Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
_

Janvier et Reliure de la Capitale inc. (Fermé)

2009 QCCLP 2332

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Trois-Rivières

30 mars 2009

 

Région :

Québec

 

Dossier :

360658-31-0810

 

Dossier CSST :

112198791

 

Commissaire :

J. André Tremblay, juge administratif

 

Membres :

Céline Marcoux, associations d’employeurs

 

Guy Paquin, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Jean Janvier

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Reliure de la Capitale inc. (Fermé)

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 16 octobre 2008, M. Jean Janvier (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 26 août 2008 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a rendue initialement le 11 juin 2008 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des travaux de grand ménage à titre de travaux d’entretien courant du domicile.

[3]                L’audience s’est tenue le 15 janvier 2009 en présence du travailleur qui n’est pas représenté. Reliure de la Capitale inc. (l’employeur)  bien que dûment convoqué est absent et non représenté.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la CSST et de déclarer qu’il a droit au remboursement des travaux de grand ménage.

 

LES FAITS

[5]                Le 16 septembre 1996, le travailleur s’inflige une entorse lombaire et une hernie discale centro-latérale gauche au niveau L4-L5 en faisant un effort pour ramasser une charge placée près du sol. Cette lésion est consolidée le 25 novembre 1996, sans limitations fonctionnelles, mais avec présence d’un déficit anatomophysiologique de 2 % pour une hernie discale prouvée radiologiquement et cliniquement, mais non opérée.

[6]                Le 28 août 2000, il connaît une récidive, rechute ou aggravation qui est jugée par la CSST consécutive à sa lésion initiale.

[7]                Le travailleur est opéré, une première fois, le 19 juillet 2001 par le Dr Jean-Marc Lépine, chirurgien orthopédiste. Il procède alors à une laminectomie décompressive L4-L5 gauche ainsi qu’à une laminectomie et discoïdectomie et séquestrectomie L5-S1 gauche, le tout tel qu’il appert du protocole opératoire produit au dossier.

[8]                Le travailleur est réopéré le 20 août 2003 par la Dre Line Jacques, neurochirurgienne, qui procède à une laminectomie partielle L4-L5 et L5-S1 du côté gauche, à une discoïdectomie L4-L5, ainsi qu’à l’exérèse de fibrose cicatricielle aux niveaux L4-L5 et L5-S1.

[9]                À la suite de la chirurgie pratiquée par la Dre Jacques, le Dr Bernard Chartrand prend charge du suivi de la condition du travailleur. Le rapport final qu’il produit le 24 août 2004 est à l’effet que la lésion professionnelle est consolidée à la même date et qu’il persiste une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Le même jour, il évalue les séquelles résultant de la récidive, rechute ou aggravation.

[10]           Le 14 février 2004, on diagnostique pour la première fois un trouble d’adaptation secondaire à la douleur chronique. La CSST reconnaît à titre de récidive, rechute ou aggravation le lien de causalité entre cette pathologie et la lésion professionnelle.

[11]           Le 18 septembre 2003, la CSST accepte de verser au travailleur une allocation d’aide à domicile de 343,55 $ toutes les deux semaines.

[12]           Le 2 mars 2004, la CSST rend une nouvelle décision quant au versement de l’aide à domicile et informe le travailleur qu’aucune aide ne lui sera versée. Cette décision est contestée par le travailleur en révision administrative. Cette dernière confirme le 22 juin 2004 sa décision initiale.

[13]           Dans une décision[1] du 9 septembre 2004, la Commission des lésions professionnelles infirme la décision de la CSST rendue en révision administrative le 22 juin 2004 et déclare que le travailleur a droit de recevoir une allocation pour de l’aide personnelle à domicile conformément à l’article 158 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi).

[14]           Le 13 octobre 2004, Mme Mylène Fortier, ergothérapeute à la demande de la CSST, procède à une évaluation des besoins en aide personnelle à domicile.

[15]           Dans le cadre de son mandat elle complète la Grille d’évaluation de besoins d’aide à domicile prévue au Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile[3] et identifie que le travailleur a un besoin d’assistance complète pour le ménage léger, le ménage lourd, le lavage du linge et pour son approvisionnement et d’assistance partielle pour son hygiène corporelle et la préparation du dîner.

[16]           À la suite de la décision du tribunal du 9 septembre 2004, la CSST a, les 26 octobre 2004, 8 février 2005 et 29 décembre 2005, réévalué et maintenu les besoins d’aide personnelle à domicile du travailleur. Le montant versé au travailleur toutes les deux semaines est haussé de 190,66 $ à 193,88 $ et ensuite à 198,49 $.

