c. A-3.001.

[6]           1996 L.C., c.19.

[7]           [2002] C.L.P. 789 .

[8]           Corbeil et Wilfrid Nadeau inc. (fermĂ©e) et CSST, C.L.P. 183805-03B-0205, 20 fĂ©vrier 2004, C. BĂ©rubĂ©.

[9]           [2004] C.L.P. 1251 .

[10]         C.A.Q., 200-09-005022-048, 21 décembre 2004, Thérèse Rousseau-Houle, j.c.a.

[11]         C.L.P. 190720-62A-0209, 14 janvier 2004, J.-D. Kushner.

[12]         [2001] 135 G.O. II, 1330.

[13]         Bélanger et Quincaillerie Frigon, [2005] C.L.P. 711 ; Ladora et Hôpital Rivière-des-Prairies, C.L.P. 262039-64-0505, 13 mars 2007, J.-F. Martel.

[14]         Gauvreau et L.D. Pilon inc., C.L.P. 127194-08-0003, 29 mai 2001, R. Savard; Lamanque et HĂ´pital St-Luc, C.L.P. 182775-72-0204, 18 octobre 2002, F. Juteau; Dury et PrymDritz Canada inc., C.L.P. 272223-71-0509, 9 mai 2005, C. Racine; Desrochers et Caisse Desjardins Quartier-Chinois, C.L.P. 279184-71-0601, 25 avril 2007, Y Lemire; Lauzon et Produits et Services Sanitaires Andro inc. et CSST, C.L.P. 297256-64-0608, 5 juin 2007, R. Daniel.

[15]         Breton et Serrurier Indépendant enr., 267008-63-0507, 21 août 2006, F. Mercure.

[16]         Renaud et Marché R. Théberge inc., 245162-63-0409, 23 juillet 2007, M. Juteau.

[17]         Sciascia et Boulangerie & Pâtisserie A. Ampère, [1996] C.A.L.P. 1099 ; Blais et Groupe Hamelin inc., 91025-05-9708, 99-02-16, F. Ranger; Hubert et Gestion VRG enr., 104340-32B-9809, 99-07-16, A. Vaillancourt; DĂ©ry et Romir Construction inc., 112392-73-9901, 99-09-03, L. Crochetière; Corbeil et Wilfrid Nadeau inc. (fermĂ©e) et CSS, [2002] C.L.P. 789 ; Lagueux et CafĂ©tĂ©ria Olymel, C.L.P. 197607-03B-0301. 17 dĂ©cembre 2003, C. Lavigne, rĂ©vision rejetĂ©e, 30 avril 2004, P. Simard; Renaud et MarchĂ© R.ThĂ©berge inc., 245162-63-0409, 23 juillet 2003, M. Juteau.

 

[18]         Voir note 10.

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