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[1] Le 30 septembre 2005, la travailleuse, madame Michelina Damico, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 26 septembre 2005 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST infirme celle qu’elle a initialement rendue le 28 juin 2005 et déclare que madame Damico n’a pas droit à une allocation financière pour aide personnelle à domicile au cours de la période du 25 juin 2005 au 31 décembre 2005.
[3] Par cette même décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 30 juin 2005 et déclare que madame Damico a droit au remboursement de certains frais liés à des travaux d’adaptation de son domicile et à l’acquisition d’aides techniques à l’autonomie, mais qu’elle n’a pas droit au remboursement des frais liés à la construction d’un escalier et d’une main courante pour accéder à la piscine ni aux frais liés à l’achat d’un coussin et d’un oreiller orthopédiques.
[4] Madame Damico est présente à l’audience tenue à Laval les 18 mai et 9 juin 2006 et elle est représentée. L’employeur, Comark Services Division, n’est pas représenté.
[5] La cause a été mise en délibéré le 12 juin 2006, date à laquelle le représentant de madame Damico a fait parvenir au tribunal un rapport médical absent du dossier et un complément d’argumentation.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[6] Madame Damico demande de déclarer qu’elle a droit à une allocation financière pour aide personnelle à domicile et ce, depuis le 19 février 2003.
[7] Elle demande également de déclarer qu’elle a droit au remboursement des frais liés à la construction d’un escalier et d’une main courante afin qu’elle puisse accéder à sa piscine de même qu’aux frais liés à l’achat d’un coussin et d’un oreiller orthopédiques.
LES FAITS
[8] Madame Damico est âgée de 30 ans et elle travaille comme vendeuse de vêtements pour enfants pour le compte de l’employeur lorsque, le 13 décembre 2001, elle fait une chute au sol en descendant d’un escabeau sur lequel elle était montée pour ranger de la marchandise.
[9] Un diagnostic d’entorse lombaire est initialement posé, mais la CSST reconnaît que la chirurgie pratiquée par le docteur Arlet le 19 février 2003 l’est pour une condition personnelle préexistante aggravée par le fait accidentel, soit un spondylolysthésis L5 - S1 de grade I/IV avec spondylolyse bilatérale et bombement discal. Cette chirurgie consiste en une fusion antérieure et postérieure de L5-S1 avec disectomie. Une complication de cette chirurgie entraîne une plexopathie lombaire impliquant les nerfs fémoral et obturateur droits.
[10] Un examen physique fait le 21 mars 2003 dans le contexte d’un électromyogramme révèle notamment, un important déficit d’extension du genou droit et de flexion de la hanche droite.
[11] La chirurgie entraîne la suspension des traitements que recevaient madame Damico depuis le mois de novembre 2002 dans le contexte de sa participation à un programme d’évaluation, de développement et d’intégration professionnelle (programme PÉDIP) offert par l’Hôpital juif de réadaptation et dans le cadre duquel elle était suivie par une équipe multidisciplinaire composée d’un psychologue, d’un physiothérapeute et d’un ergothérapeute.
[12] Madame Damico recommence toutefois à participer à ce programme à compter du 7 avril 2003, d’abord à raison de 7 heures par semaine et, à compter du 11 août 2003, à raison de 15 heures par semaine. À compter du 28 août 2003 la participation hebdomadaire de madame Damico est toutefois graduellement diminuée étant donné l’augmentation de sa douleur lombaire et la présence de signes « d’irritations neurologiques ». La persistance de ces phénomènes et leur impact défavorable dans l’évolution de la condition de madame Damico entraîne finalement la fin de sa participation au programme PÉDIP, le 6 février 2004 en ce qui concerne les interventions en réadaptation physique et le 11 mars 2004 en ce qui concerne le suivi en psychologie.
[13] Les rapports interdisciplinaires d’évolution (14 mai 2003, 28 août 2003 et 1er décembre 2003) et de fin d’intervention (30 mars 2004) relatifs à ce programme sont au dossier. On retrouve aussi au dossier des notes évolutives rédigées par madame Paré, conseillère en réadaptation de la CSST, dans lesquelles cette dernière fait état de l’évolution de la condition de madame Damico.
[14] À la suggestion de l’équipe du programme PÉDIP, madame Damico reçoit cependant dans un autre établissement des traitements d’ostéopathie et ce, jusqu’au 21 avril 2004. Elle est aussi dirigée vers une psychologue d’une clinique privée, madame Danièle Lemay. Les rapports d’évaluation produits par cette psychologue pour la CSST les 20 mai 2004, 28 octobre 2004 et 10 mai 2005 sont au dossier.
[15] En cours d’évolution, le docteur Pilon, médecin de famille de madame Damico qui suit l’évolution de la condition de cette dernière en parallèle avec le docteur Arlet, pose le diagnostic de trouble de l’adaptation secondaire à des douleurs chroniques. Cette lésion psychique est acceptée par la CSST. L’atteinte permanente à l’intégrité psychique de 20,60 % déterminée par ce médecin dans son rapport d’évaluation médicale du 3 décembre 2005 pour une névrose de groupe 2 est aussi reconnue par la CSST.
[16] Le docteur Arlet conclut à la consolidation de la lésion lombaire de madame Damico le 15 septembre 2004, avec une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles. Étant donné le refus de ce médecin de produire un rapport d’évaluation médicale de ces séquelles permanentes, c’est le docteur Lefrançois qui remplit un tel rapport le 9 décembre 2004.
[17] Le docteur Lefrançois indique à ce rapport qu’il observe une démarche et une posture fortement antalgiques, un réflexe achilléen droit aboli, une hypoesthésie à la piqûre dans le territoire S1 droit, une faiblesse de la flexion plantaire droite et une mobilité lombaire diminuée dans tous les axes, la flexion antérieure étant à 60°, l’extension à 0°, les flexions latérales à 20° et les rotations à 20°. Il indique aussi que le reste de son examen physique est sans particularité.
[18] Le docteur Lefrançois évalue à 33,25 % l’atteinte permanente à l’intégrité physique qui résulte de la lésion lombaire de madame Damico et il décrit les limitations fonctionnelles à respecter, soit des limitations de classe 3 pour la colonne lombosacrée selon l’IRSST.
[19] À compter du 4 février 2005, madame Damico participe à un programme de gestion de l’activité progressive (PGAP) dans le cadre duquel elle est suivie par madame Denoncourt, ergothérapeute. Dans son dernier rapport d’évolution du 25 mai 2005, madame Denoncourt indique que madame Damico se perçoit inapte à tout travail et que les interventions au cours des dernières semaines ont été faites au domicile de cette dernière.
[20] C’est également madame Denoncourt qui procède à l’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile de madame Damico. Cette évaluation est faite le 8 avril 2005, au domicile de madame Damico et en présence de son conjoint. Dans le rapport d’évaluation qu’elle produit le 13 mai 2005, madame Denoncourt décrit ainsi la situation familiale et domiciliaire de madame Damico :
« Madame est copropriétaire d’une maison individuelle (bungalow). Elle habite avec son époux, sa fille de 9 ans, et son garçon de 11 ans. Son époux travaille dans la construction à temps plein.
Au rez-de-chaussée se trouvent le salon, la cuisine, trois chambres à coucher, et une salle de bain. Au sous-sol, la salle de lavage et une salle familiale. Pour sortir de la maison, madame utilise la porte d’entrée principale. Il y a deux marches extérieures en ciment (hauteur non-standard de 5 pouces). Il y a aussi 5 marches intérieures pour accéder au rez-de-chaussée et 6 marches intérieures pour accéder au sous-sol. Les marches intérieures sont munies d’une seule main courante. Madame monte et descend quelques fois par jour pour faire son lavage et accéder à la salle familiale où se situe un bureau (ordinateur et mobilier de bureau).
Madame Damico ne conduit plus depuis quelques années pour des raisons antalgiques au niveau de la jambe droite. Elle a déjà essayé, selon elle, mais ne peut actionner les pédales sans douleur intense à la jambe droite. Elle possède toujours son permis de conduire. »
[21] Au niveau des déplacements, madame Denoncourt décrit ainsi la situation de madame Damico :
« Madame Damico est ambulante avec une canne simple qu’elle porte à gauche en tout temps pour la marche (tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la maison). Elle a une capacité maximale à la marche de 15 minutes continues. Elle ne possède pas de pics à glace. Nous recommandons l’utilisation de pic à glace pour la canne lors des sorties extérieures l’hiver pour assurer la sécurité de madame et l’encourager à sortir malgré la neige.
