Décision

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Desroches et Astenjohnson inc.

2010 QCCLP 7439

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Gatineau

12 octobre 2010

 

Région :

Richelieu-Salaberry

 

Dossier :

395919-62C-0912

 

Dossier CSST :

058568387

 

Commissaire :

Michèle Gagnon Grégoire, juge administratif

 

Membres :

Gaétan Morneau, associations d’employeurs

 

Alexandre St-Pierre, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Normand Desroches

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Astenjohnson inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 3 décembre 2009, monsieur Normand Desroches (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et la sécurité du travail (la CSST) le 26 novembre 2009 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST déclare irrecevable la contestation du travailleur à la suite d’un avis de paiement du 30 septembre 2009. De plus, la CSST confirme sa décision rendue initialement le 10 novembre 2009 et déclare qu’elle pouvait reconsidérer sa décision rendue le 28 août 2009 et qu’elle était en droit d’autoriser la somme de 961,00 $ compte tenu du montant maximum prévu à la loi pour le remboursement de frais pour des travaux d’entretien courant du domicile.

[3]           Une audience est tenue à la Commission des lésions professionnelles à Salaberry-de-Valleyfield le 6 octobre 2010. Le travailleur est présent et se représente seul. Le représentant de l’employeur a fait parvenir un avis au tribunal à l’effet qu’il ne serait pas présent à l’audience. Le dossier est mis en délibéré le jour de l’audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au remboursement de 1 900,00 $ pour les travaux de peinture qu’il a fait faire à son domicile.

[5]           Subsidiairement, il demande au tribunal de reporter à l’année 2010, la somme d’argent qui ne lui a pas été remboursée, soit 939,00 $ et de déclarer que la CSST doit lui rembourser cette somme.

LES FAITS

[6]           Le travailleur subit un accident du travail le 18 septembre 1975 alors qu’il est mécanicien chez l’employeur. Une intervention chirurgicale au genou gauche est nécessaire et un pourcentage d’incapacité permanente de 6 % lui est accordé.

[7]           Par la suite, il subit une rechute, récidive ou aggravation le 3 mars 2006 entraînant un nouveau pourcentage d’incapacité évalué à 58,30 % puisqu’il a dû recevoir une prothèse totale du genou gauche. Son genou droit est aussi atteint, mais à la suite d’une entorse survenue en dehors du travail.  

[8]           Des limitations fonctionnelles sont évaluées à la suite de sa lésion professionnelle. Le travailleur doit éviter :

·         Les mouvements répétitifs du genou gauche;

·         Le travail en positions accroupie ou agenouillée;

·         Le travail dans les échelles ou des escaliers.

 

 

[9]           Malgré ses limitations fonctionnelles, le travailleur est en mesure de reprendre son emploi prélésionnel.

[10]        Le 14 septembre 2007, le travailleur effectue une demande à la CSST pour d’obtenir de l’aide afin d’entretenir sa maison. Plus spécifiquement, il se dit être incapable de faire les travaux de peinture, de déneigement, de tonte de gazon, de nettoyage, de lavage de vitres et de tapis.

[11]        La CSST effectue une évaluation au domicile du travailleur le 12 octobre 2007. Les travaux suivants sont acceptés :

·         La tonte du gazon autour de sa maison (selon les besoins);

·         Le déneigement de son entrée d’auto donnant accès à sa maison pour deux automobiles de large et les deux voies d’accès au domicile;

·         La peinture intérieure de sa maison à une fréquence de cinq ans;

·         La peinture du plancher et des marches de sa maison ou patio à une fréquence de deux ans.

 

 

[12]        Au sujet du grand ménage, l’agente écrit que la demande d’aide financière pour cette activité est refusée, puisque le travailleur ne fait aucune activité en ce sens à l’exception du lavage de deux fenêtres.

