Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

22 mars 2006

 

Région :

Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent et Côte - Nord

 

Dossier :

128786-01A-9912-C

 

Dossier CSST :

116526278

 

Commissaire :

Claude-André Ducharme

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Linda Beaulieu

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Commission scolaire des phares

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

RECTIFICATION D’UNE DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]        La Commission des lésions professionnelles a rendu le 24 février 2006, une décision dans le présent dossier;

[2]        Cette décision contient matérielle qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001;

[3]        Au paragraphe 38, nous lisons :

Par la décision rendue le 30 septembre 2004, la Commission des lésions professionnelles accueille la requête de l’employeur, révise la décision du 4 février 2002 et déclare que madame Beaulieu n’a pas subi de lésion professionnelle le 13 février 1998.

[4]        Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :

Par la décision rendue le 30 septembre 2004, la Commission des lésions professionnelles accueille la requête de l’employeur, révise la décision du 4 février 2002 et déclare que madame Beaulieu n’a pas subi de lésion professionnelle le 13 octobre 1998.

 

 

__________________________________

 

Claude-André Ducharme

 

Commissaire

 

 

 

 

Me Denis Mailloux

C.S.N.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Jean-Claude Girard

POTHIER DELISLE

Représentant de la partie intéressée

 

 


 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

24 février 2006

 

Région :

Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent et Côte‑Nord

 

Dossier :

128786-01A-9912-2R2

 

Dossier CSST :

116526278

 

Commissaire :

Claude-André Ducharme

 

Membres :

Yvon Hubert, associations d’employeurs

 

Pierre Boucher, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Linda Beaulieu

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Commission scolaire des phares

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 17 novembre 2004, madame Linda Beaulieu (la travailleuse) dépose une requête par laquelle elle demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer une décision qu'elle a rendue le 30 septembre 2004.

[2]                Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles accueille la requête en révision de la Commission scolaire des Phares (l'employeur), révise une décision qu'elle a rendue le 4 février 2002 (rectifiée le 28 mars 2002) et déclare que madame Beaulieu n'a pas subi une lésion professionnelle le 13 octobre 1998.

[3]                La Commission des lésions professionnelles devait tenir une audience à Rimouski le 28 septembre 2005, mais les représentants des parties ont convenu de plaider par écrit, compte tenu de l'impossibilité de l'un d'entre eux de s'y présenter. Le dossier a été mis en délibéré le 2 décembre 2005 après réception des argumentations écrites.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]                Madame Beaulieu demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer la décision rendue le 30 septembre 2004 au motif qu'elle comporte un vice de fond qui est de nature à l'invalider.

[5]                Elle reproche au commissaire, qui a rendu cette décision, (le deuxième commissaire), d'avoir substitué son appréciation de la preuve à celle du commissaire qui a rendu la décision du 4 février 2002 (le premier commissaire).

QUESTION PRÉLIMINAIRE

[6]                Par requête transmise le 29 novembre 2004, l'employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer irrecevable la requête en révocation de madame Beaulieu pour les motifs suivants :

4.   La requête en révision en date du 15 novembre 2004 est irrecevable à sa face même car elle constitue une seconde requête en révision relative à la même décision initiale du 4 février 2002 ;

 

5.   Selon l'article 429.49 LATMP, une décision de la CLP est finale et sans appel ;

 

6.   Ainsi, tel que l'a reconnu la jurisprudence, le recours en révision d'une décision en vertu de l'article 429.56 est une exception à la finalité des décision de la CLP et, en ce sens, un recours qui ne saurait être exercé de manière répétitive « ad infinitum » ;

 

7.   Une fois qu'a été rendue la décision en révision en date du 30 septembre 2004, la CLP avait épuisé sa compétence que lui confère la LATMP pour se prononcer sur la réclamation de la travailleuse ;

 

8.   La requête en révision du 15 novembre 2004 ne soulève aucune circonstance exceptionnelle ou inusitée en regard des motifs donnant ouverture à la requête prévue à l'article 429.56 pouvant justifier que la CLP se saisisse à nouveau du cas ;

 

9.   La partie requérante demande à la CLP de rétablir la décision du (premier commissaire[1]) en l'invitant, en fait, à se prononcer indirectement à nouveau sur la façon dont le (premier commissaire) a rendu sa décision ;

 

 

[7]                Le représentant de l'employeur reprend ces arguments dans l'argumentation qu'il a transmise à la Commission des lésions professionnelles en décembre 2004. Il insiste particulièrement sur le fait que la jurisprudence permet une seconde requête en révision uniquement dans des circonstances exceptionnelles ou inusitées, comme dans le cas de la découverte d'un fait nouveau ou d'une violation des règles de justice naturelle, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, selon lui.

[8]                Pour sa part, le représentant de madame Beaulieu soumet que la Commission des lésions professionnelles a compétence pour se prononcer sur la requête, parce qu'elle vise à faire établir que la décision du 30 septembre 2004 comporte un vice de fond qui est de nature à l'invalider, soit une réappréciation de la preuve par le deuxième commissaire.

[9]                L'argument du représentant de l'employeur, voulant qu'une deuxième requête en révision ne soit possible que dans des circonstances exceptionnelles ou inusitées, prend appui sur un certain courant jurisprudentiel[2], mais ce n'est pas l'approche qui est actuellement suivie.

[10]           La révision ou la révocation d'une décision en révision demeure possible lorsque l'un ou l'autre des motifs prévus par l'article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi) est établi en regard de cette décision. Dans la décision Rivard et C.L.S.C. des Trois Vallées[4], la Commission des lésions professionnelles écrit ce qui suit à ce sujet :

[29]      […] La Commission des lésions professionnelles considère que bien que des requêtes en révision ne peuvent être présentées ad infinitum, il n'est pas inconcevable qu'une deuxième requête en révision dans un même dossier puisse être jugée recevable, s'il existe une nouvelle cause de révision en rapport avec cette deuxième décision. Le législateur n'a certes pas voulu que le tribunal ne puisse se réviser à nouveau dans un tel cas4.

 

[30]      Dans ces circonstances, il est difficile, de façon préliminaire et sans avoir donné l'opportunité à une partie de faire valoir les motifs invoqués au soutien de sa requête, de déclarer la présente requête non recevable ou de la rejeter.

_______________

1.          Arcand et Commission scolaire des Laurentides, [1994] C.A.L.P. 57 .

 

 

[11]           La situation que dénonce la jurisprudence en indiquant que les requêtes en révision ou en révocation ne peuvent être multipliées à l'infini, c'est principalement celle où une partie insatisfaite du résultat d'une première requête en révision en présente une seconde en invoquant sensiblement les mêmes motifs. La Commission des lésions professionnelles formule les commentaires suivants à cet égard dans la décision Industries Cedan inc. et CSST[5] :

[20]      La Commission des lésions professionnelles tient à souligner qu'une requête en révision ne constitue pas un processus de contestation en plusieurs tomes ni que l'on peut multiplier les requêtes autant de fois qu'on le juge à propos en invoquant à chaque fois un nouvel argument ou un argument présenté sous une autre forme.

 

[21]      Il ne faut pas oublier qu'une décision de la Commission d'appel est finale et sans appel et que ce n'est que dans des circonstances bien précises, prévues à la loi, que l'on peut demander la révision ou la révocation d'une décision.

 

[22]      Lorsqu'une décision fait l'objet d'un recours en révision, il faut être en mesure de démontrer clairement l'erreur que comportait la première décision en révision avant de s'aventurer sur le terrain d'une autre requête.

 

[23]      Autrement on peut multiplier à l'infini le nombre de requêtes espérant peut-être qu'à l'usure on finira par avoir raison.

 

[24]      La Commission des lésions professionnelles estime que c'est vicier le processus de finalité des décisions et celui de la révision que de multiplier indûment le nombre de requêtes en révision.

 

[25]      Survient un moment où on doit réfréner les ardeurs et inviter les parties concernées à s'adresser à une autre instance, si malgré les décisions défavorables, elles estiment toujours que la décision initiale comporte une erreur que personne d'autre n'a pu constater.

 

 

[12]           Ce n'est pas le cas dans la présente affaire. Madame Beaulieu reproche au deuxième commissaire d'avoir substitué son appréciation de la preuve à celle du premier commissaire. Contrairement à la prétention de l'employeur, sa requête vise essentiellement la décision en révision du 30 septembre 2004 et elle ne constitue pas une seconde requête en révision de la décision initiale du 4 février 2002.

[13]           L'autre argument du représentant de l'employeur, voulant que la Commission des lésions professionnelles ait perdu compétence pour se prononcer sur la réclamation de madame Beaulieu à partir du moment où elle a rendu la décision du 30 septembre 2004, n'est pas davantage fondé.

[14]           L'objet du présent litige ne concerne pas l'admissibilité d'une réclamation pour lésion professionnelle, mais le bien-fondé d'une requête en révocation. De plus, l'article 429.56 de la loi prévoit spécifiquement que la Commission des lésions professionnelles peut réviser ou révoquer une décision qu'elle a rendue.

[15]           Pour ces raisons, la Commission des lésions professionnelles estime avoir compétence pour se prononcer sur la requête en révocation de madame Beaulieu et rejette la requête en irrecevabilité de l'employeur.

