S.G. et Compagnie A |
2011 QCCLP 5194 |
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Saint-Hyacinthe |
29 juillet 2011 |
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Région : |
Mauricie-Centre-du-Québec |
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Dossier CSST : |
134304120 |
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Commissaire : |
Alain Vaillancourt, juge administratif |
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Membres : |
Jean-Guy Verreault, associations d’employeurs |
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Assesseure : |
Serge Saint-Pierre, associations syndicales
Guylaine Landry-Fréchette, md. |
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Partie requérante |
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[Compagnie A] |
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Partie intéressée |
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[1] Le 28 septembre 2009, monsieur S... G... (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 18 septembre 2009 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 3 avril 2009 et déclare que le travailleur n'a pas subi une lésion professionnelle le 22 octobre 2008 et qu’il n'a pas droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[3] Le travailleur est présent et représenté à l’audience du 17 mai 2011 à Drummondville. L’employeur, [la Compagnie A], est également présent et représenté à l’audience. L’affaire a été mise en délibéré le 22 juin 2011 sur réception des arguments des représentants des parties sur une question soulevée par le tribunal.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande de déclarer qu’il a subi un accident du travail le 22 octobre 2008 et qu’il a droit aux prestations prévues à la loi pour sa maladie physique (une parasitose) et sa maladie psychologique (un stress post-traumatique).
LES FAITS
[5] Le travailleur est âgé de 41 ans et il est chauffeur et opérateur de camion vacuum et hydro-pression depuis le mois de mai 2007 lorsque le 25 décembre 2008, il produit une réclamation à la CSST pour un événement survenu le 22 octobre 2008 et qu’il décrit alors ainsi :
Le 22 oct. 2008 j’ai changé un joint sur un des rouleau de boyau pression sur un camion hydro pression (la Ford), j’ai dû utilisé un pipe ranch pour le décolé lorsque j’ai continué de le dévisée à la main je me suis implanté plein décharde de métal ? de bactérie sanitaire provenant d’égout + bactérie provenant de industrie du porc ce qui a causé une parasitose qui a dégénérée assez gravement au point de vue physique et moral. (voir feuille supplémentaire). [sic]
[6] À l'audience, le travailleur apporte la précision que l’événement est survenu le 21 octobre 2008 à la fin du quart de travail et que le 22 octobre 2008, il a travaillé avec des produits contaminés et que ses gants en étaient détrempés.
Urgence de l’Hôpital Sainte-Croix de Drummondville
[7] Le travailleur témoigne qu’au cours des jours suivants, il a commencé à éprouver des problèmes de santé qui se sont aggravés au point de l’obliger à consulter à l’urgence de l’Hôpital Sainte-Croix de Drummondville le 29 octobre 2008. Le tribunal reproduit les notes complétées par la docteure Marie-Ève Picotte lors de cette visite :
08-10-29 13H35 homme 41 ans
Prise amphétamines hier soir et habituellement.
Aurait reçu fibre verre à la main au travail X 3 jrs
Dit que fibre verre sort de ses bottines, de ses bas, de son visage, de son cou.
Sensations généralisées.
Pas idées violence
S’arrache les « supposés » fibres verre de la main et du corps avec pince à épiler, s’automutile légèrement.
Pas idées noires. Seul, blonde reviendra sous peu.
Aucune autocritique, fâché que je lui parle drogue
Examen physique : Signes vitaux normaux aucune objectivation visuelle fibre de verre
Sans plaie mains sèches ++
↓ consommation drogues
Ne pouvant garder contre son gré
Diagnostic : trouble délirant paresthésiques secondaire amphétamines
[8] Le médecin lui prescrit du Bénadryl au besoin et une crème cortisonique Célestoderm pour les mains.
[9] Le 31 octobre 2008, le travailleur passe une tomodensitométrie cérébrale à la demande de la docteure Picotte qui fournit les renseignements suivants au radiologiste : trouble délirant de novo, céphalée / éliminer néo cérébrale. Cet examen a permis d’écarter le diagnostic de néoplasie cérébrale.
