Parent et Alcoa ltée |
2013 QCCLP 169 |
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Dossier 464001-09-1202
[1] Le 24 février 2012, madame Jovette Parent (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 9 février 2012 à la suite d'une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une première décision qu’elle a rendue le 5 octobre 2011 et déclare que la travailleuse n’a pas droit à une allocation d’aide personnelle à domicile ni au remboursement des frais encourus pour le ménage hebdomadaire.
Dossier 479879-09-1208
[3] Le 15 août 2012, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue par la CSST le 2 août 2012 à la suite d'une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme une première décision qu’elle a rendue le 11 mai 2012 et déclare que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais encourus pour son déménagement dans une nouvelle résidence ni à ceux reliés à l’exécution de travaux de peinture intérieure.
[5] Une audience a eu lieu le 6 novembre 2012 à Baie-Comeau en présence de la travailleuse et de son procureur. Pour sa part, la compagnie Alcoa limitée (l’employeur) n’était pas représentée à cette audience.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
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[6] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a droit au remboursement des frais d’entretien engagés pour le ménage hebdomadaire.
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[7] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a droit au remboursement des frais encourus pour le déménagement dans une nouvelle résidence ainsi que ceux reliés aux travaux de peinture intérieure.
LES FAITS
[8] De la preuve documentaire et testimoniale, le tribunal retient notamment ce qui suit.
[9] La travailleuse, qui est à l’emploi de l’employeur depuis 1991, occupait, en 2011, la fonction d’assistante-opératrice.
[10] Le 17 juillet 2011, elle subit un accident du travail lorsque sa jambe gauche se retrouve coincée entre un tracteur et un chariot de transport.
[11] À la suite de cet accident, la travailleuse est transportée à l’urgence du CSSS de Manicouagan, où l’on constate la présence d’une fracture ouverte au tibia et au péroné gauches. Devant la gravité de ses blessures, la travailleuse est par la suite transportée par avion ambulance à l’hôpital de l’Enfant-Jésus à Québec. Le docteur Bernard Laliberté procède alors à la réduction des fractures avec mise en place de plaques et de vis.
[12] Après quelques jours d’hospitalisation, la travailleuse retourne chez elle dans la région de Baie-Comeau et le suivi médical est assuré par le docteur Asad Sleiman. Des traitements de physiothérapie sont alors prescrits à la travailleuse.
[13] Le 29 août 2011, le conjoint de la travailleuse demande à la CSST de défrayer les frais reliés au ménage hebdomadaire de leur logement. Dans sa demande, ce dernier fait valoir qu’il travaille 40 heures par semaine, qu’il ne peut s’occuper de toutes les tâches domestiques, que la travailleuse se déplace en fauteuil roulant et qu’elle ne peut aucunement prendre appui sur sa jambe gauche.
[14] À la suite de cette demande, la CSST procède à l’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile de la travailleuse. Selon la grille d’évaluation retrouvée au dossier au tribunal, celle-ci n’a aucun besoin d’assistance pour ses soins d’hygiène, s’alimenter, se lever et se coucher. Elle a toutefois besoin d’une assistance partielle pour la préparation du dîner et d’une assistance complète pour la préparation du souper. La travailleuse a également besoin d’assistance complète pour les tâches reliées au ménage ainsi que concernant le lavage du linge. Compte tenu que la travailleuse est capable de prendre soin d’elle-même, la CSST statue, le 5 octobre 2011, que celle-ci n’est pas admissible à recevoir de l’aide personnelle à domicile. Elle ajoute que la travailleuse n’a également pas droit au remboursement des frais reliés au ménage hebdomadaire. Cette décision de la CSST a été confirmée, le 9 février 2012, à la suite d’une révision administrative.
[15] À compter du mois d’octobre 2011, la travailleuse débute une mise en charge progressive sur son membre inférieur gauche. À la même époque, elle présente un trouble de l’adaptation avec humeur dépressive.
[16] Le 30 janvier 2012, le docteur Laliberté constate un retard au niveau de l’union de la fracture au tibia gauche et décide de procéder, le 15 février 2012, à une greffe osseuse.
[17] À la suite de cette nouvelle chirurgie, la travailleuse fait l’objet d’un suivi médical régulier avec mise en charge progressive sur son membre inférieur gauche. Elle fait également l’objet d’un suivi médical pour sa condition psychologique.
