DÉCISION
[1]
Le 25 août 2000, monsieur Clément Pelletier (le travailleur)
exerce un recours en contestation, en vertu des dispositions de l’article
[2] Dans cette décision, la révision administrative déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais relatifs au bois de chauffage à titre de travaux d’entretien courant du domicile.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[3]
Le travailleur demande à la Commission des lésions
professionnelles d’infirmer la décision rendue par la révision administrative
le 17 août 2000 et de déclarer qu’il a droit au remboursement de ses frais relatifs
au bois de chauffage à titre de travaux d’entretien courant du domicile en
vertu de l’article
L'AVIS DES MEMBRES
[4] Le membre issu des associations d'employeurs est d’avis de rejeter le recours en contestation du travailleur. Il est d’avis que le remboursement du coût d’achat du bois de chauffage ne peut être autorisé car les activités inhérentes au bois de chauffage (coupe, transport, cordage) ne constituent pas des travaux d’entretien courant de domicile. Il ajoute que rembourser le coût du bois de chauffage c’est défavoriser certains accidentés du travail qui doivent assumer leurs frais de chauffage. L’économie générale de la loi vise à éviter une telle situation.
[5]
Le membre issu des associations syndicales est d’avis
d’accueillir le recours en contestation du travailleur car, dans le passé, la
CSST a remboursé au travailleur les coûts d’achat du bois de chauffage et, dans
ces circonstances, il s’agit d’un droit acquis que la CSST ne peut retirer au
travailleur. Il est d’avis que seul le
quantum du montant remboursable n’est pas un droit acquis qui peut être
réévalué annuellement. De plus, il est
d’avis que le travailleur bénéficie des dispositions de l’article
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[6] Dans sa prise de décision, la Commission des lésions professionnelles a tenu compte de l’avis de ses membres, a étudié l’ensemble de la preuve documentaire qui apparaît au dossier, ainsi que les documents déposés à l’audience.
[7] La Commission des lésions professionnelles s’est aussi instruite du témoignage du travailleur, ainsi que de monsieur Denis Lamarre, et a considéré l’argumentation des parties.
[8] La Commission des lésions professionnelles, en motivant sa décision, se réfère aux éléments de la preuve tant documentaire que testimoniale qu’elle considère pertinente à la détermination des questions en litige.
[9] Au début de l’audience, la représentante de la CSST, partie intéressée, s’est interrogée sur le fait que le tribunal ne procédait pas à l’enregistrement de l’audition. Le soussigné a alors indiqué à la représentante de la CSST qu’il n’y avait pas d’enregistrement de l’audience pour la simple raison qu’il n’y avait pas d’appareil, le soussigné ayant oublié de s’en procurer un. Toutefois, il est bon de préciser que l’enregistrement des audiences est pour le bénéfice du tribunal.
[10] Il est mis en preuve et non contesté que le travailleur a subi une maladie professionnelle, soit la silicose, ayant entraîné pour lui une atteinte permanente grave. Il est aussi admis et non contesté que le travailleur a toujours fait son bois de chauffage, c’est à dire coupe, transport et cordage, afin de subvenir à ses besoins en matière de chauffage bien avant la survenance de sa maladie professionnelle. La preuve a aussi révélé que le travailleur habite une maison depuis 1950, que ses coûts de chauffage mensuels en vertu d’un contrat avec la compagnie d’Hydro-Québec s’élèvent à 69.00 $ par mois avec des pointes qui révèlent que, pour une période de 371 jours, le coût d’électricité s’élève à 807.27 $. Des formulaires d’assurance ont aussi été déposés, dans lesquels il est indiqué que le travailleur a un chauffage électrique et que, comme autre source de chaleur, il a un poêle à combustion lente.