[10] Le 23 novembre 2008, un médecin diagnostique un délire de parasitose.
[11] Près d’un an plus tard, le 17 juillet 2009, le travailleur consulte à nouveau à l'urgence de cet hôpital pour une parasitose. Il est en bon état général avec une température à 37.3° et l’abdomen est normal. La pensée frôle le délire. Le médecin diagnostique une parasitose. Il prescrit un scan cérébral et un suivi par le médecin de famille et en infectiologie.
[12] Le 20 août 2010, le travailleur subit une imagerie par résonance magnétique cérébrale à la demande du docteur Laflamme pour une paresthésie au visage, aux membres inférieurs et membres supérieurs. L’examen est dans les limites de la normale sans évidence radiologique de sclérose en plaques.
Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke
[13] Après sa première consultation à l’urgence de l’Hôpital Ste-Croix où un diagnostic de trouble délirant paresthésique secondaire à amphétamines avait été posé, le travailleur décide de consulter au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke où il aura un suivi médical du 31 octobre au 11 décembre 2008.
[14] Le 31 octobre 2008, il déclare à la docteure Lynn Beaudet avoir noté la présence de petits vers dans ses selles, dans ses sécrétions nasales et sur la peau. À l’examen, la température est normale, l'abdomen est souple et il n’y a pas de parasites sur la peau. Le médecin prescrit un bilan de santé et des analyses de selles afin d’éliminer une parasitose.
[15] Le bilan de santé s’avère normal alors que les analyses de selles sont positives à Blastocystis hominis, un parasite habituellement non pathogène selon la docteure Isabelle Alarie, spécialiste en microbiologie médicale et infectiologie, qui approuve le rapport.
[16] Le 3 novembre 2008, le docteur Jean-François Deshaies mentionne à l'histoire que le travailleur a travaillé dans des égouts il y a treize jours et qu’il a retrouvé des bibittes dans ses gants à la fin de sa journée de travail. À l'examen, il note un bon état général, les signes vitaux sont normaux, l’abdomen est souple et l'anuscopie est négative.
[17] Le 10 novembre 2008, le docteur Robert Frazer diagnostique une anxiété généralisée.
[18] Le 17 novembre 2008, le docteur Deshaies téléphone au travailleur pour l’aviser du résultat des tests de parasitose. Le travailleur lui déclare alors qu’il n’a pas de diarrhée et qu’il ne fait pas de température. Il croit cependant avoir encore des parasites dans les selles. Le médecin note que le travailleur a été vu en psychiatrie le 13 novembre 2008 et qu’il a refusé le suivi proposé. Le médecin lui suggère de reconsidérer cette décision. Il conclut que le parasite Blastocystis hominis n’est pas symptomatique et qu’il n’y a pas de lien entre le parasite et les symptômes. Le travailleur est apte au travail selon lui.
[19] Le 11 décembre 2008, le travailleur rencontre le docteur Christian Sinave, spécialiste en microbiologie médicale et infectiologie. Le médecin note que le travailleur a été vu à plusieurs reprises au centre hospitalier ainsi que par le docteur Marc Gallant en cabinet privé. Il souligne qu'en psychiatrie, on a diagnostiqué une toxicomanie et que le travailleur a refusé le suivi proposé. Il conclut qu’il n’a rien à offrir au travailleur, il lui suggère de cesser de consulter et de reconsidérer sa décision relative aux traitements en psychiatrie.
Centre universitaire de santé McGill
[20] À compter du 8 février 2009, la condition du travailleur est investiguée au Centre des maladies tropicales de l'Université McGill, un centre national de référence en parasitologie.
[21] Le 8 février 2009, le docteur Timothy Francis Brewer, spécialiste en maladies infectieuses, examine le travailleur, il note qu’il n'a jamais voyagé et qu’il a été un utilisateur de cocaïne et d’amphétamines dans le passé. L’abdomen est normal, il note la présence d’hémorroïdes rectales.
