Ganotec inc. et Morin |
2008 QCCLP 824 |
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Dossier 314915-04-0704
[1] Le 17 avril 2007, Ganotec inc. (l’employeur) dépose une requête devant la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) rendue le 11 avril 2007 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision rendue initialement le 13 février 2007 et déclare que la CSST est justifiée de poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu (IRR) jusqu’à ce qu’elle se prononce sur la capacité du travailleur d’exercer son emploi, étant donné la présence de limitations fonctionnelles.
[3] De plus, elle confirme la décision rendue initialement le 23 février 2007 et déclare que le travailleur a droit à la réadaptation que requiert son état, compte tenu des conséquences de sa lésion professionnelle.
[4] Finalement, elle confirme la décision rendue initialement le 14 mars 2007 et déclare que le travailleur conserve une atteinte permanente de 3,30 % et qu’il a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 1990,66 $ à laquelle s’ajouteront les intérêts courus à la date de réception de sa réclamation.
Dossier 326872-04-0708
[5] Le 30 août 2007, l’employeur dépose une requête devant la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision de la CSST rendue le 27 août 2007 à la suite d’une révision administrative.
[6] Par cette décision, la CSST confirme la décision rendue initialement le 30 mai 2007 et déclare que le travailleur a droit au remboursement des frais d’entretien courant du domicile pour la tonte des arbres et arbustes une fois par année, le grand ménage annuel, les travaux de peinture intérieure aux cinq ans et les travaux de peinture extérieure aux deux ans.
[7] Les parties sont présentes et représentées à l’audience qui a lieu le 10 décembre 2007 devant la Commission des lésions professionnelles. La cause est mise en délibéré sur réception des documents manquants devant être produits au tribunal, soit le 4 janvier 2008.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
Dossier 314915-04-0704
[8] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le travailleur ne conserve aucune limitation fonctionnelle à la suite de sa lésion professionnelle et qu’il n’a pas droit à la réadaptation. Par ailleurs, il ne remet pas en question le pourcentage d’atteinte permanente de 3,3 % attribué au travailleur à la suite de sa lésion professionnelle, de même que l’indemnité pour préjudice corporel y correspondant.
Dossier 326872-04-0708
[9] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le travailleur n’a droit à aucun remboursement des frais d’entretien courant du domicile puisqu’il ne conserve aucune limitation fonctionnelle consécutive à sa lésion professionnelle du 2 février 2006.
LES FAITS
[10] Le travailleur occupe le poste de mécanicien de chantier industriel chez l’employeur, au moment où il se blesse le 2 février 2006 en se frappant accidentellement la tête sur le montant d’une échelle. Il déclare l’événement le jour même et consulte le lendemain le docteur Dubois qui pose le diagnostic d’entorse cervicale, prescrit des anti-inflammatoires et autorise un arrêt de travail. Il prescrit un retour au travail léger le 6 février 2006.
[11] À compter du 20 février 2006, le travailleur est pris en charge par le docteur Pelletier qui retient le diagnostic d’entorse cervicale, maintient les travaux légers et prescrit des traitements de physiothérapie.
[12] Le 30 mars 2006, le travailleur passe une résonance magnétique de la colonne cervicale. Le docteur Gilles Bouchard, radiologiste, qui l’interprète, retient ce qui suit : « hernie discale centrobilatérale de C6-C7 s’appuyant de façon significative sur le sac dural et sur la face antérieure de la moelle cervicale qui est légèrement comprimée. La hernie s’étend jusque dans le trou de conjugaison gauche de C6-C7 où il y a une sténose foraminale secondaire. Sténose centrale également présente du canal cervical à ce niveau. Discopathie dégénérative cervicale légère multiétagée touchant les niveaux C2-C3, C3-C4 et C5-C6. Discopathie dégénérative modérée aux niveaux C4-C5 et C6-C7 ».
[13] Le 18 avril 2006, le travailleur est évalué par le docteur Truffer, neurochirurgien. Ce dernier retient un diagnostic de hernie cervicale C6-C7 gauche symptomatique. Il prescrit une épidurale cervicale et maintient les travaux légers.
[14] Le 28 avril 2006, le travailleur est évalué par le docteur Patrick Kinnard, chirurgien orthopédiste, à la demande de l’employeur.
[15] À l’examen physique, le docteur Kinnard note une diminution de la rotation gauche de 20 degrés de même qu’une manœuvre de Spurling, en déviation gauche, qui donne des irradiations jusqu’à la main gauche et qu’il qualifie donc de positive. Au test de l’aiguille, il note que les sensations sont normales et symétriques dans tous les dermatomes des membres supérieurs, sauf au niveau de la face externe de l’avant-bras gauche et de l’index gauche. Les forces lui apparaissent normales, symétriques, sans douleur et gradées à 5/5 à l’exception d’une impression de légère diminution de force du triceps gauche. Quant aux mensurations à mi-bras, il mesure 32 cm de circonférence à droite pour 31 à gauche et à mi-avant-bras, il mesure 30 cm de circonférence à droite pour 28 à gauche chez une personne droitière.
[16] À l’issue de son examen physique, le docteur Kinnard retient le diagnostic de hernie cervicale C6-C7 gauche sur une discopathie dégénérative étagée. Il conclut à l’existence d’une relation causale entre ce diagnostic et l’événement déclaré par le travailleur. Il note une condition personnelle de dégénérescence discale multiétagée qui, à son avis, est responsable de la prolongation de la consolidation. Il est donc trop tôt, à son avis, pour se prononcer sur une date de consolidation de la lésion. Il est d’avis que la physiothérapie doit être continuée et que le travailleur pourrait bénéficier d’une infiltration de cortisone par épidurale. Il lui apparaît trop tôt pour se prononcer autant sur l’atteinte permanente que quant aux limitations fonctionnelles. Il conclut son expertise en indiquant qu’il y a ouverture à une demande de partage de coûts, puisqu’à son avis, la condition personnelle de discopathie dégénérative joue un rôle important dans ce dossier.
[17] Le 6 juin 2006, le docteur Jean-François Albert, anesthésiste, effectue une épidurale stéroïdienne. À la suite de cette épidurale, le travailleur bénéficie d’un arrêt de travail jusqu’au 9 juin inclusivement.
[18] Le 8 juin 2006, la CSST accepte la réclamation du travailleur et déclare qu’il a subi une lésion professionnelle, le 2 février 2006, qui lui a causé une hernie discale C6-C7 gauche.
[19] Le 21 juin 2006, le travailleur revoit le docteur Truffer qui complète un rapport médical destiné à la CSST où il indique que l’épidurale n’est pas efficace et qui ne recommande aucune autre infiltration. Le docteur Truffer recommande de continuer les traitements de physiothérapie et prescrit un électromyogramme.
[20] Le 2 août 2006, le docteur Truffer complète un rapport final où il retient le diagnostic de séquelles de hernie discale cervicale. Il indique qu’aucune chirurgie n’est envisagée. Il note un électromyogramme légèrement positif et considère que le travailleur ne pourra retourner à son emploi prélésionnel. Il est d’avis que le travailleur conserve une atteinte permanente, de même que des limitations fonctionnelles de classe 2. Il consolide la lésion professionnelle en date de son examen et réfère le travailleur au docteur Delisle afin qu’il complète un rapport d'évaluation médicale.
[21] Le 21 août 2006, le travailleur est évalué par le docteur Richard Delisle, neurologue.
[22] À l’examen physique, le docteur Delisle note qu’il n’y a pas d’atrophie musculaire en proximal et en distal au niveau des deux membres supérieurs. Les réflexes sont présents et symétriques à 2+ aux membres supérieurs. Les forces musculaires sont normales à 5/5 en proximal et en distal au niveau des deux membres supérieurs. Il ne note aucune fasciculation visible aux membres supérieurs, ni déficit sensitif radiculaire en particulier aux niveaux C5-C6 ou C7-C8 droit ou gauche. Il ne constate aucun spasme paravertébral à la palpation du rachis cervical.
