DÉCISION
[1] Le 16 juin 1999, monsieur Médéric Lemieux, le travailleur, dépose une contestation à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision émise, le 10 juin 1999, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, le réviseur dispose de plusieurs demandes de révision introduites par le travailleur, respectivement en date des 4 janvier, 1er février, 23 mars et 29 mars 1999 à l’encontre des décisions rendues par la CSST, le 22 décembre 1998, les 14 janvier, 10 mars et 23 mars 1999.
[3] Plus spécifiquement, dans le dossier 113664965-00001, le réviseur conclut que la lettre du 4 janvier 1999 ne constitue pas une contestation mais plutôt une lettre transmettant les griefs du représentant du travailleur à la CSST.
[4] Dans le dossier 113664965-00002, le réviseur maintient la décision émise par la CSST le 14 janvier 1999, décision à l’effet de permettre un remboursement des frais de déplacement du travailleur à un montant de .125 $ du kilomètre en application sur le règlement portant sur les frais de déplacement et de séjour.
[5] Dans le dossier 113664965-00003, le réviseur confirme la décision émise par la CSST, le 10 mars 1999, en permettant uniquement le remboursement des frais de déneigement du stationnement du travailleur. Le réviseur refuse donc de procéder au remboursement des frais encourus par le travailleur pour l’achat de bois de chauffage pour l’année 1998.
[6] Dans le dossier 113664695-00004, le réviseur confirme la décision du 23 mars 1999 et refuse de procéder au remboursement des frais de déplacement de la conjointe du travailleur pour des visites qu’elle faisait auprès de son conjoint, à l’hôpital de Chicoutimi.
[7] Une audirnce fut dûment convoquée et tenue devant la Commission des lésions professionnelles, siégeant à Chicoutimi, le 9 novembre 1999.
[8] Le travailleur était présent et représenté.
L'OBJET DU LITIGE
[9] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles :
- d’autoriser le remboursement des frais de déplacement à un taux de .34 $ du kilomètre lorsqu’il a dû effectuer des consultations médicales au Centre hospitalier de l’Université de Sherbrooke, le tout tel que prescrits par ses médecins traitants;
- d’autoriser le remboursement des frais inhérents à l’achat de son bois de chauffage. Ajoutons que le travailleur renonce à toute réclamation portant sur le remboursement des frais de déplacement encourus par sa conjointe lors des visites au Centre hospitalier de Chicoutimi.
LES FAITS
[10] Des documents au dossier ainsi que de la preuve administrée lors de l’audience, la Commission des lésions professionnelles résumera les éléments pertinents à notre litige.
[11] Le travailleur est ouvrier de voirie à l’emploi du Ministère des transports depuis approximativement 20 ans, lorsqu’il subit un accident du travail le ou vers le 18 août 1997.
[12] Au formulaire «Avis de l’employeur et demande de remboursement» et conformément à la preuve au dossier, le travailleur subit, à cette date, une grave électrocution entraînant des lésions importantes aux mains et aux pieds. Plus spécifiquement, il y a eu circulation de la décharge électrique entre les membres supérieurs avec sortie au niveau des pieds.
[13] Suite à cet accident de travail, le travailleur fut suivi par différents professionnels de la santé dont les docteurs Pedneault, M. Dufresne, Élizabeth-Marie Stumps, le tout tel qu’il appert des documents médicaux au dossier.
[14] Quant aux lésions subies par le travailleur ainsi qu’aux soins requis, la Commission des lésions professionnelles constate que le docteur M. Dufresne, à son rapport d’évaluation médicale du 17 août 1999 en fait une description exhaustive tel que rapporté au long ci-après :
«(...)
Monsieur Lemieux a subi un accident de travail le 18 août 1997 alors qu’à l’emploi de la voirie provinciale il travaillait dans un fossé rempli d’eau, la pelle mécanique qui servait à soulever un tuyau de ciment est entrée en contact avec un fil électrique de 72,000 volts. Monsieur Lemieux travaillant à nettoyer le tuyau avec une pelle ses pieds étant dans l’eau, il a reçu une décharge électrique qui est entrée par ses deux mains et est ressortie par ses deux membres inférieurs. Suite à cet accident le patient a été conduit à l’Hôpital de Chicoutimi, présentant des brûlures profondes aux deux membres inférieurs, à la main droite et à l’auriculaire gauche.
