98302818 LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES



MONTRÉAL, le 8 février 1999


DEVANT LA COMMISSAIRE :Me Micheline Bélanger


RÉGION : MONTRÉAL
ASSISTÉE DES MEMBRES :Sarto Paquin
Associations d'employeurs


Victoire Dubé, FTQ
Associations syndicales
DOSSIER : 105485-72-9809


DOSSIER CSST : 114212301
DOSSIER DRA : 114212301
AUDITION TENUE LE :12 janvier 1999

À :Montréal







DIANA ZAKAIB
82, avenue Coolbreeze
Pointe-Claire (Québec)
H9R 3S7


______________________________PARTIE REQUÉRANTE


MODES SUGAR KAINE LTÉE
Direction des ressources humaines
1625, rue Chabanel Ouest, Suite 201
Montréal (Québec)
H4N 2S7


______________________________PARTIE INTÉRESSÉE

D É C I S I O N


Le 23 septembre 1998, madame Diana Zakaid Jégou (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 15 septembre 1998, dans le cadre de la révision administrative.

Cette décision de la révision administrative confirme une première décision rendue par la CSST le 30 mars 1998, à l'effet de refuser la réclamation de la travailleuse pour un événement survenu au travail le 17 décembre 1997. Conséquemment à cette décision, la CSST réclame à la travailleuse les indemnités qui lui ont été versées à titre d'indemnités de remplacement du revenu.


OBJET DE LA REQUÊTE



La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de modifier la décision rendue par la révision administrative et de reconnaître qu'elle a été victime d'un accident du travail le 17 décembre 1997.

LES FAITS



Le 19 décembre 1997, la travailleuse soumet une réclamation à la CSST pour un accident du travail qu'elle allègue avoir subi le 17 décembre 1997.  L'accident serait survenu alors qu'elle a été assaillie par une collègue de travail.

La travailleuse a complété une déclaration à la demande du service de police de la Communauté urbaine de Montréal à une date qui n'est pas précisée. Sa déclaration a trait à une plainte pour voie de fait contre madame Mimi St- Georges et se lit comme suit :

«[...] I have been at this company since late August 97. Within a few days this co-worker advised me in front of another co-worker that she would put me in my place right away as to how things would go.


[ ] I have felt her animosity since then but words were never spoken.


[ ] Dec 16 as she passed me in the woorkplace she pushed me with her body with no apology.


[ ] Dec 17 as she passed me again this time in front of many co- workers she pushed me with the left side of her body (shove) then as she passed me again she did the same thing with the right side of her body. I reacted this time but she grabbed me with her hands by the face scratched me purposely and pushed me to the ground. Words were spoken and she threatened me. Telling me to make sure to walk with my head up and watch out from now on.


[ ] You never know what can happen.


[ ] Her name is Mimi St-Georges.»


La travailleuse consulte l'Hôpital général du Lakeshore le 17 décembre 1997. Elle se plaint alors de maux de dos et de douleurs à l'épaule, au bras et à l'oreille du côté gauche. Elle présente des égratignures au visage. Elle est examinée par le docteur Kilmartin qui pose un diagnostic de contusions multiples et prescrit un arrêt de travail.

Le docteur Kilmartin revoit la travailleuse par la suite à raison d'une à deux fois par mois.  Le 13 janvier 1998, au diagnostic établi antérieurement il ajoute celui de «
traumatisme psychologique ». Le 12 février 1998, cette condition sera décrite comme en étant une de « stress post-traumatique ».

La lésion de la travailleuse sera consolidée le 16 mars 1998, sans limitations fonctionnelles, ni atteinte permanente, le tout tel qu'il appert du rapport final complété par le médecin qui a charge le 10 mars 1998.
Sur un «
Avis de l'employeur et demande de remboursement » portant la date du 20 févirer 1998, monsieur Carl Kleinberg, représentant de l'employeur s'oppose à l'acceptation de la réclamation par la CSST, au motif que l'accident est attribuable à un conflit personnel sans relation avec le travail. Il indique que les deux personnes impliquées ont pris des poursuites judiciaires l'une contre l'autre et que l'employeur n'a rien à voir avec cette situation.

