Roussel et Pneu Bélisle Laval inc. |
2009 QCCLP 604 |
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[1] Après examen et audition et après avoir reçu l'avis des membres, la Commission des lésions professionnelles rend la décision suivante.
[2] ATTENDU que, le 29 septembre 2005, monsieur Rénald Roussel (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 21 septembre 2005, à la suite d’une révision administrative;
[3] ATTENDU que par cette décision, la CSST confirme celles qu’elle a initialement rendues les 7, 8 et 28 juillet 2005;
[4] ATTENDU que la CSST, en révision administrative donnant suite à l’avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale (le BEM), déclare entre autres que les soins et traitements ne sont plus nécessaires depuis le 21 juin 2005;
[5] ATTENDU que la CSST déclare que le travailleur conserve de sa lésion professionnelle une atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique de l’ordre de 2,20 %;
[6] ATTENDU que la CSST déclare que le travailleur est capable d’exercer l’emploi convenable de préposé au service à la clientèle à compter du 8 août 2005;
[7] ATTENDU que l’audience s’est tenue le 4 décembre 2008 à Joliette en présence du travailleur qui n’était pas représenté;
[8] ATTENDU que la compagnie Pneu Bélisle Laval inc. était représentée par monsieur Jean Normand;
[9] ATTENDU que la CSST a avisé le tribunal, le matin de l’audience, qu’elle ne serait pas représentée;
[10] ATTENDU que la cause a été mise en délibéré le 12 janvier 2009 après que le travailleur eût déposé la liste des médicaments qu’il consomme;
[11] ATTENDU que le travailleur demande uniquement de déclarer qu’il a droit au remboursement des médicaments qu’il consomme pour sa condition lombaire;
[12] ATTENDU que, le 29 octobre 2004, le travailleur est représentant des ventes chez l’employeur qui est un détaillant de pneus;
[13] ATTENDU qu’au moment des événements le travailleur est âgé de 55 ans;
[14] ATTENDU qu’à cette occasion le travailleur s’est blessé en soulevant les pneus d’un camion pour les rapporter au garage de l’employeur;
[15] ATTENDU qu’une entorse lombaire est diagnostiquée comme résultant de cet événement;
[16] ATTENDU que la CSST a accepté la réclamation du travailleur à titre d’accident du travail;
[17] ATTENDU qu’un avis d’un membre du BEM est requis sur les questions du diagnostic, de la date de consolidation, de la nécessité des soins et de l’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique et de limitations fonctionnelles;
[18] ATTENDU que, le 23 juin 2005, le docteur Fournier, orthopédiste et membre du BEM, diagnostique une entorse lombaire sur une condition personnelle de discopathie multiétagée de la colonne lombaire;
[19] ATTENDU que la date de consolidation et la date de la suffisance des soins sont fixées au 21 juin 2005;
[20] ATTENDU que le docteur Fournier rapporte que le travailleur se plaint lors de l’examen de douleurs très importantes à la jonction thoracolombaire;
[21] ATTENDU que le travailleur rapporte qu’il ne peut marcher sur une longue distance;
[22] ATTENDU que le travailleur indique vaquer à ses activités quotidiennes avec une grande difficulté;
[23] ATTENDU que le travailleur rapporte que la douleur l’éveille environ trois à quatre fois par nuit;
[24] ATTENDU que le docteur Fournier est d’avis que l’ensemble de ces plaintes est lié à une condition personnelle de maladie discale dégénérative;
[25] ATTENDU que le docteur Fournier rapporte que le travailleur a subi une entorse lombaire en 2004 après être tombé sur la glace; il n’a pas d’autre antécédent lombaire;
[26] ATTENDU que le docteur Fournier octroie une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2 % et des limitations fonctionnelles de classe 1;
[27] ATTENDU que le travailleur, à la suite de cet avis, est dirigé au Service de réadaptation de la CSST;
[28] ATTENDU que, le 2 juillet 2005, le travailleur a subi un accident d’automobile, soit une entorse dorsale et une aggravation d’une entorse lombaire sur une condition préexistante et un trouble de l’adaptation;
