COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE
LÉSIONS PROFESSIONNELLES
QUÉBEC QUÉBEC, le 27 novembre 1995
DISTRICT D'APPEL DEVANT LE COMMISSAIRE: Pierre Brazeau
DE QUÉBEC
RÉGION: Chaudière/
Appalaches
DOSSIER: 62166-03B-9408
DOSSIER CSST: 006166771 AUDITION TENUE LE: 26 octobre 1995
DOSSIER BRP: 61549616
À: St-Georges-de-Beauce
MONSIEUR SERGE LESSARD
576, Rang des érables
St-Joseph-de-Beauce (Québec)
J0S 2V0
PARTIE APPELANTE
et
COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL
(Région Chaudière/Appalaches)
777, rue des Promenades
St-Romuald (Québec)
G6W 7P7
et
GEORGES LESSARD MOULIN À SCIE
576, Rang des érables
St-Joseph-de-Beauce (Québec)
G0S 2V0
PARTIES INTÉRESSÉES
D É C I S I O N
Le 29 août 1994, M. Serge Lessard (le travailleur) dépose à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel), une déclaration d'appel d'une décision rendue le 30 juin 1994 par le bureau de révision de la région Chaudière/Appalaches.
Par cette décision unanime, le bureau de révision rejette une demande de révision logée par le travailleur le 30 août 1993 et confirme une décision rendue en première instance le 27 août 1993 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission), décision dans le cadre de laquelle celle-ci suspend le versement des indemnités de remplacement du revenu au travailleur en raison d'un prétendu manque de collaboration de celui-ci dans l'établissement de son plan individualisé de réadaptation.
OBJET DE L'APPEL
Le travailleur demande à la Commission d'appel d'infirmer les décisions respectivement rendues par le bureau de révision et la Commission les 30 juin 1994 et 27 août 1993, de déclarer que la Commission n'avait pas ouverture à suspendre le versement de ses indemnités de remplacement du revenu à compter du 27 août 1993 puisqu'il n'a jamais refusé ou omis, comme le prétend la Commission, de collaborer à l'élaboration de son plan individualisé de réadaptation, et d'ordonner à la Commission de lui rembourser en conséquence les indemnités de remplacement du revenu dont il a été privé à la suite de la décision en cause rendue par la Commission le 27 août 1993.
LES FAITS
Au début de l'audience tenue par la Commission d'appel le 26 octobre 1995, le travailleur et la Commission ont accepté de référer la Commission d'appel aux faits tels que retenus et relatés par le bureau de révision dans la décision dont il est fait appel, sous réserve des modifications ou ajouts à y être apportés par le témoignage du travailleur à être entendu au cours de cette audience.
Ces faits qui ont effectivement été lus intégralement par le commissaire soussigné et commentés par le travailleur à l'audience tenue par la Commission d'appel le 26 octobre 1995, se lisent comme suit:
«Dans le cas présent, le Bureau de révision rend une décision le 14 juillet 1993 à l'effet que l'emploi de technicien en agronomie ne constitue pas un emploi convenable pour le travailleur. C'est alors que le dossier est soumis au service de réadaptation afin qu'un nouveau plan individualisé soit mis sur pied avec la collaboration du travailleur.
Suivant les notes évolutives contenues au dossier du travailleur, la C.S.S.T. verse audit travailleur des indemnités de remplacement du revenu du 21 janvier 1993 au 20 août 1993 et ce, suite à la décision du Bureau de révision du 14 juillet 1993. Le 16 août 1993, l'agent de réadaptation, monsieur Michel Mercier, téléphone au travailleur pour l'informer de la réception de son dossier au service de réadaptation et du paiement effectué. Il est également fait mention aux notes évolutives, en cette date du 16 août 1993, de ce qui suit:
«J'ai voulu lui céduler un R.V. au bureau, il m'a dit pas avant le 93-08-20. Je lui ai dit que je vais le rappeler car j'ai déjà un rendez-vous sur la route le 20-08-93.»
