______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[1] Le 31 octobre 2003, madame Danielle Maither (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle elle conteste une décision rendue le 2 octobre 2003 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue le 19 mars 2003 et déclare que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle.
[3] L’audience a eu lieu le 31 mai 2004. La travailleuse était assistée d’un représentant syndical. Le Vieux-Port de Montréal (l’employeur) était représenté par un membre de son personnel.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’elle était victime d’une maladie professionnelle, soit une fasciite plantaire bilatérale, le 4 janvier 2003. Subsidiairement, elle demande de reconnaître qu’elle a été victime d’un accident du travail, soit par microtraumatismes ou d’une aggravation d’une condition personnelle préexistante.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la travailleuse a subi une lésion professionnelle sous la forme d’une maladie professionnelle en raison des risques particuliers de son travail. En effet, elle devait demeurer debout sur une surface dure sept heures par jour, cinq jours par semaine, notamment dans les semaines qui ont précédé son arrêt de travail, le 4 janvier 2003. Il accueillerait la requête de la travailleuse.
[6] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la travailleuse a subi une lésion professionnelle à la suite de son entrée en fonction dans un nouveau travail. Ce travail l’obligeait à demeurer debout et à marcher sur une surface dure tout le temps pendant son quart de travail. Elle a donc été victime d’un événement imprévu et soudain qui est responsable de sa fasciite plantaire bilatérale. Il n’y a aucune condition personnelle préexistante qui pourrait expliquer plus vraisemblablement sa condition. Elle accueillerait la requête de la travailleuse.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] La Commission des lésions professionnelles doit décider si, le 4 janvier 2003, la travailleuse était victime d’une lésion professionnelle, soit une fasciite plantaire bilatérale.
[8] L’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) définit ainsi la lésion professionnelle :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[9] En l’espèce, l’article 30 de la loi trouve application. Il se lit comme suit :
30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
__________
1985, c. 6, a. 30.
[10] La Commission des lésions professionnelles retient les éléments suivants de la preuve qui, par ailleurs, n’a pas été contredite.
[11] Âgée de 47 ans, la travailleuse a été embauchée en mai 2002 par l’employeur comme éducatrice scientifique. Au cours des deux années qui ont précédé, elle travaillait dans un poste sédentaire, à titre de secrétaire. Auparavant, elle a achevé des études de maîtrise et elle a également passé plusieurs années au foyer.
[12] Ainsi, au mois de mai 2002, la travailleuse a commencé son travail d’éducatrice scientifique. Il s’agissait de circuler dans des salles d’exposition pour fournir des explications aux visiteurs.
[13] Initialement, la travailleuse était à temps partiel mais elle acceptait toujours le travail additionnel qu’on lui confiait. Elle en est donc rapidement venue à travailler sept heures par jour, cinq jours par semaine. Selon les heures travaillées, elle avait droit à une pause d’une demi-heure pour le dîner et deux pauses de 15 minutes qu’elle ne prenait cependant pas toujours dans leur intégralité.
[14] Elle dit qu’elle devait rester debout constamment (90% de son temps) et circuler dans les salles d’exposition où elle était affectée. Dans les corridors, le plancher était de béton alors que dans les salles elles-mêmes, les planchers de béton pouvaient être couverts d’un matériau rigide dont on ne connaît pas la composition.
[15] Vers le mois d’octobre ou novembre 2002, la travailleuse a commencé à ressentir de la « fatigue » dans les pieds et elle s’en est plainte à ses collègues. Elle n’a cependant pas consulté puisque ses symptômes n’étaient pas assez sérieux.
[16] Le 17 décembre 2002, elle a été appelée à remplacer un collègue et elle est passée à huit heures de travail par jour, cinq jours par semaine.
[17] À la fin du mois de décembre, elle a commencé à ressentir une vive douleur à la plante des pieds. Elle a commencé à s’absenter et elle a consulté un premier médecin qui l’a dirigée vers un orthopédiste sans se prononcer sur sa condition. Finalement, le 4 janvier 2003, elle a vu le docteur Payette qui a posé le diagnostic de fasciite plantaire bilatérale. Ce médecin a autorisé un arrêt de travail.
[18] Ce diagnostic a ensuite été confirmé par le docteur Payette et la travailleuse a déposé une demande d’indemnisation à la CSST. Cette demande a été refusée, tel que déjà indiqué.
[19] À l’audience, la travailleuse a expliqué qu’elle pratique le vélo, la natation et, un peu, la marche. Elle n’a jamais eu de problèmes similaires antérieurement et un bilan médical a été effectué spécifiquement pour éliminer une condition purement personnelle. Elle n’a subi aucun traumatisme aux pieds sauf pour le travail comme éducatrice du mois de mai 2002 au mois de janvier 2003.
[20] Pour sa part, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le travail effectué par la travailleuse dans les conditions décrites est responsable de sa condition de fasciite plantaire bilatérale.
[21] Avant le mois de mai 2002, elle occupait un emploi sédentaire et elle n’avait certes pas l’habitude de passer six ou sept heures par jour debout sur une surface rigide. Par ailleurs, la bilatéralité de sa condition est sans doute reliée au fait que ses pieds étaient également exposés.
[22] Selon un document que la travailleuse a déposé à l’audience, une orthésiste a constaté que si dans l’ensemble ses pieds sont normaux, on peut dire que ses tendons d’Achille sont un peu courts et ses pieds moins flexibles. Cela pourrait avoir favorisé l’apparition d’une fasciite plantaire bilatérale chez elle, comme l’indique la doctrine médicale qu’elle a déposée à l’audience.
[23] Le tribunal considère que la condition de la travailleuse est associée directement aux risques particuliers du travail d’éducatrice scientifique qu’elle a occupé du mois de mai 2002 au mois de janvier 2003. Elle a donc été victime d’une maladie professionnelle au sens de l’article 30 de la loi.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de la travailleuse, madame Danielle Maither ;
INFIRME la décision rendue le 2 octobre 2003 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE que, le 4 janvier 2003, la travailleuse était victime d’une lésion professionnelle, soit une fasciite plantaire bilatérale et qu’elle a droit, par conséquent, aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles à compter de cette date.
|
|
|
Me Bertrand Roy |
|
Commissaire |
|
|
|
|
|
|
|
|
Monsieur Michel Houle |
|
ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE |
|
Représentant de la partie requérante |
|
|
|
|
|
Madame Nadia Popivanova |
|
VIEUX-PORT DE MONTRÉAL |
|
Représentante de la partie intéressée |
JURISPRUDENCE DÉPOSÉE PAR LA TRAVAILLEUSE
Déry et Industries FDS inc., C.L.P. 90984-03A-9709, 9 avril 1998, M. Renaud ;
Société canadienne des Postes et Marois, C.L.P. 120730-62B-9907, 8 mai 2000, J. - M. Dubois ;
Lespérance et Ville de Boucherville, C.L.P. 131528-62-0002, 27 septembre 2000, L. Couture.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.