Il est placé sous monitoring cardiaque aux soins intensifs durant 5 jours, puis de la nécrose de coagulation s’installant aux deux pieds le 9 septembre 1997, il est monté en salle d’opération où sous anesthésie générale le Dr François Gauthier orthopédiste procède à l’amputation de l’avant-pied droit (syme). Nous procédons ensuite personnellement à une amputation trans-métatarsienne au niveau des premier et deuxième orteils droits, des lambeaux de rotation au niveau des deux pieds avec greffes cutanées, de même que des greffes cutanées au niveau de la cuisse, de son genou droit et de sa main droite. Malheureusement en post-opératoire une nécrose partielle du lambeau de son moignon s’est installée et le 30 septembre le patient est remonté en salle d’opération où on procède à un débridement et mise en place d’une greffe cutanée. Il reçoit son congé le 23 octobre 1997 et il doit porter par la suite des vêtements compressifs durant plus d’un an. Des orthèses aux deux pieds sont fabriquées et il les porte jusqu’au début de février 1998. Des douleurs étant importantes à la cheville gauche, une consultation est redemandée au Dr Bernier à Sherbrooke en électrophysiologie qui le voit le 9 novembre 1997, celui-ci a noté une légère atteinte de la moelle épinière thoracique plus marqués à gauche qu’à droite, qui pourrait être responsable d’une hyper-réflexie ostéo-tendineuse et d’une faiblesse musculaire plus marquée au niveau des fléchisseurs de sa jambe gauche. Un examen le 14 mai 1999 a montré des changements neurogéniques chroniques dans les muscles distaux des extrémités.
Depuis ce temps son état est stable et la dernière visite remonte au 30 juin 1999.
(...)»
[15] Tel qu’il appert des notes évolutives du 21 septembre 1998 contenues au dossier ainsi que de la lettre du 4 janvier 1999 adressée par le représentant du travailleur, monsieur Réal Simard, le travailleur fut référé au docteur Jean-Pierre Bernier du CHUS pour une évaluation de complémentaire de l’état du travailleur. Dans ce contexte, des examens médicaux approfondis furent fixés pour les dates du 9 novembre et du 15 décembre 1998 ainsi que du 6 janvier 1999. Soulignons que la nécessité de ces examens médicaux auprès du docteur Bernier se justifiait par l’expertise de l’équipe développée au CHUS de Fleurimont dans le cadre du type de lésion présenté par le travailleur. Cette expertise ne pouvait se retrouver dans un centre hospitalier de Chicoutimi ou de Québec.
[16] Or, tel qu’il appert des notes évolutives du 21 septembre 1998, une demande spécifique était introduite à la CSST afin que le travailleur soit indemnisé à un taux de .034 $ du kilomètre lors de ses déplacements. Aux notes évolutives, on constate que l’agent informe le travailleur et son représentant que les frais de déplacement seront payés à un tarif de .125 $ du kilomètre à partir du 30 septembre 1998.
[17] Le 21 décembre 1998, la docteure Élizabeth Stumps complète une ordonnance médicale dans lequel elle indique :
«M. Lemieux ne peut voyager par le système de transport public pour ces consultations médicales. Soit voyager de façon plus confortable pour éviter des risques de chute et de transport excessif.
Problème de d’HTA labile et amputation du pied gauche et amputation partielle du pied droit. Doit voyager voiture privée.»
[18] Ce document est transmis à la CSST.
[19] Le 1er février 1999, le travailleur adresse une lettre à la CSST dans laquelle il déclare :
«Cher Mme. Dufour,
par la présente lettre, je voudrais vous faire par d’une demande. Avant mon accident, je fesais moi-même mon bois de poêle, mais depuis je dois l’acheter. Je voudrais le remboursement de mon chauffage pour l’année 1998 et une partie de 1999 qui monte à 16 cordes de 45$ chacune pour un total de 720$.»