[22] Au chapitre des problèmes identifiés, le médecin signale une perte de poids significative, de vagues symptômes chez un travailleur d'abattoir ainsi que des saignements rectaux. Il prescrit un bilan de base et des sérologies pour la Brucellose et la fièvre Q.
[23] Le 11 mars 2009, la docteure Joyce Lilian Pickering, interniste, mentionne que le travailleur est apte au travail mais qu’il est toujours sous investigation.
[24] Le 26 mars 2009, le travailleur est examiné par le docteur Alexander Sender Liberman, spécialiste en chirurgie générale et colorectale, qui ne juge pas à propos d’intervenir. Il prescrit du Métamucil.
[25] Le 26 mars 2009, un médecin de la CSST retient ceci de sa conversation avec le docteur Brewer :
Dr Brewer nous informe que la condition de monsieur a été investiguée et que les tests n’auraient pas démontré de lien à établir avec le travail. Les autres tests qui doivent être obtenus sont les analyses aux niveaux Brucella et Coxiella. Même si ces deux examens indiqueraient un résultat positif, ceux-ci ne permettraient pas non plus de faire un lien avec le travail. Monsieur présente d’autres problèmes d’aspect personnel dont les hémorroïdes. Dr Brewer aurait discuté avec monsieur de sa condition et celle-ci pourrait nécessiter une aide sur le plan psychiatrique compte tenu de l’importance des symptômes présents. L’anxiété également perçue par monsieur et l’évolution de sa condition milite à ce que monsieur ait une référence en psychiatrie.
[26] Le travailleur a aussi été référé par le docteur Denis Laflamme au docteur Pierre Auger, spécialiste en médecine du travail à la Clinique Interuniversitaire de Santé au Travail et de Santé Environnementale qui l’a rencontré au printemps et en septembre 2010.
[27] Le 24 septembre 2010, dans une lettre adressée au docteur Laflamme, le docteur Auger se prononce sur la relation entre le travail, la contamination à Blastocystis hominis et les symptômes du travailleur.
[28] Le médecin y fait état des symptômes que le travailleur aurait développés : perte de poids, température, sudation nocturne, démangeaisons, diarrhées et selles avec du sang, crampes abdominales, maux de tête, raideurs musculaires, difficultés au niveau des articulations, céphalées à la région cervicale, douleurs à la cage thoracique, vomissements avec crachats sanguinolents, syndrome de type asthme, douleur épigastrique, douleur au flanc gauche, douleurs lombaires basses.
[29] Il relate que Blastocystis hominis fait suite à une contamination oro-fécale et serait en relation avec des endroits insalubres. Il a recensé quelques articles qui font état de la présence de ce parasite de façon anormale chez des travailleurs sanitaires en Turquie et chez les travailleurs qui ont à s’occuper d’animaux notamment dans un abattoir.
[30] Le médecin conclut ainsi :
Donc, il est très plausible sinon probable que son métier est la cause de cette contamination avec Blastomyces hominis et monsieur fait partie de cette sous-population qui a réagi au Blastomyces. De plus, la présence abondante de ce protozoaire dans ses intestins explique fort probablement aussi cette symptomatologie. De plus, elle peut expliquer ses réactions allergiques que l’on retrouve sur son corps et peut-être son asthme. Ceci reste à vérifier. Enfin comme vous le savez fort probablement, même si monsieur a été traité, il peut arriver chez certains individus que le traitement ne soit pas efficace. Enfin, monsieur a été traité adéquatement par vous, entres autres, avec du métronidazole et du Bactrim. Je retrouve aussi qu’il est possible de prescrire de l’iodoquinol (Yodoxin). Ce troisième traitement quant à moi mériterait d’être validé par un infectiologue. Pour le moment ce patient est libéré de la clinique.
Clinique médicale de St-Nicéphore
[31] Ce sont des médecins de la clinique médicale de Saint-Nicéphore qui ont assuré l’essentiel du suivi médical du travailleur après la première visite à l’urgence de l’Hôpital Sainte-Croix et aux consultations au Centre Hospitalier universitaire de Sherbrooke.
[32] Il y sera rencontré par les Drs Laflamme, Gallant, Fréchette et Danila.