Ce 16 août 1993, l'agent de réadaptation téléphone à nouveau au travailleur pour lui donner rendez-vous le 23 août 1993 à 10 heures. On rapporte ce qui suit en regard du rendez-vous fixé:
«Il a mentionné qu'il ne serait peut-être pas là mais qu'il y aurait son avocat.» (sic)
Finalement le 16 août 1993, la C.S.S.T. convoque officiellement le travailleur par courrier. cette lettre se lit comme suit:
«La présente est pour vous convoquer en entrevue à nos bureaux au 777, rue des Promenades, Saint-Romuald, le lundi 23 août 1993 à 10 h.
Cette rencontre a pour but de reprendre le processus de détermination d'emploi convenable.
Si vous êtes dans l'impossibilité de vous présenter à ce rendez-vous, veuillez nous en informer dans les plus brefs délais au numéro de téléphone: 839-2359.
Nous comptons sur votre collaboration.»
Le 17 août 1993, madame Nadeau de la C.S.S.T. fournit de l'information au Protecteur du citoyen relativement à l'administration du dossier de monsieur Lessard. Le 23 août 1993, l'agent de réadaptation reçoit une lettre du travailleur l'informant de son incapacité de se présenter au rendez-vous ce 23 août 1993. Le travailleur se dit toutefois disponible le 25 ou le 27 août 1993. La lettre du travailleur est libellée comme suit:
«Au sujet du rendez-vous 23 août, on devra le remettre à plus tard soit le 25 août ou 27 août en avant-midi, comme je n'ai pas d'auto je dois en emprunter une, je n'ai pas comme vous la chance d'en avoir une, toute prête, et je ne vois pas très bien quel entretien on aurait, si ce n'est de votre part que menaces, intimidations et paroles blessantes. Vous êtes tout un cas, vous souvenez-vous des 10 appels que mon avocat Giroux a fait pour vous parler, vous n'avez pas eu la délicatesse et la décence de lui répondre. Au téléphone je vous demanderais d'être poli et d'arrêter de prendre vos airs intimidants et menaçants O.K.» (sic)
En date du 25 août 1993, les notes évolutives précisent que l'agent de réadaptation téléphone à nouveau au travailleur pour fixer un rendez-vous au 27 août 1993. Ce 25 août 1993, la C.S.S.T. transmet audit travailleur la correspondance suivante:
«La présente est pour vous convoquer en entrevue à nos bureaux au 777, rue des Promenades, Saint-Romuald le vendredi 27 août 1993.
Cette rencontre a pour but de reprendre le processus de détermination d'emploi convenable.
Il serait important que cette rencontre se fasse pour donner suite à la décision du Bureau de révision paritaire.
Il serait nécessaire d'apporter avec vous une liste de vos acquis scolaires et photocopie de diplômes, une liste de vos expériences de travail avec les dates et une liste de vos goûts et aptitudes de travail qui pourraient respecter vos limitations fonctionnelles.
(...)»
Le 26 août 1993, le travailleur appelle à son tour à la C.S.S.T. et informe l'agent de réadaptation qu'il ne sera pas présent au rendez-vous. Le 27 août 1993, l'agent de réadaptation téléphone au travailleur à 8 H 45, 9 H 30 et 10 H sans obtenir de réponse. Le travailleur se présente finalement au bureau et l'agent de réadaptation le rencontre en compagnie de Me Jacques Ricard de la C.S.S.T. Les notes évolutives font état de ce qui suit:
«R se présente au Bureau, je le rencontre avec Me J. Ricard, il apparaît suite à la rencontre que R ne veut pas collaborer au processus de détermination d'emploi convenable et Me Ricard recommande d'appliquer 142 B.» (sic)
Les notes évolutives antérieures au mois d'août 1993 font état d'une première plainte du travailleur le 13 septembre 1991 à l'égard de son agente de réadaptation. Le 14 novembre 1991, la seconde plainte concerne le port d'une prothèse mal adaptée. Cette plainte donne naissance à un suivi de la part de l'agent de réadaptation, suivi qui semble avoir réglé le problème. Au mois de juin 1992, des plaintes concernent cette fois l'agent de main d'oeuvre impliqué au dossier ainsi que l'agent de réadaptation, celui-là même qui est intervenu pour solutionner le problème de prothèse. Finalement, aux mois de juin, juillet et août 1993, le travailleur achemine à la C.S.S.T. des lettres d'injures contre certains intervenants.
