Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

G.S. et Compagnie A

2013 QCCLP 2668

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

6 mai 2013

 

Région :

Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent et Côte-Nord

 

Dossier :

487816-09-1211

 

Dossier CSST :

134053032

 

Commissaire :

Claude-André Ducharme, juge administratif

 

Membres :

Guy Marois, associations d’employeurs

 

André Therrien, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

G.... S...

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

[Compagnie A]

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 13 novembre 2012, monsieur G.... S... (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 7 novembre 2012 à la suite d'une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST modifie une décision qu'elle a initialement rendue le 28 août 2012 et déclare que monsieur S... a droit au remboursement des frais reliés au grand ménage annuel, sous réserve de la production de pièces justificatives.

[3]           De plus, la CSST confirme une autre décision qu'elle a initialement rendue le 5 septembre 2012 et déclare que monsieur S... n'a pas droit au remboursement des frais reliés au déneigement de la toiture de son domicile.

[4]           Monsieur S... et sa représentante étaient présents à l'audience que la Commission des lésions professionnelles a tenue à Baie-Comeau le 15 avril 2013. [Compagnie A] (l'employeur) et la CSST n'étaient pas représentés à l'audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]           Monsieur S... demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu'il a droit au remboursement des frais reliés au déneigement des toitures de son domicile et d'une remise.

LES FAITS

[6]           Le tribunal retient les éléments suivants des documents contenus au dossier et du témoignage de monsieur S....

[7]           Le 27 octobre 2008, dans l'exercice de son emploi de responsable de l'atelier de fabrication chez l'employeur, monsieur S... subit une lésion professionnelle à la région lombaire en soulevant une boîte pesant 50 livres pour la déposer au sol.

[8]           Le diagnostic de hernie discale L4-L5 est posé et il doit subir une discectomie le 29 juin 2009. La lésion est consolidée le 26 juillet 2011 par un membre du Bureau d'évaluation médicale avec une atteinte permanente à l'intégrité physique et des limitations fonctionnelles qui seront modifiées subséquemment par la Commission des lésions professionnelles dans une décision rendue le 25 juillet 2012.

[9]           Le 30 août 2011, la CSST décide que monsieur S... a droit à la réadaptation.

[10]        Le 25 juillet 2012, la Commission des lésions professionnelles établit à 28,75 % l'atteinte permanente à l'intégrité physique résultant de la lésion professionnelle du 27 octobre 2008 et elle identifie les limitations fonctionnelles suivantes :

Éviter les mouvements avec des amplitudes moindrement significatives de flexion, d’extension ou de torsion du rachis lombaire. Il devrait éviter de manipuler des charges de plus de 30 livres. Il devrait éviter de travailler en position penchée ou accroupie. Il devrait éviter de ramper, grimper, de marcher sur les terrains accidentés et subir des vibrations de basses fréquences ou des contrecoups à la colonne vertébrale. [sic]

 

 

[11]        Le 28 août 2012, la CSST décide que monsieur S... a droit au remboursement de frais reliés à différents travaux d'entretien courant de son domicile, notamment des frais reliés au déneigement de son entrée et de deux voies d'accès à son domicile.

[12]        Le 5 septembre 2012, la conseillère en réadaptation refuse de payer les frais reliés au déneigement de la toiture de son domicile au motif « que cela n'est pas reconnu dans nos règlements ».

[13]        Le 7 novembre 2012, la CSST confirme cette décision à la suite d'une révision administrative. Le réviseur indique que le déneigement de la toiture ne constitue pas un travail d'entretien courant du domicile.

[14]        Lors de son témoignage, monsieur S... explique qu'il est propriétaire de sa maison depuis 21 ans, que celle-ci comporte un toit en pente douce, désigné comme étant un toit 3/12, sur lequel la neige s'accumule. Il possède également dans sa cour une remise ayant un toit en pente douce. Il dépose des photographies illustrant sa maison et sa remise.

[15]        Avant son accident, il effectuait lui-même le déneigement de la toiture de la maison et de la remise, mais il ne peut plus le faire depuis l'hiver 2008-2009.