[18] Le 24 février 2012, la travailleuse conteste à la Commission des lésions professionnelles, la décision rendue par la CSST le 9 février 2012 portant notamment sur les frais reliés à l’entretien ménager, d’où l’un des présents litiges.
[19] Le 1er mai 2012, la travailleuse demande à la CSST de lui rembourser les frais de 689,85 $ reliés à son déménagement dans une nouvelle résidence ainsi que les frais de 1 450,00 $ reliés aux travaux de peinture. Dans sa lettre, elle justifie son déménagement par le fait qu’elle demeurait auparavant dans un logement situé au deuxième étage d’un immeuble et que pour accéder à celui-ci, elle devait monter un escalier de 22 marches. Elle souligne qu’en raison de sa condition douloureuse à sa jambe gauche, elle évitait de sortir à l’extérieur de son logement.
[20] Le 11 mai 2012, la CSST informe la travailleuse qu’elle ne peut lui rembourser les frais réclamés pour son déménagement ainsi que ceux pour les travaux de peinture. Cette décision de la CSST a été confirmée, le 2 août 2012, à la suite d'une révision administrative.
[21] Le 3 août 2012, la CSST reconnaît que la lésion à caractère psychologique présentée par la travailleuse en cours d’évolution est en relation avec l’événement du 17 juillet 2011.
[22] Le 15 août 2012, la travailleuse conteste à la Commission des lésions professionnelles la décision rendue par la CSST le 2 août 2012 portant sur les frais de déménagement et de peinture intérieure, d’où l’un des présents litiges.
[23] Lors de l’audience, le tribunal a entendu le témoignage de la travailleuse. Cette dernière déclare que lors de l’accident du travail survenu le 17 juillet 2011, elle habitait avec son conjoint dans un logement de quatre pièces et demie. Ce logement était situé au deuxième étage d’un immeuble et que pour y accéder, elle devait emprunter un escalier comprenant 22 marches.
[24] La travailleuse témoigne qu’après sa première chirurgie à sa jambe gauche, elle a dû utiliser, pendant plusieurs semaines, une chaise roulante, puis des béquilles, pour se déplacer tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de son logement. Elle affirme que durant cette période, c’était son conjoint qui s’occupait de la préparation des repas. En ce qui concerne l’entretien ménager hebdomadaire, tel le lavage de la cuisine, de la salle de bain, des planchers et de l’époussetage, la travailleuse explique qu’elle a dû avoir recours aux services d’une entreprise d’entretien ménager (Aspire-tout) (pièce T-1 en liasse).
[25] Elle poursuit son témoignage en déclarant que graduellement, elle a pu retrouver une certaine autonomie et qu’à la période des Fêtes 2011, elle utilisait seulement des béquilles pour se déplacer. La travailleuse ajoute qu’à la suite de sa deuxième chirurgie survenue au mois de février 2012, elle a dû « repartir à zéro » au niveau de sa condition, ce qui impliquait qu’elle a à nouveau utilisé une chaise roulante pour se déplacer. Compte tenu que son médecin lui disait que sa période de convalescence allait être longue, la travailleuse explique qu’elle a alors regardé la possibilité de déménager dans une résidence, où elle n’aurait plus d’escaliers à gravir.
[26] La travailleuse confirme que le 1er avril 2012, elle a déménagé dans une maison mobile qui ne comporte qu’un seul plancher. Elle explique qu’elle pouvait se déplacer plus facilement dans cette résidence, malgré le fait qu’elle utilisait encore une chaise roulante.
[27] En ce qui concerne l’entretien ménager à leur nouvelle résidence, la travailleuse mentionne que c’était elle-même et son conjoint, qui réalisaient cette tâche.
[28] Elle confirme par ailleurs que sa condition actuelle à la jambe gauche n’est pas encore consolidée et qu’il est possible qu’une troisième chirurgie soit nécessaire. Elle fait également l’objet d’un suivi médical pour sa condition psychologique.
L’AVIS DES MEMBRES
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[29] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la requête de la travailleuse doit être rejetée.