[13]        Une décision est rendue le 19 octobre 2007 détaillant les travaux acceptés. Dans cette décision, se retrouve en caractère gras la phrase suivante : « Notez que seuls les frais de main-d’œuvre sont remboursables et qu’un maximum annuel est applicable à ces frais » Le reste de la décision précise les modalités de demande de remboursement, notamment l’obtention de soumissions qui doivent être soumises à la CSST.

[14]        Le 10 novembre 2008, le travailleur fait parvenir une lettre à la CSST demandant de l’aide pour l’entretien hebdomadaire de sa résidence. Il précise que cette aide lui avait été offerte en 2007, mais que sa conjointe de l’époque ne voulait pas ce genre d’aide. Maintenant qu’il est seul, il explique ne pas être en mesure d’accomplir cette tâche adéquatement. Aucune suite ne semble avoir été donnée à cette demande suivant le dossier dont dispose le tribunal.

[15]        En 2009, la CSST rembourse le travailleur pour les dépenses suivantes, totalisant le montant de 1 875,00 $ pour les travaux d’entretien courant du domicile:

·         Le 26 février 2009 : travaux de peinture pour la somme de 300,00 $;

·         Le 21 mai 2009 : tonte de gazon pour la somme de 425,00 $ ;

·         Le 18 juin 2009 : grand ménage pour la somme de 1 150,00 $.

 

 

[16]        Au sujet du grand ménage, le 15 juin 2009, l’agente de la CSST écrit dans les notes évolutives qu’en 2007, la CSST avait refusé la demande de remboursement pour le grand ménage, mais qu’avril 2009, cette demande a été acceptée. C’est ce qui explique l’émission du chèque pour ce motif.

[17]        Une nouvelle demande est présentée par le travailleur et le 28 août 2009, la CSST rend une décision à l’effet d’accepter de payer les frais d’entretien courant des pièces suivantes du domicile : la salle de jeu, une chambre à coucher, la salle de lavage et les garde-robes du sous-sol pour l’année 2009. Un montant de 1 900,00 $ est autorisé pour ces travaux.

[18]        Cependant, le chèque du 30 septembre 2009, qui est émis par la CSST à la suite de l’autorisation de cette dépense, n’est que de 961,00 $. Le travailleur communique alors avec son agente. Il affirme à l’audience que c’est à ce moment qu’il apprend qu’il y a un montant maximum pour le remboursement des travaux d’entretien. Il conteste cet avis de paiement, car il allègue n’avoir jamais été avisé du montant maximum autorisé par la loi pour les travaux d’entretien.

[19]        Le 10 novembre 2009, la CSST rend une décision de reconsidération de sa décision du 28 août 2009 concernant le remboursement des travaux d’entretien. La CSST précise que le montant qui devait être autorisé est celui de 961,00 $ au lieu de 1 900,00 $.

[20]        À l’audience, le travailleur explique que s’il avait su qu’un montant maximum était prévu, il n’aurait pas fait faire tous les travaux de peinture en même temps. Il aurait réparti les travaux sur les années 2009 et 2010. Il affirme ne jamais avoir été avisé du montant maximum. Il mentionne qu’il n’avait pas dépassé le montant maximum pour les années antérieures de 2007 et de 2008.

[21]        Il demande au tribunal d’autoriser le versement de 939,00 $ qui avait initialement été accepté. Subsidiairement, advenant le cas où le tribunal ne pourrait acquiescer à sa demande, il demande de reporter cette somme pour les dépenses de l’année 2010. Il explique qu’il n’a pas utilisé la somme maximale pour cette année.

[22]        De plus, il demande au tribunal de déclarer que la CSST doit lui rembourser les frais qu’il encoure afin d’effectuer le grand ménage de sa maison. Il explique que, pour lui, cette rubrique comprend la tâche de vider les gouttières, laver les murs, les armoires de cuisine et les vitres. Il affirme qu’il s’agit de tâches qu’il effectuait avant son accident, mais qu’il ne peut plus faire. Il dit qu’il doit argumenter chaque année avec l’agente de la CSST afin qu’elle autorise ces frais auxquels il juge avoir droit. En résumé, il voudrait une acceptation de principe quant au remboursement de frais pour le grand ménage.