Lors de l'audition, il est mis en preuve que la C.S.S.T. exigeait du travailleur le dépôt de certains documents, tel que listé dans la lettre du 25 août 1993. Il est également mis en preuve que le travailleur ne désire pas remettre lesdits documents en main propre ce 27 août 1993 les ayant, selon ses dires, remis antérieurement à trois (3) reprises. Le travailleur choisit plutôt de prendre les documents demandés et présents dans sa voiture ce 27 août 1993, et de les déposer dans une boîte postale près de l'édifice de la C.S.S.T. afin qu'ils arrivent à la C.S.S.T. dans des mains dites neutres. Finalement, il est en preuve que le travailleur quitte brusquement la rencontre du 27 août 1993 après que maître Jacques Ricard lui ait expliqué l'importance de collaborer dans le cadre du processus de réadaptation et les conséquences de n'en rien faire.
Lors de cette même audition, le travailleur soumet au Bureau de révision les documents exigés par la C.S.S.T alors qu'il les avait fait parvenir audit bureau le 9 mai 1994, tel que le démontre l'estampille. L'agent de réadaptation impliqué au dossier du travailleur affirme que lesdits documents sont à sa connaissance pour la première fois ce 20 juin 1994, moment du dépôt par le travailleur. Quant au reproche que lui fait le travailleur, relativement à de nombreux appels téléphoniques non répondus et provenant de son procureur, l'agent de réadaptation affirme n'avoir été informé d'aucun desdits appels.
...» (sic)
Des documents colligés au dossier d'appel tel que constitué, la Commission d'appel se réfère également, mais non limitativement, aux notes évolutives de la Commission pour la période pertinente, ainsi qu'à la correspondance échangée et reproduite aux pages 117 à 131, aux pages 155 à 160 ainsi qu'aux pages 164 à 168 inclusivement, pour valoir comme si elle était ici au long récité.
La Commission d'appel se réfère aussi au texte même de la décision qui est à l'origine du présent appel, laquelle se lit comme suit:
«Monsieur,
À notre demande, vous vous êtes présenté à nos bureaux tel que vous en étiez requis par notre lettre du 25 août dernier.
Cependant, contrairement à ce qui vous était demandé dans cette lettre, vous n'avez apporté aucun des documents requis et vous avez refusé de discuter de vos goûts et aptitudes de travail qui auraient permis de déterminer un nouvel emploi convenable en exécution de la décision du Bureau de révision paritaire.
En conséquence, vu qu'il est devenu impossible de pouvoir exécuter la décision du Bureau de révision paritaire et conformément à l'article 142.1 b de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, nous suspendons les versements d'indemnités de remplacement du revenu.
Ces indemnités pourront recommencer à être versées lorsque vous manifesterez votre collaboration en fournissant les documents requis dans notre lettre du 25 août 1993 et en discutant avec le soussigné, de vos goûts et aptitudes de travail, le tout en vue de déterminer un nouvel emploi convenable.
Aussitôt que vous communiquerez avec le soussigné, je m'empresserai de vous recevoir à nos bureaux au 777, rue des Promenades, St-Romuald.
...»
(sic)
Appelé à témoigner à l'audience tenue par la Commission d'appel le 26 octobre 1995, le travailleur allègue d'abord que, au moment de la demande qui lui a été adressée par la Commission le 25 août 1993, les documents requis avaient déjà été fournis à deux reprises.