[30] Il est d’avis que la demande de la travailleuse au sujet du remboursement des frais reliés à l’entretien ménager hebdomadaire ne répond pas aux critères spécifiquement prévus à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Dans ce contexte, il estime qu’il n’est pas approprié de lui accorder le remboursement des frais réclamés par le biais du cinquième paragraphe de l’article 184 de la loi.
[31] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la requête de la travailleuse doit être accueillie.
[32] Il est d’avis que la travailleuse a droit, en vertu du cinquième paragraphe de l’article 184 de la loi au remboursement des frais d’entretien ménager encourus durant la période du 17 juillet 2011 au 1er avril 2012.
[33] Il souligne que la preuve démontre que durant cette période, la travailleuse était incapable, en raison des conséquences de sa lésion professionnelle, d’effectuer les travaux d’entretien ménager hebdomadaire de son logement.
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[34] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la requête de la travailleuse doit être rejetée.
[35] Il est d’avis que tant la demande de la travailleuse reliée aux frais de déménagement que celle reliée à des travaux de peinture ne répondent pas aux critères prévus à la loi, c’est-à-dire la présence d’une atteinte permanente grave à son intégrité physique. Il ajoute que l’atteinte permanente à l’intégrité physique que pourrait conserver la travailleuse n’est d’ailleurs pas encore déterminée et que la nature de sa lésion ne permet pas d’envisager, de façon raisonnable, qu’elle en conservera une atteinte permanente pouvant être qualifiée de grave.
[36] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la requête de la travailleuse doit être accueillie.
[37] Il estime qu’en vertu du cinquième paragraphe de l’article 184 de la loi, le déménagement dans une nouvelle résidence ainsi que les travaux de peinture intérieure reliés à l’acquisition de cette résidence, représentent des mesures utiles pour atténuer les conséquences de la lésion professionnelle subie par la travailleuse.
LES MOTIFS
[38] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a droit au remboursement des frais engagés pour le ménage hebdomadaire, pour le déménagement dans une nouvelle résidence ainsi que ceux reliés à des travaux de peinture intérieure de cette résidence.
[39] En l’espèce, il n’a aucunement été prétendu, ni soutenu par la preuve, que les demandes de remboursement de frais formulées par la travailleuse soient acceptables en vertu des dispositions prévues au chapitre 5 de la loi qui traitent de l’assistance médicale.
[40] Il faut donc analyser le présent dossier en fonction des dispositions prévues au chapitre 4 de la loi portant sur la réadaptation. À ce propos, il est pertinent de reproduire les articles 145, 152, 153, 154, 158, 165 et 177 de la loi, qui prévoient que :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
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1985, c. 6, a. 145.
152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :
1° des services professionnels d'intervention psychosociale;
2° la mise en œuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;
3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;
4° le remboursement de frais de garde d'enfants;
5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.
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1985, c. 6, a. 152.
153. L'adaptation du domicile d'un travailleur peut être faite si :
1° le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique;
2° cette adaptation est nécessaire et constitue la solution appropriée pour permettre au travailleur d'entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d'avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile; et
3° le travailleur s'engage à y demeurer au moins trois ans.
Lorsque le travailleur est locataire, il doit fournir à la Commission copie d'un bail d'une durée minimale de trois ans.
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1985, c. 6, a. 153.
154. Lorsque le domicile d'un travailleur visé dans l'article 153 ne peut être adapté à sa capacité résiduelle, ce travailleur peut être remboursé des frais qu'il engage, jusqu'à concurrence de 3 000 $, pour déménager dans un nouveau domicile adapté à sa capacité résiduelle ou qui peut l'être.
À cette fin, le travailleur doit fournir à la Commission au moins deux estimations détaillées dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige.
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1985, c. 6, a. 154.
158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.
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1985, c. 6, a. 158.
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
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1985, c. 6, a. 165.
177. Le travailleur qui, à la suite d'une lésion professionnelle, redevient capable d'exercer son emploi ou devient capable d'exercer un emploi convenable peut être remboursé, jusqu'à concurrence de 3 000 $, des frais qu'il engage pour :
1° explorer un marché d'emplois à plus de 50 kilomètres de son domicile, si un tel emploi n'est pas disponible dans un rayon de 50 kilomètres de son domicile; et
2° déménager dans un nouveau domicile, s'il obtient un emploi dans un rayon de plus de 50 kilomètres de son domicile actuel, si la distance entre ces deux domiciles est d'au moins 50 kilomètres et si son nouveau domicile est situé à moins de 50 kilomètres de son nouveau lieu de travail.