L’AVIS DES MEMBRES

[23]        Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales rejetteraient la requête du tribunal. Ils sont d’avis que la loi prévoit un  maximum pour le remboursement des frais pour les travaux d’entretien du domicile et que ce montant ne peut être dépassé.

[24]        Quant à la demande subsidiaire du travailleur de reporter la partie non remboursée à l’année 2010, ils considèrent que la loi ne le permet pas, puisqu’il s’agit d’une dépense annuelle. En ce qui a trait à l’autorisation de principe pour le grand ménage du domicile, ils sont favorables à la demande du travailleur puisque la CSST a déjà accepté cette catégorie de dépenses pour l’année 2009.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[25]        La contestation dont est saisie la Commission des lésions professionnelles porte sur la reconsidération d’une décision rendue par la CSST. Le tribunal doit en premier lieu vérifier si cette reconsidération est légale. Le cas échéant, le tribunal doit décider du montant auquel a droit le travailleur à la suite de sa demande de remboursement pour des travaux de peinture effectués en 2009.

[26]        C’est le premier alinéa de l’article 365 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [1](la loi) qui prévoit la possibilité pour la CSST de reconsidérer une de ses décisions pour le motif de l’erreur :

365.  La Commission peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours, si celle-ci n'a pas fait l'objet d'une décision rendue en vertu de l'article 358.3, pour corriger toute erreur.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel, reconsidérer cette décision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.

 

Avant de reconsidérer une décision, la Commission en informe les personnes à qui elle a notifié cette décision.

 

Le présent article ne s'applique pas à une décision rendue en vertu du chapitre IX.

__________

1985, c. 6, a. 365; 1992, c. 11, a. 36; 1996, c. 70, a. 43; 1997, c. 27, a. 21.

 

 

[27]        Comme l’a déjà décidé à bon droit le tribunal dans plusieurs décisions[2], les termes «toute erreur» incluent tous les types d'erreurs, de faits, de droit ou d'appréciation des faits. L'intention du législateur est donc de permettre à la CSST d'utiliser son pouvoir de reconsidération de façon non limitative, à condition de le faire dans un délai de 90 jours.

[28]        Dans le présent dossier, la décision initiale est datée du 28 août 2009. Puis, c’est le 10 novembre 2009 que la CSST reconsidère sa décision initiale, soit 74 jours plus tard. Le délai de 90 jours est donc respecté.

[29]        Ainsi, la CSST pouvait reconsidérer sa décision si elle constate avoir commis une erreur. Or, tel est le cas.

[30]         En effet, la loi prévoit à l’article 165 qu’un travailleur peut se voir rembourser des frais qu’il engage pour faire exécuter des travaux d’entretien à son domicile jusqu’à concurrence d’un montant maximum. Voici comment s’exprime le législateur :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[31]         L’article 118 de la loi prévoit une revalorisation annuelle du montant fixé à l’article 165 de la loi qui se trouve au chapitre IV de la loi :

118.  Toutes les sommes d'argent fixées dans le présent chapitre, à l'exception des articles 50, 63 et 66, dans le chapitre IV et dans les annexes II et V sont revalorisées le 1er janvier de chaque année.

 

L'indemnité de décès que reçoit un bénéficiaire en vertu du premier alinéa de l'article 102 est aussi revalorisée à cette date.

__________

1985, c. 6, a. 118.

 

 

[32]        En 2009, le montant maximal prévu à titre de remboursement de frais pour des travaux d’entretien à domicile est établi à 2 836,00 $.

[33]        Lorsque la CSST rend sa décision initiale et autorise le remboursement de la somme de 1 900,00 $ au travailleur pour des travaux de peinture, elle commet une erreur. En effet, puisque pour cette année-là, elle a déjà remboursé le travailleur la somme de 1 875,00 $ pour d’autres travaux, elle n’aurait dû accepter que le remboursement de la somme de 961,00 $.

