Rainville et MGR Fabrication et réparation inc. |
2011 QCCLP 7589 |
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[1] Le 8 juin 2011, monsieur Gabriel Rainville (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 12 mai 2011 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 9 mars 2011 et déclare qu’elle accepte de payer les frais de déneigement du balcon, le grand ménage annuel et les frais de peinture intérieure du logement du travailleur. Elle précise et qu’il s’agit des seuls travaux admissibles à un remboursement de la part de la CSST à titre de frais d’entretien courant du domicile.
[3] L’audience s’est tenue le 27 septembre 2011 en présence du travailleur et de son représentant. Après réception de certains documents requis par le tribunal auprès du travailleur, le dossier a été mis en délibéré le 3 novembre 2011.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais d’entretien courant de son domicile totalisant 1008 $, inclus aux coûts de son loyer pour un bail d’appartement débutant le 1er novembre 2010 jusqu’au 31 octobre 2011.
[5] Les frais pour lesquels le travailleur demande le remboursement sont les suivants : déneigement, entretien de la pelouse, entretien du parterre, entretien de l’entrée extérieure avant et arrière et le ménage de l’entrée intérieure avant et arrière de l’appartement 217 de la rue Paul-H. Frigon.
LES FAITS
[6] Le 25 novembre 2005, le travailleur est victime d’une lésion professionnelle sous forme d’une entorse lombaire greffée sur une discarthrose multi-étagée.
[7] Le 13 juillet 2007, le docteur Pierre-L. Auger produit le rapport d’évaluation médicale. Il retient des limitations fonctionnelles de classe IV. Le travailleur doit :
- Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de soulever, porter, pousser, tirer des charges dépassant environ 5 kilos;
- Éviter de travailler en position accroupie;
- Éviter de ramper et de grimper;
- Éviter d’effectuer des mouvements avec des amplitudes de flexion, extension ou torsion de la colonne lombaire même de faible amplitude;
- Éviter de subir des vibrations de basses fréquences ou de contrecoups à la colonne vertébrale;
- Éviter de monter fréquemment plusieurs escaliers, marcher en terrain accidenté ou glissant, marcher longtemps;
- Éviter de garder la même posture debout ou assise plus de 30 à 60 minutes;
- Éviter de travailler dans des positions instables;
- Éviter d’effectuer des mouvements répétitifs des membres inférieurs.
[8] Le 20 juin 2008, la Commission des lésions professionnelles[1] rend une décision et déclare que le travailleur a droit au remboursement du coût d’achat d’un quadriporteur.
[9] Aussi, elle confirme que le travailleur a droit au remboursement des travaux d’entretien courant de son domicile, soit le déneigement, la tonte du gazon, le ratissage des feuilles et la peinture intérieure et extérieure, mais jusqu’à concurrence du maximum annuel prévu à la loi, et ce, pour l’ensemble de ces travaux. Il est à noter que le travailleur contestait uniquement le montant accordé par la CSST. Le juge administratif est d’avis que le remboursement doit être limité au maximum annuel prévu à la loi.
[10] En octobre 2010, le travailleur quitte sa résidence personnelle située sur la route 122 à Saint-Guillaume, pour habiter un appartement situé au premier étage chez les logements Colbico. Le bail est d’une durée de 12 mois, du 1er novembre 2010 au 31 octobre 2011 et concerne l’appartement 217, rue Paul-H. Frigon à Drummondville.
[11] En audience, le travailleur explique qu’avant de procéder à la signature de son bail de logement, il s’est informé auprès de la CSST quant aux frais d’entretien courant de son domicile qui pourraient lui être remboursés pour cet appartement. Le travailleur ne peut identifier la personne qui lui a répondu, mais affirme qu’il a été rassuré quant au fait que ces frais lui seraient remboursés, même s’ils étaient inclus dans le coût du loyer. Pour ce faire, le travailleur devait alors produire une annexe détaillant les différents coûts reliés à l’entretien assumé par le propriétaire et inclus à même le coût du loyer.
[12] Au bail du logement signé le 17 octobre 2010, à la section E intitulée Services et conditions, il est écrit que l’enlèvement de la neige au niveau du stationnement, de l’entrée et de l’escalier est assumé par le propriétaire tandis que l’enlèvement de la neige sur le balcon doit être fait par le locataire. Le loyer mensuel est de 640 $.
[13] À la demande du travailleur, le propriétaire des immeubles à logements Colbico a estimé le coût de chaque service inclus dans le prix du loyer, ramené sur 12 mois. Un document signé par le propriétaire ainsi que par le travailleur daté du 1er novembre 2010 se lit comme suit :
FRAIS D’ENTRETIEN |
COÛT PAR MOIS |
Déneigement :
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15 $ |
Entretien de la pelouse :
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19 $ |
Entretien du parterre :
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05 $ |
Entretien de l’entrée 217 extérieure avant et arrière : |
20 $ |
Ménage de l’entrée intérieure du 217 avant et arrière : |
25 $ |
[14] Le travailleur explique en audience que ces tâches sont effectuées par des locataires ou des sous-traitants. Le propriétaire réduit le coût du loyer d’un locataire, dans l’éventualité où il se charge d’une ou plusieurs de ces tâches. Le coût que représente cette réduction accordée par le propriétaire est alors partagé entre les autres locataires qui bénéficient du service.