On notera au document précité, une information quant à la taille de l'entreprise au moment de l'incident, soit qu'il y avait 20 personnes dans l'établissement le 17 décembre 1997.

La CSST rend une décision le 30 mars 1997 par laquelle elle refuse la réclamation de la travailleuse. Le motif à l'appui du refus est le suivant :

«Il ne s'agit pas d'un accident du travail. En effet, les informations contenues au dossier ne permettent pas d'identifier la cause de cet événement comme provenant du travail lui-même, mais penchent plutôt en faveur d'un conflit personnel comme étant à l'origine de l'altercation.»


On voit aux notes évolutives du dossier de la CSST que la décision de refus s'appuie sur les conclusions d'une enquête qui fait ressortir la présence d'une animosité entre la travailleuse et la personne qui l'a agressée, «
sans qu'on puisse identifier les causes de cette animosité.»

La travailleuse demande la révision de la décision de la CSST. La révision administrative rend une décision le 15 septembre 1998 qui maintient la décision préalablement rendue par la CSST pour des motifs similaires. D'où la requête de la travailleuse devant la Commission des lésions professionnelles.

En début d'audience, le représentant de la travailleuse a produit quatre documents, à savoir :

-en liasse, divers documents ayant trait à la plainte pour voies de fait logée contre madame St-Georges;


-le procès-verbal d'une audience du 11 décembre 1998 tenue devant la Cour municipale de Montréal. On y mentionne que la plainte logée par madame St-Georges contre la travailleuse est retirée.


-le procès-verbal d'une audience du 11 décembre 1998 devant la Cour municipale de Montréal. On y rapporte que madame St-Georges a signé une ordonnance de garder la paix en vertu de l'article 810 du code criminel et qu'elle a été acquittée de l'accusation initiale de voies de fait contre la travailleuse;


-un rapport d'enquête complété par un enquêteur de la CSST le 9 mars 1998. L'enquêteur a rencontré la travailleuse, madame  St-Georges, monsieur Kleinberg et deux témoins de l'incident du 17 décembre 1997.


La travailleuse y décrit ses relations avec madame St-Georges. Dès son début d'emploi, en août 1997, elle a senti une animosité de la part de cette dernière pour des raisons qu'elle ne peut préciser. Elle décrit les relations professionnelles qu'elles avaient l'une avec l'autre, soit que :


«[...] l'autre travailleuse donnait de l'ouvrage à des entrepreneurs et elle fournissait à la requérante un rapport des coûts de main d'oeuvre afin qu'elle puisse fixer les prix de vente selon les normes établies [...]. Elle précise que par sa fonction elle a eu à poser des questions à l'autre travailleuse ce qui n'a pas eu l'air de lui plaire [...].»


Monsieur Kleinberg confirme le fait que les tâches de la travailleuse et de Mme St-Georges étaient reliées dans la mesure où :


«[...]la requérante était en charge de la vente et qu'elle devait questionner l'autre travailleuse au sujet des coûts de production et que cette dernière devait aussi s'informer des attentes de la requérante [...].


Madame Boucher-Ducasse et monsieur Robert n'ont pas été témoins de l'incident mais plutôt de ses conséquences, soit que la travailleuse s'est retrouvée par terre et qu'elle portait des rougeurs au visage. Madame Boucher-Ducasse se souvient qu'avant les événements, la travailleuse lisait un document qu'elle lui avait remis.


Madame St-Georges décrit les événements. Elle prétend que c'est la travailleuse qui l'a poussée avec son bras. Elle lui aurait frôlé le nez et elle avoue avoir perdu le contrôle d'elle-même. Elle précise qu'il n'y avait pas « d'amitié particulière » entre elle et la travailleuse sans plus de précisions.



OBJECTION AU DÉPÔT DE CES DOCUMENTS

Le procureur de l'employeur s'est objecté au dépôt des documents déposés par le représentant de la travailleuse au motif que ces documents ne sont pas pertinents à la question dont la Commission des lésions professionnelles est saisie. Il est d'avis que la Commission ne peut tenir compte d'éléments de preuve qui n'ont pas été portés à l'attention des instances inférieures.

DÉCISION SUR L'OBJECTION AU DÉPÔT DE DOCUMENTS



L'objection du procureur de l'employeur n'est pas été retenue. Compte tenu des circonstances particulières de ce cas, les déclarations faites par les personnes impliquées dans l'événement du 17 décembre 1997 sont pertinentes.