Madame n’effectue aucun abaissement au sol dû à une douleur intense à la jambe droite lors des mouvements de flexion de celle-ci. Pour ramasser un item au sol, elle utilise une pince à long manche qu’elle possède déjà.
Elle s’assoit en position asymétrique, en mettant son appui sur la fesse gauche et non la droite avec peu de flexion de la hanche droite. Elle reste assise pour 20 minutes continues maximalement et doit ensuite passer à la position debout.
Elle monte et descend les escaliers lentement à pas non alternés en se tenant à une main courante. Idéalement, la main courante devrait être à sa gauche (jambe droite lésée). Pour les escaliers intérieurs, il y a actuellement une seule main courante et nous recommandons l’installation d’une deuxième. Madame pourrait monter et descendre en tenant une main courante à sa gauche pour augmenter sa stabilité et sa sécurité. »
[22] Madame Denoncourt indique à son rapport que les amplitudes articulaires du rachis lombaire sont limitées, la flexion antérieure étant à 60°, l’extension à 0°, les flexions latérales à 20° et les rotations à 20°. Elle indique aussi que madame Damico est en mesure d’effectuer « un appui unipodal gauche pour 1 minute (temps suffisant pour effectuer des transferts sécuritaires) » et qu’à droite, cet appui n’est pas possible.
[23] Concernant les besoins d’assistance de madame Damico pour le lever et le coucher, madame Denoncourt en vient à la conclusion suivante :
« Madame effectue ses transferts au lit de façon autonome, lentement avec prudence. Elle dort sur le côté gauche en tout temps en utilisant le support d’oreillers réguliers entre les jambes. Selon madame, les oreillers s’aplatissent durant son sommeil et tombent par moment. Nous suggérons l’achat d’un oreiller orthopédique qui épouserait les jambes tout en maintenant la position symétrique de celles-ci durant le sommeil. Ceci pourrait améliorer la qualité de son sommeil qui serait peu récupérateur (elle se réveille aux 2 heures pour des raisons antalgiques). Nous suggérons un coussin «spacer legs» en «tempur foam» spécifiquement conçu pour maintenir l’espace entre les jambes durant le sommeil, et un oreiller «tempur» pour améliorer la qualité de son sommeil.
Madame nous fait part d’un autre problème lors des changements de position au lit la nuit dû à la douleur intense et aux raideurs au niveau du dos. Son époux l’aide à se lever quand elle doit aller aux toilettes ou marcher la nuit (quand elle ne réussit pas à dormir). Nous suggérons une barre «ezegrip bedrail» (voir annexe A) pour que madame puisse effectuer des changements de position et les levers du lit la nuit de façon sécuritaire et autonome.
Avec les aides techniques énumérées ci-haut, nous jugeons que madame serait autonome pour le lever et le coucher. »
[24] Au niveau de l’hygiène personnelle, madame Denoncourt conclut que madame Damico serait autonome avec certaines aides techniques :
« Madame se lave à la douche avec l’aide de son époux pour entrer et sortir du bain. Une fois dans la douche, elle se tient à une barre d’appui murale qu’elle possède déjà et utilise une douche téléphone. Elle se lave difficilement le bas du corps. Elle ne prend jamais de bain, car elle ne peut y entrer et sortir ni s’asseoir dans le fond. Elle ressent énormément de douleur lorsqu’elle s’assoit dans le fond de la baignoire, selon ses dires. Elle préfère donc prendre des douches. Pour augmenter son autonomie et sa sécurité à la douche, nous suggérons les aides techniques suivantes :
- éponge à long manche;
- banc de bain rond (étroit);
- barre d’appui murale verticale installée à l’entrée du bain. »
[25] Concernant l’habillage et le déshabillage, madame Denoncourt en vient à la conclusion suivante :
« Madame Damico s’habille et se déshabille de façon autonome, assise au bord du lit ou sur une chaise. Elle possède une langue de métal assez longue pour chausser ses souliers, un enfile-bas, et une aide à l’habillage «dressing stick» pour l’aider à enfiler ses pantalons.
Sommairement, nous jugeons que madame Damico est autonome pour ce qui est de l’habillage et du déshabillage avec aides techniques. »
[26] Madame Denoncourt estime que madame Damico n’a aucun besoin d’assistance pour les soins intestinaux et vésicaux, pour l’alimentation et, pour ce qui est de l’utilisation des commodités du domicile, elle considère que cette dernière serait autonome pour le transfert à la douche avec l’utilisation d’une barre d’appui installée au mur. Elle est aussi d’avis que madame Damico n’a aucun besoin d’assistance pour la préparation du déjeuner et du dîner, mais qu’elle a besoin d’une assistance partielle pour la préparation du souper, pour le ménage léger, pour le lavage du linge et pour l’approvisionnement. Pour le ménage lourd, elle considère que c’est d’une assistance complète dont madame Damico a besoin.
[27] Concernant les adaptations domiciliaires requises, madame Denoncourt fait les recommandations suivantes :
« • créer une pente entre le plancher de la cuisine, du salon et du corridor;
• installation de deux mains courantes aux escaliers intérieurs à l’entrée principale;
• réparer les escaliers qui mènent au « deck » de la piscine hors-terre et installer des mains courantes bilatérales. »
[28] Elle joint à son rapport d’évaluation des soumissions pour les coûts liés à l’achat des aides techniques et des travaux d’adaptation du domicile suggérés. Il est indiqué à la soumission des aides techniques préparée par l’entreprise « Pro Orthotek » qu’un délai de livraison d’une semaine est à prévoir.
[29] Dans une décision qu’elle rend le 28 juin 2005, la CSST informe madame Damico qu’elle a droit à une allocation financière pour aide personnelle à domicile d’un montant de 82,89 $ par deux semaines et ce, pour la période du 25 juin 2005 au 31 décembre 2005. Madame Damico demande la révision de cette décision le 5 juillet 2005.
[30] Dans une autre décision qu’elle rend le 30 juin 2005, la CSST informe madame Damico qu’elle accepte d’assumer les frais liés aux adaptations domiciliaires et aux aides techniques suggérées par madame Denoncourt, sauf ceux relatifs à la piscine de même qu’aux coussin et oreiller orthopédiques.
[31] Le 26 septembre 2005, à la suite d’une révision administrative, la CSST déclare toutefois que madame Damico n’a pas droit à une allocation pour aide personnelle à domicile, d’où l’objet du premier litige. La CSST retient que madame Damico est incapable d’effectuer sans aide certaines tâches domestiques, mais qu’elle est capable de prendre soin d’elle-même tenant compte des aides techniques qui lui sont fournies, de sorte qu’elle ne rencontre pas les conditions d’admissibilité à cette mesure de réadaptation sociale. Par ailleurs, elle confirme sa décision du 30 juin 2005, d’où l’objet du second litige.
[32] Un document déposé en preuve à l’audience établit que c’est en date du 21 novembre 2005 que madame Damico a pris possession des aides techniques autorisées par la CSST le 30 juin 2005, soit un pic à glace pour une canne, une poignée de maintien pour le lit, un siège de bain, une barre de bain de 16 pouces et une éponge à long manche.
[33] Au cours de la période du 17 au 20 juin 2005, un ergothérapeute et un physiothérapeute de l’Hôpital juif de réadaptation procèdent conjointement à l’évaluation des capacités fonctionnelles de travail de madame Damico.
[34] Au chapitre du bilan physique du rapport dévaluation qu’ils produisent, il est indiqué qu’il y a présence d’une hypoesthésie au toucher au niveau de la cuisse et du genou droits, que les myotomes L3 à S1 droits présentent une faiblesse et une fatiguabilité et que le réflexe rotulien droit est absent. Il est aussi indiqué que la mobilité du tissu neural est diminuée, que la manœuvre de Lasègue est positive bilatéralement et que la mobilité lombaire est restreinte, la flexion antérieure étant à 60°, l’extension à 10°, la flexion latérale droite à 20°, la rotation gauche à 25° et la rotation droite à 20°. Les amplitudes articulaires des membres inférieurs sont jugées dans la limite de la normale, sauf pour le genou droit qui présente un déficit d’extension de 15° « en lien avec la tension neurale ».
[35] Il est aussi indiqué ce qui suit concernant la posture et l’équilibre :
« Posture
Une posture antalgique est observée dans toutes les positions de travail évaluées, autant dans la position debout, assise aussi bien qu’à la marche. La mise en charge est nettement diminuée sur le membre inférieur droit, tant dans une position debout statique que dynamique. Madame démontre également une incapacité à réaliser l’extension complète du genou, rapportant une augmentation des sensations douloureuses (brûlures) et de tension neurale dans la face antérieure et interne de la cuisse droite. La position assise démontre une mise en charge augmentée sur le fessier gauche et la jambe droite est conservée en légère extension.