[33] Le ou vers le 21 novembre, le docteur Laflamme diagnostique de la fatigue et prescrit un bilan de santé, lequel est effectué le 24 novembre 2008 et s’avère négatif.
[34] Le 26 novembre 2008, le docteur Marc Gallant soupçonne une parasitose et prescrit une recherche de parasites dans les selles. Il prescrit aussi un médicament pour l’anxiété.
[35] Cette analyse de selles est effectuée le 1er décembre 2008 et est positive à Blastocystis hominis et Endolimax nana, deux parasites non pathogènes, selon le rapport de microbiologie.
[36] Le 5 décembre 2008, le docteur Gallant diagnostique un stress post traumatique à l’emploi actuel et il suggère une réorientation de carrière pour éviter le présent stress.
[37] Le 9 décembre 2008, le docteur Laflamme diagnostique une dépression et de l'anxiété justifiant un arrêt de travail. Le résultat de la colonoscopie qu’il avait prescrite est normal.
[38] Le 22 décembre 2008, la docteure Solange Fréchette remplit le premier rapport médical à l’intention de la CSST. Elle diagnostique une parasitose probablement due au travail avec anxiété secondaire. Elle lui prescrit une médication pour les parasites.
[39] Dans sa note de consultation, le médecin relate que le travailleur était à manipuler un boyau sans gant dans le système d’égout et qu’il aurait eu un contact avec des produits provenant du système d’égout et que, depuis ce temps, il a des problèmes.
[40] Le médecin ne décrit pas d’examen physique, elle sait que le travailleur a consulté à plusieurs centres hospitaliers et en infectiologie mais elle ignore les résultats si ce n'est que la colonoscopie et le bilan sanguin étaient normaux. Le travailleur prend un anxiolytique et se cherche un emploi.
[41] La docteure Fréchette a eu une conversation avec un médecin de la CSST à propos de cette consultation et ce dernier en a retenu ceci (5 février 2009):
Dre Fréchette ne se dit pas le médecin traitant de monsieur G.... Le médecin traitant de monsieur serait le Dr Marc Gallant. Nous informons le médecin que la condition de monsieur sera évaluée prochainement soit le 9 février 2009 en parasitologie tropicale à l’université de Mc Gill. Cette orientation était l’orientation à entreprendre dans le cas du travailleur selon le médecin. Dre Fréchette se dit prête à pouvoir suivre la condition de monsieur G... alors que monsieur sera principalement suivi par le spécialiste à l’université Mc Gill si le spécialiste n’apporte pas les informations nécessaires à la CSST. En ce qui concerne la visite de monsieur G... qui a eu lieu auprès du Dre Fréchette, le médecin nous informe que monsieur a paru très anxieux lorsqu’il a été rencontré. Le médecin n’a pas apporté plus d’éléments que ceux qui ont été recueillis lors de la description que monsieur faisait de la situation qui est survenue dans son cas, sur le fait que ce soit survenu au travail et donc, le médecin a produit un rapport médical final indiquant la date probable d’un retour au travail. Il n’y a pas d’éléments additionnels qui peuvent être apportés dans le cas de monsieur, il y aura donc d’autres informations apportées suivant l’investigation qui est à venir dans le cas de monsieur.
[42] Le 6 janvier 2009, le docteur Gallant diagnostique une parasitose. Une culture de selles, effectuée le 12 janvier 2009 à sa demande, est positive aux deux parasites précités.
[43] Le 19 février 2009, le docteur Christian Danila prescrit un arrêt de travail pour raisons médicales.
[44] Le 21 mars 2009, le docteur Danila remplit un rapport médical à l'intention de la CSST dans lequel il mentionne que le travailleur est « en investigation pour parasitose secondaire à travail ? » à McGill et qu’il souffre d'une anxiété sévère.
[45] Le 22 avril 2009, le docteur Gallant prescrit une médication pour l'anxiété, mais il indique que le travailleur est apte au travail régulier.