[17]           Le 29 novembre 2005, la Commission des lésions professionnelles[4] déclare que l’atteinte permanente additionnelle à l’intégrité physique qui résulte de la récidive, rechute ou aggravation du 28 août 2000 est de 26,6 %. Elle déclare par ailleurs que le travailleur est porteur des limitations fonctionnelles suivantes :

Éviter les activités qui impliquent de :

-           soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant environ 5 kg,

-           travailler en position accroupie;

-           ramper, grimper

-           effectuer des mouvements de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire, même de faible amplitude;

-           subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale;

-           monter fréquemment plusieurs escaliers;

-           marcher en terrain accidenté ou glissant;

-           marcher longtemps,

-           garder la même posture (debout, assis) plus de 30 à 60 minutes,

-           travailler dans une position instable,

-           effectuer des mouvements répétitifs des membres inférieurs;

Le travailleur doit se limiter à accomplir des activités dont il peut lui-même contrôler le rythme et l’horaire.

 

[18]           Le travailleur est par la suite admis en réadaptation.

[19]           Dans une décision du 21 décembre 2005, la CSST informe le travailleur que sa condition rend impossible la détermination d’un emploi convenable qu’il pourrait exercer à temps plein.

[20]           Le 17 janvier 2006, la CSST à la suite de l’ajout d’un nouveau rapport d’évaluation, revoit le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique et l’établit à 49,35 % (soit 36 % de déficit anatomophysiologique, 10,80 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie pour le déficit anatomophysiologique, 2,35 % pour préjudice esthétique et 0,20 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie pour le préjudice esthétique). Cette décision n’est pas contestée.

[21]           Le 6 octobre 2006, la CSST accepte de rembourser, à titre de frais de réadaptation, le déneigement pour l’hiver 2006-2007.

[22]           Le 26 février 2006, une nouvelle évaluation des besoins d’aide à domicile est effectuée par M. Pierre Bégin, conseiller en réadaptation à la CSST.

[23]           M. Bégin à la note évolutive du 26 février 2007 écrit que le travailleur obtient la même « cote » que celle attribuée par « la CLP du 9 septembre 2004 (Voir grille du 26 février 2007) aide personnelle prolongée du 07-03-01 au 09-06-01 202.66/2 semaines ». Dans la grille, il identifie que le travailleur a un besoin d’assistance complète pour le ménage léger, le ménage lourd et le lavage du linge et un besoin d’assistance partielle pour l’hygiène corporelle, l’habillage, le déshabillage, la préparation du dîner, la préparation du souper et l’approvisionnement. Il accorde un pointage total de 15/48 points.

[24]           Le 1er mars 2007, la CSST informe le travailleur qu’à la suite de la réévaluation de ses besoins d’aide personnelle à domicile, sa condition physique étant demeurée la même, l’allocation est maintenue pour la période du 1er mars 2007 au 1er juin 2009. Le travailleur recevra 202,66 $ à toutes les deux semaines. Cette décision n’est pas contestée.

[25]           Le 2 mars 2007, la CSST accepte de rembourser, comme frais de réadaptation,  une somme de 180 $ pour l’achat d’une canne en T, une chaise de douche et un coussin de chaise.

[26]           Le 16 mars 2007, la CSST accepte comme frais de réadaptation, de rembourser la somme de 2 025 $ pour la peinture du domicile du travailleur.

[27]           Le 19 mars 2007, la CSST accepte comme frais de réadaptation de rembourser la somme de 401,22 $ pour la tonte de gazon pour l’été 2007.

[28]           Le 30 mars 2007, la CSST accepte comme frais de réadaptation de payer la somme de 506 $ pour l’achat d’un banc de bain, d’une canne en T et d’un coussin « gel cell ».

[29]           Le 11 juin 2008, la CSST en réponse à une demande du travailleur l’informe qu’elle refuse de payer les frais liés au grand ménage de son domicile. Elle écrit : « En effet, ces frais sont déjà inclus au niveau de l’aide personnelle à domicile. Les items lourd et léger vous sont versés de façon maximal. [sic] Nous vous retournons donc à ces sommes et nous vous expédions vos soumissions. »

[30]           Le 4 juillet 2008, le travailleur demande la révision de cette décision.

[31]           Le 26 août 2008, la CSST en révision administrative confirme la décision initiale du 11 juin 2008.