Équilibre
Il est d’avis que Mme Damico présente un risque de chute étant donné la présence d’un déficit neurologique (sensitif et moteur) surajouté à des symptômes douloureux émanant du quadriceps droit, ce dernier étant responsable en partie du maintien de l’équilibre debout et à la marche. Tel que mentionné précédemment, Madame présente une incapacité à réaliser l’extension complète du genou droit dû à la présence d’une mobilité neurale fortement diminuée et de symptômes douloureux. Madame doit par conséquent maintenir le quadriceps droit contracté afin de maintenir le support nécessaire étant donné sa position fléchie, la jambe n’étant pas bloquée en extension au genou. La présence de fatigue dans ce groupe musculaire augmente également le risque de chute.»
[36] Dans une décision qu’elle rend le 18 octobre 2005, la CSST informe madame Damico qu’il est impossible d’identifier un emploi convenable qu’elle est capable d’exercer à plein temps et qu’elle a en conséquence droit à la poursuite d’une indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle atteigne l’âge de 68 ans.
[37] Compte tenu de la prétention de madame Damico concernant son droit à une aide personnelle à domicile de façon rétroactive au 19 février 2003, date de sa chirurgie, il y a lieu de faire état des éléments suivants révélés par la preuve.
[38] Dans une note qu’elle consigne au dossier le 29 août 2003, madame Lachapelle, conseillère en réadaptation de la CSST, indique que, lors d’une rencontre la veille avec l’équipe du programme PÉDIP et madame Damico, cette dernière a exprimé un besoin d’aide à domicile. Elle indique aussi qu’après vérification, elle a avisé madame Damico qu’elle ne pouvait avoir droit à cette aide avant qu’il soit déterminé que sa lésion est consolidée, avec des séquelles permanentes.
[39] Dans une note datée du 15 septembre 2003, madame Lachapelle indique qu’elle a expliqué à madame Jetté, ergothérapeute du programme PÉDIP, ce qu’était la position de la CSST concernant le droit de madame Damico à l’aide personnelle à domicile.
[40] Dans une autre note datée du 24 septembre 2004, madame Lachapelle indique qu’elle explique encore une fois à madame Damico et à son conjoint que celle-ci ne peut avoir droit à cette aide d’une part, parce que sa lésion lombaire n’est pas encore consolidée et d’autre part, parce qu’elle est jugée autonome en regard des sept premiers items de la grille d’évaluation des besoins d’assistance. Madame Lachapelle indique aussi qu’elle avise le couple qu’elle a toutefois demandé à madame Jetté le même jour de vérifier les besoins de madame Damico en matière d’aides techniques.
[41] Dans une note qu’elle consigne au dossier le 8 octobre 2003, madame Béliveau, agente d’indemnisation de la CSST, indique que le conjoint de madame Damico la rencontre ce même jour au sujet d’une demande de remboursement de frais liés au déneigement et à la tonte du gazon. Elle indique aussi qu’elle explique à celui-ci que cette demande, tout comme celle relative à l’aide personnelle, n’est pas de son ressort, mais plutôt de celui d’une conseillère en réadaptation.
[42] Dans une autre note qu’elle consigne au dossier le même jour, madame Béliveau indique qu’elle reçoit un appel de monsieur Pinto, lequel l’avise qu’il agit à titre de représentant de madame Damico et qu’il lui fera parvenir une procuration signée par cette dernière afin qu’il puisse discuter du dossier. Cette procuration est signée par madame Damico le 18 septembre 2003 et elle est transmise à la CSST par télécopieur le 8 octobre 2003.
[43] Dans un certificat médical qu’il signe le 8 octobre 2003, le docteur Pilon indique que madame Damico a « besoin de support pour l’entretien ménager car elle a des restrictions physiques temporaires ». Il indique à ce sujet que madame Damico « ne peut travailler penchée (aspirateur etc.) » et qu’elle « ne peut rester debout de façon prolongée ».
[44] Le 24 octobre 2003, à la suite d’une rencontre tenue le même jour et à laquelle assistent les membres de l’équipe PÉDIP, madame Damico et son conjoint, madame Lachapelle note au dossier qu’elle a dû clarifier une nouvelle fois sa position concernant l’aide personnelle à domicile réclamée. Elle indique aussi qu’elle suggère pour le moment que l’ergothérapeute évalue à la résidence de madame Damico les façons de travailler de cette dernière (positions ergonomiques) et ses besoins d’aides techniques.
[45] Dans un document qu’elle adresse à madame Lachapelle en date de 19 novembre 2003, madame St-André, ergothérapeute, indique qu’elle a visité madame Damico à son domicile le 7 novembre 2003. Elle indique aussi que, au terme de son évaluation des difficultés de madame Damico dans l’exécution de ses tâches domestiques, elle estime que divers équipements pourrait l’aider, soit un banc pliant, une poubelle de cuisine qui se visse à une porte d’armoire, un ramasse-poussières à long manche, une pince à long manche, un support à vêtements, un dévidoir mural à manivelle pour le boyau d’arrosage du jardin et un sac à chaussures pour le garde robe.
[46] À compter du mois de décembre 2003, une nouvelle conseillère en réadaptation prend charge du dossier de madame Damico, soit madame Renaud.
[47] Dans une décision que cette dernière rend le 22 décembre 2003, elle avise madame Damico qu’elle a droit au remboursement des frais liés à l’achat des aides techniques recommandées par madame St-André. Dans une autre décision qu’elle rend le 8 janvier 2004, elle avise madame Damico qu’elle a droit au remboursement des frais liés à des travaux d’entretien courant de son domicile, soit le déneigement pour l’hiver 2003 et 2004 et l’entretien de la pelouse durant l’été 2003[1]. Le remboursement de frais de gardiennage est cependant refusé.
[48] Le 23 janvier 2004, l’actuel représentant de madame Damico avise la CSST du fait qu’il agit dorénavant à ce titre et qu’il conteste ces décisions des 22 décembre 2003 et 8 janvier 2004[2]. Dans une lettre qu’il adresse le même jour à madame Renaud, il demande à cette dernière de la rencontrer dans les meilleurs délais afin de faire le point sur le plan individualisé de réadaptation de madame Damico, sur l’état psychologique de cette dernière et sur son droit au remboursement de frais de déplacement en taxi.
[49] Cette rencontre a lieu le 9 février 2004 et madame Renaud en fait le résumé écrit suivant :
« Discute avec Me Magnan du dossier. Je lui explique que la travailleuse n’est pas consolidée. J’attends rapport de PÉDIP avant d’aller plus avant dans le dossier. Devons aussi attendre développement au plan médical. L’informe aussi que j’ai accepté de payer aides techniques suggérées par ergo sauf le dévidoir pour boyau d’arrosage car inutile pour l’instant nous sommes en hiver.
Rencontre avec Me Magnan et travailleuse le 15 mars 04 à 10 h. Rencontre qui reste à confirmer selon besoin. »
[50] Cette rencontre du 15 mars 2004 n’a pas lieu et c’est seulement un an plus tard, soit le 22 mars 2005, que madame Renaud revoit madame Damico alors qu’elle est accompagnée de son représentant et de son conjoint.
[51] Dans le résumé écrit qu’elle fait de cette rencontre, madame Renaud indique que le représentant de madame Damico demande que la CSST reconnaisse que celle-ci est incapable d’exercer tout emploi et qu’elle a droit à une allocation financière pour aide personnelle à domicile de même qu’au remboursement de frais liés à des travaux d’adaptation de son domicile. Madame Renaud indique aussi qu’elle demandera à madame Denoncourt de procéder à l’évaluation des besoins d’assistance de madame Damico.
[52] Entre-temps, soit le 31 mars 2004, le docteur Arlet remplit un certificat médical dans lequel il indique que madame Damico « would benefit from home care and personal care help at home once weekly as she cannot lift heavy weights, nor can she do any house work cleaning because of her back ».
[53] Lors de son témoignage, madame Damico explique les circonstances à l’origine du fait accidentel dont elle a été victime le 13 décembre 2001 et l’évolution de sa condition médicale après sa chirurgie du 19 février 2003.
[54] Elle indique que son médecin lui avait dit qu’elle pouvait espérer une amélioration de son état de l’ordre de 90 % avec ce traitement, mais que cela n’a pas été le cas étant donné l’apparition d’une plexopathie lombaire par la suite.
