Laurent et Service Cité Propre inc. |
2007 QCCLP 229 |
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[1] Le 18 septembre 2006 le travailleur, monsieur André Laurent, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) le 16 août 2006, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision initiale qu’elle a rendue le 2 mai 2006 et refuse de rembourser au travailleur les coûts de son bois de chauffage et du déneigement de sa toiture.
[3] À l’audience tenue le 18 décembre 2006, le travailleur est présent. L’employeur, Service Cité Propre inc., bien que dûment convoqué est absent. L’affaire est entendue conformément à l’article 429.15 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et prise en délibéré le 18 décembre 2006.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il a droit au remboursement des coûts associés au transport et au cordage de son bois de chauffage et au déneigement de sa toiture.
LES FAITS
[5] De l’ensemble de la preuve, le tribunal retient les éléments pertinents suivants. Monsieur Laurent subit une lésion professionnelle le 17 juin 2003 qui lui cause une contusion à l’épaule gauche, une entorse au poignet gauche et une synovite cubitale.
[6] La lésion est consolidée le 3 mars 2005 et entraîne une atteinte permanente de 8,15%. Des limitations fonctionnelles sont également reconnues au travailleur :
Il ne peut exécuter des mouvements de flexion, d’extension, de latéralité ou de rotation de façon répétitive avec son poignet gauche;
Il ne peut soulever et porter des charges en position confortable au-dessus de 5 kilos;
Il ne peut exécuter des mouvements répétitifs avec l’aide de son poignet gauche;
Il ne peut pousser, presser, appuyer de façon constante sans perte d’activité au niveau de son poignet gauche.
[7] Une réclamation pour rechute, récidive ou aggravation du 1er avril 2005 est refusée par la CSST.
[8] Le 9 mai 2005, la CSST confirme le droit du travailleur à la réadaptation.
[9] Le 29 juin 2005, la CSST accepte de payer les frais de travaux de peinture au domicile du travailleur.
[10] Le 2 mai 2006, la CSST refuse de rembourser au travailleur les coûts relatifs au déneigement de sa toiture et au bois de chauffage. Cette décision est confirmée le 16 août 2006, à la suite d’une révision administrative, d’où le présent litige.
[11] Monsieur Laurent témoigne à l’audience. Il explique au tribunal qu’il demande que les montants qu’il doit débourser pour le transport dans sa maison et le cordage de son bois de chauffage lui soient remboursés. Il ne demande pas à ce que les coûts d’achat du bois le soient. Reçus à l’appui, il témoigne que depuis 2004, il paie 125$ par année pour faire rentrer et corder 10 cordes de bois.
[12] Monsieur Laurent chauffe sa maison au bois et non à l’électricité.
[13] Il demande également à ce que les coûts de déneigement de sa toiture lui soient remboursés. Il paie pour cela 75$, ce qui inclut le déneigement de la toiture de la maison et celle du garage.
[14] Avant son accident du travail, monsieur Laurent entrait et cordait son bois de chauffage et il déneigeait lui-même sa toiture. Il précise qu’il doit absolument la déneiger parce qu’avec le poids de la neige, elle a tendance à se creuser, ce qui empêche même les portes de la maison d’ouvrir convenablement.
L’AVIS DES MEMBRES
[15] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis d’accueillir la requête du travailleur. Le travailleur est visé par l’article 165 de la loi. Il a donc droit au remboursement des coûts pour faire rentrer et corder son bois de chauffage. Il a également droit au remboursement des coûts relatifs au déneigement de la toiture de sa maison, mais pas de son garage, ces coûts étant reliés à des travaux d’entretien courant de son domicile qu’il effectuerait n’eut été des conséquences de sa lésion professionnelle.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[16] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement des frais pour transporter et corder son bois de chauffage et pour déneiger la toiture de sa maison.
[17] Compte tenu de l’atteinte permanente qu’a entraînée sa lésion professionnelle et conformément à l’article 145 de la loi, le travailleur s’est vu reconnaître par la CSST le droit à la réadaptation.
[18] L’article 165 de la loi s’inscrit dans le cadre de la réadaptation sociale et s’applique en l’espèce :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
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1985, c. 6, a. 165.
[19] La lésion professionnelle a entraîné pour le travailleur une atteinte permanente de 8,15% et des limitations fonctionnelles. Cette atteinte permanente peut être qualifiée de grave au sens de l’article 165. En effet, on ne doit pas se limiter au pourcentage de l’atteinte permanente pour en estimer la gravité mais, comme le reconnaît la jurisprudence, il faut aussi tenir compte de la capacité résiduelle du travailleur à effectuer les travaux visés à l’article 165 de la loi.
[20] Par ailleurs, la CSST a déjà accepté de rembourser à monsieur Laurent le coût de travaux de peinture.
[21] Elle refuse toutefois le remboursement des frais reliés au déneigement de la toiture et au bois de chauffage.
[22] Le travailleur affirme qu’avant son accident, c’est lui qui faisait ces travaux.
[23] De plus, le tribunal est d’avis que les limitations fonctionnelles reconnues au travailleur ne lui permettent pas de transporter dans sa maison et d’y corder son bois de chauffage ni de déneiger sa toiture. En effet, ces travaux sollicitent les poignets et impliquent la manipulation de charges.
[24] Reste donc à déterminer si ces travaux constituent des travaux d’entretien courant du domicile.
[25] De l’avis du tribunal, le transport et le cordage du bois de chauffage constituent des travaux d’entretien courant du domicile[2]. Les coûts que doit maintenant assumer le travailleur pour faire faire ces travaux doivent donc lui être remboursés, selon les modalités prévues par la loi.
[26] Il en est de même du déneigement de la toiture de sa maison. Comme l’a décidé la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Bacon[3], le tribunal est d’avis que le déneigement d’un toit en hiver au Québec constitue un travail d’entretien courant puisqu’il s’agit d’une tâche habituelle et ordinaire même si sa fréquence est d’une importance relative.
[27] Ceci est d’autant plus vrai en l’espèce que le déneigement de la toiture est nécessaire pour en préserver le bon état.
[28] Le travailleur a donc droit aussi au remboursement des coûts pour le déneigement de la toiture de sa maison, mais il n’y a pas droit pour le déneigement de la toiture du garage, puisque la loi vise les travaux d’entretien courant du domicile qui est défini au dictionnaire comme le lieu habituel d’habitation[4].
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur André Laurent;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 16 août 2006 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des coûts pour rentrer et faire corder son bois de chauffage;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des coûts de déneigement de la toiture de sa maison.
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Me Diane Lajoie |
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Commissaire |
[1] L.R.Q., c.A-3.001
[2] Pelletier et CSST, CLP, 145673-08-0008, 25 septembre 2001, S. Lemire; Nevins et Abatteurs Jacques Élément, CLP, 156525-08-0103, 18 février 2002, C. Bérubé
[3] Bacon et General Motors du Canada Ltée [2004] CLP 941
[4] Voir au même effet Lacasse et Les Industries de la Rive Sud ltée, CLP, 205129-03B-0304, 23 juin 2005, C. Lavigne
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