COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Lanaudière

QUÉBEC, le 20 mars 2000

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

120763-63-9907

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Marie-Andrée Jobidon

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Lorraine Patenaude

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Giselle Rivest

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

114850696-1

AUDIENCE TENUE LE :

7 février 2000

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Joliette

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JEAN-PIERRE LEBLANC

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VILLE DE MASCOUCHE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 23 juillet 1999, monsieur Jean-Pierre Leblanc (le travailleur) dépose auprès de la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue en révision administrative le 14 juin 1999 confirmant une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (C.S.S.T.) le 22 juin 1998 à l’effet de refuser sa réclamation pour l’événement du 18 mai 1998 et de lui réclamer un surpayé de 1 178,70  $.

[2]               Lors de l’audience tenue à Joliette le 7 février 2000, seuls le travailleur et sa procureure étaient présents, l’employeur ayant avisé qu’il ne serait pas présent.

L'OBJET DU LITIGE

[3]               Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue en révision administrative et de reconnaître qu’il a subi une lésion professionnelle le 18 mai 1998.

LES FAITS

[4]               Monsieur Leblanc est âgé de 47 ans et travaille comme policier pour la Ville de Mascouche depuis 27 ans.  Lors des événements en cause, monsieur Leblanc travaillait comme patrouilleur sur le quart de nuit, soit de 20h00 à 8h00.

[5]               Le 19 mai 1998, monsieur Leblanc cesse de travailler, alléguant avoir subi une lésion professionnelle la veille, dans des circonstances qu’il rapportait comme suit dans sa réclamation produite auprès de la C.S.S.T. : « A mon travail, je me suis penché pour amasser dans le bas de l’armoire du savon. En me relevant, j’ai ressenti une douleur atroce à la hanche droite. ».

[6]               Le 19 mai 1998, il consulte un médecin qui diagnostique une entorse dorso-lombaire. Le médecin traitant prescrit des anti-inflammatoires et, par la suite, des traitements de physiothérapie. Le 23 juin 1998, le docteur Dufort complète un rapport final sur lequel il fixe la date de consolidation au 25 juin 1998 et ne prévoit aucune atteinte permanente ni aucune limitation fonctionnelle.

[7]               Lors de l’audience, monsieur Leblanc a précisé, dans son témoignage, les circonstances de son accident. Il a déclaré que l’événement est survenu vers 19h30, soit avant le début de son quart de travail. Monsieur Leblanc arrive habituellement 20 à 30 minutes avant le début de son quart de travail, afin de préparer le café pour l’équipe qui commence son quart de travail à 20h00. Monsieur Leblanc a également mentionné que sa disponibilité avant le début de son quart de travail était considérée lors de son évaluation et qu’il arrivait qu’on lui demande d’intervenir lors d’urgence. De plus, le fait d’arriver plus tôt lui permet de prendre connaissance des événements qui se sont déroulés durant la journée. Bref, bien qu’il ne soit pas rémunéré durant la période précédant le début de son quart de travail, sa présence est prise en compte par son employeur.

[8]               Le 18 mai 1998, monsieur Leblanc a déclaré avoir dû se pencher pour aller chercher du savon à vaisselle dans l’armoire située sous le lavabo, afin de laver ce qui avait été laissé sur le comptoir. Lorsqu’il s’est relevé de la position penchée, il a ressenti une vive douleur au bas du dos. Monsieur Leblanc a ajouté qu’il portait alors son ceinturon soutenant son arme, son walkie-talkie et le reste de l’équipement usuel, ce qui pèse 18 livres. Monsieur Leblanc soumet qu’il s’est peut-être penché de façon moins naturelle à cause de la présence de ce ceinturon dont la largeur est d’environ trois pouces.