[55] Madame Damico indique aussi qu’elle a recommencé à participer au programme PÉDIP en avril 2003, mais qu’elle a dû par la suite réduire sa participation hebdomadaire à ce programme en raison de ses douleurs lombaires persistantes, mais surtout en raison de l’importance du phénomène de radiculopathie affectant son membre inférieur droit. Elle indique que ce phénomène était facilement exacerbé et affectait considérablement sa capacité à poursuivre ses activités quotidiennes. Devant l’absence d’amélioration de sa condition, il a fallu mettre fin à ce programme.
[56] Concernant les signes d’agoraphobie dont il est question au dossier, madame Damico indique que ceux-ci sont apparus après la chirurgie et qu’ils étaient liés à une peur intense de sortir en public et de faire une nouvelle chute. De plus son état psychique s’est graduellement détérioré en raison de l’importance de sa condition douloureuse, d’où l’apparition chez elle d’un état dépressif.
[57] Les signes d’agoraphobie conjugués à l’importance de la radiculopathie ont fait en sorte qu’elle a cessé de conduire après sa chirurgie. Depuis ce temps, c’est donc son conjoint qui a dû se charger des courses et des déplacements des enfants. Elle a recommencé à conduire il y a un an, mais seulement pour quelques petites courses qui ne nécessitent pas de parcourir de longues distances.
[58] Au sujet de ses besoins d’assistance personnelle et domestique, madame Damico apporte notamment les explications suivantes.
[59] Elle bénéficie d’aides techniques pour s’habiller et se déshabiller depuis environ le mois de mai 2003, soit une pince à long manche pour les pantalons et un enfile-bas. La pince est efficace, mais l’enfile-bas est trop difficile à utiliser. C’est donc son conjoint qui lui met ses bas le soir avant qu’elle se couche puisqu’il quitte la maison le matin pour le travail à 5 h 30. Elle a fait part à madame Denoncourt de sa difficulté à utiliser l’enfile‑bas, mais cette dernière n’a pas réagi.
[60] Une barre d’appui pour la douche lui a été fournie en mai 2003 et son conjoint l’a installée. Cet équipement ne l’a toutefois pas rendue autonome pour prendre sa douche puisqu’elle est incapable d’entrer et de sortir seule du bain. Celui-ci mesure 28 pouces de haut et elle est incapable d’élever son membre inférieur droit plus haut que cinq ou six pouces du sol. Questionnée à ce sujet, elle indique que c’est son conjoint qui doit donc l’aider à entrer et à sortir du bain en soulevant lui-même son membre inférieur droit. Son conjoint l’aide ainsi à prendre sa douche le soir avant le coucher étant donné l’heure matinale à laquelle il quitte la maison pour le travail.
[61] Lorsqu’elle est rendue à cette étape de sa toilette, son conjoint doit aussi venir lui laver les jambes et les pieds et, lorsque nécessaire, lui raser les jambes puisqu’elle ne peut se pencher pour le faire elle-même. Elle explique cette situation par le phénomène douloureux qui est déclenché par ce mouvement. Elle n’utilise pas la brosse à long manche suggérée par madame Denoncourt pour laver ses membres inférieurs parce qu’elle la trouve inefficace. Elle utilise parfois un bain de pieds que son conjoint lui a acheté.
[62] La barre d’appui pour le lit également suggérée par madame Denoncourt lui permet maintenant de se lever et se coucher sans l’assistance de son conjoint. La difficulté qu’elle éprouvait avant de bénéficier de cet équipement était liée à la hauteur du lit.
[63] La seconde barre d’appui pour la douche recommandée par madame Denoncourt n’a pas été installée. Questionnée à ce sujet, madame Damico indique que son conjoint n’a pas jugé nécessaire d’installer cette barre parce qu’il était habitué de l’aider à entrer et sortir du bain. Elle indique aussi que, de toute façon, cette seconde barre n’est pas utile puisque c’est son incapacité à élever le membre inférieur droit plus haut que quelques pouces du sol qui explique qu’elle ne peut entrer et sortir seule du bain.
[64] Malgré le refus de la CSST d’assumer ces frais, elle n’a pas elle-même acheté le coussin et l’oreiller orthopédiques suggérés par madame Denoncourt.
[65] Les adaptations domiciliaires acceptées par la CSST n’ont pas été faites, soit l’installation de seuils de portes et d’une main courante additionnelle aux escaliers intérieurs. Des gens sont venus évaluer la nature des travaux requis, mais elle n’a plus eu de nouvelles par la suite. Elle a questionné la CSST à ce sujet, mais on lui a simplement dit que ça viendrait.
[66] Madame Damico explique aussi que c’est un escalier en bois qui permet d’accéder au patio adjacent à la piscine hors terre, escalier qu’il faut abaisser lorsque l’on veut se baigner et rabattre une fois la baignade terminée. Elle indique qu’elle ne s’est pas baignée depuis sa chirurgie ou peut-être seulement deux fois avec l’aide de son conjoint.
[67] Au sujet de la rencontre du 8 avril 2005 lors de laquelle madame Denoncourt a fait l’évaluation de ses besoins d’assistance, madame Damico indique que cette rencontre a duré environ une heure. Madame Damico indique aussi que madame Denoncourt lui a demandé de lui montrer comment elle entrait et sortait du bain et comment elle s’y prenait pour se coucher et se lever. Pour ce qui est de la préparation des repas, elle lui a simplement demandé de décrire ses méthodes de travail.
[68] Madame Damico explique qu’elle a, à plusieurs reprises, demandé à la CSST de pouvoir bénéficier de l’aide personnelle à domicile, mais que ses demandes ont toujours été refusées, sauf en juin 2005. On lui expliquait qu’elle n’avait pas droit à cette aide ou bien, qu’on ne savait pas encore si elle serait admissible à celle-ci. Lors de la rencontre du 24 octobre 2003 à laquelle assistaient l’équipe du programme PÉDIP et son conjoint, elle a demandé à madame Lachapelle d’obtenir une décision écrite l’avisant des raisons pour lesquelles elle ne pouvait bénéficier de cette aide, mais cette dernière a refusé. Son conjoint a voulu assister à cette rencontre parce qu’il voulait justement s’exprimer sur ses besoins d’aide.
[69] Madame Damico explique finalement qu’elle a rencontré une seule fois celui qui la représentait en octobre 2003, soit monsieur Pinto, et qu’elle lui a rapporté le refus de la CSST de lui verser une allocation pour aide personnelle à domicile. Elle ne peut dire exactement quelles démarches ont été faites par ce représentant, mais elle croit qu’il a écrit à la CSST à ce sujet. Lorsqu’elle a retenu les services de son actuel représentant en janvier 2004, elle a expliqué à celui-ci qu’elle voulait bénéficier de cette aide.
[70] La Commission des lésions professionnelles a aussi entendu le témoignage de monsieur Pallen, conjoint de madame Damico, lequel est contremaître dans le secteur de la construction.
[71] Il explique l’évolution de la condition de sa conjointe après sa chirurgie, les soins qu’il a dû lui prodiguer et ceux dont il demeure responsable. Il explique aussi les tâches domestiques dont il a dû s’occuper et celles dont il a toujours la charge étant donné l’incapacité fonctionnelle de sa conjointe.
[72] Notamment, il indique que madame Damico est autonome pour le lever et le coucher seulement depuis qu’elle bénéficie d’une poignée de maintien pour le lit et qu’avant, il devait l’assister étant donné la hauteur du lit.
[73] Il doit aussi aider madame Damico à entrer et à sortir du bain pour qu’elle puisse prendre sa douche et ce, parce que le bain est d’une hauteur de 15 à 18 pouces et que celle-ci est incapable d’élever son membre inférieur droit plus haut que 12 pouces du sol. Il doit également laver les pieds et les jambes de sa conjointe et, lorsque nécessaire, lui raser les jambes. Il s’occupe de ces soins le soir compte tenu de son horaire de travail. Sa conjointe n’utilise pas l’éponge à long manche qui lui a été fournie parce qu’elle trouve que cet équipement est inefficace. Il s’occupe aussi de mettre les bas de sa conjointe parce que l’enfile-bas est difficile à utiliser.
[74] Il a lui-même installé la première barre d’appui pour la douche qui a été fournie en mai 2003, mais il n’a pas installé la seconde barre recommandée par madame Denoncourt. Il indique qu’il refuse de faire lui-même l’installation de cette seconde barre d’appui par ce qu’il ne veut pas être responsable d’un accident causé par une mauvaise installation. Il a demandé à la CSST que quelqu’un vienne l’installer, mais celle-ci a refusé.