[46] Les 24 août et 31 août 2009, le docteur Laflamme remplit un rapport médical à l'intention de la CSST dans lesquels il diagnostique une « anxiété secondaire à une parasitose ? ». Il prescrit un arrêt de travail.
[47] Le 3 décembre 2009, le docteur Laflamme remplit un certificat où il mentionne que le travailleur est exposé à un milieu souillé, qu’il y a des parasites et que cela lui cause du stress et une anxiété généralisée.
[48] Le tribunal rappelle finalement que le 3 avril 2009, la CSST a refusé la réclamation du travailleur. Le travailleur a demandé la révision de cette décision qui a été confirmée en révision administrative d’où la présente requête.
L’AVIS DES MEMBRES
[49] Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales sont d’avis de confirmer la décision de la CSST, car même si le travailleur bénéfice de la présomption de maladie professionnelle pour sa parasitose, celle-ci est renversée. En effet, la preuve révèle que les problèmes de santé du travailleur ne sont pas en relation avec son travail. La preuve n'est pas prépondérante non plus pour conclure que l’anxiété du travailleur est en relation avec son travail.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[50] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a subi une lésion professionnelle le ou vers le 21 octobre 2008.
[51] La lésion professionnelle est définie à l’article 2 de la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[52] L’article 28 de la loi prévoit que le travailleur peut bénéficier de la présomption de lésion professionnelle dans certaines circonstances :
28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 28.
[53] Le travailleur prétend qu’il a subi un accident du travail ou qu’il est atteint d’une maladie professionnelle. Les articles suivants de la loi sont donc également pertinents :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
__________
1985, c. 6, a. 29.
30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
__________
1985, c. 6, a. 30.
Le diagnostic
[54] Le travailleur soutient qu’il a souffert d’une parasitose. Il prétend aussi qu’il a subi un stress post-traumatique secondaire à cette parasitose. L’employeur prétend que le diagnostic de parasitose n’a pas clairement été posé.
[55] La question du diagnostic est complexe dans ce dossier.
[56] Le tribunal est lié par le diagnostic du médecin qui a charge mais le travailleur a rencontré un très grand nombre de médecins ce qui rend difficile la détermination du médecin qui a charge.
[57] La première consultation médicale remonte au 29 octobre 2008 à l’urgence de l’hôpital Ste-croix et la deuxième au 31 octobre 2008 au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke où il y a eu plusieurs consultations.
[58] À compter du 21 novembre 2008 et ce, jusqu’au 31 août 2009, le travailleur a fait l’objet d’un suivi médical relativement constant à la clinique médicale de Saint-Nicéphore où il y a rencontré plusieurs médecins. Le tribunal est d’avis que c’est le docteur Laflamme qui doit être considéré comme étant le médecin qui a charge du travailleur au cours de cette période.
[59] On retrouve dans l'affaire Marceau et Gouttière Rive-Sud[2] les quatre critères d'identification du médecin qui a charge du travailleur retenus par la jurisprudence: celui qui examine le travailleur, celui choisi par le travailleur par opposition à celui qui lui serait imposé lors d'une expertise médicale demandée par la CSST ou l'employeur, par opposition également au médecin qui n'agit dans un dossier qu'à titre d'expert sans jamais suivre l'évolution médicale du patient, celui qui établit un plan de traitement et enfin celui qui assure le suivi du dossier en vue de la consolidation de la lésion. La possibilité pour un travailleur d'avoir plus d'un médecin traitant de façon successive est envisageable et la détermination de l'identité du ou des médecins traitants successifs est une question de faits[3].
[60] En l’espèce, c’est le travailleur qui a choisi ce médecin et celui-ci l’a examiné. Il lui a prescrit un bilan de santé et une colonoscopie, il l’a rencontré les 21 novembre et 9 décembre 2008 ainsi que les 24 et 31 août 2009 et le 3 décembre 2009. De plus, il l’a référé en spécialité au docteur Auger dans le but d’obtenir son opinion.
[61] Le docteur Laflamme a posé des diagnostics de fatigue, de dépression, d’anxiété et finalement « d’anxiété secondaire à une parasitose ? ».