[15] Le travailleur explique aussi qu’il a l’usage exclusif du parterre et de la pelouse et que les frais d’entretien sont donc assumés entièrement par lui, à même le coût de son loyer. Quant à l’entretien des entrées communes extérieures, les frais sont divisés entre les usagers. Pour le ménage des entrées (hall) intérieures, les frais sont partagés avec le voisin du même étage.
[16] Le tribunal comprend que pour le déneigement du stationnement, les frais sont assumés par l’ensemble des locataires qui bénéficient d’une ou deux places de stationnement, toujours à même le coût de leur loyer.
[17] À une question du tribunal, le travailleur répond que le propriétaire lui a offert de faire lui-même ces tâches pour diminuer le coût de son loyer, ce qu’il est incapable de faire.
[18] Le 8 novembre 2010, le travailleur communique avec la CSST pour effectuer son changement d’adresse et obtenir de l’information quant au remboursement des travaux d’entretien courant de son appartement. La CSST l’informe qu’il devra produire une copie de son bail indiquant quels sont les travaux compris dans le coût de son loyer et ceux qui sont à sa charge. Le travailleur transmet ce document à la CSST.
[19] Le 9 mars 2011, la CSST rend une décision et accepte de payer pour ce qui n’est pas inclus dans le coût du loyer, soit le déneigement du balcon, le grand ménage annuel et la peinture intérieure. Le reste n’est pas admissible à un remboursement parce que ces frais sont inclus dans le coût du loyer. Le 12 mai 2011, la révision administrative de la CSST confirme cette décision.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[20] Le représentant du travailleur plaide que le bail confirme l’entente intervenue entre le travailleur et son propriétaire suivant la location d’un appartement débutant le 1er novembre 2010 et se terminant le 31 octobre 2011.
[21] Il plaide aussi que la CSST a déjà rendu une décision confirmant que le travailleur a droit à certains travaux qu’il ne peut effectuer à cause de ses limitations fonctionnelles.
[22] Le représentant du travailleur est d’avis que les besoins sont les mêmes qu’auparavant, soit lorsqu’il habitait à Saint-Guillaume et que les frais qui sont inclus dans le coût du loyer représentent des frais d’entretien courant du domicile qui doivent être remboursés par la CSST au travailleur.
[23] Ces frais ramenés en mensualités sont de 84 $ pour un total de 1008 $ pour la durée du bail débutant le 1er novembre 2010 et se terminant le 31 octobre 2011.
L’AVIS DES MEMBRES
[24] Le membre issu des associations syndicales de même que le membre issu des associations d’employeurs partagent le même avis. Ils considèrent que, sauf pour les frais d’entretien du parterre qui ne constituent pas des frais d’entretien courant du domicile, le travailleur a droit au remboursement des autres frais réclamés pour son nouveau domicile situé sur la rue Paul-H. Frigon, jusqu’à concurrence du maximum annuel prévu à la loi.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[25] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement par la CSST des frais d’entretien courant du domicile inclus au coût du loyer pour un bail de logement débutant le 1er novembre 2010 et se terminant le 31 octobre 2011.
[26] En l’espèce, il n’est pas remis en question que le travailleur ait droit à la réadaptation et à l’application des mesures de réadaptation sociale.
[27] Il n’est pas remis en question non plus que l’appartement situé sur la rue Paul-H. Frigon soit le domicile du travailleur, celui-ci ayant quitté sa résidence située à Saint-Guillaume.
[28] En matière de réadaptation sociale, la CSST peut autoriser le remboursement du coût des travaux d’entretien courant du domicile. Ceci est prévu à l’article 152 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) :
152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :
1° des services professionnels d'intervention psychosociale;
2° la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;
3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;
4° le remboursement de frais de garde d'enfants;
5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.
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1985, c. 6, a. 152.
[29] Les coûts des travaux d’entretien courant du domicile sont cependant limités à 1500 $ par année :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
__________
1985, c. 6, a. 165.
[30] Ce montant, revalorisé chaque année, est pour l’année 2010 limité à 2847 $ et pour l’année 2011 à 2895 $.
[31] En l’instance, la CSST a accepté de rembourser les frais de déneigement du balcon, de la peinture intérieure et du grand ménage annuel de l’appartement. Ces items ne sont donc pas remis en cause par le travailleur.
[32] Le travailleur réclame le remboursement des frais suivants pour l’entretien courant de son nouveau domicile : le déneigement, l’entretien de la pelouse, l’entretien du parterre, l’entretien de l’entrée extérieure avant et arrière de l’appartement 217 et le ménage de l’entrée intérieure avant et arrière.