[23] À l’évaluation des mouvements de la colonne cervicale, il note une douleur en fin de mouvement lors de la rotation cervicale vers la gauche, de même qu’une légère douleur en fin de flexion latérale sur l’épaule droite. Il mesure les amplitudes articulaires suivantes de façon passive, au niveau du rachis cervical : flexion antérieure 60 degrés, extension 30 degrés, flexion latérale droite 40, flexion latérale gauche 45, rotation latérale gauche 50, rotation latérale droite 60.
[24] À l’issue de son examen physique, le docteur Delisle suggère des limitations fonctionnelles de classe 2 selon l’Institut de recherche en santé et en sécurité du Québec (IRSST) pour la colonne cervicale, soit :
· éviter les activités qui impliquent de soulever, porter, pousser ou tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant 15 kilos;
· éviter des activités qui impliquent d’effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, extension ou torsion de la colonne cervicale, même de faible amplitude;
· éviter les activités qui impliquent de façon répétitive ou fréquente de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale.
[25] Au bilan des séquelles, il retient ce qui suit :
Séquelles actuelles : |
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Code 203693 |
hernie discale C6-C7 gauche non opérée, prouvée cliniquement et par des tests spécifiques |
2 % |
code 207537 |
perte de moins de 25 % de la rotation gauche
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1 % |
Séquelles antérieures : nil |
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Autre séquelle reliée à latéralité : nil |
[26] Le 23 août 2006, le travailleur est évalué par le docteur Marc Ross-Michaud, orthopédiste et membre du Bureau d'évaluation médicale (BEM). Au moment de l’évaluation, le travailleur est en arrêt de travail complet en raison du manque de travaux légers chez l’employeur.
[27] Le travailleur indique alors que toutes mobilisations cervicales en extension, latéralité gauche et rotation gauche demeurent douloureuses, difficiles et reproduisent une paresthésie jusqu’à l’index et au pouce gauche où il persiste un engourdissement continuel. Le travailleur notre de plus que l’ankylose cervicale rend la conduite automobile difficile.
[28] À l’examen objectif, le docteur Michaud mesure à l’inclinomètre les mouvements du rachis cervical de la manière suivante : flexion à 45 degrés, extension à 40 degrés, latéralité droite à 30 degrés, latéralité gauche à 40 degrés, rotation droite à 60 degrés et rotation gauche à 35 degrés. Il note une manœuvre de Spurling gauche en extension et latéralité gauche qui reproduit un pincement paracervical et une paresthésie à la main gauche. Par ailleurs, la manœuvre de Spurling à droite est négative.
[29] De plus, le docteur Michaud note un trapèze gauche qui est spastique. La palpation à l’omoplate gauche est très douloureuse au point supéro-interne et au rebord spinal supérieur. De plus, les masses musculaires paravertébrales gauches sont légèrement sensibles à la pression locale. La mise en tension des trapèzes et releveur de l’omoplate par élévation contrée des épaules est douloureuse au trapèze gauche. Il en est de même lors de la rétraction des épaules. Il n’y a aucune limitation des amplitudes au niveau des épaules. La circonférence des bras mesurée à 15 cm de l’épicondyle est à 32 cm à droite et 31 cm à gauche. À l’avant-bras, à 12 cm de l’épicondyle, on obtient 29 cm à droite et 27,5 cm à gauche. À la mesure des forces segmentaires, le docteur Michaud retrouve un triceps plus faible à gauche. Au toucher fin et à la roue dentée, le docteur Michaud note une hypoesthésie en face externe de l’avant-bras au pouce et à l’index gauche.
[30] À l’issue de son examen physique, le docteur Michaud retient le diagnostic de hernie discale cervicale C6-C7 gauche sur une discopathie dégénérative multiétagée.
[31] Le 22 septembre 2006, la CSST rend une décision à la suite de l’avis du BEM. Elle se déclare liée par cet avis et rend la décision suivante, soit que le diagnostic retenu par le BEM est une hernie cervicale C6-C7 gauche. Quant à la discopathie dégénérative multiétagée, il s’agit d’une condition personnelle. Par le biais de cette décision, la CSST indique au travailleur qu’elle continuera le traitement de son dossier jusqu’à la consolidation de sa lésion professionnelle. La révision administrative confirme l’admissibilité de la réclamation tout comme le diagnostic retenu par le BEM. L’employeur s’est désisté d’une requête déposée devant la Commission des lésions professionnelles à l’encontre de cette décision qui a ainsi acquis un caractère final.
[32] Le 6 octobre 2006, le travailleur est à nouveau évalué par le docteur Kinnard à la demande de l’employeur. Lors de cet examen, le travailleur se dit amélioré de 50 % et ne plus ressentir d’engourdissements dans les bras. Il se plaint toujours de problèmes cervicaux, ne pouvant regarder dans les airs et dit ressentir de la douleur lorsqu’il tourne la tête à gauche.
[33] À l’examen objectif, le docteur Kinnard retient les amplitudes suivantes du rachis cervical : la flexion antérieure est à 45 degrés, l’extension est à 40 degrés, les déviations droites et gauches s’effectuent à 40 degrés, la rotation droite est de 60 degrés, la rotation gauche est bloquée à 40 degrés. Lors de ces mouvements, le travailleur ne se plaint d’aucune douleur ni irradiation dans les membres supérieurs. La compression de la tête, la manœuvre de Spurling et de l’Hermite sont négatives, ne donnant aucune douleur ni irradiation radiculaire. Les réflexes tricipitaux, bicipitaux et brachioradiaux sont faibles mais symétriques.
[34] À l’aiguille, les sensations sont symétriques dans tous les dermatomes des membres supérieurs droit et gauche. Il ne note aucune variation dans la force du membre supérieur gauche par rapport au membre supérieur droit. Il retient le diagnostic de hernie cervicale sur discopathie dégénérative étagée guérie. Il consolide la lésion professionnelle au 2 août 2006, considère qu’il n’y a aucune modalité thérapeutique qui changera quoi que ce soit à l’évolution naturelle de la condition de cette personne et retient un déficit anatomophysiologique de 2 % pour hernie cervicale C6-C7 gauche (203693) et de 1,5 % pour compenser une perte de 33 % de rotation gauche (207485).
[35] Quant aux limitations fonctionnelles, le docteur Kinnard est d’avis que, considérant la récupération presque complète de la mobilité cervicale, l’absence d’atteinte neurologique objective et le pronostic de guérison des hernies cervicales qui, selon la littérature et l’expérience, s’avèrent excellents, il n’y a pas de limitation fonctionnelle attribuée au travailleur. Le docteur Kinnard joint à son expertise un questionnaire intitulé « Évaluation des problèmes à la colonne cervicale et aux membres supérieurs ».
[36] Le 1er février 2007, le travailleur est évalué par le docteur Guy Bouvier, neurochirurgien et membre du BEM. Le docteur Bouvier doit se prononcer sur l’existence ou non de limitations fonctionnelles consécutives à la lésion professionnelle.
[37] À l’examen objectif, le docteur Bouvier retient les amplitudes articulaires suivantes du rachis cervical : flexion à 40 degrés, extension à 30 degrés, flexion droite à 30 degrés, flexion gauche à 30 degrés, rotation droite à 50 degrés, rotation gauche à 40 degrés. Il ne note rien de particulier lors de la palpation du cou, des épaules et des bras, ni fasciculation, les bras mesurant 30 cm et les avant-bras 27 cm. La force musculaire segmentaire lui apparaît normale tout comme les réflexes ostéotendineux bicipital, tricipital et styloradial.