[9]               Monsieur Leblanc a immédiatement avisé son supérieur, le sergent Jean Frenette. Un rapport d’accident fut alors complété à 19h40. Ce document est produit en preuve. Monsieur Leblanc a continué ses tâches jusqu’à 5h00, mais a dû cesser à ce moment à cause de la douleur. Il s’est rendu consulter un médecin le jour même, soit le 19 mai 1998.

[10]           Monsieur Leblanc a déclaré n’avoir aucun antécédent au dos.

[11]           La procureure du travailleur a fait entendre comme témoin le sergent Jean Frenette, qui est le supérieur hiérarchique de monsieur Leblanc. Le sergent Frenette a déclaré qu’il est habituel pour monsieur Leblanc d’arriver environ 30 minutes avant le début de son quart de travail, ce qui compte dans une certaine mesure dans son évaluation annuelle du rendement. Sans être officiellement responsable du café, monsieur Leblanc s’occupe de cette tâche, pour que le café soit prêt lors du « briefing » ayant lieu au début du quart de travail.

[12]           Le sergent Frenette a confirmé le fait que le travailleur lui a immédiatement rapporté l’événement. Il a continué son quart de travail tout en paraissant souffrant. Il a finalement demandé de quitter à 5h00, soit avant la fin de son quart.

L'ARGUMENTATION DES PARTIES

[13]           En argumentation, la procureure du travailleur convient que la présomption prévue à l’article 28 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., chapitre A-3.001 (la loi) ne peut s’appliquer du fait que l’accident est survenu avant le début du quart de travail.

[14]           La procureure du travailleur soumet toutefois, jurisprudence à l’appui, qu’il s’agit bien d’un accident de travail au sens de l’article 2 de la loi puisque par présomption de faits, il est possible de conclure que monsieur Leblanc se soit blessé dans le bas du dos en se relevant d’une position penchée.

[15]           Finalement, la procureure du travailleur soumet qu’il s’agit d’un accident à l’occasion du travail puisque l’activité alors exercée par monsieur Leblanc était utile à l’employeur, comme le confirmaient le travailleur et son supérieur, le sergent Frenette.

L'AVIS DES MEMBRES

[16]           Les membres issus des associations patronales et syndicales sont d’avis qu’il est possible de conclure par présomption de faits que monsieur Leblanc a subi un événement imprévu et soudain le 18 mai 1998, lui occasionnant une lésion, et que cet accident est survenu à l’occasion de son travail puisque les tâches alors exercées peuvent être qualifiées de connexes à son travail, comme est venu le confirmer le supérieur de monsieur Leblanc.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[17]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si monsieur Leblanc a subi un accident de travail le 18 mai 1998, au sens de l’article 2 de la loi qui le définit comme suit :

«accident du travail» : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;»

 

 

[18]           La preuve révèle que monsieur Leblanc a ressenti une vive douleur au bas du dos en se relevant de la position penchée alors qu’il allait chercher du savon dans une armoire située sous le lavabo. La preuve révèle également que monsieur Leblanc n’avait aucun antécédent à la région lombaire, qu’il a déclaré immédiatement l’accident à son supérieur qui lui a fait remplir un rapport d’accident et qu’il n’a pu terminer son quart de travail à cause de la douleur. Le travailleur rencontrait son médecin dans les heures suivantes. De l’avis du tribunal, ces circonstances permettent de conclure, par présomption de faits, que l’événement décrit constitue un événement imprévu et soudain ayant occasionné l’entorse dorso-lombaire, d’autant plus que ce mouvement sollicitait le site de lésion atteint. Il est utile de rappeler que le fardeau de preuve qui incombe au travailleur est de démontrer, par une preuve prépondérante, qu’il a subi un accident de travail. Le fardeau de preuve requis équivaut donc à une certitude prépondérante, soit d’au moins 50% plus un. Dans le présent cas, le tribunal considère que le travailleur a relevé ce fardeau de preuve et qu’il est possible de conclure que l’événement décrit a généré la lésion diagnostiquée, étant donné la présence de faits graves, précis et concordants. En fait, toutes les circonstances rapportées par le travailleur convergent vers cette conclusion.