À l'appui de l'affirmation précitée, le travailleur réfère la Commission d'appel à un document où il est attesté par différentes personnes qu'il avait accès et pouvait utiliser depuis 1987 une photocopieuse appartenant à son père, M. Georges Lessard, ce qui, selon lui, explique qu'il ait pu photocopier les documents en cause en temps utile sans pour autant posséder de reçus pour le prouver.
Relativement à son absence au rendez-vous fixé par la Commission dans sa lettre du 25 août 1993, le travailleur affirme n'avoir pu s'y présenter en raison du fait qu'il ne possède pas de véhicule personnel et qu'il doit emprunter celui de son père, lequel véhicule n'est pas toujours disponible.
Référé à son affirmation écrite à l'effet qu'il aurait fait l'objet de menaces, injures et attitudes intimidantes, le travailleur n'est pas en mesure de préciser à la Commission d'appel les termes qu'il qualifie lui-même de «injures, menaces ou attitudes intimidantes» et convient finalement qu'il s'agissait plutôt d'attitudes et de commentaires qui lui ont paru, dans les circonstances, résulter d'un manque de délicatesse de la part des agents de la Commission.
En ce qui a trait plus spécialement à sa rencontre avec un agent et un procureur de la Commission en date du 27 août 1993, le travailleur affirme catégoriquement qu'il avait apporté avec lui les documents requis par la Commission et qu'il les a mis à la disposition de celle-ci en les déposant sur le «coin du bureau», l'agent de la Commission ayant toutefois refusé d'en prendre possession.
Le travailleur affirme par ailleurs, à deux reprises au cours de son témoignage, avoir quitté promptement la réunion du 27 août 1993 en raison du fait que le procureur de la Commission présent à cette rencontre, l'aurait inopinément frappé ou accroché à sa main handicapée et que, ce site anatomique étant particulièrement sensible, il a ainsi été amené à prendre cette décision.
Le travailleur allègue aussi avoir alors rapporté les documents en cause dans sa voiture et avoir finalement décidé, après consultation avec sa mère qui l'attendait dans le véhicule, de les déposer dans une boîte postale située à proximité des bureaux de la Commission, à St-Romuald, se servant pour ce faire de deux enveloppes distinctes en raison du volume des documents en cause.
Après avoir affirmé, en réponse à des questions du procureur de la Commission, ne pas affranchir le courrier qu'il adresse à la Commission depuis une période de temps qu'il n'est pas en mesure de préciser, le travailleur affirme se souvenir avoir affranchi au moins une des deux enveloppes postées à la Commission le 27 août 1995.
Relativement à cette question d'affranchissement du courrier, le travailleur affirme également, en réponse à une autre question du procureur de la Commission, ne pas connaître les conséquences du fait de ne pas affranchir le courrier qu'il adresse à la Commission.
À ce sujet, le travailleur ajoute qu'il adresse depuis longtemps son courrier au bureau de révision et non pas à la Commission, de façon à ce qu'une estampille indiquant la date de réception apparaisse sur les documents en cause, ce qui ne serait pas le cas lorsqu'il expédie son courrier directement à la Commission.
En réponse à une question du commissaire soussigné, le travailleur acquiesce au fait que les seuls contacts qu'il a eus avec la Commission au cours de la période s'étendant du mois d'août 1993 au mois de septembre 1994, période au cours de laquelle le versement de ses indemnités de remplacement du revenu ont été suspendues, ont consisté en des demandes d'informations ou d'accès à son dossier logées en vertu de la «Loi sur l'accès à l'information», ces demandes écrites du travailleur demeurant toutefois introuvables. Le travailleur allègue également avoir transmis, au cours de cette période, au bureau de révision des documents requis par ce dernier aux fins de son audience tenue le 20 juin 1994, le tout tel qu'en fait foi la correspondance à ce sujet reproduite au dossier d'appel.