[16]        Sa conjointe et son beau-père ont effectué le déneigement de ses toitures au cours des hivers 2008-2009, 2009-2010 et 2010-2011. Il leur a donné, pour ce travail, 200 $ en 2008-2009, 200$ en 2009-2010 et 225$ en 2010-2011. Les conditions météorologiques de l'hiver 2011-2012 ont fait en sorte qu'il n'a pas eu à faire déneiger ses deux toits au cours de cet hiver.

L’AVIS DES MEMBRES

[17]        Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d'avis que la requête doit être accueillie.

[18]        Ils estiment que le déneigement de la toiture d'une maison constitue un travail d'entretien courant du domicile et que monsieur S... a droit au remboursement des frais qu'il a engagés pour faire déneiger la toiture de sa maison et celle de sa remise pour les hivers 2008-2009, 2009-2010 et 2010-2011, sous réserve de la production de pièces justificatives.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[19]        La Commission des lésions professionnelles doit décider si monsieur S... a droit au remboursement des frais reliés au déneigement des toitures de sa maison et de sa remise.

[20]        Le travailleur qui subit une lésion professionnelle a droit au remboursement des frais reliés à des travaux d'entretien courant de son domicile en vertu de l'article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), lequel se lit comme suit :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[21]        Le caractère grave de l'atteinte permanente s'apprécie, selon la jurisprudence[2], en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à effectuer le travail d'entretien courant du domicile pour lequel il demande un remboursement, ce qui ne réfère pas comme telle à l'atteinte permanente à l'intégrité physique, mais plutôt aux limitations fonctionnelles qui résultent de sa lésion professionnelle.

[22]        Si la CSST a reconnu que monsieur S... n'était pas capable d'effectuer le déneigement de son entrée et des voies d'accès de son domicile en raison de sa capacité résiduelle, à plus forte raison, il est incapable d'effectuer le déneigement des toitures de sa maison et de sa remise puisque cette tâche exige de monter dans une échelle et doit être effectuée dans des conditions plus difficiles qu'au sol, soit sur une surface en pente et possiblement glacée.

[23]        La raison pour laquelle la CSST a refusé la demande de monsieur S... réside essentiellement dans sa politique interne[3] qui veut que le déneigement de la toiture ne constitue pas un travail d'entretien courant du domicile. L'article 2 de sa politique prévoit ce qui suit :

2. Travaux admissibles à un remboursement

Les travaux d'entretien doivent concerner le domicile, soit la résidence principale du travailleur ainsi que les commodités et les lieux attenants à celle-ci, tels que la clôture, le cabanon et le garage. Cependant, les lieux que le travailleur loue à un tiers et les résidences secondaires ne sont pas visés par cette mesure.

 

Les balises à partir desquelles les travaux sont admissibles sont les suivantes :

·         les travaux ont pour objet l'entretien du domicile et des lieux attenants. L'entretien doit permettre de prévenir une dégradation des lieux qui nécessiteraient alors des travaux de rénovation, lesquels ne sont pas couverts par la mesure;

·         les travaux sont courants, habituels, exécutés périodiquement ou selon les saisons;

·         les travaux visent à maintenir la salubrité du domicile;

·         les travaux visent l'accessibilité du domicile;

·         les travaux ne correspondent pas à des travaux de décoration ou de mise en valeur significative du domicile;

·         les travaux ne sont pas exécutés exceptionnellement ou à la suite d'un bris ou d'un sinistre;

·         les travaux qui exige des compétences spécifiques tel que le déneigement et le déglaçage de la toiture ne sont pas admissibles à un remboursement. [sic]

 

 

[24]        Le déneigement de la toiture d'une maison constitue certainement un travail d'entretien courant et habituel dans la mesure où il est susceptible d'être effectué à chaque hiver pour prévenir la surcharge de la structure de la maison par le poids de la neige accumulée, et ce, afin de prévenir la détérioration du domicile et d'assurer la sécurité des occupants. Il ne s'agit donc pas d'un travail extraordinaire ou inhabituel.