La Commission des lésions professionnelles n'entend pas tirer de conclusion de l'issu des procédures au criminel. Madame St-Georges n'ayant pas témoigné à l'audience, on ne peut présumer des motifs qui l'ont amenée à retirer la plainte qu'elle avait logée contre la travailleuse et à signer une ordonnance de garder la paix.

Dans le cas sous étude, la CSST et la révision administrative, au moment où elles ont rendu leur décision respective, avaient en main le rapport d'enquête. Elles avaient de plus été informées des plaintes portées contre la travailleuse et madame St-Georges. Il est donc inexact de prétendre que les documents s'y rapportant, n'étaient pas au dossier de la CSST. De plus, la Commission des lésions professionnelles procède «de novo» et elle peut examiner toute preuve pertinente même si cette preuve n'a pas été soumise aux instances inférieures.

La travailleuse a témoigné à l'audience devant la Commission des lésions professionnelles. Elle précise la période au cours de laquelle elle a travaillé pour l'employeur, soit du 25 août 1997 au 17 décembre 1997. Elle a été embauchée à titre de conceptrice de vêtements et vendeuse pour l'ensemble du Canada. Elle nous dit avoir eu, dès son embauche, le mandat précis de hausser les ventes et d'assurer à l'employeur une plus grande part du marché.

Son travail était étroitement lié à celui de madame St-Georges puisque cette dernière était chargée de négocier le coût de couture avec des entrepreneurs. Ces coûts avaient une incidence directe sur les coûts de production des vêtements et conséquemment, sur les ventes, soit le secteur dont la travailleuse était responsable.
La travailleuse nous dit avoir constaté que les coûts de production étaient trop élevés. Elle en a parlé au propriétaire et lors de réunions de production, en présence de madame St-Georges. Il y a d'ailleurs eu des altercations verbales entre madame St-Georges et la travailleuse à ce sujet et ce, depuis le moment où la travailleuse a été embauchée. Madame St-Georges refusait de renégocier les coûts de couture avec les entrepreneurs. La travailleuse comprenait mal que madame St-Georges adopte la position des entrepreneurs plutôt que celle de son employeur.

La travailleuse dit avoir communiqué avec le grand patron, monsieur Kaine, et de lui avoir fait part de l'agressivité que lui manifestait madame St-Georges.

Interrogée à ce sujet, elle nie avoir bousculé madame St-Georges. La narration des faits telle que faite par madame St-Georges à l'enquêteur de la CSST est à son avis inexacte.

Monsieur Kleinberg témoigne pour sa part à l'effet qu'il était celui qui détenait l'autorité sur la travailleuse et sur la supérieure de madame St-Georges au moment de l'incident du 17 décembre 1997. Le propriétaire de la compagnie réside en Caroline du Sud et il est son représentant pour le Canada. La travailleuse a été embauchée en août 1997 à titre de responsable des ventes. Madame Wicklacz était quant à elle, la personne qui était en charge de la production. Madame St-Georges était sous son autorité.

Selon monsieur Kleinberg, la travailleuse n'avait pas à discuter directement avec madame St-Georges. C'est à la supérieure de celle-ci qu'elle devait référer si elle avait des commentaires à formuler sur le travail de madame St- Georges. C'est d'ailleurs, madame Wicklacz qui fixait de façon ultime les coûts de couture sur recommandation de madame St-Georges. Il précisera que cette dernière est à l'emploi de la compagnie depuis une dizaine d'années et qu'elle n'avait pas été impliquée dans un incident semblable avant le 17 décembre 1997. Selon lui, la travailleuse disposait d'un lieu de travail qui lui était spécifique et elle n'avait pas à entrer en contact avec madame St- Georges.

Monsieur Kleinberg n'a pas été lui-même témoin de l'incident. Il a vu la travailleuse après les événements. Cette dernière s'est présentée à son bureau et a dit : «
She is crazy ». Il ne savait pas alors de qui il était question. Elle lui a relaté ce qui s'était passé entre elle et madame St-Georges. Elle lui a montré les marques qu'elle avait au cou. Il n'a rien noté. La travailleuse se déplaçait sans difficulté selon ce qu'il a pu constater. Le lendemain, 18 décembre 1997, il a téléphoné à la travailleuse et elle a dit ne pas vouloir retourner travailler en présence de madame St-Georges. Elle ne lui a pas mentionné être blessée.