[32]           Le travailleur explique à l’audience que c’est son amie qui a fait en 2008 le grand ménage, elle a lavé les murs, les rideaux et les meubles. Il affirme l’avoir payé 500 $. Aucune facture n’a été émise et aucune preuve de paiement n’a été déposée.

[33]           Quant au ménage extérieur, le travailleur mentionne que rien n’a été fait, notamment que les fenêtres n’ont pas été lavées.

[34]           Il mentionne qu’il a soumis des soumissions à la CSST, mais ne les a plus en sa possession.

[35]           Le travailleur affirme qu’avant septembre 1996, les travaux de grand ménage étaient faits par lui.

[36]           Au soutien de sa demande le travailleur allègue aussi qu’il n’a pas la capacité physique, ni financière pour effectuer le grand ménage. Dans sa requête, il allègue aussi que « Le grand ménage intérieur et extérieur de la maison fait partie des travaux lourds. »

[37]           Il ajoute que l’aide personnelle qui lui est versée après ses opérations a été diminuée par la suite et considère qu’elle ne couvre pas les frais de grand ménage.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[38]           La membre issue des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont unanimes pour recommander à la Commission des lésions professionnelles de refuser au travailleur le remboursement des travaux de grand ménage.

[39]           Les membres sont d’avis que le grand ménage est couvert par l’allocation d’aide à domicile versée par la CSST.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[40]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement des frais d’entretien relatifs au grand ménage de sa résidence.

[41]           En ce qui concerne les travaux de grand ménage, il existe dans la loi deux dispositions susceptibles de trouver application en la matière, à savoir les articles 158 et 165 de la loi qui stipulent :

158.  L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.

__________

1985, c. 6, a. 158.

 

 

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[42]           Pour avoir droit à l’aide personnelle à domicile prévue à l’article 158 de la loi, un travailleur doit satisfaire à trois conditions :

-     être incapable de prendre soin de lui-même et;

-     être incapable d’effectuer sans aide les tâches domestiques qu’il effectuerait normalement;

-     l’aide doit s’avérer nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.

[43]           En l'espèce, il apparaît, comme la Commission des lésions professionnelles l’a d’ailleurs reconnu dans une décision[5] en septembre 2004, que le travailleur rencontre les trois conditions mentionnées à l’article 158 de la loi.  

[44]           Par ailleurs, dans son analyse des besoins d’aide à domicile, la CSST a reconnu les besoins d’aide du travailleur en regard des travaux lourds. Dans la section regardant les tâches domestiques, madame Fortier en octobre 2004 et M. Bégin en février 2007 cochent spécifiquement l’item du ménage lourd.

[45]           Bien que le tribunal adhère au principe qu’en certaines occasions, le versement d’une allocation en vertu de l’article 158 de la loi ne constitue pas en soi un obstacle au remboursement des travaux d’entretien courant visés par l’article 165 de la loi[6], il estime cependant, tel qu’énoncé par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Charlebois et G-Net Universel ltée[7], qu’il faut éviter la double indemnisation. Puisqu’à l’évidence la demande de remboursement demandée par le travailleur, en juin 2008, concerne la même activité ménagère que celle déjà couverte par l’article 158 de la loi à l’item ménage lourd, le remboursement ne saurait être accordé en plus.

[46]           De plus, le libellé de la décision de la CSST du 1er mars 2007 en regard de l’aide personnelle ne comporte aucune ambiguïté sur la question puisqu’elle y inscrit les périodes couvertes par l’allocation, à savoir du 1er mars 2007 au 1er juin 2009.

[47]           En conséquence, puisqu’il est clair que le travailleur a fait exécuter ses travaux de grand ménage durant la période couverte par l’allocation d’aide personnelle à domicile, il ne peut bénéficier du remboursement des frais encourus.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête du travailleur, M. Jean Janvier;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 26 août 2008 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement des travaux de grand ménage.

 

 

__________________________________

 

J. André Tremblay

 

 



[1]           Janvier et  Reliure de la Capitale inc., C.L.P., 237742-31-0406, 9 septembre 2004, P. Simard.

[2]           L.R.Q., c. A-3.001.

[3]           A-3.001, r.1.

[4]           Janvier et  Reliure de la Capitale inc., C.L.P., 260838-31-0504, 29 novembre 2005, G. Tardif.

[5]           Voir note 1.

[6]           Quévillon et Industrie James McLaren inc., C.L.P., 105351-72-9809, 13 mai 1999, R. Langlois.

[7]           C.L.P. 232505-64-0404, 9 juin 2005, J.-F. Martel.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.