[75] Il ne sait pas pourquoi personne n’est venu faire l’installation des seuils de porte et des mains courantes pour les escaliers intérieurs. Les seuils de porte ne sont de toute façon plus nécessaires puis qu’il a lui-même changé le revêtement de sol de la maison afin d’éviter que sa conjointe ne tombe. De plus, il a entrepris des travaux de rénovation de la cuisine en janvier 2006 afin de l’adapter aux besoins de sa conjointe. Les mains courantes pour les escaliers intérieurs sont toujours nécessaires.
[76] Concernant la piscine, monsieur Pallen explique que l’escalier pour y accéder n’est pas sécuritaire parce qu’il n’est pas muni de mains courantes. Il croit que sa conjointe s’est baignée quelques fois depuis sa chirurgie, mais avec son assistance.
L’AVIS DES MEMBRES
[77] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la requête de madame Damico doit en partie être accueillie.
[78] Il estime que la preuve ne démontre pas que madame Damico est incapable de prendre soin d’elle-même et donc, qu’elle ne peut avoir droit à une allocation pour aide personnelle à domicile à compter du 25 juin 2005. Concernant la période antérieure à cette date, il retient qu’une décision a été rendue et que celle-ci n’a pas été contestée dans le délai légal. Il estime également que madame Damico n’a pas droit au remboursement des frais liés à l’achat d’un oreiller et d’un coussin orthopédiques compte tenu des dispositions réglementaires applicables. Il considère toutefois que madame Damico peut être remboursée des coûts afférents à l’installation de mains courantes à l’escalier menant au patio de sa piscine.
[79] Le membre issu des associations syndicales est aussi d’avis que la requête de madame Damico doit être en partie accueillie.
[80] Tout comme le membre issu des associations d’employeurs, il estime que madame Damico n’a pas droit au remboursement des frais liés à l’achat d’un coussin et d’un oreiller orthopédiques, mais qu’elle peut être remboursée des coûts afférents à l’installation de mains courantes à l’escalier qui mène à sa piscine. Il estime toutefois que madame Damico a droit, rétroactivement au 19 février 2003, à l’aide personnelle à domicile compte tenu de ses déclarations concernant ses besoins d’assistance personnelle et domestique.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[81] La Commission des lésions professionnelles doit en premier lieu décider si madame Damico a droit de bénéficier de l’aide personnelle à domicile.
[82] L’article 158 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi) prévoit qu’un travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit à l’aide personnelle à domicile lorsqu’il est incapable de prendre soin de lui-même et d’effectuer sans aide les tâches domestiques qu’il effectuerait normalement et ce, si cette aide s’avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile :
158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.
__________
1985, c. 6, a. 158.
[83] L’article 160 de la loi prévoit que le montant de cette aide est déterminé selon les normes et barèmes adoptés par règlement[4] :
160. Le montant de l'aide personnelle à domicile est déterminé selon les normes et barèmes que la Commission adopte par règlement et ne peut excéder 800 $ par mois.
__________
1985, c. 6, a. 160; 1996, c. 70, a. 5.
[84] C’est donc en référant à la Grille d’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile (la grille) prévue à l’annexe I du Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile[5] (le règlement) que la CSST décide de l’allocation à laquelle a droit le travailleur compte tenu de ses besoins d’assistance personnelle et domestique.
[85] Suivant cette grille, il s’agit d’identifier les besoins d’assistance du travailleur en regard de 16 activités personnelles ou domestiques tout en situant pour chacune d’elles le pointage qui reflète le niveau d’assistance requis, soit une assistance complète, une assistance partielle ou l’absence de besoin d’assistance.
[86] Le pointage total ainsi obtenu, n’excédant pas 48 points, correspond à un pourcentage, que l’on retrouve au tableau 2.3 de l’annexe I du règlement, du montant maximum mensuel de l’aide prévu par l’article 160, revalorisé annuellement. C’est en appliquant ce pourcentage à ce montant que la CSST détermine le montant de l’aide personnelle à domicile auquel a droit le travailleur compte tenu de ses besoins d’assistance.
[87] En l’espèce, la CSST a initialement reconnu que madame Damico avait droit à une allocation pour aide personnelle à domicile pour la période du 25 juin 2005 au 31 décembre 2005 compte tenu de ses besoins d’assistance tels qu’identifiés par madame Denoncourt. Cette décision a cependant été infirmée à la suite d’une révision administrative.
[88] Madame Damico prétend qu’elle a droit de bénéficier de cette aide et ce, non seulement au cours de cette période, mais aussi durant celle qui a suivi sa chirurgie, soit durant la période du 19 février 2003 au 24 juin 2005.
[89] La jurisprudence du tribunal reconnaît que le droit à une mesure de réadaptation sociale, telle celle qui est en l’espèce réclamée, naît à la date où il est médicalement possible de préciser que le travailleur conservera une atteinte permanente à l’intégrité physique et ce, indépendamment du fait que sa lésion professionnelle ne soit pas encore consolidée[6].
[90] Cependant, la Commission des lésions professionnelles estime que madame Damico ne peut prétendre qu’elle a droit à l’aide personnelle à compter du 19 février 2003 en se fondant sur cette jurisprudence.
[91] En effet, la preuve révèle que, dès le 28 août 2003, madame Damico a demandé à madame Lachapelle de pouvoir bénéficier de l’aide personnelle à domicile et qu’elle a été avisée par cette dernière le lendemain 29 août qu’elle ne pouvait avoir droit à cette aide tant qu’il ne serait pas déterminé que sa lésion est consolidée avec la présence de séquelles permanentes.
[92] Le 24 septembre 2003, madame Lachapelle a de nouveau avisé madame Damico, ainsi que son conjoint, de cette position qu’elle maintenait toujours. Le 24 octobre suivant, en présence des membres de l’équipe PÉDIP et du conjoint de madame Damico, madame Lachapelle a encore une fois réitéré cette position.
[93] Lors de son témoignage, madame Damico confirme qu’elle a effectivement été avisée verbalement du refus de la CSST.
[94] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, ces éléments de faits révélés par la preuve sont suffisamment explicites pour conclure que la CSST a rendu une décision déterminant que madame Damico ne pouvait avoir droit à l’aide personnelle à domicile avant que sa lésion professionnelle soit consolidée et qu’il soit possible de statuer sur son admissibilité en réadaptation compte tenu de la présence de séquelles permanentes résultant de cette lésion.
[95] Madame Damico n’a pas contesté cette décision dans le délai prévu par l’article 358 de la loi :
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2.
__________
1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14.
[96] Il est vrai que la CSST n’a pas rendu de décision écrite comme l’exige l’article 354 de la loi :
354. Une décision de la Commission doit être écrite, motivée et notifiée aux intéressés dans les plus brefs délais.
__________
1985, c. 6, a. 354.
[97] En ne respectant pas cette disposition, la CSST contrevenait aussi aux dispositions des articles 6 et 8 de la Loi sur la justice administrative[7] :
6. L’autorité administrative qui, en matière d’indemnité ou de prestation, s’apprête à prendre une décision défavorable à l’administré, est tenue de s’assurer que celui-ci a eu l’information appropriée pour communiquer avec elle et que son dossier contient les renseignements utiles à la prise de décision. Si elle constate que tel n’est pas le cas ou que le dossier est incomplet, elle retarde sa décision le temps nécessaire pour communiquer avec l’administré et lui donner l’occasion de fournir les renseignements ou les documents pertinents pour compléter son dossier.
Elle doit aussi, lorsqu’elle communique la décision, informer, le cas échéant, l’administré de son droit d’obtenir, dans le délai indiqué, que la décision soit révisée par l’autorité administrative.
_____________
1996, c. 54, a. 6.
8. L’autorité administrative motive les décisions défavorables qu’elle prend et indique, le cas échéant, les recours autres que judiciaires prévus par la loi, ainsi que les délais de recours.
_____________
1996, c. 54, a. 8.
[98] Dans l’affaire Manning et Sylamex & Picard inc.[8] à laquelle se réfère le représentant de madame Damico, il a été décidé que le fait qu’une décision ne satisfait pas les exigences de ces dispositions peut, en vertu de l’article 358.2 de la loi, constituer un motif raisonnable justifiant de relever le travailleur de son défaut d’avoir respecté le délai prescrit par l’article 358. Cet article se lit comme suit :
358.2. La Commission peut prolonger le délai prévu à l'article 358 ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que la demande de révision n'a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable.
