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[1] Le 9 février 2006, monsieur Gérard Bouchard (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 20 janvier 2006, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 4 novembre 2005 refusant d’autoriser au travailleur l’achat de prothèses auditives numériques au motif qu’il est à la retraite.
[3] Le 10 novembre 2006, l’employeur avise la Commission des lésions professionnelles qu’il ne sera pas présent à l’audience. Le travailleur est présent, à l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles le 13 novembre 2006, à Joliette.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au remboursement de prothèses auditives numériques en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
L’AVIS DES MEMBRES
[5]
Le membre issu des associations d’employeurs et celui issu des
associations syndicales sont d’avis d’accueillir la requête du travailleur. À
cet égard, ils retiennent que l’article
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] Le 26 février 1987, le travailleur formule une réclamation auprès de la CSST pour une surdité professionnelle. Le travailleur est reconnu victime d’une surdité professionnelle par la CSST. Le 25 juillet 1989, elle reconnaît au travailleur une atteinte permanente de 7,40 % pour les oreilles droite et gauche. Le travailleur n’a jamais réclamé de remboursement de prothèses auditives ou porté des prothèses auditives suivant sa réclamation.
[7] Le 29 septembre 2005, il consulte monsieur Éric Chamberland, audiologiste et passe un audiogramme. Monsieur Chamberland rapporte que travailleur éprouve beaucoup de difficultés à discriminer les paroles dans le bruit, et ce, même en présence de seulement deux ou trois personnes. Il doit faire répéter constamment son interlocuteur et monter le volume de son téléviseur, ce qui incommode son entourage. Il recommande le port d’un appareillage binaural, l’utilisation d’écouteurs à l’infrarouge et d’un amplificateur téléphonique pour améliorer son intelligibilité de la parole.
[8] Le 4 octobre 2005, madame Marjorie Tremblay, audioprothésiste, transmet à la CSST une demande d’autorisation pour deux prothèses auditives.
[9] Le 3 novembre 2005, le docteur Sarrazin, oto-rhino-laryngologiste, prescrit au travailleur le port de prothèses auditives bilatérales numériques, des écouteurs et un amplificateur téléphonique.
[10] Le 3 novembre 2005, madame Tremblay transmet à la CSST l’audiogramme passé par le travailleur, le certificat médical du docteur Sarrazin, l’estimation des coûts de prothèses auditives numériques et un rapport à la CSST. Elle explique dans son rapport que le travailleur présente des difficultés particulières d’écoute lors des réunions des AA, des difficultés particulières de compréhension en groupe et au restaurant, des difficultés particulières d’écoute avec les bruits de l’environnement, ce qui l’oblige à s’isoler. Elle ajoute qu’il lui est aussi difficile de comprendre la radio ou la télévision à un niveau sonore raisonnable. Elle précise qu’elle craint également pour sa sécurité lorsqu’il marche sur le bord de la route, car il n’entend pas bien le bruit des automobiles qui s’approchent.
[11] Le 4 novembre 2005, la CSST refuse la réclamation du travailleur pour des prothèses auditives numériques, soulignant que celles-ci ne sont payables que dans le cadre du maintien en emploi et qu’il est à la retraite.
[12]
Le 14 novembre 2005, le travailleur conteste cette décision. Le 20
janvier 2006, la révision administrative de la CSST maintient ce refus au motif
que les prothèses auditives numériques ne sont pas remboursables en vertu de
l’article
[13]
L’article
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
__________
1985, c. 6, a. 188.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit:
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
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1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.
198.1. La Commission acquitte le coût de l'achat, de l'ajustement, de la réparation et du remplacement d'une prothèse ou d'une orthèse visée au paragraphe 4° de l'article 189 selon ce qu'elle détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
Dans le cas où une orthèse ou une prothèse possède des caractéristiques identiques à celles d'une orthèse ou d'une prothèse apparaissant à un programme administré par la Régie de l'assurance maladie du Québec en vertu de la Loi sur l'assurance maladie (chapitre A-29) ou la Loi sur la Régie de l'assurance maladie du Québec (chapitre R-5), le montant payable par la Commission est celui qui est déterminé dans ce programme.
