Décision

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Gabarit de jugement pour la cour d'appel

Telus Communications inc. c. Syndicat québécois des employées et employés de Télus, section locale 5044 du SCFP

2012 QCCA 1453

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

N° :

200-09-007778-126

(100-17-001254-111)

 

DATE :

17 août 2012

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L'HONORABLE

GUY GAGNON, J.C.A.

 

 

TELUS COMMUNICATIONS INC.

REQUÉRANTE - Requérante

c.

 

SYNDICAT QUÉBÉCOIS DES EMPLOYÉS(ES) DE TÉLUS, SECTION LOCALE 5044 DU S.C.F.P.

INTIMÉ - Mis en cause

et

BRUNO LECLERC, ès qualités d'arbitre de griefs

MIS EN CAUSE - Intimé

 

 

JUGEMENT

 

 

[1]           La requérante me demande de l'autoriser à interjeter appel d'un jugement de la Cour supérieure (l'honorable Pierre Ouellet), rendu le 18 juin 2012[1], qui rejette sa demande de révision judiciaire d'une décision arbitrale[2], elle-même rendue le 23 novembre 2011.

[2]           Plaideuse victorieuse devant un tribunal d'arbitrage[3], elle est cependant déçue que son moyen préliminaire consistant à nier le droit à une salariée à l'essai de recourir à l'arbitrage, ait été rejeté par l'arbitre.

[3]           Estimant que cette décision était susceptible de faire tache d'huile, la requérante soutenait en première instance, comme elle le plaide maintenant devant moi, que le mis en cause « [Me Bruno Leclerc, en sa qualité d'arbitre de griefs] n'était pas investi de la compétence ratione materiae pour se saisir du grief, pièce R-6 ».

[4]           Qualifiant la situation de la requérante de « singulière », le juge de la Cour supérieure a proprio motu soulevé la question de son intérêt à demander la révision d'une décision arbitrale qui, sur le fond, lui était favorable. Par ailleurs, le juge ne manque pas de noter que la procédure de la requérante comporte en fait tous les aspects d'une requête en jugement déclaratoire.

[5]           Le juge s’est dit d'avis que les circonstances qui fondaient initialement la qualité de la requérante pour agir avaient disparu, le différend ayant été réglé par le rejet du grief en faveur de la requérante.

[6]           Comme la demande de révision judiciaire portait sur une question distincte de celle sur laquelle l'arbitre s'est prononcé pour trancher le différend, le juge de la Cour supérieure, par souci d'économie des ressources judiciaires, a plutôt choisi de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire de trancher la requête compte tenu que le litige était, selon lui, devenu théorique[4]. Avec égards, je ne vois pas dans cette conclusion la démonstration d'une erreur manifeste.

[7]           La requérante a par ailleurs tort de croire que seulement un jugement de nature déclaratoire prononcé par une cour supérieure pourrait empêcher que la décision préliminaire rendue par l'arbitre fasse désormais partie du paysage jurisprudentiel arbitral. À cet égard, le juge a eu raison d'énoncer que la règle du stare decisis ne lie pas l'arbitre de griefs[5].

[8]           De plus, l'argument de la requérante nie le principe de l'autonomie et de l'indépendance institutionnelle de l'arbitre qui demeure libre de s'écarter autant de la jurisprudence arbitrale dominante que de celle émanant des tribunaux judiciaires à condition, bien entendu, que sa décision relève de sa compétence et qu'elle fait partie des issues possibles[6].

[9]           Par ailleurs, la recherche de la cohérence jurisprudentielle à laquelle doit s'astreindre l'arbitre n'a pas un caractère absolu[7]. En l'espèce, la décision contestée ne constitue pas un obstacle insurmontable en vue d'obtenir devant un autre arbitre une décision différente.

[10]        J'ajoute sur cette question que la doctrine est d'avis que la révision judiciaire d'une décision préliminaire devrait être réservée aux situations exceptionnelles[8], ce qui n'a pas été ici démontré.

[11]        Cela dit, comme l'entente collective en cause est pour un temps déterminé, les parties pourront toujours à son échéance aborder les préoccupations de la requérante.

[12]        Finalement, l'argument de la « tache d'huile » est elle-même hypothétique puisqu'elle n'est appuyée d'aucune preuve permettant de croire que la décision sur l'objection préliminaire relative au droit à l'arbitrage de salariés « à l'essai » est une question susceptible pour l'avenir de perturber les opérations de l'entreprise.

[13]        Bref, j'estime que les fins de la justice ne requièrent pas que notre Cour se saisisse de l'appel projeté.

Pour ces motifs, le soussigné :

[14]        rejette la requête avec dépens.

 

 

 

 

 

GUY GAGNON, J.C.A.

 

Me Jean-François Dolbec

Heenan, Blaikie

Pour la requérante

 

Me Audrey Limoges-Gobeil

Syndicat canadien de la fonction publique

Pour l'intimé

 

Date d’audience :

16 août 2012

 



[1]     Telus Communications inc. c. Leclerc, J.E. 2012-1435 (C.S.), 2012 QCCS 2792 .

[2]     Telus Communications inc. et Syndicat québécois des employés(es) de Telus, section locale 5044 du SCFP et Marie-Ève Caron, décision de l'arbitre B. Leclerc du 23 novembre 2011.

[3]     Code canadien du travail, L.R.C. (1985), c. L-2, partie 1.

[4]     Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342 .

[5]     Syndicat de l'enseignement de la région de Laval c. Commission scolaire de Laval, J.E. 2012-1045 (C.A.), 2012 QCCA 827 , paragr. 58.

[6]     Essex County Roman Catholic School Board v. Ontario English Catholic Teachers' Assn. (2001), 56 O.R. (3d) 85 (C.A. Ont.), paragr. 21, 34, 35 et 37.

[7]     Domtar Inc. c. Québec (Commission d'appel en matière de lésions professionnelles), [1993] 2 R.C.S. 756 , p. 788.

[8]     Rodrigue Blouin et Fernand Morin, Droit de l'arbitrage de grief, 5e éd., Éditions Yvon Blais, 2000, p. 364.

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