(sic)
[20] Le 17 août 1999, le travailleur était évalué par le docteur Marc Dufresne. Ce médecin conclut que le travailleur a subi des atteintes permanentes graves et importantes aux membres inférieurs impliquant qu’il ne peut plus occuper un travail qui nécessite une station debout, des déplacements ou d’effort physique. Il suggère une évaluation en orthopédie ainsi qu’en neurologie et propose un bilan des déficits anatomo-pathologiques subis par le travailleur. Dans ce contexte, la CSST, en date du 30 septembre 1999, informe les parties qu’il demeure toujours médicalement impossible de déterminer les séquelles permanentes du travailleur. Par ailleurs, elle accorde immédiatement un montant d’indemnité forfaitaire de 13 161 $ au travailleur, montant minimal en fonction des séquelles prévisibles à être déterminées.
[21] Lors de l’audience, le travailleur produit une opinion médicale du docteur Marc Dufresne émise le 20 octobre 1999. À ce document, le docteur Dufresne explique :
«(...) Malheureusement à ce moment peu de spécialistes peuvent évaluer le dommage fait à l’intérieur aussi nous avons eu recours à l’expertise du Dr Jean-Pierre Bernier du Centre universitaire de santé de l’Estrie, qui présente une expertise au niveau des électromyographies.
Se faisant, Monsieur Médéric Lemieux devait se déplacer à Sherbrooke pour rencontre le Docteur Bernier et également subir des tests. Comme Monsieur Lemieux présente des difficultés à la marche ainsi que des faiblesses musculaires au niveau des membres inférieurs accompagnées de douleurs et qu’il doit régulièrement changer de position et bouger, l’utilisation du transport en commun, nous est apparu comme inacceptable dans ces circonstances.»
[22] Lors de l’audience, le travailleur confirme qu’il devait consulter le docteur Bernier, conformément aux prescriptions de ces médecins afin que l’on puisse procéder à une évaluation des blessures internes résultant de son électrocution. Seul le docteur Bernier détenait une expertise pour parvenir à réaliser une telle étude ce qui entraînait la nécessité de consulter ce médecin ainsi que son équipe, à Sherbrooke.
[23] Quant au bois de chauffage, le travailleur explique qu’avant son accident du travail, il effectuait lui-même la coupe et la préparation de ce bois, sur la terre de son fils. Il souligne que depuis 1981, sa maison est installée avec un système de chauffage à combustion lente qui lui permettait de réaliser des économies substantielles d’électricité. Suite à sa lésion professionnelle, il s’est retrouvé dans une situation où il devait acheter ce bois de chauffage à un prix de 45 $ la corde tel que précisé à sa lettre du 1er février 1999.
L'AVIS DES MEMBRES
[24] Les membres issus des associations d’employeurs et syndicales sont unanimes pour recommander à la Commission des lésions professionnelles :
- d’autoriser le remboursement des frais de déplacement du travailleur, à un tarif de .034 $ du kilomètre pour les voyages résultant des consultations auprès du docteur Bernier, à Sherbrooke;
- d’autoriser le remboursement des frais d’achat du bois de chauffage du travailleur pour l’année 1998-1999 conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[25] La Commission des lésions professionnelles doit décider si les décisions contestées sont bien fondées en faits et en droit.
[26] Rappelons que l’article 1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles décrit l’objet principal de cette loi qui doit nous guider dans l’application de chacune de ces dispositions sous réserve des dispositions spécifiques visant les sujets recouverts par la loi. Les principes qui y sont énoncés constituent la première règle d’interprétation que tout décideur doit prendre en considération dans l’appréciation des différents litiges qui lui sont soumis. Cette règle d’interprétation s’applique aussi bien à la CSST qu’aux instances décisionnelles subséquentes et est complété par les règles d’interprétation générale reconnues en droit.
[27] L’article 1 énonce donc :
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour dommages corporels et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 1.
[28] La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles a donc pour objet la réparation des lésions professionnelles et les conséquences qu’elle entraîne pour les bénéficiaires. Ce processus de réparation des lésions professionnelles comprend la dispensation des soins, le paiement d’indemnités, des mesures de réadaptation et des droits particuliers consentis aux bénéficiaires par le législateur. De plus, elle régit les rapports entre le travailleur et son employeur, dans le cadre des conséquences d’une lésion professionnelle.