L'AVIS DE MEMBRES

Le membre représentant les associations d'employeurs et le membre représentants les associations de travailleurs sont tous deux d'avis que la réclamation de la travailleuse doit être acceptée.

Ils ne retiennent pas le témoignage de monsieur Kleinberg qui affirme que la travailleuse n'avait pas à traiter avec madame St-Georges dans le cours de son travail. Compte tenu de la taille de l'entreprise une telle situation est très improbable.

Les événements qui ont mené à l'agression de la travailleuse sont reliés aux fonctions qu'elle exerçait au sein de l'entreprise. D'ailleurs cette dernière avait dénoncé la situation à son employeur qui n'a pas jugé nécessaire d'intervenir.

En l'absence d'une preuve à l'effet contraire le témoignage de la travailleuse (par ailleurs jugé très crédible) doit être retenu.




LES MOTIFS DE LA DÉCISION

La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a été victime, le 17 décembre 1997 d'une lésion professionnelle.

La notion de lésion professionnelle est ainsi définie à l'article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles(1)

«lésion professionnelle» : une blessure ou un maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;


Pour faciliter la tâche des travailleurs, le législateur établit une présomption de l'existence d'une lésion professionnelle à l'article 28 de la loi :

«28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.»


Le représentant de la travailleuse plaide que cette présomption trouve application dans le présent cas. La Commission des lésions professionnelles partage cette opinion pour plusieurs raisons.

D'abord, la travailleuse a subi une blessure. Elle a consulté un médecin le jour même de l'accident et ce dernier a posé un diagnostic de contusions multiples. Ce diagnostic en est un de blessure.
Elle a, de plus, déclaré son accident à son employeur, dès le moment de sa survenance.

Il ne fait aucun doute que l'accident est survenu sur les lieux du travail, lieux qui ne se limitent pas à l'aire de travail de la travailleuse mais qui comprend les endroits qu'elle fréquente dans l'exécution de son travail.

La travailleuse nous dit avoir été agressée alors qu'elle discutait avec une couturière prénommée Fabiola. Cette dernière a déclaré à l'enquêteur de la CSST qu'au moment des incidents, la travailleuse lisait un document qu'elle lui avait remis. Madame St-Georges dira au même inspecteur que la travailleuse "jasait" avec Fabiola lorsque la bousculade s'est produite.

L'employeur n'a soumis aucune preuve à l'effet que la travailleuse exerçait, au moment de l'accident, une activité qui n'était pas reliée à son travail.

On doit donc conclure que la travailleuse a subi, le 17 décembre 1997, une blessure alors qu'elle était à son lieu de travail et qu'elle exécutait son travail.

La présomption de l'article 28 s'appliquant au cas de la travailleuse, l'employeur peut la renverser en démontrant par une preuve prépondérante que la travailleuse n'a pas été victime d'un accident du travail au sens de l'article 2 de la loi qui se lit comme suit :

«accident du travail»: un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle.


L'employeur prétend que l'accident est attribuable à un conflit de personnalité entre deux collègues de travail et qu'il n'est pas survenu par le fait ou à l'occasion du travail de la travailleuse.

Essentiellement les prétentions de l'employeur sont à l'effet que la travailleuse n'avait pas à discuter des coûts de production avec madame St-Georges. L'organisation du travail était ainsi faite que la travailleuse pouvait éviter tout contact avec madame St-Georges. Eut-elle agi de cette façon l'accident ne se serait pas produit.

La travailleuse a fait mention de l'animosité qui existait entre madame St- Georges et elle-même depuis son début d'emploi. Dans sa déclaration au service de police, elle fait mention d'un premier événement survenu le 16 décembre 1997 alors que madame St-Georges l'aurait bousculée sans s'excuser. La travailleuse n'a pas fait part de cet incident à son employeur. En étant physiquement près de l'aire de travail de madame St-Georges, la travailleuse provoquait cette dernière et se mettait en position d'être bousculée à nouveau. Elle doit assumer les conséquences de ses actes. Le procureur de l'employeur demande que la Commission des lésions professionnelles applique à l'égard de la travailleuse la «
théorie du risque ».