LES FAITS

[16]           Pour les fins de la présente décision, il convient de rappeler les éléments suivants du dossier.

[17]           Madame Beaulieu occupe un emploi d'agente de bureau chez l'employeur depuis 1987. En janvier 1997, elle est affectée au centre de documentation de l'école secondaire où elle travaille. Elle rencontre des difficultés dans ses relations avec la technicienne du centre de documentation, madame Hélène DeChamplain.

[18]           Le 24 mai 1998, elle écrit une lettre à son supérieur immédiat, monsieur Jacques Poirier, pour se plaindre de la situation. Elle écrit notamment :

Depuis plus de un an, règne un climat de travail tendu au Centre de documentation. À quelques reprises, j’ai discuté de cette situation avec vous mon supérieur immédiat. J’ai demandé que l’on me fournisse une description des tâches reliées à mon poste afin d’éliminer toutes ambiguïtés concernant mon travail.

 

À ce jour, je n’ai toujours pas reçu de document décrivant mes tâches et responsabilités. L’atmosphère de travail s’est détériorée encore plus (voir annexe). J’ai de plus en plus de difficultés à fonctionner dans un tel environnement et cela a un effet négatif sur mon rendement et ma santé. [nos soulignés]

 

Je vous soumets à nouveau ce cas pour analyse afin que des mesures adéquates soient prises en vue d’améliorer cette situation.

 

Je suis disposée à vous rencontrer en présence d’un représentant syndical afin de faire le point.

 

 

[19]           Par la suite, madame DeChamplain doit arrêter de travailler pour cause de maladie et le 16 juin 1998, elle dépose la plainte suivante contre madame Beaulieu :

            Depuis un an, je subis une situation de plus en plus stressante à mon travail due au comportement de ma nouvelle collègue de travail.

 

            Quelques mois après son arrivée à la bibliothèque de la polyvalente Le Mistral, madame Linda Beaulieu a commencé à me harceler de façon insidieuse : sarcasmes (remarques sur ma personne), ironie, attitude condescendante (n’a pas le choix de travailler avec moi selon elle), fréquentes périodes de mauvaise humeur créant un climat de tension perceptible par les usagers, lesquelles périodes sont suivies de manipulations flatteuses, accusations à la direction de l’école sur ma façon de travailler, interprétations fausses et gratuites de mes propos, paroles agressantes, appels téléphoniques et conversations avec certains personnels de l’école (qu’elle avait auparavant dénigrés) les mettant en garde contre moi (propos qui jettent le discrédit sur moi), lettre à mon sujet à la direction de l’école.

 

            L’ensemble de ces « incidents » répétés d’une façon régulière a contribué à détruire l’environnement dans lequel je dois travailler. De plus le climat ainsi créé m’a démolie psychologiquement. Je crois qu’il est tout à fait justifié que je puisse bénéficier d’un climat de travail qui puisse me permettre de l’accomplir en toute quiétude.

 

 

[20]           À la suite de cette plainte, madame Hélène Bourdages, directrice des ressources humaines, effectue une enquête.

[21]           Le 12 octobre 1998, lors d'une réunion à laquelle elle a été convoquée par l'employeur, madame Beaulieu apprend qu'elle est suspendue. La nuit suivante, elle fait une tentative de suicide et subséquemment, les diagnostics de dépression et de trouble de l'adaptation avec humeur anxio-dépressive sont posés.

[22]           Le 25 mai 1999, elle présente une réclamation à la CSST pour faire reconnaître la survenance d'une lésion professionnelle le 13 octobre 1998, soit un trouble de l'adaptation qu'elle relie au harcèlement dont elle a été victime de la part d'une collègue, madame Hélène DeChamplain.

[23]           Madame Beaulieu a déjà subi des troubles de l'adaptation avec humeur anxieuse en 1992 et en 1996. Ces lésions psychiques n'ont pas été reconnues comme lésions professionnelles par la CSST.

[24]           À la suite de son arrêt de travail d'octobre 1998, elle a été suivie par le docteur Serge Lalonde et le docteur Yves Poulin, psychiatre, et elle a été évaluée par différents intervenants du milieu psychiatrique, dont les psychiatres Serge Côté, le 23 septembre 1999, Pierre Vincent, le 1er mars 2000, et Fabien Gagnon, le 15 décembre 2000. Une controverse existait chez les différents examinateurs quant à savoir si madame Beaulieu présentait une problématique de paranoïa, thèse retenue par les docteurs Côté et Gagnon.

[25]           La CSST a refusé la réclamation de madame Beaulieu au motif que sa lésion psychique n'était pas reliée aux tâches que comportait son travail, mais plutôt à un conflit interpersonnel avec une collègue. Cette décision a été maintenue à la suite d'une révision administrative[6], d'où l'appel à la Commission des lésions professionnelles.

[26]           La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience les 4 juin et 6 juillet 2001. Lors de la première journée, madame Beaulieu a témoigné et elle a fait entendre un témoin, monsieur Gaétan Pelletier, ce dernier étant celui qui a remplacé madame DeChamplain pendant son congé de maladie.

[27]           L'employeur a fait entendre madame Carole Beaulieu, technicienne en administration au service des ressources humaines, puis son représentant a informé le premier commissaire que monsieur Poirier et mesdames Bourdages et Roy n'étaient pas disponibles pour poursuivre l'audience. Après s'être informé de la disponibilité des témoins de l'employeur pour le 6 juillet, le premier commissaire a indiqué ce qui suit au représentant de l'employeur :

D'accord. S'ils ne sont pas disponibles, il faudrait penser à un affidavit circonstancié étant donné que c'est quand même bien documenté son témoignage à elle. On va compléter l'enquête cette journée-là. Ça va aussi.

 

 

[28]           Des affidavits de mesdames Jocelyne Godbout, Huguette DeChamplain, Micheline Roy et de monsieur Jacques Poirier, ont été déposés au dossier lors de l'audience du 6 juillet 2001.

[29]           À cette date, l'employeur a fait entendre madame Solange Castonguay, ex-présidente du syndicat, madame Bourdages, et le docteur Serge Côté.

[30]           Les parties ont plaidé par écrit. Dans son argumentation, le représentant de madame Beaulieu prétend que la lésion psychique subie par celle-ci est reliée à différents événements survenus au travail, au comportement de madame DeChamplain à son égard et à celui de l'employeur.

[31]           Pour sa part, le représentant de l'employeur plaide que la lésion subie par madame Beaulieu est reliée essentiellement à une problématique personnelle. Il formule les commentaires suivants dans les conclusions de son argumentation :

Contrairement à la prétention développée par le représentant de la travailleuse et à la perspective que Mme Beaulieu a voulu donner aux faits dans son témoignage, on n'est pas ici en présence d'un problème organisationnel, d'un problème de définition de tâches ou de changements organisationnels. Ce que l'on observe plutôt, c'est un problème d'attitudes de la travailleuse à l'égard de multiples facettes de son travail. Cette attitude se caractérise par une tendance à déformer la réalité à propos de plusieurs situations pour en tirer une conviction personnelle d'être harcelée, une tendance à se représenter des demandes normales et légitimes comme des demandes abusives : par exemple, la règle relative aux photocopies pour les enseignants, les consignes de classement, la demande de ne pas passer par le bureau de sa compagne de travail, la surveillance des élèves, l'aide considérée comme un empiètement sur ses tâches, les mots de passe pour l'ordinateur, le déplacement de son ordinateur, etc…

 

Mme Beaulieu a donné des versions bien différentes de celles de plusieurs témoins. Or, les témoignages de ces personnes sont concordants. Son attitude et son comportement sont tout à fait compatibles avec ce que déclarait le Docteur Gagnon, à savoir qu'on est en présence d'une personne qui « veut contrôler son environnement de façon importante » et qu'elle a une attitude de « type « faking good », c'est-à-dire de donner les réponses attendues ». Il a reconnu :

 

« la présence de trouble de personnalité paranoïaque ou paranoïde qui va fort probablement entraîner des conflits au travail »

 

 

Les conclusions du Docteur Gagnon, agissant comme arbitre, au sujet de la personnalité de madame Beaulieu, ne peuvent être remises en cause.

 

Il y a lieu également de retenir que lorsqu'on lui a fait des reproches relativement à son travail en 1992, elle a senti des pressions, a été saisie de tremblements et a accusé les autres de harcèlement à son égard et on lui a diagnostiqué une dépression (…]. La même chose est survenue en 1996. Lorsqu'il y a eu des difficultés relativement à son travail, elle s'est de nouveau absentée en maladie en alléguant que sa collègue de travail ne lui avait pas donné de chances. Rien de véritablement différent en 1998. Confrontée de nouveau à une relation difficile avec une collègue de travail, elle réagit de la même façon. Elle se sent harceleé et accusée. Elle, elle n'a pas de problème.