[38] À l’issue de son examen physique, le docteur Bouvier retient des limitations fonctionnelles de classe 2, en se basant notamment sur la nature de l’accident et les symptômes qui sont apparus à la suite de l’accident. Il prend également en considération la corrélation étroite entre le tableau clinique, l’imagerie et la présence d’une condition préexistante au niveau du rachis cervical. Il rappelle que le travailleur était complètement asymptomatique avant l’événement du 2 février 2006.
[39] Le 13 février 2007, la CSST rend une décision faisant suite à l’avis du BEM rendu le 7 février 2007. La CSST déclare être liée par cet avis et retient les limitations fonctionnelles de classe 2 émises par le docteur Bouvier.
[40] Le 23 février 2007, la CSST rend une décision informant le travailleur qu’il peut bénéficier d’un programme de réadaptation professionnelle puisqu’il conserve des limitations fonctionnelles attribuables à sa lésion professionnelle du 2 février 2006.
[41] Le 14 mars 2007, la CSST rend une décision portant sur l’indemnité pour préjudice corporel, à laquelle le travailleur a droit en raison de l’atteinte permanente de 3,30 % qu’il conserve à la suite de cette lésion professionnelle. Cette indemnité est de 1990,66 $.
[42] Du 10 avril au 29 juin 2007, le travailleur participe à un programme de réadaptation fonctionnelle dispensé par la firme Physio-Ergo de Trois-Rivières.
[43] Il appert des différents rapports d’évaluation de la capacité fonctionnelle, dont celui du 27 mars 2007, que le travailleur effectue certaines tâches domestiques dont notamment faire la lessive, vider le lave-vaisselle, passer l’aspirateur, laver le plancher, racler, tondre le gazon, pelleter, etc. Le travailleur mentionne ressentir certaines douleurs lorsqu’il effectue ces tâches, mais pour y pallier, il fractionne les tâches et ne les effectue pas toutes la même journée.
[44] Le 29 juin 2007, l’équipe multidisciplinaire qui l’a suivi pendant le programme, soit madame Joanie Massicotte, physiothérapeute, madame Ysabelle Fugère, ergothérapeute, et madame Mylène Baril, thérapeute en réadaptation, complètent un rapport final.
[45] Du point de vue de la physiothérapie, le travailleur présente les capacités physiques et fonctionnelles suivantes :
· Mobilité cervicale dans les limites de la normale;
· Légère tension musculaire au niveau de l’angulaire de l’omoplate de l’épaule gauche;
· Bilan neurologique normal aux membres supérieurs et aux membres inférieurs, à l’exception d’une perte de mobilité du système neuroméningé au membre supérieur gauche;
· Persistance d’une diminution de force au membre supérieur gauche.
[46] En ergothérapie, voici le bilan dressé :
· Les activités de la vie domestique et les loisirs ont augmenté depuis le début du programme et l’augmentation de ceux-ci a un effet positif sur le moral du client;
· Le client présente des capacités physiques pour occuper un emploi de type léger à moyen, basé sur l’évaluation des manipulations de charges;
· Le client démontre une attitude plus positive par rapport au retour au travail qu’en début de programme, étant donné les opportunités qui s’avèrent positives en lien avec un emploi dans le domaine des enseignes lumineuses;
· Une amélioration est notée par rapport au début du programme. Cependant, celle-ci est légère et lente et fluctue selon la douleur du client;
· Au niveau des tolérances posturales, un développement des capacités exigées pour l’existence d’un emploi est à prévoir.
[47] Finalement, la thérapeute en réadaptation émet les conclusions suivantes :
· Le client se situe à u niveau excellent pour le test d’endurance musculaire des abdominaux supérieurs et se situe sous la moyenne pour les tests d’endurance musculaire des abdominaux inférieurs et des quadriceps/fessiers. Le client se limite par la douleur lors des tests d’endurance musculaire des extenseurs supérieurs et inférieurs du dos, donc il nous est impossible de statuer sur l’endurance musculaire réelle de ces groupes musculaires;
· La capacité aérobie du client n’a pu être évaluée, car le client a cessé le test en raison d’une fatigue au niveau des membres inférieurs qui empêchait le maintien de la cadence requise pour le test.
[48] Sur la base de ses conclusions, l’équipe multidisciplinaire recommande la poursuite d’un programme de développement des capacités physiques en vue d’une intégration dans un emploi possible chez un fabricant d’enseignes lumineuses.
[49] Le 11 avril 2007, la révision administrative confirme les décisions du 13 février 2007 portant sur l’existence de limitations fonctionnelles, du 23 février 2007 portant sur le droit du travailleur à la réadaptation professionnelle et du 14 mars 2007 qui détermine le pourcentage d’atteinte permanente que conserve le travailleur à la suite de sa lésion professionnelle. Le tribunal est actuellement saisi d’une requête à l’encontre de cette décision.
[50] Le 1er mai 2007, madame Pascale Bérubé, conseillère en réadaptation à la CSST, effectue une visite au domicile du travailleur en vue d’évaluer ses besoins en matière de travaux d’entretien courant du domicile. Elle lui remet alors un formulaire qu’il doit remplir avant que la CSST ne se prononce.
[51] Il appert de ce formulaire que le travailleur est propriétaire d’une maison unifamiliale d’une superficie de 28 pieds par 36 pieds. La superficie du terrain est de 300 pieds par 300 pieds où l’on retrouve plusieurs arbres matures et arbustes.
[52] Le travailleur effectuait, avant sa lésion professionnelle, le déneigement des trottoirs bordant sa maison, l’entretien extérieur l’été, soit la tonte du gazon, le ratissage et le débroussaillage, de même que la tonte des arbres et arbustes. De plus, il effectuait la peinture intérieure et extérieure. Il est à noter que la propriété comporte deux patios en bois teint, de même qu’environ 34 fenêtres en cèdre verni. Finalement, il participait au grand ménage en collaboration avec sa conjointe, en faisant le lavage des fenêtres et des planchers.
[53] Il ressort du formulaire que le travailleur est toujours capable, malgré ses limitations fonctionnelles de déneiger les trottoirs entourant sa demeure à l’aide d’une souffleuse à neige ou d’une petite pelle et d’entretenir son terrain l’été. Quant à la tonte des arbres et arbustes, le travailleur ne l’a pas encore expérimenté depuis son accident du travail.
[54] À la suite de cette analyse, la CSST recommande le remboursement des frais suivants :
· La tonte des arbres et arbustes une fois par année maximum;
· Le grand ménage annuel;
· Les travaux de peinture intérieure (aux 5 ans) et extérieure (aux 2 ans).
[55] Le 30 mai 2007, la CSST rend une décision confirmant les recommandations de madame Bérubé. La révision administrative confirme cette décision et le tribunal est actuellement saisi d’une requête à l’encontre de cette décision.
[56] Le 25 septembre 2007, le travailleur est évalué par le docteur Gilles-Roger Tremblay, orthopédiste, à la demande de son procureur.
[57] À la rubrique État actuel, le docteur Tremblay indique que le patient se plaint d’une douleur cervicale qui irradie au niveau de l’épaule gauche et qui, lorsque très symptomatique, irradie jusqu’au niveau du pouce et de l’index de la main gauche. Il signale que la nuit, les deux mains du travailleur s’engourdissent, mais que l’engourdissement est toujours pire à gauche. Le travailleur ne prend aucun médicament.