[29] De façon plus spécifique, l’article 115 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles énonce :
115. La Commission rembourse, sur production de pièces justificatives, au travailleur et, si son état physique le requiert, à la personne qui doit l'accompagner, les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation, selon les normes et les montants qu'elle détermine et qu'elle publie à la Gazette officielle du Québec.
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1985, c. 6, a. 115.
[30] Conformément à cette disposition, le travailleur a le droit d’obtenir le remboursement de ses frais de déplacement et de séjour engagé pour recevoir des soins ou subir des examens médicaux sur production de pièces justificatives à la CSST.
[31] Ce droit reconnu à un bénéficiaire est soumis aux normes et montants déterminés par règlement publié à la Gazette officielle de Québec.
[32] Aux Règlements sur les frais de déplacement et de séjour, GO-30-06-1993, on stipule à l’article 1 :
1. Le travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit au remboursement, selon les normes prévues au présent règlement et les montants prévus à l’annexe I, des frais de déplacement et de séjour qu’il engage pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001).
Si l’état physique du travailleur le requiert, la personne qui doit l’accompagner a droit au remboursement des frais de déplacement et de séjour qu’elle engage, selon les mêmes normes et montants.
[33] C’est donc cet article 1 qui réitère le principe général de l’article 115 tout en référant aux normes décrits dans les articles suivants ainsi qu’au montant prévu à l’annexe I.
[34] À l’article 4, on indique :
4. La Commission rembourse les frais de déplacement et de séjour en tenant compte de la solution appropriée la plus économique.
[35] Cette provision législative souligne un principe d’application générale, principe qui ne peut que s’appliquer entre des solutions appropriées, en l’occurrence des solutions comparables, similaires. Avant d’effectuer un choix sur cette base de solution plus économique, le décideur doit bien établir les paramètres permettant une comparaison pour que l’on puisse les qualifier d’appropriés et de similaires. Dans l’hypothèse où il ne reste qu’une seule solution, le décideur devrait conclure au paiement des frais de déplacement et de séjour inhérents à cette solution dans les limites prévues par l’annexe I.
[36] Quant au frais de déplacement, l’article 5 énonce comme principe général :
5. Son remboursable les frais engagés pour le transport en commun par autobus, métro, train ou bateau.
[37] Le législateur prévoit donc, en principe général, l’utilisation des transports en commun par opposition à l’utilisation d’un véhicule personnel. Évidemment, ce principe général mérite exception puisque la condition physique ou psychologique d’un travailleur peut restreindre ou même empêcher l’utilisation des transports en commun.
[38] À l’article 6, le législateur québécois a donc prévu, quant au choix du mode de transport, que :
6. La Commission peut autoriser à un travailleur à utiliser un véhicule personnel ou un véhicule taxi lorsque le médecin qui a charge de ce travailleur atteste qu’il est incapable d’utiliser les moyens de transport prévus à l’article 5 en raison de son état de santé et qu’elle estime que cette incapacité est causée ou aggravée par une lésion professionnelle.
Le médecin peut indiquer la période durant laquelle l’incapacité d’utiliser les moyens de transport en commun durera vraisemblablement.
[39] L’article 6 prévoit donc une première dérogation aux principes généraux en permettant à un bénéficiaire d’utiliser un véhicule personnel ou un véhicule taxi lorsque les conditions stipulées par cet article se réalisent. Quant à ces conditions, elles portent sur deux éléments, en l’occurrence une attestation émise par le médecin qui a pris charge du bénéficiaire confirmant son incapacité à utiliser les moyens de transport prévus à l’article 5 eut égard à son état de santé relié à sa lésion professionnelle. En second lieu, suite à la production d’une telle attestation, le bénéficiaire doit être autorisé par la CSST.