[29] ATTENDU que la CSST a déterminé, le 28 juillet 2005, que le travailleur était capable d’exercer l’emploi convenable de préposé au service à la clientèle chez son employeur à compter du 8 août 2005;
[30] ATTENDU que, le 3 avril 2006, le médecin traitant du travailleur, la docteure Céline Gaudet, mentionne dans un Rapport médical que le travailleur doit changer de position fréquemment et respecter des limitations fonctionnelles sévères;
[31] ATTENDU que le travailleur consomme alors divers médicaments contre la douleur, tels Duragésic, Élavil, Remeron;
[32] ATTENDU que, le 13 juillet 2006, le travailleur est examiné par le docteur Louis Côté, psychiatre, à la demande de la SAAQ;
[33] ATTENDU que ce médecin rapporte que le travailleur a constaté une augmentation de ses symptômes musculosquelettiques après l’accident d’automobile du 2 juillet 2005;
[34] ATTENDU que le travailleur doit utiliser une canne pour marcher et que la marche ou la position stationnaire prolongée augmentent les douleurs lombaires;
[35] ATTENDU que le docteur Côté note que la docteure Gaudet a prescrit des médicaments contre la douleur : Clonazepam, Remeron, Zyprexa zydis, Lyrica, Levate;
[36] ATTENDU que, le 18 octobre 2006, une décision conjointe a été rendue;
[37] ATTENDU que par cette décision, la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) indique entre autres ce qui suit :
[…]
Puisque l’indemnité versée par la CSST a pris fin, la Société vous versera une indemnité de 871,37 $ aux 14 jours à partir du 8 août 2005 pour votre accident d’automobile, et ce, jusqu’au 31 octobre 2006.
[…]
[38] ATTENDU que le travailleur a contesté cette décision à la Commission des lésions professionnelles, mais qu’il s’est désisté de cette contestation;
[39] ATTENDU que le travailleur a produit à l’audience une décision de la SAAQ datée du 20 septembre 2007;
[40] ATTENDU que cette décision déclare le travailleur incapable d’exercer tout emploi et que la SAAQ poursuivra le versement d’une indemnité;
[41] ATTENDU que, le 19 février 2007, le travailleur a été examiné à sa demande par le docteur Gilles Roger Tremblay, chirurgien orthopédiste;
[42] ATTENDU que le médecin rapporte que le travailleur peut marcher environ 30 minutes et que sa tolérance en position assise est de 15 minutes, il est incapable de courir;
[43] ATTENDU que le médecin note que le travailleur consomme les médicaments Duragésic, Lyrica, Xyprexa, Césamet, Clonazépam et Levate;
[44] ATTENDU que le docteur Tremblay est d’avis que considérant les douleurs intenses ressenties par le travailleur il doit consommer les médicaments Lyrica, Duragésic et Césamet puisqu’ils sont en relation avec les accidents subis;
[45] ATTENDU que le travailleur a produit la liste des médicaments prescrits par la docteure Gaudet;
[46] ATTENDU que cette liste contient entre autres les médicaments Lyrica, Cesamet et Duragésic (Fentamyl);
[47] ATTENDU que le travailleur affirme qu’il consomme ces médicaments depuis la survenance de son accident du travail et qu’ils lui ont été prescrits pour aider à soulager la douleur;
[48] ATTENDU que le travailleur prétend qu’il doit utiliser ces médicaments pour être capable de supporter ses douleurs au dos;
[49] ATTENDU que le travailleur rappelle que ces douleurs existaient au moment où sa lésion professionnelle a été consolidée;
[50] Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales ont un avis unanime soit d’accueillir la requête du travailleur et de déclarer qu’il a droit au remboursement des médicaments pour son dos;
[51] CONSIDÉRANT que la Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement du coût des soins et traitements pour son dos après la consolidation de sa lésion professionnelle;
[52] CONSIDÉRANT que l’article 188 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit ce qui suit :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
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1985, c. 6, a. 188.
