-+

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Abitibi - 

Témiscamingue

Québec, le 27 août 2002

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

145805-08-0009-R

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Pierre Simard, avocat

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Jean-Guy Guay,

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Gilles Lamontagne,

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

109863639-2

 

 

 

 

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

15 août 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION EN VERTU DE L’ARTICLE 429 .56 DE LA LOI SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET LES MALADIES PROFESSIONNELLES (L.R.Q., chapitre A-3.001)

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

LAURENT BELISLE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ENT. TRANS. JACQUES LAPOINTE INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 29 mars 2002, monsieur Laurent Belisle (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision d’une décision rendue par cette instance, le 20 mars 2001.

[2]               Par cette décision, le premier commissaire rejette la contestation du travailleur et confirme la décision émise par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 16 août 2000, à l’effet d’informer le travailleur qu’il ne peut bénéficier du remboursement du coût d’achat de son bois de chauffage à titre de frais d’entretien courant de son domicile.

[3]               La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Rouyn-Noranda, le 13 mars 2002.  Le travailleur a prévenu la Commission des lésions professionnelles qu’il ne pouvait pas se présenter à l’audience et, qu’en conséquence, il transmettrait une argumentation écrite au soutien de sa requête en révision.  Pour sa part, Ent. Trans. Jacques Lapointe inc. (l’employeur) ne s’est pas présenté.

[4]               En conséquence, la Commission des lésions professionnelles ayant reçu l’argumentation du travailleur rend une décision sur dossier conformément à la procédure prévue à l’article 429.57 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

 

L'OBJET DE LA REQUÊTE

[5]               Le travailleur demande la révision de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 20 mars 2001, au motif que la décision est entachée d’un vice de fond ou de procédure qui est de nature à invalider la décision rendue

[6]               Plus spécifiquement, le travailleur reproche au premier commissaire d’avoir commis une erreur manifeste et déterminante lorsqu’il conclut que la preuve offerte révèle que le chauffage au bois ne constitue pas le moyen principal ou unique de chauffage du domicile du travailleur.  Il allègue que la preuve offerte démontrait que le travailleur chauffait principalement au bois.

 

 

L'AVIS DES MEMBRES

[7]               Les membres issus des associations d’employeurs et syndicales sont unanimes pour recommander à la Commission des lésions professionnelles d’accueillir la requête en révision au motif que le premier commissaire a commis une erreur manifeste et déterminante dans son appréciation de la preuve, preuve qui révélait que le moyen principal de chauffage du domicile du travailleur était le chauffage au bois.

[8]               En conséquence, les membres recommandent à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision et d’accorder au travailleur le droit d’obtenir le remboursement des frais d’entretien courant de son domicile en application de l’article 165 de la loi.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[9]               La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a un motif donnant ouverture à la révision de la décision rendue par cette instance, le 20 mars 2001.

[10]           L’article 429.49 de la loi prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel :

429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[11]           Cependant, l’article 429.56 de la loi prévoit que la Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue.  L’article 429.56 de la loi stipule :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1°  lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

2°  lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

3°  lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[12]           Pour pouvoir procéder à la révision de la décision rendue par le premier commissaire, il appartiendra donc au travailleur de démontrer, par une prépondérance de preuve, l’existence de l’un ou l’autre des motifs prévus à cet article.

[13]           Le travailleur invoque les dispositions du troisième paragraphe de l’article 429.56 de la loi.  Il allègue que la décision rendue par le premier commissaire comporte un vice de fond ou de procédure de nature à l’invalider.

[14]           La Commission des lésions professionnelles rappelle que le travailleur doit démontrer que la décision attaquée comporte une erreur manifeste, de faits ou de droit, qui est déterminante sur l’issue du litige[2].

[15]           Ajoutons qu’il y a erreur manifeste lorsque la décision méconnaît une règle de droit, applique un faux principe, statue sans preuve, néglige un élément de preuve important ou adopte une méthode qui crée une injustice certaine.  Ces critères, bien qu’étant non exhaustifs, permettent de mieux situer cette notion[3].

[16]           Le recours en révision ne permet pas de substituer son interprétation de la loi ou son appréciation de la preuve à celle retenue par le premier commissaire, à moins qu’une erreur manifeste et déterminante soit démontrée.  Le recours en révision ne constitue pas un appel déguisé et est donc soumis à des conditions d’ouverture qui doivent être prouvées[4].

[17]           Le travailleur allègue que le premier commissaire a commis une erreur manifeste dans son appréciation de la preuve lorsqu’il conclut que son domicile est chauffé principalement à partir d’un système à l’huile et non d’un chauffage au bois.

[18]           La Commission des lésions professionnelles a pris connaissance de l’ensemble de la preuve documentaire et procédé à l’écoute des cassettes d’enregistrement de l’audience tenue devant le premier commissaire, le 24 janvier 2001.

