Décision

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L'Écuyer et Construction Talbot & Fils

2011 QCCLP 6484

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Drummondville

5 octobre 2011

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

385213-03B-0907-R

 

Dossier CSST :

128311933

 

Commissaire :

Lise Collin, juge administratif

 

Membres :

Gaétan Gagnon, associations d’employeurs

 

Pierre Lessard, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Daniel L’Écuyer

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Construction Talbot & fils

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 27 septembre 2010, monsieur Daniel L’Écuyer (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision à l’encontre d’une décision rendue par le tribunal le 14 septembre 2010.

[2]           Par cette décision, le tribunal rejette la requête du travailleur, confirme la décision rendue le 16 juillet 2009 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative et déclare que le travailleur a droit au remboursement des frais engagés pour ses consultations en psychiatrie selon les tarifs de la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ), soit un total de 855,55 $ pour les neuf séances reçues durant la période de juillet 2008 à mars 2009.

[3]           Le travailleur est présent et se représente seul à l’audience tenue le 30 septembre 2011 devant la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision. Construction Talbot & fils (l’employeur) n'est pas représenté. La CSST est intervenue par l’entremise de sa procureure.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]           Tant dans sa requête en révision que devant le tribunal siégeant en révision, le travailleur lui demande de réviser la décision rendue. Il soumet que le premier juge administratif lui a manqué de respect et n’a pas été impartial. Il demande que l’affaire soit de nouveau entendue devant un autre juge administratif.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont du même avis. Les motifs avancés par le travailleur ne rencontrent pas les critères permettant la révision d’une décision.

[6]           En fait, le travailleur se plaint du comportement du juge administratif ayant entendu l’affaire et de ses commentaires, mais cela n'est pas un motif de révision, car rien dans les motifs avancés par le travailleur ne démontre que son droit d’être entendu n’a pas été respecté.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[7]           La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision doit décider s’il y a lieu de réviser la décision rendue par le tribunal.

[8]           Après avoir pris connaissance de la preuve et reçu l’avis des membres issus des associations syndicales et d’employeurs, la Commission des lésions professionnelles conclut qu'il n'y a pas lieu de réviser la décision rendue par le tribunal. Cette conclusion repose sur les éléments suivants.

[9]           Selon l’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), les décisions de la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel.

[10]        Une décision peut toutefois être révisée ou révoquée sous certaines conditions prévues à l’article 429.56 de la loi.

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[11]        Il appartient à la partie qui demande la révision ou la révocation d’une décision de démontrer au moyen d’une preuve prépondérante l’un des motifs prévus par le législateur à l’article 429.56 de la loi, en l’occurrence un vice de fond de nature à l’invalider.

[12]        Depuis les décisions rendues dans les affaires Produits forestiers Donohue inc. et Franchellini[2], la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision interprète la notion de « vice de fond de nature à invalider la décision » comme faisant référence à une erreur manifeste en droit ou en fait qui a un effet déterminant sur le sort du litige. C’est donc dire que le pouvoir de révision ou de révocation est une procédure d’exception qui a une portée restreinte.

[13]        D’ailleurs, la Cour d’appel dans les arrêts Fontaine et Touloumi[3] a donné son aval à cette interprétation en disant qu’une requête en révision interne ne peut être accueillie que lorsque la décision rendue est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés.

[14]        Ainsi, il y a une erreur manifeste et déterminante lorsqu’une conclusion n’est pas supportée par la preuve et repose plutôt sur des hypothèses, lorsqu’une décision repose sur de fausses prémisses, fait une appréciation manifestement erronée de la preuve ou adopte une méthode qui crée une injustice certaine[4].

[15]        Le travailleur demandait au tribunal de déclarer que la totalité des honoraires versés à son psychiatre lui soit remboursée par la CSST alors que celle-ci l’a remboursé selon les tarifs de la RAMQ.

[16]        Devant le tribunal, le travailleur n'a pas eu gain de cause.

[17]         Le tribunal résume la preuve aux paragraphes [ 7] à [ 23] de sa décision, puis il expose le témoignage du travailleur et la preuve présentée par la CSST aux paragraphes [24] à [31].

[18]        Après avoir mentionné que les membres issus des associations syndicales et d'employeurs sont tous deux d'avis de rejeter la requête du travailleur, le tribunal expose les motifs de sa décision dans les paragraphes [35] à [75].