[58] À l’examen physique, le docteur Tremblay note une douleur à la palpation du triangle sus-claviculaire gauche, de même qu’une manœuvre de compression foraminale gauche positive. De plus, la traction sur le bras gauche avec inclinaison forcée de la tête vers la droite provoque une douleur irradiant jusqu’au niveau du pouce gauche. Il mesure les amplitudes articulaires cervicales suivantes : flexion antérieure active à 35 degrés, passive, à 40degrés. Extension active à 30 degrés, passive à 30 degrés, inclinaison latérale droite active et passive à 30 degrés, inclinaison latérale gauche active et passive à 30 degrés, rotation droite active et passive à 60 degrés, rotation gauche active et passive à 45 degrés. Le réflexe du triceps gauche est légèrement diminué en force comparé au triceps droit. La mensuration des deux bras démontre une circonférence de 30 cm à droite et 29 cm à gauche. L’avant-bras droit est mesuré à 30 cm, l’avant-bras gauche à 28,5 cm.
[59] Le docteur Tremblay conclut son expertise en indiquant que ce patient est porteur d’une certaine dégénérescence discale cervicale normale pour un homme de son âge. Il a toutefois subi un contrecoup et a présenté une hernie discale C6-C7 qui, d’après la distribution de la douleur, correspond très bien à une compression radiculaire de C7 gauche. Il retient donc le diagnostic de hernie discale C6-C7 gauche démontrée cliniquement et par examen spécifique. Considérant la présence de hernie discale symptomatique, le docteur Tremblay est d’avis que le travailleur doit être porteur de limitations fonctionnelles de classe 2 ou 3 selon l’IRSST.
[60] À l’audience, le travailleur apporte des précisions sur l’événement subi le 2 février 2006. Il signale que c’est après avoir descendu une échelle, s’être retourné et avoir repris un pas rapide qu’il a percuté sa tête du côté gauche assez violemment sur le montant d’une échelle fixée au mur. Il a immédiatement ressenti une douleur à l’épaule gauche, mais il croyait que les choses entreraient dans l’ordre rapidement. Toutefois, après quelques heures, il a ressenti des engourdissements à l’index et au pouce gauches, de même qu’une augmentation de la douleur au cours de la nuit.
[61] Le travailleur témoigne ensuite sur un antécédent d’accident d’automobile qu’il a subi en août 1978. Il a alors effectué des tonneaux et a perdu conscience. Il a, à ce moment, reçu une indemnité forfaitaire, mais n’a subi aucun problème de nature cervicale. La lésion se situait au niveau de l’épaule droite.
[62] Actuellement, le travailleur se plaint particulièrement de ne pas avoir retrouvé sa mobilité cervicale complète. À titre d’exemple, lorsqu’il conduit son véhicule automobile, il a de la difficulté à effectuer des rotations à gauche. Il se plaint d’un manque d’endurance ou de force de son membre supérieur gauche, de même que d’engourdissements à l’occasion s’il effectue des travaux plus exigeants. Le travailleur tente tout de même de demeurer actif et s’adonne notamment au « qi-gong » une discipline se situant entre le yoga et le tai-chi. Selon lui, dans le cadre de l’exercice de cette discipline, il effectue les mêmes étirements qu’il faisait lors de ses traitements de physiothérapie. De plus, le travailleur poursuit les traitements de physiothérapie malgré la consolidation de sa lésion. Selon lui, ces traitements sont nécessaires puisqu’il constate que dès qu’il cesse de faire des exercices, la douleur augmente et l’amplitude de ses mouvements diminue. Il prend occasionnellement du Tylenol extrafort ou Naprosyn lorsque la douleur est trop forte. Il continue d’être suivi par son médecin traitant, le docteur Pelletier, ainsi que le docteur Truffer. Son sommeil est perturbé puisqu’il dort environ quatre à cinq heures par nuit, depuis deux ans.
[63] Le docteur Patrick Kinnard témoigne également à l’audience. Sa qualification d’expert en orthopédie est établie à la satisfaction du tribunal.
[64] À la revue de l’ensemble des évaluations effectuées au dossier, le docteur Kinnard décrit notamment le fait que le docteur Delisle, qui a procédé à l’évaluation médicale du travailleur, n’a pas fait de manœuvre de Spurling et de l’Hermite et ne semble pas avoir mesuré les mensurations des membres supérieurs du travailleur.
[65] Il se questionne également sur d’importantes différences constatées au niveau des amplitudes articulaires, entre l’examen effectué par le docteur Delisle le 21 août 2006 et celui effectué par le docteur Michaud deux jours plus tard, soit le 23 août 2006. Selon lui, il s’agit de différences fondamentales qui ne s’expliquent pas d’un point de vue médical.
[66] Lors de son examen du 4 octobre 2006, le docteur Kinnard signale qu’il n’avait pas de justification d’attribuer des limitations fonctionnelles. Il indique qu’il fait une différence importante entre des restrictions fonctionnelles et des limitations fonctionnelles.
[67] Pour lui, une restriction fonctionnelle signifie qu’il faut éviter de faire quelque chose alors qu’une limitation fonctionnelle correspond plutôt à une interdiction. Il base cette compréhension notamment sur son expérience dans les dossiers de la Société de l’assurance automobile qui demandent spécifiquement de faire cette distinction.
[68] Or, même si l’on peut en venir à la conclusion que le travailleur doit éviter de faire certains mouvements ou d’adopter certaines positions, sa condition cervicale ne lui interdit pas d’effectuer ces mouvements ou d’adopter ces positions, ce qui l’amène à conclure qu’il n’a pas de limitation fonctionnelle au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[69] Le docteur Kinnard précise que sa décision de ne pas accorder de limitation fonctionnelle au travailleur se base particulièrement sur les réponses offertes par le travailleur à un questionnaire intitulé « Évaluation des problèmes à la colonne cervicale et aux membres supérieurs » qu’il lui a fait compléter. Ce questionnaire vise à déterminer dans quelles activités de la vie quotidienne, le travailleur a eu de la difficulté au cours de la dernière semaine.
[70] Le docteur Kinnard constate qu’il n’y a que deux activités de la vie quotidienne que le travailleur a qualifiées de très difficiles, soit faire le ménage de la maison et travailler les bras dans les airs. Il en conclut que le travailleur ne conserve pas de limitation fonctionnelle. Toutefois, il admet que ce questionnaire issu du Journal of Bone and joint Surgery n’a pas de validité scientifique mais, à son avis, il constitue une analyse raisonnable de la capacité résiduelle d’un travailleur.
[71] Appelé à commenter l’évaluation complétée par le docteur Bouvier dans le cadre du second BEM, le docteur Kinnard décrit le fait qu’il n’a pas procédé à une compression de la tête, à un test de Spurling ou de l’Hermite. Il croit que cela suffit à discréditer l’avis du docteur Bouvier et à retenir plutôt les conclusions de son expertise médicale d’octobre 2006.
[72] Quant à l’expertise du docteur Tremblay, il se questionne quant à savoir si le docteur Tremblay a bien procédé à un examen des forces. Selon lui, on ne doit pas s’occuper uniquement du triceps lorsqu’on procède à ce type d’examen.
[73] Le docteur Kinnard poursuit son témoignage, en produisant et commentant de la littérature médicale.
[74] Sur la mesure des amplitudes cervicales, selon les documents consultés, le docteur Kinnard affirme que cinq degrés seraient une variante acceptable d’un observateur à l’autre. Il signale que dans un contexte idéal, les évaluateurs devraient mesurer trois à six fois chaque mouvement, mais ils ne peuvent le faire en réalité, de peur de blesser les travailleurs impliqués.
[75] De plus, le docteur Kinnard insiste sur le fait qu’il n’existe pas de corrélation entre les engourdissements dont se plaint le travailleur et la zone spécifique visée ici, soit la zone C6-C7. Selon le docteur Kinnard, la radiculopathie C7 qui en découle aurait dû donner des signes sensitifs au majeur plutôt qu’au pouce et à l’index. En ce sens, il ne souscrit pas à la théorie du chevauchement anatomique possible des racines nerveuses défendue par le docteur Tremblay.