__________
1997, c. 27, a. 15.
[99] Chaque cas doit cependant être apprécié à la lumière des circonstances qui lui sont propres.
[100] Or, dans la mesure où il faut considérer que, par sa demande de révision du 5 juillet 2005 de la décision du 28 juin 2005 portant sur son droit à une aide personnelle à domicile à compter du mois de juin 2005, madame Damico contestait également, hors délai, la décision de la CSST prise à l’automne 2003 lui refusant le droit à une telle aide à cette époque, le tribunal estime que cette dernière ne peut être relevée de son défaut d’avoir contesté cette décision dans le délai légal.
[101] En effet, madame Damico déclare qu’elle a demandé à madame Lachapelle le 24 octobre 2003 une décision écrite au sujet de son droit à l’aide personnelle, mais que cette dernière a refusé de rendre une telle décision.
[102] Cependant, la preuve révèle que madame Damico était assistée d’un représentant à cette époque, de sorte qu’elle n’était pas sans ressource pour faire valoir ses droits en réclamant formellement une décision conforme aux exigences de l’article 354 en vue de la contester dans le délai légal ou encore, en agissant diligemment pour contestant le refus verbal de la CSST de lui octroyer une aide personnelle à domicile.
[103] Madame Damico a obtenu du docteur Pilon le 8 octobre 2003 un certificat médical dans lequel ce médecin indique qu’elle a besoin d’une assistance pour ses tâches domestiques et, le même jour, monsieur Pinto avisait la CSST qu’il agissait dorénavant à titre de représentant de madame Damico. Par ailleurs, lors de son témoignage, madame Damico déclare qu’elle a bien informé monsieur Pinto du refus de la CSST de lui verser une allocation pour aide personnelle à domicile. Elle déclare aussi qu’elle croit que ce représentant a écrit une lettre à la CSST à ce sujet.
[104] Une telle lettre n’est pas au dossier et madame Damico déclare qu’elle n’a rencontré monsieur Pinto qu’une seule fois. Madame Damico n’a pas apporté d’autres explications à ce sujet, de sorte que l’on peut difficilement conclure que c’est uniquement en raison de l’inaction de ce représentant que des démarches formelles pour l’obtention d’une décision écrite ou encore, pour contester celle rendue de façon verbale, n’ont pas été initiées.
[105] Cela dit, même en retenant que c’est effectivement le cas, il demeure que madame Damico a, peu de temps après, retenu les services d’un avocat pour la représenter auprès de la CSST, soit le 23 janvier 2004.
[106] Malgré cela, une décision écrite de la CSST statuant sur l’impossibilité pour madame Damico de bénéficier de l’aide personnelle à domicile étant donné la non‑consolidation de sa lésion professionnelle n’a pas été réclamée à cette époque.
[107] Rien au dossier ou dans le témoignage de madame Damico ne permet de conclure autrement. On comprend plutôt de la note que madame Renaud consigne au dossier le 9 février 2004 à la suite d’une rencontre avec le représentant de madame Damico que cette conseillère en réadaptation a réitéré la position précédemment adoptée par madame Lachapelle au sujet de cette aide. Il n’est pas indiqué à cette note qu’un désaccord avec cette position est exprimé et, tel qu’il appert des notes consignées au dossier par madame Renaud le 22 mars 2005, ce n’est qu’un an plus tard qu’une demande d’aide personnelle à domicile a de nouveau été formulée.
[108] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, il n’est donc pas permis de conclure dans la présente affaire à l’existence d’un motif raisonnable justifiant que madame Damico soit relevée des conséquences de son défaut d’avoir contesté la décision de la CSST prise à l’automne 2003 dans le délai légal.
[109] Concernant la possibilité pour madame Damico de bénéficier d’une aide personnelle à domicile à compter du 25 juin 2005, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion que cette dernière ne rencontre pas les conditions d’admissibilité posées par l’article 152 de la loi.
[110] La jurisprudence du tribunal sur la question est en effet majoritaire. Pour avoir droit à cette aide, le travailleur doit être à la fois incapable de prendre soin de lui-même et d’effectuer sans aide les tâches domestiques qu’il exécuterait normalement si ce n’était de sa lésion professionnelle. De plus, cette aide doit s’avérer nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile[9].
[111] Notamment, le tribunal s’exprime ainsi dans l’affaire Tapp et Mines Agnico Eagle ltée[10] :
[21] Appelée à se pencher sur les exigences de l’article 158 de la loi, la Commission des lésions professionnelles a en effet conclu que le « et » de l’expression « est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement » est conjonctif. Un des principaux motifs en est qu’en vertu de l’article 162 de la loi, le droit à l’aide personnelle cesse lorsque le travailleur redevient capable de prendre soin de lui-même « ou » d’effectuer sans aide ses tâches domestiques. L’obtention de l’aide doit donc répondre aux deux mêmes conditions.
[22] Les exigences sont donc très élevées pour qu’un travailleur ait droit à l’aide à domicile. Il ne s’agit pas par cette aide de palier à des inconvénients ou des difficultés, fussent-ils majeurs, dans les soins qu’un travailleur doit apporter à sa personne ou dans l’accomplissement des différentes tâches quotidiennes : il faut une incapacité à faire les deux, incapacité telle, de plus, que sans aide le travailleur ne pourra demeurer à domicile. Ainsi, un travailleur incapable de prendre soin de lui-même, mais capable d’accomplir les tâches domestiques, ou l’inverse, n’aura pas droit à l’aide personnelle à domicile.
[112] Par ailleurs, la jurisprudence du tribunal retient que les activités visées par l’expression « prendre soin de lui-même » sont le lever, le coucher, l’hygiène corporelle, l’habillage, le déshabillage, les soins vésicaux et intestinaux, l’alimentation (capacité de s’alimenter seul) et l’utilisation de certaines commodités du domicile, dont les appareils de salle de bain. Quant à elles, les activités visées par la notion de « tâches domestiques » sont la préparation des repas, l’entretien ménager léger et lourd, le lavage du linge et l’approvisionnement[11].
[113] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que madame Damico ne satisfait pas aux conditions d’admissibilité posées par l’article 158 et donc, qu’elle n’a pas droit à l’aide personnelle à domicile pour la période du 25 juin au 31 décembre 2005.
[114] La Commission des lésions professionnelles estime en effet que la preuve ne démontre pas de façon prépondérante que madame Damico avait des besoins d’assistance pour prendre soin d’elle-même à cette époque.
[115] En effet, à la suite de sa rencontre avec madame Damico le 8 avril 2005, madame Denoncourt a conclu que celle-ci serait autonome pour le lever et le coucher si elle bénéficiait d’une aide technique, soit une poignée de maintien pour le lit.
[116] Le règlement prévoit que l’évaluation des activités personnelles et domestiques doit se faire en tenant compte de la capacité du travailleur à les exécuter avec l’utilisation d’une orthèse, d’une prothèse, d’une aide technique ou d’une adaptation du domicile.
[117] Madame Damico déclare lors de son témoignage qu’elle est effectivement autonome pour le lever et le coucher depuis qu’elle bénéficie d’une poignée de maintien pour le lit.
[118] La Commission des lésions professionnelles précise d’emblée à cette étape qu’elle estime que le fait que la preuve démontre que madame Damico a bénéficié des aides techniques recommandées par madame Denoncourt dans son rapport d’évaluation du 13 mai 2005 seulement à compter du 21 novembre 2005, ne permet pas de conclure à des besoins d’assistance personnelle avant cette date.
[119] Le document déposé par madame Damico établit qu’elle a pris possession de ces aides techniques le 21 novembre 2005, mais la preuve ne démontre pas ce qui explique ce délai. Ni madame Damico ni son conjoint n’ont apporté d’explications à ce sujet et le tribunal ne peut présumer que c’est parce que les aides techniques n’étaient pas disponibles chez le fournisseur avant cette date. Cette conclusion s’impose d’autant que, dans l’estimé que ce fournisseur a produit le 13 mai 2005, il est indiqué qu’un délai de livraison de seulement une semaine était à prévoir.
[120] Quant à la prétention de madame Damico voulant qu’elle ne puisse pas entrer et sortir seule du bain en raison de son incapacité à élever son membre inférieur droit plus haut que cinq ou six pouces du sol, ni se pencher pour mettre ses bas et voir à l’hygiène de ses jambes et de pieds, celle-ci n’est pas supportée par la preuve.