Le travailleur doit fournir à la Commission au moins deux estimations détaillées dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige.
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1985, c. 6, a. 177.
[41] En ce qui concerne la demande relative au remboursement des frais engagés pour les travaux d’entretien ménager de son domicile, la preuve prépondérante est à l’effet que malgré les chirurgies qu’elle a subies, la travailleuse a été capable de prendre soin d’elle-même, ce qui fait obstacle à l’application de l’article 158 de la loi. Par conséquent, il faut davantage analyser si la travailleuse a droit au remboursement de ces frais en vertu de l’article 165 de la loi.
[42] À ce propos, plusieurs décisions de la Commission des lésions professionnelles ont reconnu que les travaux d’entretien ménager hebdomadaire pouvaient constituer des travaux d’entretien courant du domicile au sens de l’article 165 de la loi. Ce raisonnement se retrouve notamment dans l’affaire Lebel et Paroisse de St-Éloi et CSST[2], où l’on peut lire que :
[31] Même si, à l’article 158, on parle de travaux domestiques, il faut comprendre que cette disposition s’applique à « l’aide personnelle à domicile », qui inclut certes ce genre de travaux, mais qui vise plutôt des situations beaucoup plus graves en terme de conséquences immédiates, puisqu’on associe cette aide au fait qu’un travailleur soit incapable de prendre soin de lui-même dans des activités de base comme se laver, aller à la toilette, etc. On a qu’à examiner la grille d’évaluation pour constater que l’on vise ici des cas lourds.
[32] L’article 165, quant à lui, n’est pas conditionnel à l’impossibilité de prendre soin de soi-même mais vise plutôt les cas où un travailleur demeure avec une atteinte permanente grave et, généralement, avec des limitations fonctionnelles importantes, qui l’empêchent de reprendre certaines activités pré-lésionnelles qu’il effectuait auparavant, soit des travaux d’entretien courant. De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, cette interprétation va dans la logique de la loi, qui « a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires4 ».
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4 Article 1 , LATMP.
[43] La jurisprudence[3] du tribunal a aussi précisé qu’il n’était pas nécessaire que les séquelles permanentes soient clairement décrites dans un rapport d’évaluation médicale, mais uniquement « prévisibles ». Or, dans le présent dossier, la lésion professionnelle subie par la travailleuse au mois de juillet 2011 n’est toujours pas consolidée. De plus, selon son témoignage, une troisième chirurgie à sa jambe gauche sera peut-être nécessaire. Ainsi donc, non seulement la présence de séquelles permanentes ou de limitations fonctionnelles est incertaine à ce stade-ci du dossier, mais la preuve ne permet également pas de déterminer si d’éventuelles séquelles pourraient être qualifiées de graves[4] au sens de l’article 165 de la loi.
[44] La Commission des lésions professionnelles conclut donc, en ce qui concerne les frais reliés à l’entretien ménager hebdomadaire, que l’article 165 de la loi ne peut trouver application dans le présent dossier.
[45] Pour des motifs semblables, la même conclusion s’impose pour la demande qui concerne les frais reliés au déménagement dans une nouvelle résidence et aux travaux de peinture intérieure y afférents.
[46] En effet, comme mentionné précédemment, la lésion professionnelle subie par la travailleuse n’est pas consolidée à ce jour et elle fait encore l’objet d’un suivi médical. On ne peut donc déterminer si elle conservera une atteinte permanente grave à son intégrité physique, condition nécessaire à l’ouverture de l’application des articles 153 et 154 de la loi. De plus, le déménagement de cette dernière dans une nouvelle résidence ne survient aucunement dans le but d’occuper un nouvel emploi, empêchant ainsi l’application de l’article 177 de la loi.
[47] Finalement, le procureur de la travailleuse invoque, tant pour les frais reliés à l’entretien ménager hebdomadaire que pour les frais reliés au déménagement dans une nouvelle résidence et ceux reliés aux travaux de peinture qui y sont associés, l’application du cinquième paragraphe de l’article 184 de la loi qui prévoit ce qui suit :
184. La Commission peut :
[…]
5° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 184.