[76] Le docteur Kinnard rappelle que ce n’est pas parce qu’il y a limitation d’amplitudes qu’il y a automatiquement présence de limitations fonctionnelles. Selon lui, une limitation de 20 degrés de la rotation ne justifie pas de limitations fonctionnelles.
[77] Le docteur Kinnard admet que le travailleur ne présente aucun signe de non-organicité, mais il tient à préciser qu’à son avis, l’accumulation de plaintes subjectives ne permet pas de les transformer en signe objectif.
[78] Interrogé sur le fait qu’il retient une atteinte permanente de 3,30 % basée notamment sur une perte de rotation de 33 %, le docteur Kinnard dit qu’à défaut de pouvoir évaluer le travailleur quatre à six fois, il n’avait pas le choix, sur la base des constatations faites, de retenir une telle atteinte permanente.
[79] Le tribunal a également entendu le docteur Gilles-Roger Tremblay dont la qualification d’expert en orthopédie a également été reconnue.
[80] Le docteur Tremblay indique que sa conclusion selon laquelle le travailleur conserve des limitations fonctionnelles est notamment basée sur une manœuvre de Spurling positive de même que le Spurling inversé, ce qui constitue deux signes de pathologie radiculaire, de même que la diminution de la force du triceps, diminution légère à gauche.
[81] Le docteur Tremblay est plus nuancé que le docteur Kinnard quant à la localisation de l’irradiation et de la paresthésie au niveau du membre supérieur en fonction de la racine atteinte. Il admet que normalement pour la racine C7, les engourdissements vont se faire ressentir au niveau du majeur, mais il soutient qu’il peut exister un certain chevauchement anatomique au niveau des racines nerveuses pouvant donner des manifestations au niveau du pouce et de l’index.
[82] Il réitère son opinion selon laquelle le travailleur conserve, au minimum des limitations fonctionnelles de classe 2. Ni le docteur Kinnard, ni le docteur Tremblay n’ont vu les résultats de l’électromyogramme.
[83] Le docteur Tremblay complète son témoignage en confirmant que le travailleur ne présente aucune atrophie au membre supérieur gauche.
L’AVIS DES MEMBRES
Dossier 314915-04-0704
[84] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le même avis. Ils considèrent que sur la base de l’ensemble de la preuve médicale dont ils disposent, le travailleur conserve des limitations fonctionnelles de classe 2 selon l’IRSST. Ils sont donc d’avis de rejeter la requête déposée par l’employeur le 17 avril 2007 et de confirmer la décision rendue par la CSST le 11 avril 2007 à la suite d’une révision administrative.
Dossier 326872-04-0708
[85] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le même avis. Ils considèrent que le travailleur a droit uniquement au remboursement des frais d’entretien courant liés à la peinture extérieure (aux deux ans) et intérieure de son domicile (aux cinq ans). Ils sont donc d’avis d’accueillir en partie la requête déposée par l’employeur le 30 août 2007 et de modifier la décision rendue par la CSST le 27 août 2007 à la suite d’une révision administrative.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Dossier 314915-04-0704
[86] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur conserve des limitations fonctionnelles à la suite de la lésion professionnelle qu’il a subie le 2 février 2006.
[87] La notion de limitations fonctionnelles n’est pas définie par la loi. Toutefois, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles de même que la Commission des lésions professionnelles se sont prononcées à maintes reprises afin d’en préciser la portée.
[88] Ainsi, dans l’affaire Doré et AutobusTrans-Nord ltée (fermée) et CSST[2], la Commission des lésions professionnelles a rappelé la définition de la notion de limitations fonctionnelles retenue par la jurisprudence :
[43] Plus spécifiquement, au niveau physique, la limitation fonctionnelle constitue la limitation d’une fonction, la réduction de la capacité d’exécuter des mouvements, etc.:
« La limitation fonctionnelle réfère à la limitation d’une fonction, tels : se pencher, marcher, effectuer des mouvements de rotation ou de torsion, etc. »4
« Une limitation fonctionnelle correspond à une réduction de la capacité d’un travailleur d’exécuter certains mouvements, d’adopter certaines positions, de subir certaines charges ou certaines contraintes. Il faut que le médecin traitant détermine précisément les gestes, les mouvements ou positions à proscrire ou les activités auxquelles le travailleur ne peut plus se livrer afin que la CSST puisse évaluer sa capacité à exercer son emploi. »5
_________
4 Pothier et Houbigant ltée, [1991] C.A.L.P.1087
5 Farruggia et Raval Lace co, [1998] C.L.P. 455 (décision sur requête en révision)
(Nos soulignements)
[89] Le tribunal fait sienne cette définition qui, à son avis, résume la portée à donner à cette notion.
[90] En l’espèce, le docteur Kinnard, médecin expert mandaté par l’employeur, est le seul expert qui n’attribue aucune limitation fonctionnelle au travailleur à la suite de sa lésion professionnelle.
[91] Au soutien de sa position, le docteur Kinnard fait notamment une distinction entre la notion de « restrictions fonctionnelles » et de « limitations fonctionnelles ». Pour lui, une restriction fonctionnelle signifie qu’il faut « éviter » de faire quelque chose alors qu’une limitation fonctionnelle correspond plutôt à une « interdiction ».
[92] Or, de son point de vue, même si l’on pouvait en venir à la conclusion que le travailleur doit éviter de faire certains mouvements ou d’adopter certaines positions, sa condition cervicale ne lui interdit pas d’effectuer ces mouvements ou d’adopter ces positions, ce qui l’amène notamment à conclure qu’il n’a pas de limitations fonctionnelles au sens de la loi.
[93] Le tribunal ne partage pas l’opinion du docteur Kinnard à ce sujet.
[94] En effet, le docteur Kinnard réfère à la notion de restriction fonctionnelle telle que définie par un autre régime d’indemnisation (assurance-automobile) ce qui, en soi, constitue une erreur, de l’avis du tribunal.
[95] Au surplus, la notion de restriction fonctionnelle telle qu’elle est interprétée en vertu du présent régime d’indemnisation n’a pas la portée que le docteur Kinnard lui donne.
[96] En effet, dans l’affaire Chiquette et Ressources Campbell inc. et CSST[3], la Commission des lésions professionnelles situe bien la notion de restriction fonctionnelle. Elle s’exprime en ces termes :
[29] Quant au premier motif soulevé par le travailleur, la Commission des lésions professionnelles doit le rejeter. En effet, il ne faut pas confondre la notion de « restrictions fonctionnelles (perte d’amplitude articulaire) » avec celle de « limitations fonctionnelles ».
[30] En effet, dans l’étude du déficit anatomo-physiologique, le médecin évaluateur est appelé à vérifier les pertes anatomiques ou les pertes d’amplitude articulaire subies suite à une lésion professionnelle. Cette évaluation est requise pour procéder à la détermination de l’atteinte permanente eut égard aux dispositions des articles 83 et suivants de la loi ainsi que de l’application du Règlement sur le barème des dommages corporels4 (le barème) adopté par règlement.
[31] C’est donc à partir de l’évaluation du travailleur portant aussi bien sur la preuve radiologique que l’examen clinique objectif, que le médecin évaluateur est en mesure de pouvoir déterminer le taux de déficit anatomo-physiologique pouvant inclure les préjudices esthétiques ainsi que les pertes relatives à la douleur ainsi qu’à la perte de jouissance de la vie.
[32] De ce constat, le médecin évaluateur doit, en second lieu, s’interroger sur l’existence ou non de limitations fonctionnelles restreignant la capacité du travailleur à occuper son emploi ou tout autre emploi. Ces limitations fonctionnelles traduisent donc l’opinion du médecin évaluateur sur la capacité résiduelle du travailleur tout en pouvant avoir un objectif préventif.