[40] La Commission des lésions professionnelles tient à souligner que la notion d’autorisation ne réfère pas nécessairement à une préautorisation du travailleur. En effet, selon les circonstances de chaque cas, il serait présomptueux, sinon dangereux d’interpréter les dispositions de l’article 6 du règlement comme impliquant nécessairement une préautorisation du bénéficiaire lors d’usage de son véhicule personnel. En effet, dans bien des cas, l’état de santé du travailleur pour être compromis par des délais administratifs lors d’intervention urgente. Bien que la Commission des lésions professionnelles n’est pas sans ignorer la jurisprudence sur ce sujet, il est bon de souligner que cette notion de préautorisation fut discutée et tempérée dans bien des cas[1].
[41] D’ailleurs, la Commission des lésions professionnelles souligne que les termes utilisés par le législateur à l’article 6 ne réfère pas à une «préautorisation» mais plutôt à une simple autorisation de la CSST. Cette autorisation de la CSST peut être donnée à postiori, lors de la réclamation pour remboursement de frais puisqu’à tout escient la CSST est en mesure de vérifier les conditions d’application de l’article 6 et de procéder au remboursement approprié. Il en résulte aucune conséquence négative pour la CSST alors que dans l’hypothèse contraire, l’on fait supporter au bénéficiaire des délais administratifs pouvant avoir un impact sur sa santé et son intégrité physique.
[42] Bien plus, la Commission des lésions professionnelles réfère le lecteur à l’article 8 dudit règlement. Cet article stipule :
8. Seuls sont remboursables, selon le tarif applicable prévu à l’annexe I, les frais de transport engagés pour se déplacer entre la résidence et le lieu où les soins doivent être reçus, les examens médicaux doivent être subis ou les activités dans le cadre du plan d’individualisé de réadaptation doivent être accomplies, en choisissant l’itinéraire le plus court.
La personne qui utilise un véhicule personnel, avec ou sans l’autorisation de la Commission, a droit en outre au remboursement des frais de stationnement et de péage.
[43] Tel qu’il appert de l’alinéa 2 de l’article 8, l’on comprend qu’un bénéficiaire peut utiliser son véhicule personnel sans autorisation de la CSST. Dès lors, ce second alinéa de l’article 8 déroge au principe de l’article 5 et prévoit comme unique sanction, un remboursement au taux de .125 $ par kilomètre lors de l’utilisation d’un véhicule personnel ou d’un véhicule taxi non autorisé.
[44] Dans le cas de l’utilisation d’un véhicule personnel autorisé, ce remboursement est porte à .340 $ par kilomètre conformément à l’annexe I.
[45] Il en résulte donc que les dispositions des articles 5 à 8 portant sur les frais de déplacement (frais de transport) n’ont pas proscrit l’utilisation d’un véhicule personnel mais plutôt qu’on y a relié une indemnisation différente sujette à un processus d’autorisation ou non.
[46] Avec tout le respect pour l’avis contraire, il nous semble que cette notion de «préautorisation» versus «autorisation» doit être appréciée dans le contexte de l’article 1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, des principes généraux dégagés par cette législation tout en soulignant la préoccupation constante du législateur de permettre aux bénéficiaires de recevoir tous les soins et l’assistance requise à la réparation d’une lésion professionnelle.
[47] Finalement, à l’article 9 du règlement, on stipule :
9. Lorsqu’un travailleur choisit, sans avoir été préalablement autorisé par la Commission, de recevoir des soins ou de subir des examens médicaux à une distance de plus de 100 kilomètres de sa résidence alors que ces soins ou ces examens pourraient être effectués à une distance moindre, seuls sont remboursables les frais équivalents à un déplacement de 200 kilomètres avec un véhicule personnel autorisé dans le cas prévu à l’article 6 ou avec un véhicule personnel non autorisé dans tout autre cas.
Cette autorisation peut être accordée si ces frais sont plus économiques compte tenu de l’ensemble des indemnités auxquelles le travailleur aurait droit s’il recevait les soins ou subissait un examen médical à 100 kilomètres ou moins de sa résidence.
[48] La Commission des lésions professionnelles souligne que cet article illustre bien que le législateur québécois, lorsqu’il parle d’autorisation préalable, le stipule expressément dans son texte. Ainsi donc, la comparaison des textes des articles 6 et 9 constitue un élément déterminant à prendre en considération lorsqu’on se réfère à la notion d’autorisation prévue à l’article 6.