[121] En effet, dans le rapport d’évolution interdisciplinaire du programme PÉDIP du 14 mai 2003, il est indiqué que madame Damico « rapporte avoir de la difficulté à attacher ses souliers (principalement le droit) » considérant la diminution d’amplitude articulaire de la hanche droite et du tronc en flexion. Il est aussi indiqué que l’accomplissement « de l’habillement et de l’hygiène » lui demande également beaucoup d’énergie.
[122] Plus loin dans ce rapport, il est également indiqué que madame Damico « est maintenant en mesure de transférer au bain et de prendre sa douche de façon sécuritaire avec l’utilisation de barres d’appui » et « qu’elle arrive à s’habiller de façon autonome avec l’utilisation de la pince à long manche et de l’enfile-bas pour les pantalons et les bas ».
[123] Madame Paré, conseillère en réadaptation chargée du dossier de madame Damico à cette époque, a rencontré l’équipe du programme PÉDIP le même jour, soit le 14 mai 2003, pour faire le point sur l’évolution de la condition de cette travailleuse. À la suite de cette rencontre, madame Paré note elle aussi au dossier que les aides techniques pour l’habillement aident beaucoup madame Damico et que, depuis l’installation d’une barre d’appui, cette dernière prend sa douche de façon autonome et sécuritaire.
[124] Le 25 juin 2003, à la suite d’une rencontre avec l’équipe du programme PÉDIP, madame Paré indique à son dossier que madame Damico a encore une certaine difficulté à mettre ses bas et ses souliers, mais qu’elle le fait tout de même.
[125] Dans le rapport d’évolution que l’équipe du programme PÉDIP fait le 28 août 2003, il est indiqué que madame Damico « rapporte pouvoir veiller à ses soins personnels de manière autonome mais qu’elle le fait lentement ».
[126] Dans le rapport d’évolution du 1er décembre 2003, il est indiqué que madame Damico « est autonome dans ses soins personnels ». Ni dans ce rapport ni dans celui du 28 août, il est fait état d’une difficulté majeure avec l’habillement, dont l’incapacité de mettre des bas avec un enfile-bas. Il n’est pas non plus fait état d’une difficulté avec le lever et le coucher.
[127] Dans le rapport de fin d’intervention produit le 30 mars 2004, il est fait état des capacités de madame Damico qui demeurent limitées en raison d’un phénomène d’irritation radiculaire droit facilement exacerbé, même par des activités réduites et adaptées. Il n’est cependant pas fait état d’une incapacité totale à élever le membre inférieur droit pour entrer et sortir du bain, d’une telle incapacité à faire la flexion antérieure requise pour l’hygiène et l’esthétique des membres inférieurs, ni d’une difficulté avec l’utilisation de l’enfile-bas.
[128] Pour sa part, madame Denoncourt indique dans son rapport du 13 mai 2005 que madame Damico s’habille et se déshabille de façon autonome, assise au bord du lit ou sur une chaise, et qu’elle possède les aides techniques à l’habillement requises pour ce faire.
[129] La Commission des lésions professionnelles ne retient pas la prétention de madame Damico selon laquelle elle a fait part à madame Denoncourt de son incapacité à mettre ses bas en raison d’une difficulté d’utilisation de l’enfile-bas.
[130] D’une part, l’été 2005, madame Damico a elle-même rapporté aux intervenants du programme PÉDIP et à madame Paré qu’elle arrivait à s’habiller de façon autonome. D’autre part, dans la mesure où la difficulté alléguée par madame Damico est telle qu’elle fait en sorte que son conjoint est dans l’obligation de lui mettre ses bas le soir en prévision du lendemain étant donné l’heure matinale à laquelle il quitte la maison pour le travail, il est peu probable que madame Denoncourt n’ait tout simplement pas tenu compte de cette réalité fort contraignante.
[131] S’ajoute de plus à cet élément le fait que madame Denoncourt n’a pas rencontré madame Damico une seule fois pour l’observer dans ses activités quotidiennes. En plus de se rendre chez madame Damico le 8 avril 2005 pour faire l’évaluation de ses besoins d’aide personnelle, madame Denoncourt s’est en effet aussi rendue chez celle‑ci à quelques reprises dans le contexte du programme PEGAP.
[132] La Commission des lésions professionnelles estime que cette même conclusion vaut pour la prétention de madame Damico concernant son incapacité à élever son membre inférieur droit pour entrer et sortir du bain.
[133] Dans la mesure où madame Damico prétend que cette incapacité est telle que son conjoint est dans l’obligation de voir lui-même à la mobilisation de son membre inférieur pour le placer dans le bain et l’en retirer, il est difficile de concevoir que madame Denoncourt ait tout simplement ignoré cette autre réalité fort contraignante.
[134] De l’avis du tribunal, il est plus vraisemblable de retenir que madame Denoncourt a plutôt observé que madame Damico entrait et sortait du bain avec quand même un certain degré d’assistance de la part de son conjoint, mais qu’il était possible de remédier à ce besoin par l’installation d’une seconde barre d’appui à l’entrée du bain.
[135] La Commission des lésions professionnelles note que les déclarations de madame Damico et celles de son conjoint concernant les raisons justifiant le fait que cette seconde barre d’appui n’ait pas été installée sont contradictoires. Madame Damico déclare que son conjoint n’a pas jugé nécessaire d’installer cette barre parce qu’il est habitué de l’aider à entrer et à sortir du bain. Monsieur Pallen déclare plutôt qu’il n’a pas installé cette barre parce qu’il considère que c’est la CSST qui doit s’en charger.
[136] Pour ce qui est de l’hygiène et de l’esthétique des jambes et des pieds, madame Denoncourt n’indique pas à son rapport d’évaluation que madame Damico ne peut d’aucune façon effectuer la flexion antérieure requise pour voir à ces soins. Elle note plutôt que madame Damico réalise ces soins avec difficulté et elle suggère des aides techniques pour augmenter son autonomie, soit un banc de bain et une éponge à long manche.
[137] Rien dans la preuve offerte ne permet de conclure que, assise sur le banc de bain et non pas en position debout, madame Damico est à ce point limitée qu’elle ne peut voir aux soins de ses jambes et de ses pieds.
[138] Dans toutes les évaluations retrouvées au dossier, postérieurement à la consolidation de la lésion professionnelle, la flexion antérieure est mesurée à 60° et nulle part il est fait état d’une limitation de mouvements au niveau des hanches. Quant aux genoux, c’est un déficit d’extension et non pas de flexion qui a été observé et ce, à droite seulement.
[139] Sur cette base, il apparaît donc que, en position assise, madame Damico peut effectuer les mouvements de flexion requis aux niveaux du rachis lombaire, des hanches et des genoux pour voir à l’hygiène et l’esthétique de ses membres inférieurs. Dans ce contexte, l’éponge à long manche que madame Damico trouve inefficace devient une aide technique accessoire. Cela dit, rappelons que, le 23 août 2003, madame Damico rapportait aux intervenants du programme PÉDIP qu’elle était devenue autonome pour ses soins personnels.
[140] Dans son certificat médical du 8 octobre 2003, le docteur Pilon indique que madame Damico à un besoin d’aide à domicile, mais seulement pour des tâches domestiques. C’est aussi pour de telles tâches que le docteur Arlet recommandait une aide personnelle à domicile dans son certificat médical du 31 mars 2004.
[141] Puisque la preuve ne démontre pas que madame Damico est incapable de prendre soin d’elle-même, bien qu’elle puisse avoir un certain besoin d’assistance pour des tâches domestiques, elle n’a donc pas droit à l’aide personnelle à domicile pour la période du 25 juin au 31 décembre 2005.
[142] En argumentation, le représentant de madame Damico a fait valoir qu’un pointage pour des besoins de surveillance pourrait possiblement être accordé et ce, dans la mesure où le docteur Pilon reconnaissait des limitations fonctionnelles en lien avec des symptômes associés à un phénomène d’agoraphobie.
[143] Un diagnostic d’agoraphobie n’a cependant pas été posé chez madame Damico par le docteur Pilon, celui-ci ayant plutôt retenu le diagnostic de trouble de l’adaptation avec humeur anxio-dépressive. Par ailleurs, dans son rapport d’évaluation médicale du 3 décembre 2005, ce médecin ne fait pas état de signes associés à de l’agoraphobie qui sont toujours présents chez madame Damico et il ne décrit pas non plus de limitations fonctionnelles à respecter en raison de l’état dépressif de cette dernière.
[144] La preuve ne démontre donc pas que madame Damico a droit à de l’aide personnelle à domicile en raison d’un besoin de surveillance.