 

Par ailleurs, on sait que madame Beaulieu a eu des problèmes de même nature depuis le début 1997, qu'elle a des difficultés avec son conjoint et le paiement de la pension alimentaire, des problèmes avec son fils. De plus, elle affirme qu'elle a toujours des difficultés avec la fraude survenue chez son ancien employeur. De plus, elle présente un trouble de personnalité paranoïaque ou paranoïde qui n'est pas sans être en relation dans son attitude avec les autres, notamment dans ses relations avec ses collègues de travail. [sic]

 

[…]

 

 

[32]           Il conclut que les divers événements invoqués par madame Beaulieu et le processus disciplinaire auquel elle a été soumise ne débordent du cadre normal du travail.

[33]           Le premier commissaire ne retient pas la prétention de l'employeur. Dans la décision rendue le 4 février 2002, après avoir fait état de la preuve documentaire et testimoniale et avoir rapporté plusieurs extraits des argumentations écrites des parties, il décide que madame Beaulieu a subi une lésion professionnelle. Il convient de rapporter les extraits suivants des motifs qu'il énonce au soutien de sa conclusion :

[42]      Comme nous l’avons indiqué au début de l’argumentation du représentant de l'employeur nous sommes d’avis que son analyse des faits ne résiste pas bien à l’analyse sur plusieurs aspects.  Pour fin de concordance, il nous apparaît essentiel de préciser que son appréciation de l’importance de la plainte logée par Madame Beaulieu, le 24 mai 1998, n’est pas raisonnable.  La plainte logée par la travailleuse devait être traitée en toute justice et équité par l’employeur.  De plus, considérant le contexte, il n’est pas possible de prendre pour acquis toutes les affirmations qui apparaissent à l’affidavit de madame DeChamplain pour contredire le témoignage clair, précis et concordant de la travailleuse.

 

[43]      Parallèlement, les témoignages de madame Boileau et de madame Roy n’ajoutent rien à la preuve.  L’enquête de madame Bourdages est, en ce qui nous concerne, viciée dans sa forme depuis le début.  Elle ignore la lettre de la travailleuse et donne suite à la plainte de madame DeChamplain.  Elle avise la travailleuse de son enquête, seulement, le 21 septembre 1998.  Elle collaborait avec le mandataire de madame DeChamplain entre juillet et septembre.  Par ailleurs, la prémisse de la rencontre du 12 octobre 1998 est claire pour madame Bourdages et elle ne se préoccupe pas des conséquences pour la travailleuse : « Je l’informe que nous sommes dans une situation où nous n’avons pas le choix d’agir et qu’il y aura une recommandation à la réunion des commissaires du 26 octobre. Je lui dis qu’on ne peut replacer Huguette dans la même situation à la bibliothèque ».

 

[44]      Pour bien comprendre les différentes expertises médicales, il est important de se remémorer la définition de la personnalité paranoïaque selon le DSM IV :

 

« Méfiance soupçonneuse envahissante envers les autres dont les intentions sont interprétées comme malveillantes, qui apparaît au début de l’âge adulte et est présente dans divers contextes... ».

 

[45]      L’appréciation de la condition personnelle de la travailleuse, avant les événements, que nous proposent les Drs Gagnon et Côté paraît être très influencée par le contexte juridico-administratif.  Il est important de se rappeler qu’ils concluent à partir de l’expertise de madame Chabot qui exprimait l’avis que la travailleuse a un « caractère paranoïaque (de type prudent plutôt que méfiant) ».  Pour étayer sa compréhension de l’affaire, le Dr Côté expose trois événements personnels.  Dans un premier temps, il responsabilise la travailleuse pour une fraude à laquelle elle aurait été associée il y a une vingtaine d’année;  dans un second temps, il réfère à un incident survenu au travail il y a plus de dix ans;  finalement, il lui reproche une erreur de jeunesse de son garçon qui aurait été associé à une affaire de drogue.  Comme sa conclusion est tirée, sans connaître la responsabilité des autres personnes impliquées dans les événements, nous croyons qu’il s’agit d’un sérieux écart de jugement.

 

[46]      Pour comprendre la conclusion du Dr Côté, nous lui avons demandé de préciser l’importance de la méfiance dans son avis et il affirme qu’elle n’est pas méfiante et qu’elle a bien collaboré aux divers examens.  Sa conclusion reposerait sur sa perception que la travailleuse déforme systématiquement la réalité.  Parallèlement, il ne décèle rien de malveillant chez cette travailleuse.  Il estime même que c’est, essentiellement, une bonne personne.

 

[47]      En définitive, en étirant l’interprétation des définitions de troubles de la personnalité, il serait possible de conclure que la travailleuse avait un caractère qui l’exposait à certaines difficultés dans un milieu de travail qui exige de conjuguer les efforts d’une équipe.  L’expert estime qu’il était souhaitable de bien encadrer la définition de tâches de ce genre d’individu, d’éviter de les mettre en relation avec d’autres travailleurs et surtout d’éviter de les confronter parce que cela peut être la cause d’une dépression.  Il rappelle que les employeurs, en général, sont mal équipés pour ce genre de supervision et que la preuve actuelle démontre que la travailleuse n’a pas bénéficié du support qui lui était essentiel.

 

[48]      En conjuguant l’analyse de la preuve médicale et la preuve factuelle, nous retenons qu’il est impossible de nier l’importance des conflits organisationnels et des tensions associées au milieu de travail dans l’exacerbation de la symptomatologie.  De plus, la tentative de suicide dans la nuit du 12 au 13 octobre 1998 a une cause immédiate, maintenant bien connue.  C’est, à notre avis, le contexte qui s’est développé entre mars et octobre 1998 et dont la travailleuse a pris, brusquement, conscience lors de cette malheureuse réunion du 12 octobre 1998 qui est, selon nous, l’événement imprévu et soudain survenu sur les lieux du travail qui est la cause immédiate de la lésion professionnelle, au sens de l’article 2 de la LATMP.  Il n’est pas possible de retenir la thèse actuelle de l’employeur à l’effet que cette rencontre visait à susciter une prise de conscience de la part de la travailleuse.  La réunion est d’abord et avant tout planifiée pour assurer le retour au travail de madame DeChamplain, et ce, à ses conditions.  Le témoignage de la présidente du syndicat confirme que les objectifs de cette réunion ont clairement dépassé ce qui avait été convenu.

 

[49]      Au plan légal, il n’est pas possible de conclure que la travailleuse a été exposée « à des problèmes administratifs auxquels tous les salariés peuvent s’attendre d’être confrontés. »  Il n’est pas non plus possible de conclure que la seule personnalité de la travailleuse explique la crise dans laquelle elle a été plongée.  À ce chapitre, nous faisons nôtre l’appréciation du Dr Poulin à l’effet « que quelqu’un qui a un trouble de la personnalité n’aurait jamais traversé tout ce que madame a traversé sans avoir de passage à l’acte, que ce soit envers elle ou envers les autres, ce qui témoigne à quel point madame n’a pas une personnalité pathologique au point où on a tenté de le démontrer. »

 

[…]

 

[67]      En la présente, l’employeur a insisté sur l’importance de la condition personnelle de la travailleuse pourtant la travailleuse n’avait pas eu de crises avant d’être à son emploi.  La prise en charge par la CSST pour des troubles d’adaptation avec humeur anxio-dépressive pour les périodes du 19 mars au 27 avril 1992 et du 6 septembre 1996 au 6 janvier 1997 la rendait vulnérable à des rechutes, récidives et/ou aggravation, au sens de la LATMP.  L’employeur se devait, en conséquence, d’être encore plus prudent dans la façon de gérer les activités de la travailleuse.  Le Dr Côté constate que l’employeur était mal équipé pour gérer ce contexte particulier et qu’il a failli à la tâche.  Il est évident que cette travailleuse ne pouvait servir de monnaie d’échange dans ce qui paraît avoir été un curieux troc entre le syndicat et la directrice du personnel de la Commission scolaire.  D’ailleurs, madame Castonguay, la présidente du syndicat, confirme qu’elle n’aurait jamais accepté un congé sans solde.  Elle a été surprise des décisions.

 

[68]      Les conséquences médicales d’un événement de gérance mal planifié et dont les conséquences n’avaient pas été encadrées sont connues et la jurisprudence établit clairement que l’employeur ne peut être excusé des dommages physiques ou psychiques causés par ses agents.  Cette conclusion est véridique même lorsque les mandataires de l’employeur agissent à l’intérieur de leur mandat.  Il y a un prix à payer pour les attitudes, les comportements et les décisions prises, en la présente.  Il est évident que la travailleuse ne doit pas être la seule victime d’une situation qu’elle n’a pas voulue et dont elle vit les conséquences, depuis trop longtemps.

[69]      La démarche entreprise par Madame Beaulieu le 24 mai 1998 apparaît légitime et dans le meilleur intérêt de l’employeur.  Ce n’est pas la suite que l’employeur a choisi de donner aux demandes de la travailleuse.  L’employeur doit en assumer les conséquences.