[34]        Constatant son erreur, la CSST rend une décision de reconsidération en date du 10 novembre 2009.

[35]        La reconsidération ayant été effectuée à l’intérieur du délai de 90 jours et l’erreur étant démontrée, c’est à bon droit que la CSST pouvait reconsidérer sa décision et n’autoriser que le remboursement de 961,00 $ au travailleur.

[36]        Le travailleur allègue n’avoir jamais été informé du montant maximum prévu pour cette catégorie de réclamation. Il dit que s’il en avait été informé, il aurait réparti l’exécution des travaux sur deux années de façon à ne pas dépasser le montant maximal prévu à la loi.

[37]        Le tribunal ne peut donner raison au travailleur sur ce point.

[38]        En tout premier lieu, la CSST avait déjà, en 2007, prévenu le travailleur que les travaux d’entretien étaient soumis à un maximum. Cette mention est même en caractères gras dans la lettre. Il est vrai que le montant n’y figure pas. Mais comme nous l’avons vu précédemment, ce montant change chaque année en raison de la revalorisation prévue à la loi. Il aurait été plus prudent de la part du travailleur de faire cette vérification auprès de son agente avant de faire faire les travaux de peinture.

[39]        Mais de toute façon, même si la CSST n’avait pas écrit en caractères gras la réserve quant au maximum prévu à la loi, le tribunal ne pourrait donner raison au travailleur puisque son argument se résume à invoquer l’ignorance de la loi. Or, il ne s’agit pas d’un motif acceptable puisque nul n’est sensé ignorer la loi.

[40]        Pour ce qui est de la demande subsidiaire du travailleur de reporter le montant de 939,00 $ à l’année 2010, le tribunal ne peut y donner suite. En effet, les travaux de peinture, pour lesquels le travailleur réclame, ont été effectués en 2009. Il s’agit d’une dépense qui doit donc être comptabilisée pour cette année-là. Le législateur n’a prévu aucune réserve afin de transférer les sommes non utilisées une année à une année suivante.

[41]        Il est important de remarquer que le législateur n’a pas prévu de verser automatiquement chaque année un montant forfaitaire pour les frais reliés aux travaux d’entretien du domicile. En effet, en écrivant à l’article 165 de la loi « jusqu’à concurrence de », il y a lieu de comprendre que la CSST peut verser moins, mais pas plus, que le montant maximal. Cela dépendra des besoins des travailleurs et des réclamations qui sont faites. 

[42]        Enfin, pour la demande du travailleur à ce que les frais qu’il engage pour faire faire le grand ménage soient automatiquement acceptés par la CSST pour les prochaines années, le tribunal souligne que la CSST a effectivement accepté cette réclamation en 2009 tel qu’en fait foi la note évolutive de l’agente le 15 juin 2009. Il serait donc normal que le travailleur y ait droit pour les années futures. Cependant, le tribunal n’étant pas saisi d’une contestation d’une décision à ce sujet, il ne peut se prononcer et rendre une décision sur cette question précise.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête présentée le 3 décembre 2009 par le travailleur, monsieur Normand Desroches;

CONFIRME la décision rendue le 26 novembre 2009 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail pouvait reconsidérer sa décision rendue le 28 août 2009;

DÉCLARE que le travailleur avait droit à la somme de 961,00 $ pour le remboursement des travaux de peinture en raison du maximum prévu à la loi pour l’année 2009.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

__________________________________

 

Michèle Gagnon Grégoire

 

 

 

 

 

Me Jean-François Martin

DUFRESNE, HÉBERT, COMEAU

Représentant de la partie intéressée

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           Aubé & Aubé inc. et Delanois, C.L.P. 163926-32-0106, 30 janvier 2003, G. Tardif; Café Séléna inc. et Gagné, C.L.P. 150507-71-0011, D. Gruffy; Crook et Le Motel Castel de l’Estrie inc., C.L.P. 106386-62B-9810, G. Marquis.

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