Bourassa et CH Université de Montréal |
2007 QCCLP 4717 |
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[1] Le 17 juillet 2006, monsieur David Bourassa (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 11 juillet 2006 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST infirme celle qu’elle a rendue le 13 avril 2006 et déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[3] À l’audience qui a eu lieu à Montréal, le 14 mars 2007, le travailleur était présent et il était représenté par monsieur Jean Desjardins. Le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (l’employeur) était représenté par Me Stéphanie Rainville.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que, le 29 janvier 2006, il était victime d’une maladie professionnelle, soit une parasitose (la gale) et qu’il a droit aux prestations prévues à la loi.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la présomption de l’article 29 de la loi trouve application en l’espèce et qu’elle n’a pas été renversée. Il accueillerait la requête du travailleur et déclarerait que ce dernier a été victime d’une maladie professionnelle, soit la gale, et qu’il a droit aux prestations prévues à la loi.
[6] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que si la présomption de maladie professionnelle trouve ici application, la preuve qui a été entendue permettrait d’en venir à la conclusion qu’elle a été renversée. Il rejetterait la requête du travailleur et déclarerait que celui-ci n’était pas victime d’une maladie professionnelle le 29 janvier 2006, et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues à la loi.
LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[7] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur était victime d’une maladie professionnelle le 29 janvier 2006.
[8] En l’espèce, la présomption de l’article 29 de la loi est pertinente. L’article 29 se lit comme suit :
29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
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1985, c. 6, a. 29.
[9] L’Annexe I de la loi à laquelle renvoie l’article 29 se lit comme suit à la section 2, laquelle est intitulée « Maladies causées par des agents infectieux » :
MALADIES |
GENRES DE TRAVAIL |
[…] |
[…] |
2. Parasitose |
un travail impliquant des contacts avec des humains, des animaux ou du matériel contaminé par des parasites, tels sarcoptes, scabiei, pediculus humanis; |
[…] |
[…] |
[10] Dans le cas sous étude, en janvier 2006, le travailleur était employé comme préposé aux bénéficiaires à l’hôpital Hôtel-Dieu. Il était également étudiant à temps plein en soins infirmiers. Comme préposé aux bénéficiaires, il était inscrit sur une liste de rappel et il était susceptible d’être affecté à diverses unités dont les soins intensifs et la salle d’urgence du 4e étage du Pavillon de Le Royer (unité d’orthopédie avec des patients venant de d’autres unités).
[11] Comme il avait terminé sa session en soins infirmiers le 15 décembre 2005, il était alors davantage disponible comme préposé aux bénéficiaires, et il n’avait évidemment pas à se présenter à ses cours.
[12] Le 29 janvier 2006, il travaillait de 16 heures à minuit, en temps supplémentaire à l’urgence. Il a été appelé à donner la bassine à un itinérant malpropre et l’a ensuite nettoyé. Il portait des gants pour faire ce travail. Il a remarqué que le patient portait des rougeurs sur son corps. La literie était sale et il a fallu refaire la civière. Il dit qu’il n’a pu éviter d’entrer en contact avec la literie.
[13] Selon le travailleur, à l’urgence de l’Hôtel-Dieu, il se présente assez régulièrement des itinérants dont les préposés aux bénéficiaires doivent s’occuper. Il y a aussi d’autres patients avec qui des contacts sont nécessaires.
[14] Lorsqu’il est retourné au poste infirmier, il a remarqué ce qu’il décrit comme étant des « piqûres de moustiques » en bordure de son gant, au niveau du poignet. À la fin de son quart de travail, il a découvert des marques de piqûres en ligne droite sur les deux bras ainsi qu’au poignet droit. Il n’y en avait toutefois pas ailleurs sur son corps.
[15] Le 30 janvier 2006, monsieur Bourassa s’est préparé à faire une visite à sa famille dans les Cantons de l’est. Il n’est resté là qu’une seule journée puisque ses cours ont repris le 1er février.
[16] Le 3 février 2006, il consulte un médecin qui pose le diagnostic de parasitose (gale). Il autorise un arrêt de travail de deux jours et lui prescrit des médicaments.
[17] Le même jour, le travailleur informe l’employeur de sa maladie. Le Bureau de santé de l’hôpital lui demande alors de trouver le porteur de la maladie qui lui a été transmise. Il dit qu’il s’est alors souvenu du patient itinérant dont il s’était occupé le 29 janvier et des « piqûres » qu’il avait remarqué à son bras après avoir donné des soins à ce patient. Il a revu celui-ci le 11 février 2006 alors qu’il était en isolement. Il est entré dans sa chambre et il a pu comparer ses lésions aux siennes. Il a constaté qu’elles étaient très similaires.