[145] En ce qui concerne la recommandation de madame Denoncourt relativement à la piscine, il faut référer aux dispositions de l’article 153 de la loi :
153. L'adaptation du domicile d'un travailleur peut être faite si:
1° le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique;
2° cette adaptation est nécessaire et constitue la solution appropriée pour permettre au travailleur d'entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d'avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile; et
3° le travailleur s'engage à y demeurer au moins trois ans.
Lorsque le travailleur est locataire, il doit fournir à la Commission copie d'un bail d'une durée minimale de trois ans.
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1985, c. 6, a. 153.
[146] Dans l’affaire Lussier et Steinberg inc.[12], il a été décidé qu’une piscine devait être considérée comme étant un bien ou une commodité du domicile et, par conséquent, qu’il s’agissait d’un équipement pouvant faire l’objet d’une adaptation afin de permettre à un travailleur d’y avoir accès de façon autonome.
[147] En l’espèce, la CSST a considéré que les conditions d’admissibilité posées par l’article 153 étaient satisfaites dans le cas de madame Damico puisqu’elle a autorisé certains des travaux d’adaptation du domicile recommandés par madame Denoncourt, soit l’installation de seuils de porte et de mains courantes aux escaliers intérieurs.
[148] Par ailleurs, c’est aussi l’installation de mains courantes à l’escalier du patio menant à la piscine de madame Damico qui est recommandée par madame Denoncourt afin que celle-ci puisse se baigner de façon autonome.
[149] Puisqu’une piscine doit être considérée comme étant un bien ou une commodité du domicile, il faut donc conclure que madame Damico a droit à ces travaux d’adaptation recommandés par madame Denoncourt.
[150] La Commission des lésions professionnelles constate, par ailleurs, qu’il est fait état dans le rapport d’évaluation des capacités fonctionnelles de travail de madame Damico d’un risque de chute que présente cette dernière en raison d’une fatigue musculaire du quadriceps droit.
[151] Le tribunal note que madame Denoncourt recommande aussi la réparation de l’escalier qui mène au patio et que, lors de son témoignage, madame Damico indique que cette recommandation s’explique par le fait que cet escalier n’est pas récent. Il s’agit donc de travaux de réparation d’un escalier usé qui sont ainsi recommandés et non pas des travaux d’adaptation du domicile. Seule l’installation de mains courantes à l’escalier de la piscine est donc visée par l’article 153 de la loi.
[152] En prévision de cette installation, madame Damico devra se conformer aux dispositions de l’article 156 de la loi, lequel prévoit ce qui suit :
156. La Commission ne peut assumer le coût des travaux d'adaptation du domicile ou du véhicule principal du travailleur visé dans l'article 153 ou 155 que si celui-ci lui fournit au moins deux estimations détaillées des travaux à exécuter, faites par des entrepreneurs spécialisés et dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige, et lui remet copies des autorisations et permis requis pour l'exécution de ces travaux.
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1985, c. 6, a. 156.
[153] Dans son rapport d’évaluation du 13 mai 2005, madame Denoncourt recommandait également que madame Damico puisse bénéficier d’un coussin « Spacer legs » et d’un oreiller « Tempur ».
[154] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que madame Damico n’a pas droit au remboursement des frais liés à l’achat de ce coussin et de cet oreiller orthopédiques.
[155] En effet, les articles 188 et 189 de la loi prévoient les dispositions suivantes :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
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1985, c. 6, a. 188.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit:
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
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1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.
[156] Pour sa part, le Règlement sur l’assistance médicale[13] (le règlement sur l’assistance médicale) prévoit les aides techniques dont la CSST peut assumer le coût lorsqu’elles sont prescrites par le médecin traitant du travailleur.
[157] Or, bien que le médecin traitant de madame Damico n’ait pas lui-même prescrit un coussin et un oreiller orthopédiques, il demeure que ce type d’accessoire n’est pas énuméré à l’annexe II du règlement sur l’assistance médicale comme constituant une aide technique dont le coût peut être assumé par la CSST.
[158] Par ailleurs, selon la jurisprudence constante du tribunal, ce type d’accessoire ne peut être assimilé à ce qui constitue un objet adapté au sens du règlement sur l’assistance médicale[14].
[159] Quant à l’argument de madame Damico voulant que le coût de ces accessoires puisse être remboursable en s’appuyant sur les dispositions des articles 148 à 152 de la loi, celui-ci doit être rejeté.
[160] Ces articles ont trait aux mesures que peut comprendre un programme de réadaptation physique, mais, pour chacune de ces mesures, il faut une prescription du médecin traitant. Ainsi, même dans l’hypothèse où il faudrait conclure que les accessoires réclamés par madame Damico constituent une mesure de réadaptation physique visée par ces articles, cette dernière ne peut y avoir droit étant donné l’absence de prescription de son médecin traitant.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête de la travailleuse, madame Michelina Damico;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 26 septembre 2005 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que madame Michelina Damico n’a pas droit à des prestations d’aide personnelle à domicile pour la période du 25 juin 2005 au 31 décembre 2005;
DÉCLARE irrecevable la demande de révision de madame Michelina Damico concernant la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail lui refusant le droit à de telles prestations pour la période du 19 février 2003 au 24 juin 2005;
DÉCLARE que madame Michelina Damico n’a pas droit au remboursement des frais liés à l’achat d’un oreiller et d’un coussin orthopédiques; et
DÉCLARE que madame Michelina Damico a droit au remboursement du coût des travaux d’adaptation de son domicile, lesquels consistent en l’installation d’une main courante bilatérale à l’escalier du patio menant à sa piscine.
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Ginette Morin |
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Commissaire |
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Me Charles Magnan |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] Le droit de madame Damico au remboursement des frais liés à ces mêmes travaux pour les années 2004 et 2005 est aussi reconnu.
[2] Ces décisions sont confirmées à la suite d’une révision administrative.
[3] L.R.Q., c. A-3.001
[4] En vertu de l’article 118 de la loi, le montant maximum d’aide de 800 $ est revalorisé le 1er janvier de chaque année. Pour l’année 2005, ce montant est de 1 385,00 $.
[5] (1997) 129 G.O. II, 7365
[6] Voir notamment : Brouty et Voyages Symone Brouty, C.L.P. 120748-31-9907, 15 juin 2000, P. Simard; Gagné et Provigo Distribution inc., [2000] C.L.P. 456 .
[7] L.R.Q., c. J-3
[8] C.L.P. 193765-02-0210, 5 mars 2003, M. Juteau.
[9] Lebel et Municipalité Paroisse de Saint-Éloi, C.L.P. 124846-01A-9910, 29 juin 2000, L. Boudreault; Frigault et Commission scolaire de Montréal, C.L.P. 142721-61-0007, 25 mai 2001, L. Nadeau; Turgeon et Pro santé enr., C.L.P. 130628-01A-0001, 2 août 2001, R. Arseneau; Calandrino et Banyo Canada inc., C.L.P. 172440-71-0111, 4 septembre 2002, D. Taillon; Espinosa et Air Nova inc., C.L.P. 192230-31-0210, 20 décembre 2002, H. Thériault; Ferland et Fenêtres PVCO inc., C.L.P. 272738-05-0510, 24 mai 2006, M. Allard; Muise et Benny enr., C.L.P. 273352-63-0509, M. Gauthier.
[10] C.L.P. 263598-01B-0505, 22 février 2006, L. Desbois. Une note de bas de page au paragraphe #21 fournit des références jurisprudentielles.
[11] Voir notamment : Cameron et Services de données Asselin, [1998] C.L.P. 890 ; Nicolas et Centre d’hébergement de soins de longue durée de Cap Chat, C.L.P. 157485-01C-0103, 10 janvier 2003, R. Arseneau, révision rejetée, 14 août 2003, M. Carignan; Jean-Baptiste et Lion Rubber & Plastic ltée, C.L.P. 172411-71-0111, 19 mars 2003, T. Giroux.
[12] C.L.P. 143225-62-0006, 5 avril 2001, G. Godin.
[13] (1993) 125 G.O. II, 1331
[14] Voir notamment : Poirier et Garderie Les Gardelunes, C.L.P. 219476-71-0311, 8 avril 2004, L. Couture; Tremblay et ADM Agri Industries ltd Candiac, C.L.P. 221666-62-0312, 16 novembre 2004, S. Mathieu; Lavoie et Maison Plymouth Chrysler ltée, C.L.P. 244025-31-0409, 7 décembre 2004, H. Thériault.
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