[62] De ce qui précède, le tribunal considère qu’il est lié par les diagnostics de parasitose et d’anxiété et que c’est sur la base de ces deux diagnostics qu’il doit décider si le travailleur a subi une lésion professionnelle.
[63] Le tribunal retient également que pour le médecin qui a charge, c’est le tableau psychologique qui prédomine, conclusion à laquelle en étaient arrivés les premiers médecins consultés à l’Hôpital Sainte-Croix et au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke.
[64] Cependant, même si c’est le tableau psychologique qui prédomine, le tribunal entend tout d’abord décider du caractère professionnel de la parasitose vu que pour le travailleur, sa lésion psychologique est une conséquence de cette lésion physique.
La parasitose
[65] L’article 29 de la loi prévoit que le travailleur atteint d'une maladie visée à l’annexe l est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
[66] La parasitose est une maladie visée à l’annexe et le travail correspondant à cette maladie d’après l’annexe est un « travail impliquant des contacts avec des humains, des animaux ou du matériel contaminé par des parasites, tels sarcoptes scabiei, pediculus humanis ».
[67] Le terme parasitose est un terme générique désignant les maladies dues à des parasites.
[68] Dans le présent cas, les analyses ont mis en évidence la présence de deux parasites. Le travailleur associe ses problèmes de santé au seul parasite pertinent en l’espèce, Blastocystis hominis.
[69] Le représentant du travailleur a déposé de la littérature médicale traitant des infections à Blastocystis hominis. Il y est indiqué qu’il s’agit d’un parasite microscopique et qu’une infection à ce parasite est une Blastocystose.
[70] Les symptômes de cette maladie sont : des selles molles, de la diarrhée, des douleurs abdominales, des démangeaisons anales, une perte de poids et des excès de gaz. Par ailleurs, un grand nombre de personnes n’auraient pas de symptômes.
[71] Le médecin qui a charge a diagnostiqué une parasitose.
[72] Par ailleurs, la preuve est prépondérante pour conclure que dans le cadre de son travail le travailleur a des contacts avec du matériel qui est de façon probable contaminé par des parasites.
[73] Cette analyse succincte de la preuve amène donc le tribunal à conclure que le travailleur doit bénéficier de la présomption de maladie professionnelle.
[74] Toutefois, suite à une analyse minutieuse de la preuve factuelle et médicale, le tribunal est d’avis que la présomption est renversée, car la preuve prépondérante révèle que cette condition n’explique pas les problèmes de santé du travailleur pour lesquels il a déposé une réclamation.
[75] Lors de sa première consultation médicale, le travailleur déclare une exposition aux fibres de verre dont le médecin ne voit pas de trace à l’examen. Il ne présente pas les symptômes d’une Blastocystose et on diagnostique plutôt un trouble délirant secondaire à une prise d’amphétamines.
[76] Deux jours plus tard, lorsque le travailleur consulte à Sherbrooke, l’histoire a changé. Cette fois, il a noté de petits vers blancs dans ses selles, dans les sécrétions nasales et sur la peau. Les vers replongent dans la peau s’il essaie de les retirer avec une aiguille. Le travailleur ne mentionne pas sa prise d’amphétamines récente.
[77] Le médecin prescrit des analyses pour une recherche de parasites et une identification de vers qui s’avèreront positives à Blastocystis hominis et négatives à la présence de vers.
[78] Sur la base de ces résultats, de l’histoire et des symptômes rapportés, les médecins ont décidé que la problématique était psychologique et qu’il n'y avait pas d’intervention à faire malgré la présence du parasite. Ce parasite n'est habituellement pas pathogène et il ne serait pas symptomatique dans le présent cas. On n’a rien à offrir au travailleur en microbiologie médicale et infectiologie. On lui suggère de reconsidérer sa décision de refuser le suivi qui lui a été proposé en psychiatrie pour sa toxicomanie.