[18] Madame Colombe Gagnon, infirmière-chef à l’Hôtel-Dieu, a expliqué à l’audience que le travailleur l’a appelée, à deux reprises, pour lui demander si elle avait été informée de cas de gale à l’hôpital. Elle a répondu par la négative. Pour ce faire, elle a vérifié les données statistiques conservées à l’urgence, et elle a fait appel à sa propre mémoire. Selon un document préparé par l’hôpital concernant, entre autres, les patients et les diagnostics qui ont été posés à leur égard au niveau du triage, il n’y a pas eu de diagnostic de gale ou, encore, d’irruption cutanée chez les patients présents le 29 janvier 2006. S’il y avait eu un cas de gale, une procédure spéciale aurait été mise en place et suivie par le personnel pour prévenir la transmission. Il est cependant vrai que certains patients ont quitté l’hôpital avant d’avoir été pris en charge.
[19] Quant au patient itinérant dont monsieur Bourassa s’est occupé le 29 janvier 2006, madame Gagnon note que le document mentionné plus haut indique ce qui suit : « intoxication-autres. » Ce patient est bien connu de l’hôpital mais, dans son cas, le diagnostic de gale n’a jamais été posé. Il est vrai, cependant, qu’il s’agit d’une personne dont l’hygiène est inadéquate.
[20] Pour madame Gagnon, la maladie de la gale n’est pas courante et quand il s’en présente un cas, le personnel le remarque.
[21] Madame Marcelle Coutu était conseillère en gestion d’indemnisation à l’hôpital lorsque le travailleur a produit sa réclamation. À l’audience, elle dit qu’elle a vérifié auprès de madame Gagnon s’il y avait eu des cas de gale et elle a aussi vérifié auprès de la pharmacie de l’hôpital. Il s’avère qu’il n’y en a pas eu.
[22] À l’audience, le travailleur a produit des documents techniques pour soutenir sa réclamation.
[23] Pour le tribunal, tel que déjà indiqué, la présomption de maladie professionnelle de l’article 29 de la loi cité plus haut est pertinente à l’étude de la réclamation de monsieur Bourassa.
[24] En l’espèce, le diagnostic n’est pas contesté. Il s’agit de parasitose (gale). Ce diagnostic est mentionné à l’Annexe I de la loi. Pour que la présomption trouve application, il faut aussi que le travailleur démontre qu’il a exécuté un travail impliquant des contacts avec des humains contaminés par des parasites, tels sarcoptes, scabiei, pediculus humains, pour reprendre le texte de l’Annexe 1.
[25] En fait, il est clair que le travailleur, à titre de préposé aux bénéficiaires, a été en contact avec des humains durant la période de temps qui a précédé sa consultation à l’issue de laquelle le diagnostic de parasitose a été posé. Par contre, il n’est pas nécessaire de prouver que les personnes avec qui le travailleur a été en contact étaient contaminées[2]. On sait qu’il a initialement identifié un patient en particulier mais, en réalité, cela n’était pas nécessaire et le fait que ce dernier n’était pas « contaminé » n’est pas pertinent. La présomption de l’article 29 de la loi y trouve néanmoins application.
[26] Par ailleurs, l’employeur a tenté de renverser la présomption par une preuve selon laquelle il n’y aurait pas eu à l’époque pertinente de cas de patients à l’égard desquels un diagnostic de parasitose (gale) a été posé. Toutefois, le tribunal constate que cette preuve n’est pas très convaincante en ce qu’il demeure non seulement vraisemblable, mais probable, que des patients porteurs du parasite en question se soient présentés à l’urgence sans qu’on les détecte au triage ou même à l’examen compte tenu du type de « clientèle ».
[27] Tel que le travailleur l’a indiqué, une partie de la « clientèle » de l’urgence de l’Hôtel-Dieu est composée d’itinérants qui, fort probablement, sont sujets à être contaminés. Et ce n’est d’ailleurs pas la seule clientèle qui peut l’être. L’extrait d’une encyclopédie médicale produit par le travailleur indique que la gale est une affection très fréquente et cosmopolite. C’est une maladie très contagieuse et un seul contact suffit pour être infecté.
[28] Selon son témoignage, le travailleur n’aurait pas eu d’autres occasions d’être infecté que celle reliée à son travail comme préposé aux bénéficiaires. Admettons que, tout compte fait, sans en être certain, il est plus probable que le travailleur ait été contaminé au travail ou ailleurs.
[29] Ainsi, le tribunal considère que la présomption de maladie professionnelle n’a pas été renversée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Bourassa, le travailleur;
INFIRME la décision rendue le 11 juillet 2006 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur était victime d’une maladie professionnelle, soit une parasitose (gale), le 29 janvier 2006, et qu’il a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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Bertrand Roy |
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Commissaire |
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Monsieur Jean Desjardins |
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C.S.N. |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Stéphanie Rainville |
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MONETTE, BARAKETT & ASS. |
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Représentante de la partie intéressée |
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JURISPRUDENCE DÉPOSÉE PAR LE TRAVAILLEUR
Sylvie Ménard et C.E.T.A.M., CALP 62357-62-9408, le 24 novembre 1995, A.Archambault.
Roger Willett et Services d’assistance aux personnes handicapées, CLP 132190-71-0002, Longueuil, le 4 juin 2002, G. Godin.
AVIS :
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