[25]        Le tribunal ne voit pas en quoi le déneigement d'une toiture, qu'elle soit plate, à pente douce ou abrupte exige des compétences plus spécifiques que celles exigées par la peinture d'une maison qui implique une connaissance des techniques de peinture, le travail dans un escabeau et possiblement sur un échafaudage, s'il s'agit de la peinture des murs extérieurs de la maison.

[26]        Compte tenu du fait qu'il s'agit d'un travail d'entretien courant du domicile, le tribunal ne comprend pas les raisons pour lesquelles le travailleur n'aurait pas droit au remboursement des frais reliés au déneigement de la toiture de sa maison s'il l'effectuait lui-même avant la survenance de sa lésion professionnelle.

[27]        Cela dit, comme elle l'a indiqué à plusieurs reprises[4], la Commission des lésions professionnelles n'est pas liée par les politiques internes de la CSST.

[28]        Contrairement à la politique interne de la CSST, la Commission des lésions professionnelles a reconnu à différentes reprises à des travailleurs victimes de lésions professionnelles le droit au remboursement des frais reliés au déneigement des toitures de leur maison, du garage et d'une remise[5].

[29]        Après considération de la preuve au dossier, de l'argumentation soumise par sa représentante et de la jurisprudence sur la question, la Commission des lésions professionnelles en vient donc à la conclusion que monsieur S... a droit au remboursement des frais reliés au déneigement des toitures de sa maison et de sa remise, notamment pour les hivers 2008-2009, 2009-2010 et 2010-2011, et ce, sous réserve de la production de pièces justificatives.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur G.... S...;

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 7 novembre 2012 à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur S... a droit au remboursement des frais reliés au déneigement des toitures de sa maison et de sa remise, notamment pour les hivers 2008-2009, 2009-2010 et 2010-2011, et ce, sous réserve de la production de pièces justificatives.

 

 

__________________________________

 

Claude-André Ducharme

 

 

Mme Sylvie Morency

Ressource S.M.

Représentante de la partie requérante

 

Me René Fréchette

Vigneault Thibodeau Bergeron

Représentant de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Lalonde et Mavic Construction, C.L.P. 146710-07-0009, 28 novembre 2001, M. Langlois; Cyr et Thibault et Brunelle, C.L.P. 165507-71-0107, 25 février 2002, L. Couture; Robert et Comax Coopérative Agricole, 2012 QCCLP 423; Léonard et Ventilex inc., 2012 QCCLP 6313; Laurencelle et Entreprises Presqu'île inc., 2013 QCCLP 1157; Colombo et Livraison Parfaite inc. (fermé), 2013 QCCLP 1482.

[3]           Politique 4.13 Les travaux d'entretien courant du domicile.

[4]           Pronovost et Jacques Groleau, C.L.P. 243655-04-0409, 6 décembre 2004, M. Carignan; GlaxoSmithKline Biologicals Amérique, C.L.P. 334462-03B-0711, 2 juin 2008, J.-F. Clément; Dubois, C.L.P. 389447-63-0909, 26 avril 2010, D. Besse; Dubois et C.S.S.T. Lanaudière, 2012 QCCLP 1444; Morin, 2013 QCCLP 1352.

[5]           Quirion et Service d'installation Landry inc. (F), C.L.P. 339728-03B-0802, 20 mars 2009, C. Lavigne (toitures de la maison et du garage); D… P… et Compagnie A (fermé), C.L.P. 357152-03B-0809, 10 décembre 2009, A. Quigley (toitures de la maison, du garage et de la remise); Jean et Municipalité Village Chute-aux-Outardes, C.L.P. 403243-09-1002, 20 juillet 2010, M. Larouche (toiture de la maison); Delisle et Transport TFI 4 Kings div. Citerne, C.L.P. 392613-31-0910, 21 décembre 2010, M. Lamarre (toitures de la maison et de cabanons); Quirion, 2011 QCCLP 7815 (toiture de la maison); Gervais et Religieuses de Notre-Dame de Charité du Bon-Pasteur, 2013 QCCLP 1398 (toitures de la maison et du garage).

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