[49] Quant à l’article 9, il stipule expressément que le travailleur doit recevoir une préautorisation avant de subir un examen médical à une distance de plus 100 kilomètres de sa résidence lorsque ses soins ou examens sont disponibles à une distance moindre.
[50] Évidemment, l’article 9 se réfère à une situation où le bénéficiaire exerce strictement un choix entre des services équivalents disponibles à des distances différentes, plus ou moins de 100 kilomètres de sa résidence. Bien que les articles 192 et 193 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ont prévu que le travailleur a droit de choisir le professionnel de la santé ainsi que l’établissement de santé qui dispensera les soins, il n’en demeure que ce choix est soumis aux contraintes exprimées par l’article 9 dans le cadre du remboursement des frais de déplacement inhérent à la dispensation de ces soins.
[51] Par ailleurs, les dispositions de l’article 9 ne trouvent pas d’application lorsqu’il est établi que les soins ou les examens que doit subir le travailleur ne sont pas disponibles à une distance moindre. En effet, dans un tel cas, on ne parle plus d’un choix du travailleur mais plutôt d’une nécessité rattachable à l’état de santé de celui-ci toujours dans le contexte de la réparation de sa lésion professionnelle. Dès lors, la limite de 100 kilomètres prévue à l’article 9 s’applique uniquement dans les cas où les soins ou examens que doit subir le travailleur sont disponibles à une distance moindre que ceux choisis par le travailleur.
[52] Le montant des remboursements sont régis subsidiairement selon que l’article 6 ou non s’applique, le tout en corrélation avec l’annexe I du règlement.
[53] Une fois ces éléments juridiques énoncés, il convient de reconnaître que la prépondérance de preuve qui fut offerte à la Commission des lésions professionnelles démontre que l’état de santé du travailleur résultant de sa lésion professionnelle requérait qu’il puisse consulter le docteur Bernier, à Sherbrooke, afin qu’on puisse établir les conséquences de l’électrocution. La CSST fut avisé de cette situation avant même que les déplacements soient encourus, le tout tel qu’il appert de la déclaration écrite du représentant du travailleur signée en date du 4 janvier 1999, des notes évolutives complétées par l’agent de la CSST aux mois de septembre et octobre 1998 et des rapports médicaux des docteurs Stumps et Dufresne. Seul l’équipe médicale du docteur Bernier pouvait procéder au type d’examen requis puisqu’il disposait de l’expertise nécessaire pour évaluer les conséquences internes pouvant affecter le travailleur suite à son électrocution.
[54] D’ailleurs, conformément à la décision qu’aurait pu prendre l’agent, à l’époque, ces déplacements auraient pu être «préautorisés». Seul le processus de contestation explique la production de documents écrits subséquents alors que les opinions des médecins qui ont pris charge du travailleur, sur ce sujet, étaient non équivoques à l’époque de la demande.
[55] Dans ce contexte, la Commission des lésions professionnelles conclut donc que le travailleur a le droit de recevoir un remboursement de ses frais de déplacement résultant des consultations effectuées auprès de l’équipe du docteur Bernier, à Sherbrooke, à un tarif de .34 $ du kilomètre sans limite de kilométrage puisque le travailleur bénéficie des dispositions de l’article 6 du règlement. La consultation auprès du docteur Bernier était requise eut égard à son état de santé et que les examens médicaux pratiqués par cette équipe étaient disponibles uniquement à Sherbrooke. Dès lors, l’article 9 ne s’applique pas.
[56] Quant au second sujet en litige devant la Commission des lésions professionnelles, rappelons les dispositions des articles 145 et 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
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1985, c. 6, a. 145.
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui - même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
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1985, c. 6, a. 165.
[57] Sur ce sujet, la Commission des lésions professionnelles souligne que le remboursement du coût d’achat de cordes de bois de chauffage fut discuté et reconnu dans bien des décisions de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) et particulièrement dans l’affaire Réal Alarie et Industrie James McLaren inc.[2]. Donc, la Commission des lésions professionnelles rappelle immédiatement qu’il est faux de prétendre que le remboursement de ces frais n’est pas couvert par l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
[58] D’ailleurs, l’article 165 relie le paiement de ces frais à deux conditions principales. En l’occurrence, que le bénéficiaire subisse une atteinte permanente grave à son intégrité physique et, qu’en second lieu, il devient incapable d’effectuer des travaux d’entretien courant de son domicile qu’il effectuerait normalement lui-même.