__________
4 (1987) 119 G.O. II, 5576
(Nos soulignements)
[97] Ainsi, dans la présente loi, la notion de restriction fonctionnelle fait plutôt référence à la perte d’amplitude articulaire devant être évaluée, en vue d’établir l’atteinte permanente que conserve un travailleur à la suite d’une lésion professionnelle alors que les limitations fonctionnelles permettent de déterminer la capacité résiduelle du travailleur.
[98] Ces notions étant définies, le travailleur conserve-t-il, dans la présente affaire, des limitations fonctionnelles?
[99] Le tribunal croit que oui pour les motifs ci-après exposés.
[100] Dans un premier temps, il apparaît essentiel de rappeler que le travailleur a subi le 2 février 2006 une lésion professionnelle, soit une hernie discale C6-C7.
[101] À la suite de cette lésion professionnelle, il conserve une atteinte permanente de 3,3 % basée sur le bilan des séquelles établi par le docteur Delisle comme suit :
Séquelles actuelles : |
||
Code 203693 |
hernie discale C6-C7 gauche non opérée, prouvée cliniquement et par des tests spécifiques |
2 % |
code 207537 |
perte de moins de 25 % de la rotation gauche
|
1 % |
Séquelles antérieures : nil |
||
|
|
|
Autre séquelle reliée à latéralité : nil |
[102] Dans le cadre de son témoignage, le docteur Kinnard insiste sur le fait qu’il n’existe pas de corrélation entre les engourdissements dont se plaint le travailleur à l’index et au pouce et la zone spécifique visée ici, soit la zone C6-C7.
[103] Cependant, le tribunal tient à rappeler que le docteur Kinnard a lui-même accordé un déficit anatomophysiologique pour des séquelles de hernie discale C6-C7 prouvée cliniquement et par des tests spécifiques et que de plus, l’employeur n’a pas eu recours à la procédure d’évaluation médicale à l’encontre de l’atteinte permanente établie par le docteur Delisle et confirmée par la CSST.
[104] De plus, les docteurs Delisle, Michaud, Bouvier et Tremblay reconnaissent tous que le tableau clinique présenté par le travailleur est compatible avec une hernie discale C6-C7.
[105] Au surplus, au début de l’audience, l’employeur a précisé qu’il reconnaissait l’atteinte permanente de 3,3 % ainsi déterminée.
[106] Bien qu’il soit établi que la détermination d’une atteinte permanente consécutive à une lésion professionnelle n’ait pas automatiquement pour effet d’établir que le travailleur visé conserve des limitations fonctionnelles, dans la présente affaire, le tribunal est d’opinion que telle est la situation.
[107] Pour en venir à cette conclusion, le tribunal a analysé l’ensemble de la preuve médicale dont il dispose.
[108] Il ressort de cette analyse que le travailleur souffre de paresthésies au pouce et à l’index gauche lorsqu’il adopte certaines positions de la tête et lors des manœuvres de compression qui se sont avérées positives.
[109] Ceci s’infère notamment de l’évaluation à laquelle a procédé le docteur Michaud le 23 août 2006 où il rapporte que toute mobilisation cervicale en extension, latéralité gauche et rotation gauche reproduit une paresthésie.
[110] De même, lors de l’évaluation du docteur Bouvier, le 1er février 2007, le travailleur confirme la présence d’irradiation dans le territoire de la racine C7, bien que plus occasionnelle, en fonction de la position de la tête et de certains mouvements qu’il fait.
[111] Pour sa part, le docteur Tremblay qui évalue le travailleur le 25 septembre 2007, constate que : « La manœuvre de compression foraminale gauche est positive et la traction sur le bras gauche, avec inclinaison forcée de la tête vers la droite, provoque une douleur irradiant jusqu’au niveau du pouce gauche ».
[112] Le tribunal est d’avis que les paresthésies au pouce et à l’index gauche qui se manifestent de façon intermittente selon la mobilisation de la colonne cervicale sont l’expression de la réduction de la capacité du travailleur à exécuter certains mouvements.
[113] De plus, bien que le tribunal constate certaines différences, d’un expert à l’autre quant aux amplitudes articulaires évaluées, ces différences ne sont pas suffisamment importantes pour conclure, comme tente de le faire l’employeur, qu’il s’agit de limitations volontaires d’amplitudes.
[114] D’ailleurs, en arriver à une telle conclusion aurait notamment comme conséquence d’invalider l’opinion du médecin expert de l’employeur qui conclut dans ses deux expertises, que le travailleur a une limitation de la rotation gauche justifiant un pourcentage d’atteinte permanente.
[115] La preuve médicale révèle que la limitation de la rotation gauche constitue une constante, telle que confirmée par l’expertise médicale du docteur Kinnard du 4 mai 2006 (40 degrés), l’évaluation médicale du docteur Delisle du 21 août 2006 (50 degrés), l’avis du docteur Ross-Michaud du BEM le 23 août 2006 (35 degrés), l’expertise médicale du docteur Kinnard du 6 octobre 2006 (40 degrés), l’avis du docteur Bouvier du BEM le 1er février 2007 (40 degrés) et finalement, l’expertise médicale du docteur Tremblay le 25 septembre 2006 (45 degrés).
[116] Sur la base de ces constats médicaux, le tribunal est d’avis que le travailleur conserve des limitations fonctionnelles puisque le déficit de rotation gauche, de même que les paresthésies du pouce et de l’index gauche se traduisent par une « réduction de la capacité d’effectuer certains mouvements », soit en l’espèce, des mouvements de rotation gauche de la colonne cervicale et des mouvements nécessitant de la force du membre supérieur gauche. Ces constats sont d’ailleurs confirmés par le rapport final de l’équipe multidisciplinaire qui l’a suivi du 10 avril au 29 juin 2007 dans le cadre du programme de réadaptation fonctionnelle dispensé par la firme Physio-Ergo de Trois-Rivières.
[117] Ainsi, sur la base de l’analyse de la preuve dont il dispose, le tribunal en vient à la conclusion que le travailleur conserve des limitations fonctionnelles de classe 2 selon l’IRSST, soit :
· éviter les activités qui impliquent de soulever, porter, pousser ou tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant 15 kilos;
· éviter des activités qui impliquent d’effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, extension ou torsion de la colonne cervicale, même de faible amplitude;
· éviter les activités qui impliquent de façon répétitive ou fréquente de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale.
[118] En ce sens, le tribunal rejoint la position des docteurs Delisle, Truffer et Bouvier.
[119] Le tribunal ne peut retenir la prétention de l’employeur selon laquelle le travailleur ne conserve aucune limitation fonctionnelle consécutive à cette lésion.
[120] Le docteur Kinnard, qui est le seul médecin à défendre cette position, base notamment son opinion sur un questionnaire qu’il a administré au travailleur et qui, de l’avis du tribunal, présente peu de valeur d’un point de vue médical.
[121] En effet, le questionnaire intitulé Évaluation des problèmes à la colonne cervicale et aux membres supérieurs vise à établir les difficultés qu’un patient a pu ressentir au cours de la dernière semaine dans le cadre de ses activités de la vie quotidienne. D’ailleurs, le docteur Kinnard admet que ce questionnaire issu du Journal of Bone and joint Surgery n’a pas de validité scientifique mais, à son avis, il constitue une analyse raisonnable de la capacité résiduelle d’un travailleur. Il est à noter que le docteur Kinnard y fait référence dans son expertise médicale du 6 octobre 2006, non pas sous la rubrique Limitations fonctionnelles, mais plutôt sous la rubrique AVQ et AVD. L’objectif premier de ce questionnaire n’est donc pas, de l’avis du tribunal, de permettre de déterminer avec précision l’existence ou non de limitations fonctionnelles.