Le travailleur affirme par ailleurs avoir déjà fait à la Commission l'offre de continuer et de terminer les études requises pour devenir agronome, mais que la Commission n'ayant pas donné suite à son offre, il l'a retirée. Le travailleur explique qu'il a retiré son offre à la Commission, en raison du fait que celle-ci ne pouvait lui dire «ce qu'il lui manquait pour devenir agronome».
Le travailleur témoigne également que lors de la rencontre du 27 août 1993 comme de la rencontre suivante avec un agent de la Commission dans le cadre de l'élaboration de son plan de réadaptation, en août 1994, il a demandé de bénéficier des services d'un «conseiller en orientation».
Le travailleur allègue que, de façon générale, la Commission ne donnait pas suite à ses offres et qu'il devait constamment répéter ou réexpliquer les mêmes choses, ce qu'il percevait et perçoit toujours comme étant du harcèlement de la part des agents de la Commission.
Le travailleur affirme enfin qu'il a toujours fait de son mieux pour collaborer à l'élaboration de son plan individualisé de réadaptation.
Appelé à préciser les moments et circonstances dans le cadre desquels il aurait remis à deux reprises, les documents requis par la Commission le 25 août 1993, le travailleur affirme clairement les avoir remis de main à main, une première fois à Mme Louisette Dombroski, agente de la Commission, à la fin de l'année 1991 et une seconde fois, également de main à main, à M. Michel Mercier, agent de la Commission, au cours de la "période des Fêtes 1991-1992".
La Commission d'appel a pris acte des notes évolutives manquantes au dossier d'appel tel que constitué ainsi que de trois lettres non annoncées et transmises par le travailleur au cours du mois de novembre 1995, après la prise en délibéré du présent appel.
Le travailleur était présent à l'audience tenue par la Commission d'appel le 26 octobre 1995, alors que la Commission y était dûment représentée, et que l'employeur y était présent à titre d'observateur seulement.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La question dont la Commission d'appel doit disposer dans le cadre de la présente instance, consiste à déterminer si la Commission avait ou non ouverture à suspendre le versement des indemnités de remplacement du revenu du travailleur, le 27 août 1993, en application de l'article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001).
Incidemment, les articles 1, 146 et 142 de cette loi prévoient respectivement ce qui suit:
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation de lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour dommages corporels et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre , selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité:
1osi le bénéficiaire:
a)fournit des renseignements inexacts;
b)refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;
2o si le travailleur, sans raison valable:
a)entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;
b) pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon l'arbitre, empêche ou retarde sa guérison;
c) omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, l'arbitre, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;
d) omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;
e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180;
f) omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274.
À la simple lecture des dispositions législatives précitées, il appert que l'objet de la loi consiste dans la réparation des lésions professionnelles et de leurs conséquences, cette réparation impliquant un processus qui inclut notamment la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur.
De plus, le législateur fait explicitement référence à l'article 146 à la collaboration requise du travailleur aux fins de l'élaboration d'un plan individualisé de réadaptation et il prévoit à l'article 142 les paramètres minimaux de cette collaboration en identifiant nommément les comportements sanctionnables par la réduction ou la suspension du paiement d'une indemnité, le paragraphe 1er de cet article s'appliquant plus particulièrement à la phase de l'élaboration du plan individualisé de réadaptation et le paragraphe 2e, à celle de l'exécution de ce plan.
Ainsi, compte tenu de la nature même du bénéfice en cause, la Commission d'appel considère que l'obligation de collaboration qui échoit au travailleur selon les termes des articles 146 et 142 de la loi implique, à tout le moins et de toute évidence, la participation la plus empressée et efficace possible du travailleur dans la fourniture des informations pertinentes aux fins de l'élaboration d'un plan individualisé de réadaptation professionnelle réaliste, soit celles relatives aux limitations fonctionnelles permanentes conservées à la suite de la lésion professionnelle en cause, celles relatives aux goûts et aptitudes du travailleur et celles relatives à sa scolarité ainsi qu'à ses expériences de travail.