[11] Le travailleur a fait entendre monsieur Denis Lamarre, maître électricien, qui indique que, pour que la maison puisse répondre à ses besoins en électricité, notamment au niveau du chauffage, celle-ci devrait avoir une possibilité d’alimentation de 18 000 watts, alors qu’elle n’a que 7 500 watts, créant un manque d’environ 7 000 à 8 000 watts nécessaires pour l’alimentation en électricité d’une maison de 26 pieds par 32 pieds. Monsieur Lamarre ajoute qu’il n’est pas possible de remédier à la situation sans faire un changement complet au niveau de l’électricité puisque le panneau électrique est d’une marque qui est discontinuée et, malgré que l’entrée soit une entrée de 200 ampères, compte tenu du déficit au niveau des watts, il est impossible d’augmenter ou de fournir adéquatement l’habitation au niveau du chauffage électrique.
[12] La CSST a adopté une nouvelle politique concernant les mesures de réadaptation sociale et il faut, dans un premier temps, souligner que les politiques adoptées par la CSST ne sont pas contraignantes, ce n’est qu’un document administratif. Ce qui doit guider le tribunal ce sont les lois et les règlements.
[13]
Cette politique concernant les frais de réadaptation mentionne
la définition de «courant» inscrite à l’article
«(...)
réfère à une fréquence habituelle et non exceptionnelle ou rare. Il s’agit donc de travaux à caractère saisonnier, déneigement ou tonte de pelouse, ou annuel, ou alors au 3 ou 5 ans, par exemple la peinture.
(…)»
[14] Au sujet des travaux d’entretien courant à domicile, la directive indique qu’il est difficile de faire une liste exhaustive des travaux couverts et ceux qui doivent être exclus. Il n’y a pas de ligne précise que se dessine selon la jurisprudence disponible. La directive contient une liste des travaux généralement couverts et des travaux généralement exclus. À la liste des travaux généralement exclus, on considère que le cordage de bois dans certaine région est accepté si c’est pour le chauffage principal. Il y a lieu, dans ce cas, d’examiner la pertinence d’adapter le chauffage du domicile. La compréhension de ces indications édicte donc que lorsque, dans une région, le cordage de bois est accepté s’il s’agit du chauffage principal, la CSST devra examiner la pertinence d’adapter le chauffage du domicile.
[15] Dans le présent dossier, la CSST ne semble pas avoir envisagé de faire adapter le domicile du travailleur, se contentant de déclarer que les frais de bois de chauffage n’étaient pas couverts puisqu’il ne s’agissait pas du chauffage principal dans la demeure du travailleur.
[16] La preuve a aussi démontré que chaque pièce de la demeure du travailleur possède des plinthes. Selon le témoignage du travailleur, celles-ci sont peu efficaces, elles ne réussissent pas à chauffer la maison et que l’utilisation du poêle à combustion lente est l’élément permettant de maintenir une température confortable. La preuve a aussi démontré que les installations électriques ne sont pas adéquates.
[17] Donc, la CSST aurait pu offrir au travailleur de modifier l’ensemble de ses installations électriques et enfin de lui fournir l’installation permettant d’utiliser son système de chauffage de façon adéquate, ce qui n’a pas été fait. Notons que dans les années antérieures, la CSST a toujours remboursé les frais de chauffage que le travailleur a présentés et que le chauffage au bois n’est pas utilisé pour le loisir et la détente mais bien pour maintenir une température adéquate à l’intérieur de l’habitation du travailleur, ce qui est nécessaire pour maintenir les lieux en bon état.
[18] La première question est : «Est-ce que le bois de chauffage constitue des travaux d’entretien courant du domicile?». La réponse à cette question ne peut être que «oui» lorsqu’il est mis en preuve que le travailleur utilisait ce moyen de chauffage avant de subir une maladie professionnelle ou une lésion professionnelle l’empêchant d’exercer cette activité et que, dans son cadre de vie, le travailleur utilisait le chauffage au bois afin d’obtenir un confort à l’intérieur de sa demeure, sans compter que le chauffage d’un logement en hiver est non seulement utile mais nécessaire.
[19]
Les dispositions des articles
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
________
1985, c. 6, a. 151.
152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :
1 des services professionnels d'intervention psychosociale;
2 la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;
3 le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;
4 le remboursement de frais de garde d'enfants;
5 le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.