 

 

[34]           Le 21 mars 2002, l'employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision, parce qu'il prétend qu'elle comporte des vices de fond qui sont de nature à l'invalider. Tel que l'indique son représentant au paragraphe 7 de la requête, il reproche essentiellement au premier commissaire d'avoir commis des erreurs dans son appréciation de la preuve :

7.      Le commissaire met de côté, de manière flagrante, une grande partie de la preuve faite par l'employeur et dénature, de manière biaisée et avec partialité, les témoignages reçus, de sorte que sa décision ne s’appuie pas de manière juste et raisonnable sur la preuve, tel qu’il sera plus amplement démontré lors de l’audition et, notamment, pour les principaux motifs exposés ci-après;

 

 

[35]           Plus précisément, il lui reproche d'avoir écarté les déclarations par affidavit de madame DeChamplain, parce qu'elle n'avait pas témoigné à l'audience et d'avoir retenu que madame Beaulieu a rendu un « témoignage clair, précis et concordant », alors qu'il ne concordait nullement avec ceux de mesdames DeChamplain, Boileau et Roy.

[36]           Il prétend de plus que le premier commissaire retient des conclusions qui ne sont pas conformes à la preuve en ce qui a trait au témoignage de madame Boileau, à l'enquête tenue par madame Bourdages, à la rencontre disciplinaire et enfin, au témoignage du docteur Côté.

[37]           Lors de l'audience tenue par la Commission des lésions professionnelles sur cette requête en révision, l'employeur a déposé deux documents confectionnés à partir des notes sténographiques pour soutenir sa prétention que le premier commissaire a mal interprété la preuve et illustrer les contradictions que comportait le témoignage de madame Beaulieu.

[38]           Par la décision rendue le 30 septembre 2004, la Commission des lésions professionnelles accueille la requête de l'employeur, révise la décision du 4 février 2002 et déclare que madame Beaulieu n'a pas subi une lésion professionnelle le 13 février 1998.

[39]           Après avoir rappelé que des témoins de l'employeur avaient produit des affidavits et cité certains passages des motifs de la décision du 4 février 2002, le deuxième commissaire en vient à la conclusion suivante :

[51]      La Commission des lésions professionnelles doit conclure que le premier commissaire, à sa section « Les motifs de la décision », a énoncé une série de conclusions, de constats sur son appréciation aussi bien de la preuve factuelle que médicale ainsi que sur la crédibilité relative de chacune des personnes qui furent appelées à témoigner ou à offrir un affidavit.

 

[52]      Ces constats ont tous leur importance puisqu’ils définissent une lecture de la preuve documentaire et testimoniale que retient le premier commissaire pour sous‑tendre les conclusions juridiques où il parvient.

 

[53]      Or, c’est à cette lecture de la preuve que s’attaque la présente requête en révision dans tous les éléments qu’elle soulève en ce que le premier commissaire commet plusieurs erreurs manifestes et déterminantes résultant en une lecture qui ignore, de façon non motivée, les éléments essentiels de la preuve offerte par l’employeur.

 

[54]      Comme le premier commissaire, à sa section « Les motifs de la décision », ne rattache pas ses constats et ses conclusions sur la lecture du dossier à une étude approfondie des éléments de preuve qui lui furent offerts, tout particulièrement sur les contradictions existantes entre les différentes versions, la Commission des lésions professionnelles n’a pas d’autre choix que de procéder à une étude détaillée et attentive de l’ensemble de la preuve offerte au premier commissaire ainsi que des éléments factuels qu’il retient à sa section « Les faits », pour décider s’il a commis effectivement des erreurs manifestes et déterminantes, le tout en corrélation avec les reproches que lui adresse l'employeur par le biais de sa requête en révision.

 

 

[40]           Il prend appui sur la règle établie par la jurisprudence voulant qu’un décideur doive motiver sa décision et que l'absence totale de motivation donne ouverture à la révision ou à la révocation de la décision.

[41]           Par la suite, le deuxième commissaire rapporte tous les éléments de la preuve documentaire et des témoignages, à partir notamment de la transcription des notes sténographiques des deux jours d'audience.

[42]           Puis, il analyse les motifs invoqués par l'employeur au soutien de sa requête en commençant par celui portant sur la preuve par affidavits et notamment, celui émanant de madame DeChamplain. Il écrit à ce sujet :

[322]    Le premier motif soulevé par l’employeur porte sur la façon dont le premier commissaire a disposé de la preuve par affidavits. Rappelons que cette preuve incluait les déclarations de madame De Champlain, protagoniste de madame Beaulieu dans le contexte de la réclamation de la travailleuse. Bien plus, ces affidavits incluaient les déclarations de madame Micheline Roy, cotravailleuse de madame Beaulieu, ainsi que de monsieur Jacques Poirier, supérieur hiérarchique de la travailleuse.

 

[323]    La Commission des lésions professionnelles constate que c’est à la demande du premier commissaire, afin d’accélérer les débats, que la partie employeur fut amenée à offrir les affidavits de ces témoins en remplacement de leur déposition à l’audience. Ces témoins étaient pourtant disponibles, lors de la seconde journée d’audience, si ce n’est de monsieur Poirier.

 

[324]    D’autre part, l’autre partie acquiesçait à cette façon de procéder et renonçait donc à toute possibilité de faire un contre-interrogatoire.

 

[325]    Dans un tel contexte, le premier commissaire ne pouvait donc disposer du contenu des affidavits de la façon qu’il l’a fait, puisque les faits contenus à ces affidavits doivent être considérés comme étant avérés.

 

 

[43]           En référant à une décision de la Cour supérieure[7], il considère que le premier commissaire commet une erreur en ne rapportant aucun élément de l'affidavit de madame DeChamplain et en n'expliquant pas les raisons pour lesquelles il ne retient pas sa version des faits. Après avoir cité le contenu de cet affidavit, il écrit :

[333]    Comme on l’a vu, cet affidavit étant non contredit, il devait être considéré comme étant avéré. Les éléments d’informations qu’il contient sont précis, graves et consistants avec l’ensemble de la preuve offerte par l’employeur et vise directement le comportement de madame Beaulieu ainsi que la crédibilité à reconnaître à ses déclarations. Bien plus, il rencontre dans leur contexte plusieurs des critiques offertes par la travailleuse dans son témoignage.

 

[334]    Le premier commissaire ne pouvait donc disposer de cet affidavit de la manière qu’il l’a fait, sans en discuter les éléments essentiels et motiver sa décision.

 

[335]    Il faut bien conclure que le premier commissaire a donc rejeté ce premier affidavit sans motiver sa décision, en adoptant une méthode qui crée une injustice certaine pour l’employeur. Il s’agit d’une erreur manifeste et déterminante qui, dès le début de son étude du dossier, vicie la décision qu’il va rendre.

 

[336]    Le même constat s’applique aux affidavits signés par madame Roy et monsieur Poirier, affidavits dont le premier commissaire a disposé de façon analogue, c’est-à-dire sans que sa décision permette de conclure qu’il a procédé à une analyse des faits juridiques pertinents, tranchés entre ceux qui étaient accessoires et déterminants, le tout en motivant sa décision.

 

[337]    À lui seul, ce premier motif est suffisant pour entraîner la révision de la décision rendue par le premier commissaire sous l’application du troisième alinéa de l’article 429.56 de la loi puisque le premier commissaire a évacué de sa lecture du dossier des éléments essentiels de la preuve offerte par l’employeur sur tous les aspects factuels de ce dossier, tout particulièrement sur plusieurs des éléments fondamentaux que le premier commissaire a pris en considération pour rendre sa décision.

 

[338]    Que l’on parle de l’histoire de cas de la travailleuse depuis son entrée en fonction chez l’employeur, de ses arrêts de travail suite à des problèmes relationnels dans d’autres secteurs d’activités chez l’employeur (centre financier, centre administratif, etc.), du traitement des réclamations que la travailleuse a pu faire, de la formation qu’elle a reçue, du soutien en emploi par ses confrères de travail, de la « plainte » introduite au mois de mai 1998 et du traitement subséquent de cette demande, du processus d’enquête engagé par la commission scolaire, en collaboration avec les représentants syndicaux et de l’aboutissement final de toute cette démarche en une mesure disciplinaire, la Commission des lésions professionnelles doit conclure que le premier commissaire a décidé de choisir une lecture de la preuve factuelle excluant une portion essentielle de la preuve, portion qui contredit les déclarations de la travailleuse dans presque tous et chacun des éléments pertinents à cette cause.

 

 

[44]           Le deuxième commissaire appuie cette dernière conclusion sur un examen minutieux de différents éléments de la preuve qui, selon lui, s'opposent aux conclusions retenues par le premier commissaire.

[45]           Il retient notamment que le premier commissaire commet une erreur manifeste en indiquant que madame Beaulieu avait été indemnisée par la CSST en 1992 et en 1996 pour des troubles d'adaptation avec humeur anxieuse puisque que ce n'était pas le cas et il estime que cette erreur est déterminante, comme il l'écrit dans l'extrait suivant de la décision :

[347]    Encore une fois, le premier commissaire mésestime la preuve qui lui était offerte et commet une erreur que l’on peut qualifier de manifeste et déterminante puisqu’elle met en jeu l’existence d’antécédents médicaux tout à fait pertinents au litige.