__________
1992, c. 11, a. 11; 1999, c. 89, a. 53.
[14]
Une prothèse auditive constitue une prothèse au sens du paragraphe 4e
de l’article
[15] Les prothèses auditives numériques ont été prescrites par un professionnel de la santé, le docteur Sarrazin, oto-rhino-laryngologiste, le 3 novembre 2005.
[16] Le Recueil des politiques en matière de réadaptation-indemnisation de la CSST prévoit, au chapitre 5.04 qui traite des prothèses et des orthèses, que lorsque les prothèses ou orthèses font partie d’un programme de la RAMQ et sont disponibles chez un fournisseur agréé par celle-ci, la CSST applique les tarifs en vigueur à la RAMQ. Lorsque les prothèses ou les orthèses ne font pas partie d’un programme de la RAMQ, l’achat doit être préalablement autorisé par la CSST et celle-ci se réserve le droit d’obtenir deux estimations écrites du prix d’achat ou du renouvellement des prothèses ou orthèses.
[17] La CSST applique les tarifs publiés par la RAMQ qui, dans son manuel des aides auditives, prévoit le remboursement de prothèses auditives analogiques et non pas de prothèses auditives numériques.
[18] Le tribunal est d’avis que le refus de la CSST d’acquitter le coût d’achat des prothèses auditives numériques réclamées par le travailleur au motif que la prothèse numérique n’est pas décrite au programme administré par la RAMQ n’est pas fondé.
[19]
En effet, le paragraphe 2e de l’article
[20] Bien que le tribunal ne soit pas lié par les politiques établies par la CSST en matière de prothèses ou orthèses, il ne peut que constater que la CSST prévoit dans ses propres politiques que si l’orthèse ou la prothèse ne fait pas partie d’un programme de la RAMQ, l’achat doit être préalablement autorisé par la CSST qui se réserve le droit d’obtenir deux estimations écrites.
[21] Ainsi, le fait que la prothèse numérique ne soit pas remboursable en vertu des programmes administrés par la RAMQ ne constitue pas une fin de non-recevoir à la demande de remboursement du travailleur.
[22] Le présent tribunal avalise la jurisprudence établie par la Commission des lésions professionnelles à l’effet que le 2e alinéa de l’article 198.1 prévoit simplement d’ajuster les tarifs payables par la CSST à ceux de la RAMQ pour des orthèses ou prothèses ayant les mêmes caractéristiques, lorsqu’elles apparaissent à un programme administré par la RAMQ. Cette disposition prévoit une concordance administrative des montants remboursables en vertu des deux régimes pour les mêmes prothèses ou orthèses, mais non d’une contrainte qui empêche la CSST de rembourser les travailleurs pour des prothèses ou des orthèses différentes de celles apparaissant aux programmes administrés par la RAMQ[3].
[23] Le tribunal souligne de plus que depuis 2001, la jurisprudence quasi unanime de la Commission des lésions professionnelles accorde au travailleur le remboursement de prothèses auditives numériques[4]. Le tribunal a également noté une abondante jurisprudence au même effet, antérieurement à 2001.
[24] Le tribunal ajoute qu’il est impérieux, à la lumière de cette jurisprudence, que la CSST révise ses façons de faire. En effet, il serait inéquitable que seuls les travailleurs qui s’adressent à la Commission des lésions professionnelles se voient accorder le droit à un remboursement de prothèses auditives numériques alors que les travailleurs qui ne contestent pas se voient refuser un tel droit.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Gérard Bouchard, le travailleur;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 20 janvier 2006, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement de prothèses auditives numériques.
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Francine Mercure |
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Commissaire |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] Règlement sur l’assistance médicale, (1993) 125 G.O. II, 1331.
[3] Bertrand et Produits
chimiques Expro inc., C.L.P.
[4] René Thibaudeau et Aciers inoxydables Atlas (Les), C.L.P.
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