Dans le présent cas, le travailleur soumet essentiellement qu'il a collaboré de son mieux avec la Commission et que celle-ci a fondé sa décision de suspendre ses indemnités de remplacement du revenu sur des faits qui sont faux.
Il fait plus spécialement valoir que les documents requis par la Commission dans sa lettre du 25 août 1993 avait antérieurement été produits à deux reprises, ce qui, selon lui, est soutenu par le fait qu'il pouvait utiliser pendant toute la période en cause une photocopieuse, propriété de son père, et par le fait que la Commission avait déjà procédé à la détermination d'un premier emploi convenable, en l'occurrence celui de «technicien en agronomie» qui n'a toutefois pas été retenu comme tel par le bureau de révision dans une décision rendue le 14 juillet 1993.
Le travailleur prétend en fait que c'est plutôt la Commission qui a fait preuve de harcèlement à son endroit en requérant des documents qu'il avait déjà fournis, en lui demandant constamment de reprendre les mêmes explications et en ne donnant pas suite aux offres qu'il faisait.
La Commission, quant à elle, réfère la Commission d'appel au dossier d'appel tel que constitué et soumet que la preuve documentaire disponible, ajoutée aux attitudes dont fait état le travailleur dans son témoignage, suffisent amplement pour établir son refus de collaborer avec la Commission aux fins de l'élaboration de son plan individualisé de réadaptation.
La Commission ajoute que le travailleur ne veut manifestement pas participer avec ses agents à l'identification d'un nouvel «emploi convenable», à la suite de la décision finale et exécutoire rendue par le bureau de révision le 14 juillet 1993.
À partir de la preuve dont elle est saisie en l'instance, laquelle est essentiellement constituée des faits relatés par le bureau de révision dans la décision dont il est fait appel, des notes évolutives de la Commission, de la correspondance échangée entre le travailleur et la Commission ainsi que par le témoignage de ce dernier à l'audience du 26 octobre 1995, la Commission d'appel retient que celui-ci faisait état au cours des semaines précédant la suspension de son indemnité de remplacement du revenu par la Commission le 27 août 1993, d'une attitude négative et d'une agressivité manifestes, ces deux attitudes rendant pratiquement impossible l'élaboration valable d'un plan individualisé de réadaptation en application des articles 145 et suivants de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
La Commission d'appel considère notamment que les tergiversations ayant précédé la tenue de la réunion du 27 août 1993 sont très révélatrices des réticences du travailleur et de son attitude négative face à l'amorce d'un processus visant à déterminer un nouvel emploi convenable, dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation professionnelle.
De plus, la Commission d'appel estime que, ajoutée aux éléments précités, l'absence de toute démarche utile effectuée par le travailleur dans le cadre et aux fins de sa réadaptation pendant la période au cours de laquelle le versement de ses indemnités de remplacement du revenu a été suspendu, vient confirmer l'attitude négative de ce dernier en regard de son plan individualisé de réadaptation et plus spécialement en ce qui a trait au processus d'identification d'un nouvel emploi convenable à la suite de la décision rendue par le bureau de révision le 14 juillet 1993.
Incidemment, la Commission d'appel retient de la preuve soumise que le travailleur n'est aucunement entré en contact avec la Commission pendant la période en cause autrement que, selon son propre témoignage, pour revendiquer l'accès à son dossier en invoquant la «Loi sur l'accès à l'information» et pour transmettre au président du bureau de révision, des documents requis aux fins de l'audience tenue le 20 juin 1994, ce qui, compte tenu des termes de la décision rendue par la Commission le 27 août 1993, est très révélateur du refus ou de l'omission délibérée du travailleur de fournir les renseignements requis aux fins de l'identification d'un nouvel emploi convenable.