 

 

[46]           Les autres erreurs que le deuxième commissaire identifie ne sont pas des erreurs manifestes comme cette dernière, mais concernent plutôt le traitement accordé ou l'importance donnée par le premier commissaire à différents éléments de la preuve, comme en témoignent l'extrait suivant de la décision :

[348]    L’employeur soulève qu’à son paragraphe 7, le premier commissaire rapporte :

 

« [7]       Pour justifier la conclusion que la travailleuse a une personnalité paranoïde et que sa réclamation n’est pas une rechute, récidive et/ou aggravation de ses lésions professionnelles antérieures, l’employeur propose de remonter à l’automne de l’année 1989. Il fait entendre quelques collègues de travail de Madame Beaulieu, à cette époque. Madame Boileau affirme qu’elle n’a jamais eu de problèmes particuliers avec la travailleuse. Tout au plus, une demande de monsieur Gallant et madame Castonguay, à une date qu’elle est incapable de préciser, qui aurait eu pour effet de lui faire prendre conscience « avec le recul » que les comportements de la travailleuse l’avaient affectée. Paradoxalement, madame Boileau a eu accès à un suivi psychologique à partir du 21 septembre 1998 pour une condition qui serait attribuable au contexte de travail antérieur au 1er juillet 1996.  »

 

[349]    Or, le témoignage de madame Boileau est clair, précis et concordant. Ce témoin déclare que pendant toute sa relation avec madame Beaulieu, elle accumulait les frustrations et s’isolait de son groupe de travail. Une telle situation l’a minée, la forçant à se retrancher derrière une « carapace ».

 

[350]    D’ailleurs, si l’on se réfère au témoignage de madame Boileau, celle-ci a expliqué clairement toutes les mesures qu’elle a prises pour aider la travailleuse ainsi que les problématiques posés par madame Beaulieu. Ces problématiques portaient aussi bien sur l’exécution des tâches que sur l’attitude de la travailleuse.

 

[351]    Le premier commissaire néglige la rencontre syndicale ayant eu lieu en juillet 1996 entre madame Boileau et monsieur Mario Gallant.

 

[352]    Lors de cette rencontre, la travailleuse fut convoquée par le syndicat qui l’accusait de ne pas avoir donné de chance à madame Beaulieu dans l’exécution de ses tâches en ce qu’elle n’aidait pas la travailleuse dans son travail ou lui cachait des dossiers.

 

[353]    Évidemment, cette intervention du syndicat se justifiait suite à une plainte de madame Beaulieu. Or, madame Boileau fut très claire sur ce sujet en ce qu’elle fut surprise des reproches qu’on lui faisait, reproches qui n’étaient basés sur aucune réalité. Tout au contraire, le témoin Boileau insiste sur tous les efforts qu’il a fait auprès de la travailleuse afin de l’aider, à tous les niveaux, à satisfaire à la tâche.

 

[354]    Quant à la prise de conscience, l’on peut constater que le témoin Boileau fut spécifiquement interrogé par le premier commissaire sur ce sujet, tel qu’en fait foi les notes sténographiques.

 

[355]    Pourtant, le témoin Boileau répond clairement au premier commissaire que la prise de conscience des conséquences de sa relation avec madame Beaulieu s’est faite lors du départ de celle-ci, lorsqu’elle quitte le Centre administration pour aller à l’école Le Mistral.

 

[356]    Ce n’est donc pas en 1998 qu’elle s’est faite, cette prise de conscience, comme le retient le premier commissaire. En second lieu, cette preuve était tout à fait pertinente pour mieux circonscrire l’historique de cas impliquant la travailleuse, ses conflits potentiels avec d’autres travailleurs, son comportement et attitude ainsi que les conséquences en résultant.

 

[357]    Quant aux consultations que madame Boileau a pu faire, celle-ci rappelle qu’elle a eu des consultations, en psychologie, bien avant 1998 et a pu bénéficier d’un suivi psychologique tout particulier après 1998. Or ce suivi, à partir de 1998, consistait en un support offert par madame Dionne, au service de la CAVAQ.

 

[358]    En conséquence, l’on doit constater que le premier commissaire commet plusieurs erreurs dans le résumé du témoignage de madame Boileau, à sa portée ainsi que l’historique de référence.

 

[359]    À son paragraphe 8, le premier commissaire rapporte :

 

«  [8]      Il est en preuve que, suite à l’entente relative à l’affectation de la travailleuse au centre de documentation, la formation en emploi de la travailleuse a été brève et que c’est le supérieur immédiat de la travailleuse, monsieur Poirier, qui a pris la responsabilité de la faire.

 

(…)  »

 

[360]    Cette mention du premier commissaire est tout à fait erronée conformément au témoignage de la travailleuse, ainsi que des déclarations de madame Huguette De Champlain.

 

[361]    Bien plus, la preuve offerte révèle que cette allégation de madame Beaulieu revient continuellement, dans tous les secteurs d’activités où elle a dû exercer un emploi chez son employeur et est expressément niée par tous les cotravailleurs de la travailleuse, dans tous les services où madame Beaulieu fut affectée.

 [362]   Conformément aux déclarations des cotravailleurs, en l’occurrence aussi bien  de madame Roy, Boileau, De Champlain ainsi que les supérieurs hiérarchiques de la travailleuse, celle-ci a toujours reçu la formation requise ainsi que d’un soutien en emploi pour la dépanner lorsqu’elle éprouvait des problèmes particuliers.

 

[363]    La Commission des lésions professionnelles souligne que madame Beaulieu reconnaît ce fait concernant le centre de documentation lorsqu’elle indique que dans les premiers mois elle a subi son initiation et qu’elle apprenait le travail qu’elle devait faire. Elle déclare : « ça allait quand même bien ».

 

[364]    Le premier commissaire commet donc une erreur manifeste dans sa description de la preuve qu’il retient, de sa lecture du dossier.

 

[365]    Au paragraphe 8 de sa décision, le commissaire rapporte :

 

«  [8]      …Le témoignage de la travailleuse est à l’effet qu’elle n’a jamais eu la description de tâches que l’employeur prétend avoir officialisée le 11 mars 1998. L’affidavit de monsieur Poirier est tout aussi imprécis que les témoignages entendus à l’audience sur la date de remise de la description de tâches. Nous en déduisons que la demande de précisions de la travailleuse, faite le 24 mai 1998, était justifiée et méritait un traitement approprié.  »

 

[366]    Or, la preuve par affidavit de monsieur Poirier indique clairement :

 

« (…)

 

De plus, je suis en mesure d’affirmer que j’ai remis à madame Beaulieu, en personne, la description de tâches du 11 mars 1998 ci-jointe.

 

(…)  »

 

[367]    Effectivement, cette définition de tâches est produite devant le premier commissaire sous la cote E-4. À cette description, on ajoute que la coordination du travail de l’agent de bureau est sous la responsabilité de la technicienne en documentation, en l’occurrence madame De Champlain.

 

[368]    Le premier commissaire ne pouvait sûrement pas prétendre que cet affidavit est tout a fait imprécis.

 

[…]

 

 

[47]           Cet exercice d'analyse de la preuve amène le deuxième commissaire à retenir les conclusions suivantes :

[400]    À ce stade, la Commission des lésions professionnelles ne peut que constater que les reproches adressés par l’employeur au premier commissaire, par le biais de sa requête en révision, sont tout à fait fondés en ce que celui-ci a commis des erreurs manifestes et déterminantes dans son résumé de la preuve, en l’occurrence de ce qu’il retient de la preuve qui lui fut administrée par rapport à l’intégralité de celle-ci. D’autre part, les constats, opinions et conclusions qu’il retient ne sont nullement motivés et font abstraction de la prépondérance de preuve qui lui fut offerte.

 

[401]    En tout état de cause, le premier commissaire a choisi de retenir uniquement et strictement la version de la travailleuse et de disposer, sans motivation, de la preuve offerte par l’employeur.

 

[…]

 

[415]    Il appert à la Commission des lésions professionnelles que le premier commissaire disposait d’une preuve prépondérante résultant de déclarations de témoins n’ayant aucun intérêt à la présente cause et se dirigeant dans un seul sens, en ce que la travailleuse a présenté de nombreuses problématiques, résultant de sa personnalité ainsi que de ses compétences tout au long de son cheminement à l’intérieur des différents services regroupés dans l’établissement de l’employeur.

 

[416]    Ces intervenants ont décrit toutes les interventions et mesures qui furent prises afin de permettre à madame Beaulieu de s’insérer dans le cadre normal du travail et de pouvoir ainsi atteindre un niveau de vie professionnelle satisfaisant.

 

[417]    Cette preuve démontre que la travailleuse ne fut jamais harcelée, ni par ses cotravailleurs, ni par son employeur, tout au long de ce parcours, bénéficiant plutôt de l’attention des instances décisionnelles ainsi que de son syndicat. D’ailleurs, la preuve démontre que plusieurs autres personnes furent affectées par le comportement de la travailleuse.

 

[418]    Quant aux éléments plus précis portant sur les mesures disciplinaires qui furent engagées, la prépondérance de preuve révélait de façon claire et non équivoque que la travailleuse s’est vue traiter conformément au processus prévu par la convention collective sans que l’on puisse établir l’existence de mesures abusives et discriminatoires.