 

[19]           Il ressort clairement de la preuve offerte au premier commissaire que le travailleur, depuis 1983, chauffe principalement son domicile à partir d’un système de chauffage au bois.  Avant sa lésion professionnelle, le travailleur obtenait un permis du ministère concerné pour procéder à des coupes de bois sur les terres de la Couronne.  Il coupait lui-même son bois, le transportait, le fendait et le cordait dans son domicile.  D’année en année, le travailleur produisait donc 20 cordes de bois.  D’ailleurs, pour les années 1997-1998, les demandes du travailleur auprès de la CSST furent accueillies de telle façon qu’il obtenait le remboursement et/ou la fourniture de bois de chauffage.  Bien plus, la preuve ne démontre pas que le domicile du travailleur est équipé d’un chauffage à l’huile.

[20]           Le premier commissaire, à la section des faits de sa décision, prend acte de ces informations.  Bien plus, au paragraphe 22, il note :

« Quant au bois de chauffage, le travailleur déclare qu’il chauffe au bois depuis 1983.  Après avoir obtenu un permis de coupe du gouvernement, il coupait, transportait et cordait lui-même son bois de chauffage.  Il ne peut plus exécuter lui-même de tels travaux à cause des séquelles de sa lésion professionnelle. »

 

 

[21]           Voilà donc la preuve offerte au premier commissaire tout en prenant en considération que le refus de la CSST de procéder à ce remboursement se fondait sur un changement de politique quant à l’application de l’article 165, tel qu’il appert des notes évolutives au dossier.

[22]           Dans sa décision, le premier commissaire se livre à une interprétation des dispositions pertinentes de la loi dont l’article 165 de la loi.  Il décrit les conditions d’ouverture de cet article et rappelle la jurisprudence portant spécifiquement sur les réclamations visant le remboursement des coûts de coupe, transport et manutention du bois de chauffage.

[23]           Sur ce sujet, le premier commissaire fait état des courants jurisprudentiels et conclut, à son paragraphe 51, de la façon suivante :

« La Commission des lésions professionnelles, à l’instar de la CSST, considère que, lorsque le chauffage au bois est le principal ou l’unique moyen de chauffage du domicile du travailleur, il y a lieu d’assimiler l’achat de bois de chauffage et ses activités afférentes (coupe, transport et cordage) à des travaux d’entretien courant du domicile. »

 

 

[24]           Or, à son paragraphe 53, le premier commissaire ajoute :

« Dans la présente affaire, il ressort de l’analyse des éléments mis en preuve qu’il n’a pas été démontré que le chauffage au bois constitue le moyen principal ou unique de chauffage du domicile du travailleur. »

 

 

 

 

 

[25]           Or, cette conclusion à laquelle en arrive le premier commissaire dans son appréciation de la preuve est manifestement erronée puisque toute la preuve qui lui fut offerte établissait que le moyen principal de chauffage du domicile du travailleur, depuis 1983, c'est-à-dire bien avant sa lésion professionnelle, était le chauffage au bois.

[26]           D’ailleurs, tel que souligné par le représentant du travailleur à son argumentation du 8 mai 2002, la preuve offerte au premier commissaire n’indiquait pas que le domicile du travailleur était équipé d’un chauffage à l’huile.  Or, ce chauffage à l’huile est un chauffage d’appoint qu’utilise le travailleur lorsqu’il doit s’absenter de son domicile pour une longue période.

[27]           Rappelons que la preuve révélait que le travailleur consommait 20 cordes de bois par hiver ce qui ne constitue sûrement pas une utilisation accessoire.

[28]           La Commission des lésions professionnelles conclut donc que le premier commissaire a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de la preuve administrée devant lui et que cette erreur a un effet déterminant sur l’issue du litige puisque, à tout escient, elle porte sur la condition essentielle qu’il retient de son analyse de la jurisprudence portant sur l’application de l’article 165 de la loi.

[29]           Une fois cette erreur corrigée, l’on ne peut donc que conclure qu’en application des principes dégagés par le premier commissaire, il aurait accordé le remboursement des coûts d’achat du bois requis pour chauffer le domicile du travailleur.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête introduite par monsieur Laurent Belisle, le 29 mars 2002;

RÉVISE la décision du 20 mars 2001 rendue par cette instance;

 

 

 

 

 

DÉCLARE que monsieur Laurent Belisle a le droit d’obtenir le remboursement des coûts d’acquisition du bois de chauffage requis pour chauffer son domicile, le tout en application de l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

 

 

 

 

PIERRE SIMARD

 

Commissaire

 

 

 

CONFÉDÉRATION DES SYNDICATS NATIONAUX

M. Donald Bernier

 

Représentant de la partie requérante

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]              Produits Forestiers Donohue et Villeneuve [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa [1998] C.L.P. 483.

[3]              Communauté urbaine de Montréal et Les Propriétés Winter Causon et Ville de Westmount [1987] R.J.Q., 2641 à 2648.

[4]              Vincenzo Fierimonte et C.L.P. et Béliveau; C.S. 500-05-045146-980, Juge Pierre Fournet; Poitras et Christina Canada inc. C.L.P. 100371-62-9803, 7 mars 2001, M. Zigby, commissaire.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.