[19]           Dans le présent dossier, le travailleur doit également démontrer que cet événement est survenu à l’occasion du travail puisqu’il n’était pas dans l’exercice de ses fonctions de policier. La notion d’accident à l’occasion du travail, n’étant pas définie à la loi, il est utile de se référer aux différents critères développés par la jurisprudence. Ainsi, les principaux éléments permettant de qualifier un accident comme étant survenu à l’occasion du travail sont les suivants : le lieu de l’événement, le moment de l’événement; la rémunération de l’activité exercée par le travailleur lors de la survenance de l’événement; l’existence et le degré d’autorité ou de subordination de l’employeur lors de l’événement; la finalité de l’activité exercée lors de l’événement et le caractère de connexité ou d’utilité de l’activité exercée lors de l’événement. Bref, comme le soulignait le commissaire Pierre-Yves Vachon dans l’affaire Donald Lévesque et Société canadienne de métaux Reynolds Ltée  (C.A.L.P. 12271-09-8906, décision du 30 septembre 1991), il s’agit de départager le risque professionnel du risque personnel, exercice parfois périlleux lorsque les activités personnelles, comme celles visant la satisfaction des besoins vitaux, comme boire ou  manger, recoupent la sphère des activités professionnelles :

« Prima facie, ces activités répondent d’abord et avant tout à des besoins d’ordre personnel, non spécifiquement reliés au travail, et elles sont à caractère essentiellement personnel, de même que les risques qui peuvent parfois y être reliés (ex : indigestion, empoisonnement, blessure avec un ustensile).

 

De l’avis du soussigné, lorsqu’une activité de ce genre est menée en milieu de travail, le ou les risques y reliés ne deviennent pas automatiquement et nécessairement des risques à caractère professionnel. Il faut alors, pour qu’un accident survenu dans la conduite d’une telle activité soit considérée comme survenu à l’occasion du travail, qu’un élément rattaché au travail soit venu transformer le risque personnel en risque professionnel ou qu’il soit venu ajouter un risque professionnel au risque personnel. »  (sic.)

 

 

[20]           Dans le présent cas, le travailleur a eu son accident alors qu’il préparait le café pour l’ensemble de ses collègues devant débuter leur quart de travail à 20h00. Il ressort de la preuve que cette activité s’est déroulée dans un local mis à la disposition des policiers par l’employeur, que l’événement est survenu avant le début du quart de travail, mais que la présence de monsieur Leblanc est utile à l’employeur en cas d’urgence, d’autant plus qu’il est déjà en uniforme. Dans ces circonstances, le tribunal est convaincu que l’accident est survenu dans un contexte professionnel et non personnel. Ceci est d’autant plus évident que la présence du travailleur avant le début de son quart de travail est non seulement tolérée, mais souhaitée par l’employeur puisque ceci se traduit lors de l’évaluation annuelle, comme l’a expliqué le supérieur de monsieur Leblanc. De même, la finalité de l’activité effectuée lors de l’accident n’était pas d’ordre personnel, mais avait plutôt pour but de préparer le café pour l’ensemble des collègues avant un quart de nuit. Bref, il s’agit très certainement d’un accident survenu à l’occasion du travail.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE l’appel du travailleur;

INFIRME la décision rendue en révision administrative le 14 juin 1999;

DÉCLARE que monsieur Jean-Pierre Leblanc a subi un accident de travail le 18 mai 1998 et qu’il a droit aux prestations prévues à la loi.

 

 

 

 

Marie-Andrée Jobidon

 

Commissaire

 

 

 

 

 

FÉDÉRATION DES POLICIERS DU QUÉBEC

Me Nathalie Sénécal

7955, Louis-H. Lafontaine

Anjou (Québec)

H1K 4E4

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

 

 

 

 

 

 

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.