 

[419]    Au niveau médical, l’existence d’une condition personnelle et préexistante tout à fait pertinente avec l’ensemble de l’histoire de cas et résultant en une la dépression présentée par la travailleuse, fut établie.

 

[420]    Dans ce contexte, la Commission des lésions professionnelles ne peut que réviser la décision rendue par le premier commissaire, celle-ci étant viciée par des erreurs manifestes et déterminantes.

 

 

[48]           Reprenant son analyse de la preuve, il conclut que madame Beaulieu n'a pas subi une lésion professionnelle.

[49]           Le 17 novembre 2004, madame Beaulieu demande la révocation de cette décision. Elle reproche au deuxième commissaire d'avoir substitué son appréciation de la preuve à celle du premier commissaire. Son représentant soumet les arguments suivants concernant les erreurs identifiées par le deuxième commissaire dans son examen de la décision du 4 février 2002, dont voici les principaux :

Erreurs concernant les affidavits :

[18]       Nous vous soumettons que le (deuxième commissaire) retient une première erreur qui n'est pas déterminante. Le fait pour le (premier commissaire)  de ne pas rapporter le contenu intégral de l'affidavit de madame De Champlain dans la section des faits de la décision ne peut constituer une erreur déterminante. Ce contenu de l'affidavit est connu de toutes les parties présentes à l'audience. L'obligation de motiver une décision n'entraîne pas l'obligation pour un décideur de reproduire ad litarem ou in extenso l'ensemble des éléments de preuve contenus dans un dossier, ni l'ensemble des témoignages entendus lors d'une audition.

 

[19]       La production d'un affidavit est un moyen de preuve et même si les faits sont considérés comme avérés, le tribunal conserve le pouvoir d'en apprécier la valeur probante de l'affidavit[8]. Cette appréciation de la force probante peut être faite en la confrontant à l'ensemble de la preuve contradictoire qui est soumise au tribunal.

 

[…]

 

[20]       Nous vous soumettons que le (deuxième commissaire) commet une erreur de droit déterminante lorsqu'il affirme que le (premier commissaire) n'a pas motivé sa décision quant à la force probante du témoignage contenu dans l'affidavit de madame De Champlain.

 

[21]       Le (premier commissaire) a disposé de la force probante du témoignage de madame De Champlain au paragraphe 42;

 

[22]       Le (premier commissaire) a privilégié le témoignage de la travailleuse qu'il juge clair, précis et concordant, plutôt que le témoignage de madame De Champlain contenu dans l'affidavit.

 

[23]       Il faut rappeler que selon l'article 2845 C.C.Q. :

 

« La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du tribunal. »

 

[24]       Nous vous soumettons que le (premier commissaire) a apprécié la force probante des affidavits de madame Roy et de monsieur Poirier.

 

[25]       Le (deuxième commissaire) reproche au (premier commissaire) de ne pas avoir motivé de façon claire et précise chacun des affidavits déposés par l'employeur. Or, nous vous rappelons que la nature de la motivation d'une décision doit tenir compte des éléments particuliers de l'audition. Les parties ont en main copie des affidavits. Le (premier commissaire) a entendu de nombreux témoignages lors des auditions des 4 juin et 6 juillet 2001. Ainsi l'obligation de motiver ou de rapporter chacun des éléments factuels ne peut être un motif de révision.

 

 

Erreur concernant les antécédents de madame Beaulieu :

[26]      Le (deuxième commissaire) reproche au (premier commissaire) d'avoir fait des erreurs sur les antécédents de la travailleuse (paragraphe 343). Il est vrai que le (premier commissaire) dans sa décision note que les antécédents psychologiques de la travailleuse ont été acceptés à titre de lésion professionnelle (voir paragraphes 6 et 7 de la décision du 4 février 2002). Toutefois, cette erreur n'est pas déterminante sur le sort du litige qu'il tranchera en faveur de la travailleuse. En effet, le (premier commissaire) ne conclut pas à une rechute, récidive, ou aggravation, mais prend en compte que la travailleuse avait une condition préexistante qui pouvait la rendre plus vulnérable. Que cette condition soit strictement personnelle ou soit indemnisée par la CSST ne constitue pas une erreur déterminante.

 

 

[50]           Le représentant de madame Beaulieu soumet de plus que le premier commissaire explique les raisons pour lesquelles il écarte l'opinion du docteur Côté et il ajoute que le deuxième commissaire, dans son analyse de la preuve médicale, ne tient pas compte de l'opinion du docteur Vincent qui était favorable à madame Beaulieu et retient plutôt la thèse favorable à la prétention de l'employeur. Il ajoute :

[33]      Nous réitérons qu'en agissant ainsi le (deuxième commissaire) a substitué sa propre appréciation de la preuve lorsqu'il affirme que le (premier commissaire) n'a pas répondu à la preuve présentée par l'employeur en omettant de la commenter. Le (deuxième commissaire) prend prétexte du devoir de motiver une décision pour légitimer son pouvoir d'intervention en vertu de l'article 429.56 LATMP.

 

[34]       En matière de motivation, nous réitérons qu'un décideur n'a pas à répondre à tous et chacun des faits mis en preuve lors de l'audition. La décision rendue par le (premier commissaire) est logique, cohérente et peut s'appuyer sur des éléments de preuve suffisants pour justifier ses conclusions.

 

 

[51]           Dans l'argumentation qu'il a transmise à la Commission des lésions professionnelles en octobre 2004, le représentant de madame Beaulieu réitère que le deuxième commissaire a substitué son appréciation de la preuve à celle du premier commissaire et qu'il ne pouvait agir ainsi dans le contexte d'une requête en révision. Il réfère le tribunal à l'arrêt de la Cour d'appel dans l'affaire Bourassa c. Commission des lésions professionnelles[9].

[52]           Pour sa part, le représentant de l'employeur expose que l'exercice du pouvoir de révision comporte deux étapes et que la première consiste à identifier des erreurs manifestes et déterminantes. Dans cette perspective, il soumet que :

36.       Le deuxième commissaire a donc réexaminé cette preuve et a démontré que le premier commissaire avait, dans le processus d'adjudication, ignoré ou mis de côté certains éléments de preuve essentiels ou, encore, commis des erreurs manifestes sur des faits essentiels. Son examen de la première décision n'a nullement consisté, contrairement à ce que prétend la travailleuse, à substituer d'emblée sa propre appréciation de la preuve à celle du premier commissaire.

 

37.       Bien entendu, une fois identifiés les éléments de preuve mis de côté ou rapportés de manière erronée par le premier commissaire, le (deuxième commissaire) pouvait et devait alors réviser la première décision en rendant une nouvelle décision, en tenant compte cette fois des éléments indûment mis de côté et des constats erronés du premier commissaire, dûment corrigés. C'est ce qu'il a fait à compter du paragraphe 421 de sa décision jusqu'à la fin;

[53]           En référant à des décisions de la jurisprudence, il soumet que le fait de ne pas prendre en considération un élément significatif de la preuve constitue un vice de fond autorisant la révision. Il écrit :

41.        Le fait de ne pas faire état de la preuve contradictoire sur les faits essentiels peut être assimilé à une absence totale de motivation; le fait d'omettre un témoignage significatif peut amener à la conclusion que le tribunal a omis de prendre en considération toute la preuve. De telles omissions de tenir compte d'un élément important de la preuve constituent une erreur manifeste donnant ouverture à révision. Le commissaire doit en effet préciser pourquoi il ne retient pas certains faits en présence d'une preuve contradictoire.

 

 

[54]           Ensuite, le représentant de l'employeur répond à certains arguments soumis par le représentant de madame Beaulieu. Il écrit :

52.       La décision du (deuxième commissaire) est-elle entachée d'un vice de fond parce qu'il conclut que le premier commissaire a rejeté l'affidavit de madame DeChamplain sans motiver sa décision et sans en discuter les éléments essentiels? Se fonde-t-il alors sur un motif de révision inapproprié ? La réponse est non. Au contraire, son motif de reproche est essentiellement que le (premier commissaire) a mis de côté un témoignage qui touche, comme il le dit, « le nœud du débat » :

 

[…]

 

54.       Comment le procureur de la travailleuse peut-il prétendre avec sérieux que le (premier commissaire) « a disposé de la force probante du témoignage de madame DeChamplain au paragraphe 42 » (par. 21 de la deuxième requête en révision), alors que tout ce que le (premier commissaire) a dit est ce qui suit :

 

[42]      […]

 

De plus, considérant le contexte, il n’est pas possible de prendre pour acquis toutes les affirmations qui apparaissent à l’affidavit de madame DeChamplain pour contredire le témoignage clair, précis et concordant de la travailleuse.

 

Cette affirmation est d'autant plus curieuse que l'on peine à trouver avec quoi le témoignage de la travailleuse est concordant;

 

55.       En réponse aux prétentions soumises par la travailleuse au paragraphe 18 de sa requête, nous soumettons que le reproche que fait le (deuxième commissaire) au paragraphe 329 de sa décision n'est pas le fait que le (premier commissaire) n'a pas reproduit le contenu intégral de l'affidavit de madame DeChamplain (voir par. 18 de la deuxième requête en révision). Il note plutôt que le premier commissaire ne rapporte « aucun des éléments contenus à l'affidavit de madame DeChamplain »;

 

[55]           Enfin, le représentant de l'employeur rappelle les erreurs identifiées par le deuxième commissaire dans la décision du 4 février 2002.