[48] Avec respect, le tribunal ne peut souscrire à cette prétention, puisque l’article 184 de la loi s’inscrit dans le contexte de la réadaptation d’une personne victime d’une lésion professionnelle[5]. Or, ce n’est pas dans ce contexte que nous nous retrouvons en l’espèce, puisque que la lésion professionnelle subie par la travailleuse n’est pas encore consolidée et que l’on ignore si cette lésion entraînera ou non des séquelles permanentes donnant ouverture au droit à la réadaptation et à la mise en place de mesures de réadaptation.
[49] Au surplus, même en considérant que certaines décisions[6] de la Commission des lésions professionnelles ont élargi la portée de cette disposition, afin de permettre la mise en place de mesures de réadaptation avant la consolidation d’une lésion professionnelle, le tribunal estime néanmoins qu’il n’est pas approprié de recourir à l’article 184 dans le présent dossier.
[50] En effet, bien qu’en vertu de cette disposition, la CSST peut prendre toute mesure utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d’une lésion professionnelle, le tribunal spécifiait, dans l’affaire Forté et C.H. Maisonneuve-Rosemont[7], que cette disposition laisse à la CSST « une large discrétion pour prévoir des cas non couverts de façon spécifique ». En accord avec ce raisonnement, le soussigné considère que le cinquième paragraphe de l’article 184 de la loi a pour objectif de viser des mesures ou des situations différentes de celles déjà prévues à la loi.
[51] Or, comme mentionné précédemment, le droit au remboursement des frais reliés à l’entretien courant du domicile ainsi que les frais reliés au déménagement est prévu spécifiquement à la loi, et la preuve est à l’effet que la travailleuse ne satisfait pas aux critères prévus aux dispositions législatives en cause. Dans ce contexte, il serait inapproprié d’utiliser le cinquième paragraphe de l’article 184 de la loi pour accorder le remboursement de ces frais à la travailleuse, alors que cette dernière ne répond pas aux critères spécifiquement prévus par le législateur.
[52] Qui plus est, bien que la preuve soit à l’effet que le logement où demeurait la travailleuse lors de sa lésion professionnelle du 17 juillet 2011 était peu convenable à sa condition, en raison du fait qu’il était situé au deuxième étage d’un immeuble, il n’en demeure pas moins que l’on ignore totalement si celle-ci conservera des séquelles permanentes rendant difficile ou prohibant, l’utilisation d’escaliers.
[53] Dans ce contexte, on ne peut conclure que le déménagement dans une nouvelle résidence, ainsi que les travaux de peinture y afférents, constituent une mesure utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences de sa lésion professionnelle.
[54] La Commission des lésions professionnelles conclut donc que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais d’entretien ménager hebdomadaire encourus à la suite de sa lésion professionnelle du 17 juillet 2011, de même qu’au remboursement des frais de déménagement et de peinture intérieure.
[55] Les requêtes de la travailleuse sont par conséquent rejetées.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de madame Jovette Parent, la travailleuse;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 9 février 2012 à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit à une allocation d’aide personnelle à domicile ni au remboursement des frais encourus pour le ménage hebdomadaire.
Dossier 479879-09-1208
REJETTE la requête de la travailleuse;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 2 août 2012 à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais encourus pour son déménagement ni ceux reliés à l’exécution de travaux de peinture intérieure.
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Jean Grégoire |
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Me Denis Mailloux |
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CSN |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] L.R.Q., c.A-3.001.
[2] C.L.P. 124846-01A-9910, 29 juin 2000, L. Boudreault.
[3] Cantin et Pointe-Nor inc.(Gravier), C.L.P. 266316-08-0507, 13 mars 2006, J.-F. Clément.
[4] Allard et Plomberie Lyonnais inc., C.L.P. 141253-04B-0006, 11 décembre 2000, H. Thériault.
[5] Ferra et Tbc Constructions inc., 2011 QCCLP 1231 .
[6] Mongrain et Emballages Cascades P.A.T. inc., [2003] C.L.P. 1053 .
[7] C.L.P. 295008-71-0607, 17 janvier 2007, M.-H. Coté.
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