[122] De plus, ce n’est pas le travailleur qui l’a complété, mais plutôt le docteur Kinnard, « selon les déclarations et perceptions du travailleur », tel qu’il l’indique dans son expertise.
[123] Dans ce contexte, le tribunal conclut que ce questionnaire ne peut, à lui seul, écarter l’ensemble de la preuve médicale qui démontre, de manière probante, que le travailleur conserve des limitations fonctionnelles telles que définies par la jurisprudence.
[124] Dans ces circonstances, le tribunal conclut que le travailleur conserve des limitations fonctionnelles de classe 2 selon l’IRSST à la suite de sa lésion professionnelle et a ainsi droit à la réadaptation.
Dossier 326872-04-0708
[125] Le tribunal doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement des frais d’entretien courant de son domicile en raison des limitations fonctionnelles qu’il conserve à la suite de sa lésion professionnelle.
[126] L’article 165 de la loi prévoit ce qui suit relativement au remboursement des frais occasionnés par les travaux d’entretien courant du domicile :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
__________
1985, c. 6, a. 165.
(Nos soulignements)
[127] Il appert de cet article que trois conditions sont requises afin de bénéficier du remboursement des frais liés à l’entretien courant du domicile soit :
· l’existence d’une atteinte permanente grave à l’intégrité physique;
· l’incapacité d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile qu’il effectuerait normalement lui-même si ce n’était de sa lésion;
· que les frais soient engagés.
[128] Quant à la première condition d’application de l’article 165 de la loi, soit l’existence d’une atteinte permanente grave, cette dernière n’est pas définie par la loi. Une revue de la jurisprudence permet toutefois de préciser sur quelle base l’atteinte permanente doit être appréciée en vue de la qualifier ou non de grave.
[129] Dans l’affaire Chevrier et Westburne ltée[4], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles en vient à la conclusion, après avoir interprété l’article 165 de la loi et avoir procédé à une revue de la jurisprudence, que l’atteinte permanente grave s’évalue, non pas uniquement en fonction du pourcentage d’atteinte permanente établi à la suite de la lésion professionnelle, mais plutôt en analysant la capacité résiduelle du travailleur, en fonction des travaux d’entretien courant qu’il ne peut accomplir. Le tribunal s’exprime comme suit à ce sujet :
« Dans cette optique, le mot grave qui qualifie l’atteinte permanente à l’article 165 ne doit pas être considéré isolément. L’article doit être lu dans son ensemble et dans le contexte de l’objet de la loi et du but recherché par la réadaptation sociale. Il y a donc lieu d’analyser le caractère grave d’une atteinte permanente à l’intégrité physique en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l’article 165 de la loi. Donc, pour avoir droit au remboursement des frais d’entretien pour une chose particulière, il faut que le travailleur ait une atteinte permanente qui est suffisamment grave pour l’empêcher d’accomplir ce travail d’entretien courant particulier de son domicile vu que le but d’une telle mesure de réadaptation est de rendre le travailleur autonome. » 5
___________
5 Note 4, p. 612.
(Nos soulignements)
[130] Ces paramètres d’analyse ont été repris à maintes reprises par la Commission des lésions professionnelles[5] et la soussignée y souscrit.
[131] Appliquant ces paramètres au présent cas, le tribunal rappelle que le travailleur conserve les limitations fonctionnelles suivantes consécutives à sa lésion professionnelle :
· éviter les activités qui impliquent de soulever, porter, pousser ou tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant 15 kilos;
· éviter des activités qui impliquent d’effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, extension ou torsion de la colonne cervicale, même de faible amplitude;
· éviter les activités qui impliquent de façon répétitive ou fréquente de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale.
[132] Or, les travaux d’entretien courant autorisés par la CSST sont :
· La tonte des arbres et arbustes une fois par année maximum.
· Le grand ménage annuel.
· Les travaux de peinture intérieure (aux 5 ans) et extérieure (aux 2 ans).
[133] Le tribunal doit donc déterminer si les limitations fonctionnelles que conserve le travailleur sont suffisamment graves pour l’empêcher d’accomplir ces travaux d’entretien courant.
[134] Avant d’analyser en détail chacun des travaux d’entretien autorisés par la CSST, le tribunal tient à rappeler qu’à l’audience, le travailleur n’a fourni aucune preuve spécifique visant à expliquer en quoi il ne peut exécuter ces travaux.
[135] En ce qui a trait à la tonte des arbres et arbustes, le tribunal se réfère à la grille d’évaluation complétée par la conseillère en réadaptation de la CSST qui signale que le travailleur possède un grand terrain de 90 000 pieds carrés. Elle note que plusieurs arbres matures et arbustes entourent la maison. Par ailleurs, une partie du terrain à l’arrière demande moins d’entretien puisqu’elle le qualifie de « mini-forêt ».
[136] Le travailleur n’a pas précisé à l’aide de quels outils et de quelle façon il procède à la tonte de ces arbres et arbustes. De plus, le tribunal note que le travailleur n’a pas expérimenté ces travaux depuis son accident.
[137] La conseillère de la CSST autorise ces travaux, en se basant sur le fait que leur exécution ne respecte pas les limitations fonctionnelles du travailleur, soit « d’éviter les amplitudes extrêmes répétées du cou ainsi que les contrecoups et vibrations de basse fréquence ».
[138] Le tribunal ne partage pas la position de la CSST à cet égard.
[139] Il lui apparaît utile, dans le cadre de l’analyse des travaux d’entretien courant du domicile, de déterminer si ces travaux ont un caractère occasionnel et non urgent.
[140] Dans l’affaire Barette et C.H. Ste-Jeanne-D’Arc[6], la Commission des lésions professionnelles devait se prononcer sur une demande de remboursement de frais de tonte de gazon. Le tribunal s’exprime comme suit :
[15] De plus, suivant la position adoptée dans les affaires Bouchard et Casse-Croûte Lemaire et CSST3 et Liburdi et Les spécialiste d’acier Grimco4, il faut prendre en considération le fait que des travaux d’entretien courant du domicile peuvent ne pas contrevenir aux limitations fonctionnelles et ce, compte tenu du caractère occasionnel et non urgent de certains d’entre eux qui permet au travailleur de les exécuter à son propre rythme ou encore, compte tenu de la possibilité de les exécuter en adaptant les méthodes de travail habituellement employées.
[16] Ainsi, selon ces règles posées par la jurisprudence, il sera possible de conclure à l’existence d’une atteinte permanente grave à l’intégrité physique eu égard à une des activités visées par l’article 165 et non pas eu égard à une autre de ces activités puisque le caractère grave d’une telle atteinte repose sur l’analyse de la compatibilité des limitations fonctionnelles du travailleur avec les exigences physiques propres à chacun des travaux d’entretien courant.
________
3 C.A.L.P. 13003-09-8908, 27 mai 1993, R. Chartier
4 C.L.P. 124728-63-9910, 9 août 2000, J.-M. Charette
(Nos soulignements)
[141] La soussignée est d’avis qu’en ce qui a trait à la tonte des arbres et arbustes, il s’agit de travaux d’entretien que l’on peut qualifier d’occasionnels et non urgents. En ce sens, le tribunal ne peut qualifier de grave l’atteinte permanente que conserve le travailleur puisqu’il n’y a pas d’incompatibilité entre les limitations fonctionnelles du travailleur et les exigences physiques de cette tâche.
[142] Est-il nécessaire de rappeler que dans la présente affaire, les limitations fonctionnelles du travailleur ne l’empêchent pas d’effectuer de mouvements de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale, mais recommandent plutôt d’éviter d’effectuer ces mouvements de manière répétitive ou fréquente.