L’AVIS DES MEMBRES

[56]           Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d'avis que la requête en irrecevabilité de l'employeur doit être rejetée. Ils considèrent que la Commission des lésions professionnelles a compétence pour se prononcer sur la requête en révocation de madame Beaulieu.

[57]           En ce qui a trait à la requête de madame Beaulieu, ils sont d'avis qu'elle doit être accueillie.

[58]           Ils estiment que la décision du 30 septembre 2004 comporte un vice de fond qui est de nature à l'invalider dans la mesure où la décision du 4 février 2002 était suffisamment motivée et où la conclusion à laquelle en vient le deuxième commissaire résulte d'une réappréciation de la preuve, ce qu'il ne pouvait faire dans le contexte de la requête en révision.

[59]           Ils concluent que la décision rendue du 30 septembre 2004 doit être révoquée et que celle du 4 février 2002 doit être rétablie.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[60]           La Commission des lésions professionnelles doit décider s'il y a de révoquer la décision rendue le 30 septembre 2004.

[61]           Le pouvoir de la Commission des lésions professionnelles de réviser ou révoquer une décision qu'elle a rendue est prévu par l'article 429.56 de la loi, lequel se lit comme suit :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1°   lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

2°   lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3°   lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[62]           Cet article apporte une dérogation au principe général énoncé par l'article 429.49 de la loi voulant qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles soit finale et sans appel. La décision ne peut être révisée ou révoquée que si l’un des motifs prévus par l’article 429.56 est établi.

[63]           La présente requête est fondée sur le troisième motif, soit que la décision rendue le 30 septembre 2004 comporte des vices de fond qui sont de nature à l'invalider.

[64]           La jurisprudence assimile cette notion de « vice de fond qui est de nature à invalider une décision » à une erreur manifeste de fait ou de droit qui a un effet déterminant sur le sort du litige[10]. Elle précise par ailleurs qu’il ne peut s'agir d'une question d'appréciation de la preuve ni d'interprétation des règles de droit, parce que le recours en révision n'est pas un second appel[11].

[65]           Dans l'arrêt Bourassa c. Commission des lésions professionnelles[12], la Cour d'appel rappelle ces règles comme suit :

[21]      La notion (de vice de fond de nature à invalider une décision) est suffisamment large pour permettre la révocation de toute décision entachée d'une erreur manifeste de droit ou de fait qui a un effet déterminant sur le litige. Ainsi, une décision qui ne rencontre pas les conditions de fond requises par la loi peut constituer un vice de fond.

 

[22]      Sous prétexte d'un vice de fond, le recours en révision ne doit cependant pas être un appel sur la base des mêmes faits. Il ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation ou encore une occasion pour une partie d'ajouter de nouveaux arguments1.

_______________

1.       Voir: Y. OUELLETTE, Les tribunaux administratifs au Canada, Procédure et Preuve, Montréal, Les Éditions Thémis, 1997, p. 506-508.  J.P. VILLAGI, dans Droit public et administratif, Vol. 7, Collection de droit 2002-2003, Éditions Yvon Blais, 2002, p. 127-129.

 

 

[66]           Récemment, dans l'arrêt CSST c. Fontaine[13] (l'arrêt Fontaine), la Cour d'appel réitère sa position. Pour le juge Morissette qui rédige les motifs de l'arrêt, l'exercice trop libéral du pouvoir de révision peut compromettre les objectifs de qualité, de célérité et d'accessibilité poursuivis par la justice administrative et cette situation commande de ne pas recourir à la légère à la notion de vice de fond pour réviser une décision. Il écrit :

[41]      […] La jurisprudence de notre Cour, sur laquelle je reviendrai, est à juste titre exigeante sur ce point. La faille que vise cette expression dénote de la part du décideur une erreur manifeste, donc voisine d'une forme d'incompétence, ce dernier terme étant entendu ici dans son acception courante plutôt que dans son acception juridique.

 

 

[67]           Après avoir fait état des positions adoptées dans certaines décisions, il conclut dans les termes suivants :

[50]      (…)

 

On voit donc que la gravité, l'évidence et le caractère déterminant d'une erreur sont des traits distinctifs susceptibles d'en faire un «vice de fond de nature à invalider [une] décision».

 

[51]      En ce qui concerne la raison d'être de la révision pour un vice de fond de cet ordre, la jurisprudence est univoque. Il s'agit de rectifier les erreurs présentant les caractéristiques qui viennent d'être décrites. Il ne saurait s'agir de substituer à une première opinion ou interprétation des faits ou du droit une seconde opinion ni plus ni moins défendable que la première51.

_______________

[51]         Voir l'arrêt Godin, supra, note 12, paragr. 47 (le juge Fish) et 165 (le juge Chamberland) et l'arrêt Bourassa, supra, note 10, paragr. 22.

 

 

[68]           La Cour d'appel reprend cette notion d'erreur grave, évidente et déterminante dans l'arrêt CSST c. Toulimi rendue subséquemment[14] :

[5]        Il ressort nettement de l’arrêt Fontaine qu’une décision attaquée pour motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision.

 

 

[69]           Comme l'indique la Commission des lésions professionnelles dans la décision Savoie et Camille Dubois (fermé)[15], ces décisions de la Cour d'appel n'ont pas pour effet de modifier le critère de l'erreur manifeste et déterminante adopté par la jurisprudence pour définir la notion de vice de fond, mais ils invitent à une très grande retenue dans l'exercice du pouvoir de révision.

[70]           La commissaire qui rend cette décision écrit à ce sujet :

[17]      La soussignée estime qu’effectivement le critère du vice de fond, défini dans les affaires Donohue et Franchellini comme signifiant une erreur manifeste et déterminante, n’est pas remis en question par les récents arrêts de la Cour d’appel. Lorsque la Cour d’appel écrit que «la gravité, l’évidence et le caractère déterminant d’une erreur sont des traits distinctifs susceptibles d’en faire «un vice de fond de nature à invalider une décision», elle décrit la notion en des termes à peu près identiques. L’ajout du qualificatif «grave» n’apporte rien de nouveau dans la mesure où la Commission des lésions professionnelles a toujours recherché cet élément aux fins d’établir le caractère déterminant ou non de l’erreur.

 

[18]      Toutefois, l’invitation à ne pas utiliser la notion de vice de fond à la légère et surtout l’analyse et l’insistance des juges Fish et Morrissette sur la primauté à accorder à la première décision et sur la finalité de la justice administrative, invitent et incitent la Commission des lésions professionnelles à faire preuve d’une très grande retenue. La première décision rendue par la Commission des lésions professionnelles fait autorité et ce n'est qu'exceptionnellement que cette décision pourra être révisée.

 

 

[71]           Ce devoir de retenue est particulièrement imposé à la Commission des lésions professionnelles lorsque ce qui est visé par la requête concerne une question d'appréciation des faits ou d'interprétation du droit.

[72]           En tenant compte de ces différents paramètres, le tribunal estime qu'il y a lieu d'accueillir la requête de madame Beaulieu et ce, pour les raisons suivantes.

[73]           À la lecture des paragraphes 51 à 54 et 322 à 418 de la décision du 30 septembre 2004, on comprend que le deuxième commissaire décide de réviser la décision du 4 février 2002 pour deux raisons.

[74]           D'une part, il considère que le premier commissaire ne motive pas suffisamment ses conclusions et, d'autre part, il estime qu'il commet des erreurs manifestes dans l'appréciation de la preuve dans la mesure où il omet de tenir compte ou mésestime des éléments de la preuve qui contredisent les déclarations de madame Beaulieu.

[75]           Si la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles comporte des décisions qui ont invalidé des décisions en raison de leur motivation déficiente, de manière générale, elle hésite à intervenir pour cette raison.

[76]           L'approche généralement suivie prend appui sur la règle voulant que l'obligation de motiver une décision soit satisfaite lorsqu'on comprend les fondements de la décision.

[77]           Dans cette perspective, un commissaire n'est pas tenu de rapporter tous les éléments de la preuve, ni de commenter tous les faits, ni de trancher tous les arguments soumis par les parties. La motivation de sa décision peut être très succincte en autant qu'on comprend son raisonnement et c'est uniquement en présence d'une absence totale de motivation qu'elle pourra faire l'objet d'une révision ou d'une révocation[16].

[78]           Cette approche restrictive doit être suivie en l'espèce et cela d'autant plus que, dans ses derniers arrêts, la Cour d'appel insiste sur la primauté qui doit être accordée à la décision initiale et sur le caractère exceptionnel de la révision d'une décision.

[79]           Comme l'indique le deuxième commissaire, même si le premier commissaire n'explique pas toutes les conclusions qu'il retient de son analyse de la preuve « par une étude approfondie des éléments de preuve qui lui furent offerts », les motifs qu'il énonce permettent de comprendre les raisons pour lesquelles il conclut que madame Beaulieu a subi une lésion professionnelle.

