Prud'homme et 9064-0194 Québec inc. |
2008 QCCLP 4352 |
______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[1] Le 28 septembre 2007, monsieur Yvon Prud’homme (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la Loi), par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 18 septembre 2007, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 12 juillet 2007 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût d’achat et du cordage du bois de chauffage.
[3] Le travailleur est présent à l’audience tenue, le 24 juillet 2008, à Saint-Jérôme. Bien que dûment convoqué par avis écrit expédié le 15 avril 2008, 9064-0194 Québec inc. (l’employeur) n’est pas représenté à l’audience et n’a pas justifié son absence.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande de déclarer qu’il a droit au remboursement du coût d’achat et du cordage du bois de chauffage pour son domicile.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que la contestation devrait être accueillie.
[6] Le travailleur a prouvé que depuis une trentaine d’années, le chauffage au bois constitue le principal système de chauffage de son domicile. Avant son accident, il se chargeait de couper son bois lui-même et de le corder ; depuis, il en est incapable à cause des séquelles de la lésion professionnelle qu’il a subie. Les exigences de la Loi pour autoriser le remboursement du coût d’achat et de cordage de son bois de chauffage sont donc satisfaites.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] Le travailleur a subi une lésion professionnelle le 10 juillet 2006.
[8] Tel qu’il appert de la décision rendue à la suite de la révision administrative, « il n’est nullement contesté que le travailleur est porteur d’une atteinte permanente grave et qu’il est incapable d’effectuer la manutention du bois de chauffage qu’il effectuerait normalement lui-même n’eut été de sa lésion professionnelle ». Il satisfait ainsi à plusieurs des exigences de l’article 165 de la Loi lequel régit son droit au remboursement des frais d’entretien courant de son domicile :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
__________
1985, c. 6, a. 165.
[9] Reste à voir si l’achat et le cordage du bois peuvent, dans le cas présent, être considérés comme étant des travaux d’entretien courant du domicile du travailleur au sens de l’article précité.
[10] La jurisprudence considère que oui[2]. À maintes reprises, la Commission des lésions professionnelles a jugé que pour autoriser le remboursement de ces frais, preuve devait être faite que le chauffage au bois constitue le système de chauffage principal de la résidence et non un système d’appoint[3]. Il n’est par ailleurs pas nécessaire que le bois soit le système de chauffage exclusif, dans la mesure où c’est le principal[4].
[11] En l’espèce, se fondant principalement sur un extrait des conditions de la police d’assurance habitation du travailleur, la CSST a refusé le remboursement parce que ne consommant pas plus de neuf cordons de bois annuellement, son poêle à bois était dès lors considéré comme un « appareil de chauffage auxiliaire » au système électrique principal.
[12] À l’audience, le travailleur affirme solennellement qu’il consomme plus de cordons de bois annuellement que le nombre mentionné précédemment. Il ajoute ne mettre en marche son chauffage électrique qu’occasionnellement, quand il doit quitter son domicile de façon prolongée, soit seulement de 5 à 6 jours par hiver.
[13] Dans ce contexte, on ne saurait considérer que le poêle à bois représente le système de chauffage d’appoint de la résidence ; au contraire, c’est le système électrique qui remplit cette fonction puisqu’on y a recours que de façon sporadique et exceptionnelle.
[14] Le travailleur a donc démontré que le poêle à bois constitue le système de chauffage principal de son domicile. Cela étant, il a droit au remboursement des frais d’achat et de cordage de son bois de chauffage.
[15] La contestation est bien fondée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Yvon Prud’homme, le travailleur ;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 18 septembre 2007, à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement du coût d’achat et du cordage du bois de chauffage de son domicile.
|
|
|
Jean-François Martel |
|
Commissaire |
|
|
|
|
|
|
|
[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] Bérubé et Les Forages Julien Bérubé ltée, 294917-01A-0607, 17 avril 2007, R. Arseneau ; Martel et Entreprises G. St-Amant inc., C.A.L.P. 07955-03A-8806, 26 octobre 1990, B. Dufour; Alarie et Industrie James McLauren inc., [1995] C.A.L.P. 1233 ; Lemieux et Ministère des Transports, C.L.P. 118805-02-9906, 6 mars 2000, P. Simard; Champagne et Métallurgie Noranda inc., C.L.P. 144899-08-0008, 1er mars 2001, P. Prégent; Hamel et Mines Agnico Eagle ltée, C.L.P. 134627-08-0002, 10 juillet 2001, M. Lamarre; Nevins et Les Abatteurs Jacques Élément, C.L.P. 156525-08-0103, 18 février 2002, C. Bérubé; Benoît et Constructions AJP Rivard inc., C.L.P. 181584-04-0203, 21 février 2003, J.-F. Clément; Lacasse et Les Industries de la Rive Sud ltée, C.L.P. 205129-03B-0304, 23 juin 2005, C. Lavigne.
[3] Bérubé et Les Forages Julien Bérubé ltée ; Champagne et Métallurgie Noranda inc.; Hamel et Mines Agnicot Eagle ltée; Nevins et Les Abatteurs Jacques Élément ; Benoît et Constructions AJP Rivard inc., précitées à la note 2.
[4] Parent et Mines Agnico Eagle ltée, 280601-08-0512, 18 juillet 2006, J.-F. Clément, ainsi que Champagne et Métallurgie Noranda inc.et Hamel et Mines Agnicot Eagle ltée précitées à la note 2.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.