________
1985, c. 6, a. 152.
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui - même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
________
1985, c. 6, a. 165.
[20]
L’article 151 édicte que les dispositions de réadaptation
sociale prévoient d’aider le travailleur à surmonter, dans la mesure du
possible, les conséquences personnelles et sociales de sa lésion
professionnelle. Le fait pour le
travailleur de ne plus être à même de s’occuper de l’abattage, du coupage et du
cordage de son bois constitue une mesure visée par l’article
[21] L’article 152 prévoit, au troisième paragraphe, le paiement de frais d’aide personnelle à domicile, alors que l’article 165 précise que le travailleur doit avoir une atteinte grave (ce qui est le cas dans le présent dossier), que les frais ont été engagés pour faire exécuter des travaux courants au domicile (ce qui est le cas) et que le travailleur est incapable d’effectuer ses travaux d’entretien courant à son domicile. Il effectuerait normalement lui-même cette tâche si ce n’était pas de sa lésion professionnelle, ce qui est tout à fait le cas en l’espèce, le travailleur ayant démontré s’être toujours occupé lui-même de son bois de chauffage et que, depuis sa lésion professionnelle telle que reconnue par la CSST, il est incapable d’effectuer cette tâche.
[22] «Est-ce qu’il s’agit d’entretien courant de son domicile?» La réponse à cette question est «oui». Il faut retenir par «entretien courant» non pas un entretien journalier ou habituel mais plutôt analyser le mot «courant» en contradiction avec quelque chose d’exceptionnelle. L’entretien courant peut s’étaler sur plusieurs mois, plusieurs années même, comme l’a d’ailleurs reconnue la CSST dans sa directive.
[23] Il faut donc retenir que les travaux pour lesquels le travailleur demande le remboursement, soit son bois de chauffage, ont été exécutés afin de maintenir en bon état le domicile du travailleur. La nature même des travaux est habituelle, ordinaire et banale; il s’acquittait lui-même de ces tâches dans le passé.
[24] Même si le système de chauffage au bois ne constitue pas le principal ou l’unique mode de chauffage du domicile, le travailleur a tout de même droit au remboursement des frais concernant le bois de chauffage car il est en preuve qu’avant l’événement ayant entraîné sa lésion professionnelle, le travailleur utilisait le bois de chauffage malgré que sa maison était équipée d’un système de chauffage électrique. Il n’y a pas eu de preuve présentée à cet effet devant le tribunal mais, à moins que le travailleur ait demeuré en plein bois dans un camp de bois rond, il est bien évident que la maison qu’il occupait était équipée d’un système de chauffage.
[25] Donc, il n’est pas nécessaire que le système de chauffage au bois soit le seul système pour donner droit au travailleur au remboursement de ses frais. Il est nécessaire que le travailleur fasse la démonstration qu’il utilisait ce mode de chauffage avant la survenance de sa lésion professionnelle et de son incapacité à l’exercer, qu’il ne s’agit pas d’une activité de loisir mais bien un complément à l’activité de chauffer sa maison et que c’est une activité qu’il exerçait avant la survenance de sa lésion professionnelle, ce qui est le cas en l’espèce.
[26] Exiger que cela soit l’unique moyen de chauffage est ajouter à la loi. Il et est reconnu par la jurisprudence que les dispositions de la présente loi doivent être interprétées de façon large et libérale afin de leur donner application.
[27]
Dans le présent cas, l’article
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE le recours en contestation de monsieur Clément Pelletier;
INFIRME la décision rendue par la révision administrative le 17 août 2000;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement de ses frais de chauffage.
|
|
|
Me Simon Lemire |
|
Commissaire |
|
|
|
|
|
|
|
|
Me Denis Béchard |
|
|
|
Représentant de la partie requérante |
|
|
|
|
|
|
|
PANNETON LESSART ( Me Ellen Baulne ) |
|
|
|
Représentant de la partie intéressée |
|
|
|
|
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.