[80]           En effet, on comprend qu'il en vient à cette conclusion, parce qu'il considère que la lésion psychique, qu'elle a subie, est reliée aux conflits qu'elle a vécus avec sa collègue du centre de documentation, au fait que l'employeur n'a pas traité de manière équitable la plainte qu'elle a logée en mai 1998 et à la suspension qu'il lui a imposée, lors de la rencontre du 12 octobre 1998, à la suite d'une enquête qu'il juge viciée.

[81]           Par ailleurs, il retient que la présence d'une condition psychique personnelle chez madame Beaulieu ne s'opposait pas à la reconnaissance d'une lésion professionnelle.

[82]           À la lecture de la décision, il ressort que le premier commissaire accorde une valeur probante au témoignage de madame Beaulieu, qu'il ne fait pas la même lecture de la preuve que l'employeur et qu'il rejette la thèse de ce dernier, comme il l'indique à divers endroits.

[83]           Les raisons qu'il énonce demeurent succinctes, mais elles sont suffisamment exposées pour qu'on comprenne son raisonnement et, dans ce contexte, on ne peut certainement pas conclure que la décision comporte une absence totale de motivation.

[84]           Avec égards, ce constat aurait dû amener le deuxième commissaire à rejeter la requête de l'employeur et non, comme il l'a fait, à réexaminer toute la preuve pour déterminer si les motifs invoqués par le premier commissaire étaient fondés.

[85]           Dans la décision Laverdure et Groupe Luxorama ltée[17], la Commission des lésions professionnelles écrit ce qui suit relativement à une situation analogue au présent cas :

[25]      Ainsi, le premier commissaire, invité à disposer de la question concernant la capacité de la travailleuse à reprendre son travail prélésionnel a conclu à son incapacité parce qu’il a cru la travailleuse et qu’il a apprécié la description de ses tâches en fonction de son témoignage et des limitations fonctionnelles retenues.  À l’évidence, il a écarté les recommandations de l’ergothérapeute. Bien évidemment, on peut lui reprocher de ne pas l’avoir dit clairement et de ne pas en avoir expliqué les motifs.  Il a choisi de s’exprimer en peu de mots, mais la concision n’est pas toujours synonyme de clarté dans un texte juridique. 

 

[26]      Par contre, la brièveté du discours tenu par le premier commissaire ne peut justifier, à elle seule, une intervention par ailleurs interdite.  Demander à la soussignée, par le biais de la présente requête en révision, d’analyser le texte des recommandations de l’ergothérapeute, à la lumière de la description des tâches et du témoignage de la travailleuse, c’est lui demander de procéder à une nouvelle appréciation de la preuve.  La décision du premier commissaire est finale et sans appel et la soussignée, par le biais d’une requête en révision, n’a pas à substituer sa propre opinion quant à la valeur probante et prépondérante d’un élément de preuve qui lui était soumis.

 

 

[86]           Le tribunal estime que c'est l'exercice auquel s'est livré le deuxième commissaire. Pour conclure que l'omission de discuter ou de prendre en compte certains éléments de la preuve constituait une erreur manifeste, le deuxième commissaire se trouve nécessairement à porter un jugement différent de celui porté par le premier commissaire sur la valeur probante de ces éléments et par le fait même, il réapprécie la preuve, ce qui est dénoncé fermement par la Cour d'appel.

[87]           Rappelons encore ici la règle établie par la jurisprudence, voulant qu'il ne soit pas nécessaire pour qu'une décision soit suffisamment motivée qu'un commissaire discute de tous les éléments de la preuve ou motive abondamment les choix qu'il fait d'accorder plus de valeur probante à tel élément plutôt qu'à tel autre. Par ailleurs, on ne peut présumer qu'un commissaire n'a pas pris en considération un élément de preuve qui est au dossier du seul fait qu'il n'en discute pas.

[88]           En ce qui concerne plus particulièrement la question de la valeur probante des affidavits produits en preuve et notamment, de celui de madame DeChamplain, le tribunal retient les arguments soumis par son représentant.

[89]           Si la règle veut que les faits contenus à un affidavit soient tenus pour avérés, encore faut-il que ces faits demeurent non contredits pour que la règle reçoive pleine application.

[90]           Ainsi, ce n'est pas parce qu'un affidavit est déposé en preuve qu'il doit être privilégié par rapport aux témoignages entendus lors de l'audience dans le contexte où les faits relatés sont contredits par la preuve.

[91]           Les affidavits de madame DeChamplain et des autres personnes constituaient des témoignages écrits qui remplaçaient leurs témoignages oraux et, à ce titre, le premier commissaire avait pleine compétence pour apprécier la valeur probante des déclarations qu'ils contenaient.

[92]           Enfin, le tribunal retient les arguments du représentant de madame Beaulieu concernant l'erreur commise par le premier commissaire sur le caractère professionnel des troubles de l'adaptation que madame Beaulieu a connus en 1992 et en 1996.

[93]           Bien qu'elle soit manifeste, cette erreur n'est pas déterminante, parce que la décision n'est pas fondée sur celle-ci.

[94]           Après analyse du dossier et de la question soulevée par la requête et compte tenu de la mise en garde de la Cour d'appel dans l'arrêt Fontaine sur l'exercice du pouvoir de révision, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion que la révision de la décision du 4 février 2002 résulte d'une erreur manifeste et déterminante de droit et que la décision du 30 septembre 2004 doit être révoquée.

[95]           En conséquence, la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 4 février 2002, laquelle déclare que madame Beaulieu a subi une lésion professionnelle le 13 octobre 1998, est rétablie.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête en révocation de madame Linda Beaulieu;

RÉVOQUE la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 30 septembre 2004;

RÉTABLIT la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 4 février 2002

 

 

__________________________________

 

Claude-André Ducharme

 

Commissaire

 

Me Denis Mailloux

C.S.N.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Jean-Claude Girard

POTHIER DELISLE

Représentant de la partie intéressée

 

 

 



[1]           Les noms des commissaires indiqués dans les documents ont été remplacés par les expressions « (le premier commissaire) » et « (le deuxième commissaire) ».

[2]           Zoom réseau affichage intérieur et CSST, [2000] C.L.P. 774 et les décisions qui y sont mentionnées dont celle rendue par un tribunal ontarien dans l'affaire R c. Ontario Relations Board, [1964] 1 O.R. 173 (H.C.J.), à laquelle réfère le représentant de l'employeur.

[3]           L.R.Q. c. A-3.001.

[4]           C.L.P. 137750-64-0005-R, 31 juillet 2001, S. Di Pasquale; au même effet : Philippe et Bowater Pâtes et Papiers (Gatineau), C.L.P. 217109-07-0309, 18 octobre 2005, L. Nadeau.

[5]           C.L.P. 75963-62-9512, 26 mai 1999, N. Lacroix.

[6]           Le motif principal du rejet de la demande de révision retenu par la CSST est le fait que la réclamation a été déposée hors délai. Cette décision a été infirmée par la Commission des lésions professionnelles par décision rendue le 20 juillet 2000.

[7]           Société des services Ozanam inc. et Commission municipale du Québec et Ville de Montréal, C.S. Montréal, 500-05-011300-934, 7 janvier 1994, j. Grenier.

[8]           Les mots en italique indiquent une correction manuscrite qui a été apportée au texte.

[9]           [2003] C.L.P. 601 .

[10]         Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 .

[11]         Sivaco et C.A.L.P., [1998] C.L.P. 180 ; Charrette et Jeno Neuman & fils inc., C.L.P. 87190-71-9703, 26 mars 1999, N. Lacroix.

[12]         C.A. Montréal, 500-09-011014-016, 28 août 2003, jj. Mailhot, Rousseau-Houle, Rayle.

[13]         [2005] C.L.P. 626 (C.A.).

[14]         C.A. 500-09-015132-046, 6 octobre 2005, jj. Robert, Morissette, Bich, 05LP-159.

[15]         C.L.P. 224235-63-0401, 12 janvier 2006, L. Nadeau.

[16]         St-Hilaire et Forestier PND inc. (faillite), C.L.P. 89099-02-9706, 24 février 1999, J.-L. Rivard; Durand et Couvoir Scott ltée, C.L.P. 94101-03-9802, 9 mars 1999, M. Beaudoin; Mitchell inc. et Commission des lésions professionnelles, C.S. Montréal, 500-05-046143-986, 21 juin 1999, j. Courville; Cité de la santé de Laval et Heynemand, C.L.P. 69547-64-9505, 26 octobre 1999, A. Vaillancourt;  Beaudin et Automobile J.P.L. Fortier inc., [1999] C.L.P. 1065 , requête en révision judiciaire rejetée, [2000] C.L.P. 700 (C.S.);  Dawahrah et JC Litho, C.L.P. 91112-71-9708, 19 novembre 1999, A. Vaillancourt;  Morin et Fils spécialisés Cavalier inc., C.L.P. 130742-03B-0001, 2 août 2001, M. Beaudoin;  Provigo distribution inc. et Ingui, C.L.P. 133677-71-0003, 24 août 2001, M. Zigby.

[17]         C.L.P. 225112-64-0401, 24 octobre 2005, L. Boucher.

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