La Commission des lésions professionnelles ne retient pas ces arguments. La travailleuse oeuvrait dans un établissement comptant une vingtaine d'employés. Il est difficile d'imaginer que les employés puissent n'avoir aucun contact les uns avec les autres. Le témoignage de monsieur Kleinberg à cet effet, est difficilement crédible. Ce, d'autant plus qu'il avait dit le contraire à l'enquêteur de la CSST et qu'il ne s'est pas expliqué à ce sujet au moment de son témoignage.

À titre de responsable du secteur des ventes, la travailleuse exerçait une fonction qui était en lien étroit avec le secteur de production. L'objectif que l'employeur lui avait fixé était de hausser le niveau des ventes. Elle avait identifié un moyen pour y arriver, soit celui de réduire les coûts de production.

Ce moyen ne plaisait pas à madame St-Georges qui le lui a manifesté à de multiples occasions. Il s'agissait, de façon vraisemblable, de la seule explication au comportement de madame St-Georges vis-à-vis la travailleuse.

Que la travailleuse ait eu des contacts directs ou indirects avec madame St- Georges n'est pas l'élément à considérer. Il ressort clairement de la preuve que madame St-Georges avait une attitude négative vis-à-vis de la travailleuse qui ne s'explique pas autrement que par le fait qu'elle n'appréciait pas que la travailleuse puisse remettre en question la façon dont elle négociait les contrats avec les entrepreneurs.

La travailleuse a livré un témoignage crédible et en l'absence du témoignage de madame St-Georges, la Commission des lésions professionnelles ne dispose d'aucune preuve à l'effet contraire.

Quant à la théorie du risque invoquée par le procureur de l'employeur, elle ne trouve pas application. La travailleuse avait averti son employeur de l'attitude de madame St-Georges à son égard et aucune preuve ne démontre qu'elle aurait elle-même provoqué les événements.

D'ailleurs dans la mesure où le lien entre l'altercation et le travail est démontré, il importe peu de savoir si la personne qui a été blessée a, par son comportement, provoqué l'événement.

La Cour d'appel du Québec s'est exprimée en ce sens dans un arrêt récent, soit dans l'affaire Pacheco c. Hôpital de Montréal pour enfants(2) alors que sous la plume du juge Pidgeon, il est dit que :

«Il convient toutefois de noter que la jurisprudence récente du BRP et de la CALP est pratiquement unanime à considérer comme critère déterminant le lien entre le travail et la raison de l'agression, et non à déterminer si le travailleur blessé a une part de responsabilité dans l'altercation. Le BRP a d'ailleurs énoncé qu'il importe peu en matière d'un accident du travail de déterminer qu a été l'instigateur d'une querelle; tout ce qu'il faut questionner, c'est le but visé qui doit avoir un lien quelconque avec le travail. En fait, il faut se questionner sur la cause véritable de l'agression pour déterminer si elle est reliée au travail ou si elle est étrangère à celui-ci. Ainsi, l'absence de connexité entre le travail et l'agression implique nécessairement le rejet d'une réclamation puisque, dès lors, l'accident n'est pas survenu à l'occasion du travail.»




Compte tenu de ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles conclut que l'employeur n'a pas soumis une preuve suffisamment probante pour renverser la présomption prévue à l'article 28 de la loi.


POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE l'appel de la travailleuse, madame Diane Zakaïb;

INFIRME la décision rendue par la révision administrative le 15 septembre 1998;

DECLARE que madame Zakaïb a été victime d'une lésion professionnelle le 17 décembre 1997.


__________________________

Me Micheline Bélanger
Commissaire


Me Normand Léonard
Lamoureux, Morin & Associés
1909, Chemin Chambly
Longueuil (Québec)
J4J 3Y1

Représentant de la partie requérante


Me John Feldman
1080, Côte du Beaver Hall, suite 1610
Montréal (Québec)
H2Z 1S8

Représentant de la partie intéressée

1. L.R.Q., chapitre A-3.001
2. C.A.Montréal, 500-09-003289-964, 1998-10-01 .

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.