[59] Quant à la notion d’atteinte permanente grave à son intégrité physique, la jurisprudence de la Commission d’appel ainsi que de la Commission des lésions professionnelles précise qu’elle s’analyse en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l’article 165. Elle inclut donc les limitations fonctionnelles reconnues à un travailleur[3].
[60] Ainsi donc, lorsqu’on parle d’une atteinte permanente grave à l’intégrité physique, on ne se limite pas strictement au taux de déficit anatomo-physiologique mais plutôt aux conséquences directes et immédiates sur la capacité physique d’un individu à vaquer à ses occupations ordinaires. C’est dans ce contexte que l’on parle de capacité résiduelle du travailleur.
[61] En second lieu, pour que le travailleur puisse être remboursé de ses coûts, il doit être établi qu’il effectuait lui-même ses travaux et, qu’en conséquence, il subit une perte financière puisqu’il doit les faire exécuter par une autre personne.
[62] La prépondérance de preuve offerte à la Commission des lésions professionnelles permet de conclure que le travailleur n’est plus en mesure de pouvoir effectuer ce type de travail conformément aux limitations fonctionnelles qui lui sont reconnues par le docteur Dufresne à son évaluation du 17 août 1999. Rappelons que cet état du travailleur existe depuis sa lésion professionnelle et que son droit est né à ce moment, le tout en application de l’article 145 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. En effet, le droit à la réadaptation sociale est reliée, en tout premier lieu, à la notion même de lésion professionnelle.
[63] En second lieu, il suffit qu’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur soit prévisible pour qu’il puisse bénéficier des dispositions prévues au chapitre IV section I de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
[64] Dans le présent cas, les capacités résiduelles du travailleur l’empêche de pouvoir vaquer à cette occupation, occupation qu’il effectuait lui-même. En conséquence, le travailleur a satisfait au fardeau de la preuve qui était exigé.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la contestation introduite par monsieur Médéric Lemieux, le 16 juin 1999;
INFIRME la décision émise par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 10 juin 1999;
DÉCLARE que monsieur Médéric Lemieux a droit au remboursement de ses frais de déplacement pour consultations auprès du docteur Bernier, à Sherbrooke, à un tarif de .34 $ du kilomètre, pour l’entier kilométrage entre son lieu de résidence et le lieu de consultation;
DÉCLARE que monsieur Médéric Lemieux a le droit d’obtenir le remboursement de coûts relatifs à l’acquisition de bois de chauffage dans les limites prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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PIERRE SIMARD |
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Commissaire |
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S.F.P.Q. (Me Pierre Brun) 5100, boul. Des
Gradins Québec (Québec) G2J 1N4 |
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Représentant de la partie requérante |
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PANNETON
LESSARD (Me
Gérard Simard) 901,
boul. Talbot, C.P. 5400 Chicoutimi (Québec) |
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Représentant de la partie intervenante |
[1] Pilon et Centre Hospitalier Côte-des-Neiges, 10830-61-8812, 90-12-07, G. Robichaud; Croteau et Simard et Beaudry inc., 19533-63-9005, 92-09-02; Pineau et Société des alcools du Québec, 57283-61-9403, 95-10-05, T. Giroux.
[2] 34592-64-9112, 95-08-25, G. Robichaud; Entreprise Bon Conseil ltée et Denis Brazeau et CSST, 57905-09-9412, 64790-09-9412, 95-08-07, J.-M. Dubois; Simon Gagnon et Bombardier inc., 30854-01-9108, 93-06-25, D. Beaulieu; Philippe Martel et Les Entreprises G. St-Amand inc. et CSST, 07955-03-8806, 90-10-26, B. Dufour.
[3] Bouthillier et Pratte et Whitney Canada inc., (1992, CALP, 605).
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