[53] CONSIDÉRANT que l’article 189 de la loi prévoit ce qui suit :
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :
[…]
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
[…]__________
1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.
[54] CONSIDÉRANT que l’article 2 de la loi définit la consolidation de la manière suivante :
« consolidation » : la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.
[55] CONSIDÉRANT que la jurisprudence[2] du tribunal a précisé que la consolidation d’une lésion intervient lorsqu’il n’y a plus d’amélioration prévisible, que les soins ne sont plus utiles et qu’il n’y a plus de traitements qui, d’une manière prévisible, peuvent amener une amélioration.
[56] CONSIDÉRANT que le travailleur ne prétend pas que la lésion professionnelle du 29 octobre 2004 n’est pas consolidée;
[57] CONSIDÉRANT que le travailleur n’a soumis aucun argument permettant de modifier l’avis du docteur Fournier sur la nécessité de poursuivre les soins ou traitements après la date de consolidation, et ce, au strict point de vue curatif;
[58] CONSIDÉRANT que le travailleur soumet qu’il doit consommer des médicaments pour soulager la douleur qui résulte de sa condition lombaire et qui persiste;
[59] CONSIDÉRANT que le travailleur réclame le remboursement du coût des médicaments et des soins à titre de support;
[60] CONSIDÉRANT que le travailleur a prouvé que s’il ne consommait pas ces médicaments il serait incapable de vaquer à ses activités quotidiennes, du moins dans la mesure où il les exécute;
[61] CONSIDÉRANT que plusieurs médecins ont mentionné que le travailleur consommait des médicaments contre la douleur afin de soulager ses douleurs lombaires, et ce, depuis la survenance de l’accident du 29 octobre 2004;
[62] CONSIDÉRANT que le tribunal a pu lui-même constater la condition physique du travailleur et en particulier le fait qu’il devait se déplacer avec une cane en regard de ses douleurs lombaires;
[63] CONSIDÉRANT que la jurisprudence du tribunal a déjà reconnu le droit pour un travailleur d’être remboursé du coût de certains soins et traitements après la consolidation d’une lésion professionnelle;
[64] CONSIDÉRANT que dans l’affaire Van Dyck et Souvenirs Avanti[3], la Commission des lésions professionnelles écrit ce qui suit, propos avec lesquels le présent tribunal est d’accord :
D'autre part, la travailleuse a continué à se voir prescrire et à suivre des traitements de physiothérapie en piscine en raison de sa douleur chronique. Ces traitements d'aquathérapie, selon la preuve, constituent davantage un traitement de support pour maintenir sa condition plutôt qu'un traitement pour améliorer sa condition. Or, bien que la lésion de la travailleuse soit consolidée le 17 mars 1999, la Commission des lésions professionnelles considère qu'elle peut continuer à bénéficier de traitements de physiothérapie en piscine qui, selon ses médecins, sont nécessaires au maintien de la consolidation de sa lésion. En effet, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles et la Commission des lésions professionnelles reconnaissent (en application de l'article 188 et suivants de la Loi), notamment que, malgré la consolidation d'une lésion professionnelle, en présence d'une atteinte permanente à l’intégrité physique et de limitations fonctionnelles, différentes mesures thérapeutiques dites de support peuvent être nécessaires, même après la date de consolidation d'une lésion professionnelle1.
(Notre soulignement)
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1 Tarricone et Équipement spécialisé international C.E.I. inc., C.A.L.P. 06915-60-8803, 91- 06-20, J.-G. Béliveau; Turcotte et Garage Noël Lessard inc., C.A.L.P. 39629-03-9205, 94- 11-04, C. Bérubé (décision accueillant la requête en révision); Rodrigue et J.H. Janelle ltée, C.L.P. 103450-62B-9808, 99-09-15, N. Blanchard.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête de Rénald Roussel, le travailleur;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 21 septembre 2005, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que, malgré la consolidation de sa lésion professionnelle, le travailleur a droit au remboursement des traitements et soins de support, dont les médicaments contre la douleur qu’il consomme.
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Luce Morissette |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.