Sur ce point, la Commission d'appel remarque en effet que le travailleur était très bien informé de par les termes mêmes de la décision qui est à l'origine du présent appel, des conséquences de son refus implicite de collaborer à sa réadaptation en fournissant les informations requises aux fins de la détermination d'un nouvel emploi convenable, ainsi que de la possibilité immédiate et constante d'y remédier en adoptant, à tout le moins, une attitude permettant de croire à son consentement à collaborer, ce qu'il n'a finalement fait qu'au mois d'août 1994.
La Commission d'appel retient par ailleurs que les éléments invoqués par le travailleur comme étant à l'origine de sa méfiance et de son agressivité, ne les justifient en aucune façon et ne sont que des prétextes injustement invoqués par le travailleur pour faire obstruction à l'élaboration d'un plan individualisé de réadaptation, lequel implique la détermination d'un emploi convenable dont il ne veut manifestement pas.
Sur cette question déterminante en l'instance, la Commission d'appel retient que la seule preuve du travailleur à l'appui de ses prétentions à l'effet qu'il a remis les documents requis à la rencontre du 27 août 1993, faisant par ailleurs l'objet de harcèlement de la part de la Commission, consiste dans son propre témoignage.
Or, la Commission d'appel estime que la crédibilité de ce témoignage, plus spécialement en ce qui a trait à la rencontre ayant immédiatement précédé la décision rendue par la Commission le 27 août 1993, est gravement compromise ou affectée par les nombreuses contradictions et invraisemblances dont il est truffé.
La Commission d'appel retient par exemple que la version finalement donnée par le travailleur dans le cadre de son témoignage à l'audience tenue par la Commission d'appel le 26 octobre 1995, est tout à fait invraisemblable et irréconciliable avec celle retenue de son témoignage devant le bureau de révision et dont ce dernier fait état dans la décision dont il est fait appel.
La même conclusion s'impose en ce qui a trait à l'affirmation du travailleur à l'effet qu'il aurait quitté la réunion du 27 août 1993 parce qu'il y aurait été inopinément frappé ou accroché au site de sa lésion par le procureur de la Commission.
La Commission d'appel estime qu'il est beaucoup plus plausible dans le contexte qui prévalait et tel que soutenu par les notes évolutives de la Commission de même que par la version du travailleur telle que retenue par le bureau de révision, que le travailleur n'ait pas remis les documents requis lors de la rencontre du 27 août 1993, alléguant alors les avoir laissés dans sa voiture et désirer les poster «de façon à ce qu'ils soient reçus par des mains neutres».
La Commission d'appel est d'avis qu'un tel comportement correspond tout à fait à l'attitude négative et provocatrice dont le travailleur fait clairement preuve dans ses lettres manuscrites adressées à la Commission à l'époque en cause.
Quant à son départ précipité de la réunion du 27 août 1993, la Commission d'appel retient également la version des événements relatée par le bureau de révision dans la décision dont il est fait appel, la considérant elle aussi beaucoup plus en rapport avec l'attitude du travailleur qui ne cesse d'accuser les agents de la Commission de le harceler lorsqu'ils tentent de lui faire comprendre la nature de son obligation de collaboration aux fins de l'élaboration d'un plan individualisé de réadaptation et les conséquences de ne pas assumer cette obligation.
En ce qui a trait plus spécifiquement aux deux remises de main à main que le travailleur prétend avoir antérieurement faites aux agents de la Commission, la Commission d'appel croit opportun de souligner qu'elles ne sont pas tenues pour avérées parce que leur existence n'est pas soutenue par la preuve documentaire contemporaine et est contredite par l'affirmation de l'agent de la Commission au bureau de révision à l'effet qu'il a vu le document en cause pour la première fois à l'audience tenue le 20 juin 1994.
La Commission d'appel estime de plus que, dans les circonstances ayant entouré cette demande de la Commission, plus de un an et demi après la prétendue remise de main à main à l'agent de la Commission d'un document relatant très sommairement sa scolarité et son expérience de travail, le travailleur n'aurait pas de toute façon été justifié de conclure à du harcèlement et de refuser pour ce motif de fournir les renseignements requis.