[19]        Dans sa requête en révision, le travailleur adresse divers reproches au tribunal pendant la tenue de l’audience, reproches qu’il reprend au cours de son témoignage devant la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision, tout en faisant référence aux extraits pertinents des notes sténographiques de l'audience. Ces reproches se résument comme suit :

-       Le juge administratif n'a pas été impartial pendant l’audience parce qu’il lui a dit ne pas pouvoir faire droit à sa demande puisque si tel était le cas, la CSST contesterait son jugement et aurait gain de cause;

 

-       Le juge administratif, après avoir mentionné qu’il était suivi en psychiatrie par le docteur Pierre Mailloux a ajouté « si on peut dire »;

 

-       Le juge administratif n'a pas tenu compte du fait que le travailleur a vainement tenté de trouver un psychiatre dans le régime public;

 

-       Il a commis une autre faute en discutant de la possibilité pour le travailleur de se rendre à l'urgence, d’être hospitalisé en raison d’idées noires ou suicidaires;

 

-       Le juge administratif et la procureure de la CSST ont fait un procès au docteur Mailloux au sujet de sa participation ou pas au régime public;

 

-       Le juge administratif a accepté en preuve le Blogue Doc Mailloux, document tiré d'Internet et produit par la procureure de la CSST;

 

-       Le juge administratif n'a pas tenu compte de la preuve qu’il a faite concernant la flexibilité que la CSST peut avoir dans le paiement de frais de kilométrage plus importants lorsqu’un travailleur doit se rendre plus loin de son domicile pour recevoir un traitement;

 

-       Le juge administratif lui a donné un cours sur l’impôt en lui suggérant d’inscrire les frais non remboursés dans sa déclaration de revenus.

 

 

[20]        À l’audience, le travailleur reprend ces mêmes motifs. Il dit s’être senti « lynché » et blessé par son expérience devant le tribunal et il a décidé de contester la décision sur la recommandation du docteur Mailloux. Il a contesté la décision de la CSST parce qu’elle lui doit un montant d'argent et il a reçu un cours sur l'impôt. Il ne comprend pas pourquoi la CSST paye 580 $ par mois à un travailleur pour du cannabis alors que lui ne peut être remboursé de l'intégralité des honoraires du docteur Mailloux. Il dit ne pas être choqué par la décision, mais considère qu'elle n'a pas été correctement rendue. C’est la raison pour laquelle il demande que la décision soit annulée et qu'un nouveau procès ait lieu.

[21]        La CSST pour sa part rappelle que le tribunal devait décider d’un point de droit, ce qu’il a fait sans commettre aucune erreur déterminante quant à l’issue du litige.

[22]        La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision rappelle qu’il appartient au travailleur de démontrer au moyen d'une preuve prépondérante que la décision rendue par le tribunal contient l'un ou l'autre des motifs de révision prévus à l’article 429.56 de la loi.

[23]        Or, les reproches formulés par le travailleur, à tort ou à raison, portent sur le comportement du juge administratif et ses propos tenus lors de l'audience. Cela ressort clairement de la requête déposée par le travailleur qui, tout au long de celle-ci, fait référence aux notes sténographiques.

[24]        Toutefois, il ne s’agit pas là de motifs justifiant la révision de la décision rendue. Il ressort clairement de la lecture des extraits des notes sténographiques produites que le travailleur a largement eu l'occasion de se faire entendre et d’exposer son point de vue. Il ne peut donc invoquer un manquement à son droit d'être entendu.

[25]        D’autre part, il n’appartient pas à la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision de se prononcer sur la conduite de l'un de ses membres pendant une audience, sa juridiction se limitant à décider si l’un des motifs de révision indiqués à l'article 429.56 de la loi a été démontré de façon prépondérante.

[26]        Enfin, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision comprend que le travailleur est insatisfait du résultat de sa contestation devant le tribunal. Cependant, les décisions du tribunal étant finales et sans appel, le recours en révision ne peut servir à tenter d’obtenir une nouvelle appréciation de la preuve.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête produite par le travailleur, monsieur Daniel L’Écuyer.

 

 

 

__________________________________

 

Lise Collin

 

 

 

 

Me Odile Tessier

VIGNEAULT THIBODEAU BERGERON

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]          Produits Forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchenelli et Sousa, [1998] C.L.P. 783 .

[3]          CSST et Fontaine, [2005] C.L.P. 626 ; CSST et Touloumi, [2005] C.L.P. 921 (C.A.).

[4]           Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 .

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