[33] Dans la décision[3] précitée, le juge administratif Watkins confirme notamment que le travailleur a droit au remboursement de certains frais demandés, tels le déneigement, la tonte du gazon et le ratissage des feuilles pour son domicile situé à Saint-Guillaume, soit avant son déménagement.
[34] Le tribunal considère que le droit au remboursement des frais de déneigement et d’entretien de la pelouse demandés par le travailleur pour son appartement de la rue Paul-H. Frigon est toujours nécessaire compte tenu des limitations fonctionnelles permanentes du travailleur et que ceux-ci s’apparent aux frais déjà accordés par la Commission des lésions professionnelles[4]. Le travailleur a donc droit, en théorie, à leur remboursement.
[35] Il reste maintenant à décider si le travailleur a droit au remboursement des frais pour l’entretien extérieur des entrées avant et arrière de l’appartement 217 ainsi que du ménage des entrées intérieures (hall) avant et arrière de l’appartement 217.
[36] Même si ces entrées sont communes à plus d’un appartement, il s’agit des entrées utilisées par le travailleur pour accéder à son logement et le coût de leur entretien et du ménage est divisé entre les usagers. Ce que réclame le travailleur est la part qu’il doit assumer.
[37] De l’avis du tribunal, l’entretien et le ménage de ces espaces nécessitent des mouvements et impliquent des postures qui contreviennent aux limitations fonctionnelles de classe IV attribuées au travailleur à la suite de sa lésion professionnelle du 25 novembre 2005. Le travailleur ne peut donc effectuer ses travaux lui-même et il a droit au remboursement des frais qui y sont reliés.
[38] En ce qui concerne les coûts d’entretien du parterre, la Commission des lésions professionnelles[5] a déjà décidé que ces frais n’étaient pas admissibles à un remboursement, car ils constituent en quelque sorte un passe-temps et ne sont pas essentiels au maintien en bon état du domicile. Ils ne peuvent donc être remboursés au travailleur.
[39] La seule question qui demeure est celle de savoir si le fait que les frais de déneigement, d’entretien de la pelouse, d’entretien de l’entrée extérieure avant et arrière de l’appartement 217 et le ménage de l’entrée intérieure (hall) avant et arrière de cet appartement soient inclus dans le coût du loyer, est un empêchement à leur remboursement par la CSST.
[40] Le tribunal considère que le fait que ces frais soient, pour la période du 1er novembre 2010 au 31 octobre 2011, assumés par le travailleur à même le coût de son loyer, ne peut constituer un empêchement à leur remboursement par la CSST.
[41] Le travailleur a expliqué qu’il aurait bénéficié d’une réduction équivalente du coût de son loyer s’il avait été en mesure de faire ces travaux lui-même. Par conséquent, il a droit au remboursement de ces frais à titre de frais d’entretien courant de son domicile, car ces dépenses ont été réellement engagées par le travailleur, par la privation d’une réduction équivalente.
[42] Le tribunal précise que les remboursements devront être effectués dans le respect de la limite imposée par le législateur quant aux frais d’entretien courant du domicile, soit 2847 $ en 2010 et 2895 $ en 2011.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête de monsieur Gabriel Rainville, le travailleur;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 12 mai 2011 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais relatifs à l’entretien du parterre de l’immeuble à appartement du 217, rue Paul-H. Frigon;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais suivants relatifs aux travaux d’entretien courant de son domicile, soit le déneigement du balcon de son logement, le grand ménage annuel et la peinture intérieure ainsi qu’au remboursement de la quote-part du travailleur payée à même le coût de son loyer pour le déneigement, l’entretien de la pelouse, l’entretien des entrées extérieures arrière et avant en plus du ménage des entrées (hall) intérieures arrière et avant de l’appartement 217, rue Paul-H. Frigon, pour la durée du bail, soit du 1er novembre 2010 au 31 octobre 2011;
DÉCLARE que ce remboursement doit être effectué jusqu’à concurrence du maximum annuel prévu à la loi, et ce, pour l’ensemble de ces travaux.
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Valérie Lizotte |
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M. Jacques Fleurent |
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R.A.T.T.A.C.Q. |
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Représentant de la partie requérante |
[1] C.L.P. 339535-04B-0802, 20 juin 2008, M. Watkins.
[2] L.R.Q., c. A-3.001.
[3] Précitée, note 1.
[4] Précitée, note 1.
[5] Laberge et Ville de Thetford-Mines, C.L.P. 226533-62C-0402, 28 septembre 2005, S. Lemire; Canadien Pacifique et Scalia, C.L.P. 240762-72-0408, 27 février 2006, G. Robichaud; Lavoie et Centre Jeunesse Québec, C.L.P. 394130-31-0911, 30 mars 2010, M. Racine.