[79] À la lecture du dossier, le tribunal note que les examens cliniques effectués depuis la première consultation médicale ont toujours révélé un bon état général et l’absence de fièvre. Les bilans sanguins sont demeurés normaux sans signe d’activité inflammatoire et la colonoscopie n'a pas démontré d’irritation ou d’inflammation intestinale alors que l’intestin est le siège du parasite.
[80] L’investigation effectuée au centre spécialisé en parasitologie de l’université McGill s’est terminée par une suggestion de référence en psychiatrie pour des problèmes personnels. La référence à un spécialiste en chirurgie colorectale pour des hémorroïdes s’est réglée par une prescription de laxatif.
[81] Le docteur Auger donne son opinion presque deux ans après la première visite médicale. Il fait état de la première consultation médicale d’octobre 2008 et il énumère une série de symptômes qu'aurait présentés le travailleur par la suite.
[82] Il ne discute toutefois pas de la condition de santé qui a prévalu dans les mois qui ont suivi la première consultation, laquelle a été suivie de nombreuses autres consultations médicales. Le médecin semble ignorer les opinions émises par les autres spécialistes qui ont examiné le travailleur avant lui et qui ont finalement conclu, que le travailleur souffrait d’un problème psychologique plutôt que physique et qui n’ont pas jugé à propos d’intervenir malgré les résultats de la parasitologie. On a même jugé que la condition n’était pas symptomatique.
[83] Le docteur Auger est d’opinion que le travailleur fait partie d’une sous-population qui réagit au parasite et il émet l’hypothèse que la présence abondante de ce protozoaire dans les intestins explique fort probablement la symptomatologie. Il est le seul à évoquer la présence abondante du protozoaire dans l’intestin. Le tribunal ignore d’où il tire cette information.
[84] Le tribunal comprend que le docteur Auger agissait dans le cadre d’une référence du médecin qui a charge toutefois, compte tenu qu’il a jugé à propos de se prononcer sur la relation entre le travail et la condition de santé du travailleur, le tribunal est étonné qu’il n’aborde pas l’aspect psychologique et les problèmes de consommation du travailleur qui sont omniprésents au dossier et pour lesquels les autres spécialistes ont jugé important de diriger le travailleur en psychiatrie et de ne pas intervenir malgré les résultats de la parasitologie.
[85] Finalement, le tribunal note que le champ d’expertise du docteur Auger n’est pas l’infectiologie ou la parasitologie et considère son opinion non probante quant à la relation entre les problèmes de santé du travailleur et la présence de parasites.
[86] Le tribunal rappelle que Blastocystis hominis est habituellement non pathogène ce qui signifie que sa seule présence ne sous-entend donc pas automatiquement l’existence de la maladie qu’il peut causer. Il peut donc y avoir présence de parasites sans qu’il y ait de parasitose.
[87] Le tribunal accorde une force probante à l’opinion des premiers médecins spécialistes que le travailleur a rencontrés qui, par leurs commentaires et interventions, amènent la Commission des lésions professionnelles à conclure que les problèmes de santé du travailleur ne sont pas en relation avec une Blastocystose.
[88] Ils ont émis l’opinion que le parasite était non symptomatique, qu’il n'y avait pas de lien entre le parasite et les symptômes du travailleur et qu’ils n’avaient rien à offrir au travailleur malgré la présence du parasite. Le docteur Brewer, spécialiste en maladies infectieuses, a aussi indiqué que les tests n’avaient pas démontré de lien avec le travail. Il est clair que pour eux, le travailleur souffrait d’autres problèmes de santé que d’une maladie parasitaire.
[89] Compte tenu de la conclusion à laquelle en arrive le tribunal quant au renversement de la présomption, il ne peut évidemment conclure que ce qui est diagnostiqué comme une parasitose constitue une maladie professionnelle au sens de l’article 30 de la loi.
[90] Malgré la présence de parasites, le tribunal conclut donc que le travailleur n’est pas atteint d’une maladie professionnelle.
[91] Le tribunal conclut aussi que le travailleur ne peut bénéficier de la présomption de lésion professionnelle, car il n'a pas été démontré que cette condition constituait une blessure.