[143] Or, la tonte d’arbres ou d’arbustes peut être exécutée sur une période plus longue de temps, respectant ainsi le rythme du travailleur et les limitations fonctionnelles relatives aux mouvements de la colonne cervicale.
[144] De plus, le travailleur n’a aucunement mis en preuve qu’il sera soumis, de manière répétitive ou fréquente, à des contrecoups ou vibrations de basse fréquence en exécutant ces travaux.
[145] Devant l’absence complète de preuve quant aux outils et aux méthodes utilisés par le travailleur, le tribunal ne voit pas comment il pourrait en arriver à la conclusion que le travailleur a une atteinte permanente grave en lien avec ces travaux.
[146] Le tribunal rappelle que le fardeau de la preuve repose sur les épaules du travailleur qui réclame le remboursement de ces frais, fardeau qu’il n’a pas satisfait en l’espèce.
[147] Qu’en est-il des travaux de peinture extérieure et intérieure de son domicile?
[148] Avant sa lésion professionnelle, le travailleur effectuait tous les travaux de peinture.
[149] Le tribunal, bien que n’étant pas lié par la grille d’évaluation complétée par la CSST[7], partage son évaluation des exigences physiques relatives à la peinture, soit des exigences physiques élevées pour la colonne cervicale lors de la peinture des murs et plafonds, et faibles lors du découpage.
[150] Bien que les travaux de peinture aient un caractère occasionnel, soit aux deux ans pour la peinture extérieure et aux cinq ans pour la peinture intérieure, ils ne peuvent, de l’avis du tribunal, être fractionnés de la même façon que les travaux de tonte des arbres et arbustes.
[151] Afin de s’assurer de la qualité du travail fait, l’on doit compléter dans un assez court laps de temps, la peinture d’une pièce afin de s’assurer d’une certaine uniformité et d’une finition de qualité. Il est facile de concevoir que les travaux de peinture exigent des « mouvements fréquents ou répétitifs de flexion, d’extension et de torsion de la colonne cervicale », ce qui contrevient aux limitations fonctionnelles du travailleur.
[152] C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle en vient la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Joubert et E.F. Lavallée et CSST[8] qui comporte des similitudes avec le présent dossier puisque, dans cette affaire, le travailleur a également subi une lésion professionnelle à la colonne cervicale (entorse cervicale) et conserve des limitations fonctionnelles de classe 2 selon l’IRSST. Le tribunal s’exprime comme suit :
[108] Le tribunal considère que la peinture extérieure du domicile constitue une autre activité incompatible avec les limitations fonctionnelles de monsieur Joubert puisque cette activité implique notamment des mouvements fréquents de flexion, d'extension et de torsion de la colonne cervicale.
(Notre soulignement)
[153] Le tribunal conclut que le travailleur a droit au remboursement des frais de peinture intérieure (aux cinq ans) et extérieure (aux deux ans) de sa maison sur production des pièces justificatives.
[154] Finalement, en ce qui a trait au grand ménage annuel, le tribunal comprend des informations fournies par le travailleur à la conseillère en réadaptation, qu’avant sa lésion professionnelle, sa contribution au grand ménage se limitait au nettoyage des fenêtres et planchers.
[155] Partant du principe que l’article 165 de la loi permet à un travailleur de se voir rembourser les frais liés aux travaux d’entretien courant de son domicile « qu’il effectuerait normalement lui-même si ce n’était de sa lésion », le tribunal s’explique difficilement comment la CSST a pu conclure au remboursement de l’ensemble des frais liés au grand ménage annuel alors que le travailleur n’effectuait pas l’ensemble de ces travaux avant sa lésion professionnelle.
[156] De l’avis du tribunal, ce sont uniquement les tâches de lavage de planchers et de fenêtres qui doivent être analysées.
[157] Au sujet du lavage de planchers, le tribunal voit mal en quoi cette tâche contrevient aux limitations fonctionnelles du travailleur et rappelle que le travailleur n’a fourni aucune preuve à cet égard.
[158] Au contraire, il appert du rapport d’évaluation de la capacité fonctionnelle du travailleur daté du 27 mars 2007 et rempli par l’équipe multidisciplinaire de la firme Physio-Ergo que le travailleur lave le plancher de son domicile sur une base régulière, en respectant son rythme et en y procédant de manière fractionnée dans le temps.
[159] Le tribunal est donc d’avis que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais liés au lavage de planchers dans le cadre du grand ménage annuel puisque ces travaux ne contreviennent pas à ses limitations fonctionnelles.
[160] Le tribunal est du même avis en ce qui a trait au nettoyage de fenêtres, et ce, même si de prime abord, ces travaux exigent certains mouvements de flexion, extension ou torsion de la colonne cervicale.
[161] Tout comme pour les travaux de tonte d’arbres et arbustes, le tribunal considère qu’il s’agit de travaux occasionnels et non urgents pouvant être exécutés de manière fractionnée, tout en respectant le rythme du travailleur et ses limitations fonctionnelles puisque ces travaux n’ont pas à être exécutés dans un court laps de temps. De cette manière, le travailleur n’a pas à effectuer de mouvements répétitifs ou fréquents de la colonne cervicale.
[162] Vu ce qui précède, le tribunal conclut que le travailleur aura droit, selon les modalités prévues à la loi (production de pièces justificatives), au remboursement des frais liés à la peinture intérieure (aux cinq ans) et extérieure (aux deux ans) de son domicile.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 314915-04-0704
REJETTE la requête déposée par Ganotec inc., l’employeur, le 17 avril 2007;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et sécurité du travail le 11 avril 2007 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Rock Morin, le travailleur, conserve les limitations fonctionnelles suivantes à la suite de sa lésion professionnelle du 2 février 2006 :
· éviter les activités qui impliquent de soulever, porter, pousser ou tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant 15 kilos;
· éviter des activités qui impliquent d’effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, extension ou torsion de la colonne cervicale, même de faible amplitude;
· éviter les activités qui impliquent de façon répétitive ou fréquente de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale.
Dossier 326872-04-0708
ACCUEILLE en partie la requête déposée par l’employeur le 30 août 2007;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et sécurité du travail le 27 août 2007;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais de peinture extérieure (aux deux ans) et intérieure (aux cinq ans) de son domicile sur production de pièces justificatives.
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Ann Quigley |
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Commissaire |
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Me Éric Thibaudeau |
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Gowling Lafleur Henderson s.r.l. |
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Représentant de la partie requérante |
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M. Michel Cyr |
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Représentant de la partie intéressée |
[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] C.L.P. 198961-64-0302, 15 décembre 2003, L. Crochetière. Voir au même sujet : Leblanc et Centre de loisirs de Ham inc., C.L.P. 115687-32-9905, 1er mars 2002, P. Simard
[3] C.L.P. 122154-02-9908, 23 janvier 2002, P. Simard
[4] C.A.L.P. 16175-08-8912, le 25 septembre 1990, M. Cuddihy
[5] Précitée note 3, Benoît et Produits Électriques Bezo ltée et Produits d’éclairage Exacta Canada ltée (faillite), C.L.P. 144924-62-0008, 13 février 2001, R.L. Beaudoin; Dupuis et Service d’aide domestique enr., C.L.P. 132205-71-0002, 28 juin 2001, D. Lévesque; Méthot et Transport Y.G.B. inc. (fermée), C.L.P. 171379-63-0110, le 7 août 2002, R.-M. Pelletier; Barette et Centre Hospitalier Sainte-Jeanne-D’Arc [2004] C.L.P. 685
[6] C.L.P. 227586-61-0402, 28 juin 2004, G. Morin
[7] Gaulin et Bombardier inc., C.L.P. 198544-05-0301, 17 juin 2003, L. Boudreault
[8] C.L.P. 166814-64-0108, 16 mai 2005, M. Montplaisir
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