De la même façon, pour ce qui est de la prétendue demande d'obtention des services d'un conseiller en orientation, alléguée par le travailleur à l'audience du 26 octobre 1995, la Commission d'appel estime que dans le contexte où elle aurait été faite, elle ne pouvait non plus justifier le travailleur de refuser de se conformer aux demandes d'informations de la Commission. La Commission d'appel retient par ailleurs que si elle a réellement été faite, ce que la preuve n'établit pas de façon prépondérante, elle visait plutôt à faire obstruction à l'action des agents de la Commission qu'à initier un processus véritable d'identification d'un nouvel «emploi convenable». À cet égard, la Commission d'appel est d'avis que le résultat de la démarche particulière en cause à laquelle la Commission a acquiescé à la suite d'une demande du travailleur lors d'une rencontre en août 1994, tend à confirmer l'absence d'intérêt du travailleur en regard de la détermination d'un tel emploi convenable.
Par ailleurs, la Commission d'appel retient comme étant des manifestations de mauvaise foi de la part du travailleur, le fait qu'il invoque ne pas connaître les conséquences du fait de ne pas affranchir le courrier qu'il adresse à la Commission et le fait de ne pas être en mesure de se présenter aux rendez-vous fixés par la Commission, parce qu'il n'a pas de véhicule personnel à sa disposition.
De plus, en ce qui a trait aux paroles injurieuses, menaces et attitudes intimidantes dont le travailleur fait état à quelques reprises dans sa correspondance avec la Commission, ce dernier n'est curieusement pas en mesure de les identifier devant la Commission d'appel, faisant uniquement référence à des vagues commentaires qui auraient prétendument été faits par les agents de la Commission et dont la Commission d'appel n'est pas en mesure d'identifier le caractère injurieux, blessant ou autrement inapproprié.
Enfin, la Commission d'appel a pris acte d'une affirmation du travailleur à l'audience à l'effet que des avocats lui auraient conseillé de demander d'être subventionné pour faire «les études les plus longues possibles» au lieu de s'impliquer avec la Commission dans un processus de détermination d'un emploi convenable et elle considère que cette affirmation contribue à confirmer l'attitude négative, méfiante et agressive du travailleur face à toute démarche visant à la détermination d'un nouvel emploi convenable.
À cet égard, le travailleur doit comprendre et accepter que, sans égard ou au-delà de toute autre considération, il est dans son intérêt particulier et urgent de mettre de côté sans délai son attitude négative manifestée par des propos incongrus et provocateurs à l'égard des agents de la Commission et de compléter son processus personnel de réadaptation en occupant le plus tôt possible, avec l'aide de la Commission, un «emploi convenable».
En conclusion, la Commission d'appel estime que la preuve soumise en l'instance établit de façon prépondérante que le travailleur a effectivement refusé ou négligé de fournir les renseignements requis par la Commission dans sa lettre adressée le 25 août 1993 ainsi que dans le cadre de la réunion tenue le 27 août 1993, donnant ainsi ouverture à celle-ci à suspendre, comme elle l'a fait, le versement de ses indemnités de remplacement du revenu à compter du 27 août 1993 en raison de ce refus ou omission et jusqu'à ce que le travailleur adopte un comportement permettant à tout le moins à la Commission de présumer de son consentement à se conformer à sa demande de collaboration, ce qu'elle a fait, en mettant fin pour ce motif, le 2 septembre 1994, à la suspension des versements imposée le 27 août 1993.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE le présent appel;
et
CONFIRME les décisions respectivement rendues par le bureau de révision de la région Chaudière/Appalaches ainsi que par la Commission de la santé et de la sécurité du travail les 30 juin 1994 et 27 août 1993.
Pierre Brazeau
Commissaire
PANNETON, LESSARD
(Me François Bilodeau)
777, rue des Promenades
St-Romuald (Québec)
G6W 7P7
Représentant de la partie intéressée
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.