[92] Finalement, le tribunal considère que la preuve n'est pas prépondérante pour conclure que la maladie est en relation avec l’événement déclaré par le travailleur.
[93] De ce qui précède, le tribunal décide que la parasitose du travailleur ne peut être reconnue comme une lésion professionnelle.
[94] Tel que le rappelait la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Arcelormittal Mines Canada et Lamoureux[4], pour avoir droit à la réparation et à des indemnités, le travailleur doit avoir une altération de sa santé, c’est-à-dire une lésion qui nécessite réparation, donc qui est cliniquement significative ce qui n'est pas le cas en l’espèce malgré la présence de parasites.
L’anxiété
[95] Le travailleur allègue que son anxiété est attribuable à sa parasitose or, comme celle-ci n’a pas été reconnue comme lésion professionnelle, le tribunal ne peut conclure au caractère professionnel de la maladie psychologique.
[96] Le tribunal s’est tout de même demandé si la lésion psychologique, la lésion principale dans le présent cas, pouvait être reconnue en tant qu’entité autonome. Le tribunal conclut par la négative pour les motifs qui suivent.
[97] Un diagnostic d’anxiété ne permet pas de bénéficier de la présomption de lésion professionnelle vu qu’il ne s’agit pas d’un diagnostic de blessure. De plus, ce diagnostic ne permet pas de bénéficier de la présomption de maladie professionnelle vu qu’il ne s’agit pas d’une maladie énumérée à l’annexe l de la loi.
[98] De même, la preuve soumise n'est pas prépondérante pour conclure que la maladie psychologique du travailleur est attribuable à un accident du travail faute de preuve démontrant la relation entre cette maladie et un événement imprévu et soudain survenu au travail que ce soit le fait de s’implanter des échardes de métal ou de travailler avec des gants détrempés.
[99] Finalement, le tribunal ne peut conclure à l’existence d’une maladie professionnelle, car le travailleur n'a pas démontré que son anxiété était caractéristique de son travail ou reliée aux risques particuliers de celui-ci.
[100] Le tribunal s’est aussi demandé si la seule présence du parasite expliquait de façon probable la maladie psychologique du travailleur.
[101] Ce n’est pas le cas car, d’une part, il n'a pas été démontré qu’une maladie parasitaire à Blastocystis hominis était susceptible d’entraîner des problèmes psychologiques avant même d’en connaître l’existence. Selon la preuve, les symptômes psychologiques ne font pas partie des symptômes habituels de cette condition.
[102] D’autre part, il est difficile de conclure que le travailleur a présenté un délire de parasitose, tel qu’évoqué par l’un des médecins, dans la mesure où il avait déjà présenté un trouble délirant avant même de se sentir infesté par des parasites.
[103] À la lecture des rapports médicaux au dossier, il est patent que le travailleur présente des problèmes psychologiques qui ne sont pas en relation avec le travail mais plutôt des problèmes de consommation.
[104] Le tribunal constate que le docteur Laflamme se questionnait lui aussi sur la relation entre les problèmes psychologiques du travailleur et une parasitose sur le rapport médical qu’il complétait à l’intention de la CSST le 31 août 2009.
[105] Par ailleurs, le tribunal ne peut conclure que le travailleur aurait tout d’abord présenté une lésion psychologique de nature personnelle laquelle aurait été suivie ultimement d’une lésion psychologique professionnelle (l’anxiété) en réaction ou aggravée par la présence de parasites. En effet, dans la mesure où une lésion psychologique est omniprésente depuis le début des consultations, le tribunal écarte cette possibilité.
[106] De ce qui précède, le tribunal conclut que la preuve n'est pas prépondérante pour conclure que l’anxiété du travailleur constitue une lésion professionnelle.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur S... G..., le travailleur;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 18 septembre 2009 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle le ou vers le 22 octobre 2008 et qu’il n'a pas droit aux prestations prévues à La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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Alain Vaillancourt |
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Me Christian Tourigny |
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PARADIS, TOURIGNY, DUCHESNE |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Jean Camirand |
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GROUPE AST INC. |
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Représentant de la partie intéressée |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.