Décision

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Gélinas et Centre hospitalier régional de Trois-Rivières

2010 QCCLP 3047

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Drummondville

Le 21 avril 2010

 

Région :

Mauricie-Centre-du-Québec

 

Dossier :

381196-04-0906

 

Dossier CSST :

119852507

 

Commissaire :

Jacques Degré, juge administratif

 

Membres :

Guy-Paul Hardy, associations d’employeurs

 

Réjean Potvin, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Danielle Gélinas

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Centre hospitalier régional de

Trois-Rivières

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 18 juin 2009, madame Danielle Gélinas (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) rendue le 20 mai 2009 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle rendue le 23 mars 2009, laquelle énonce qu’elle refuse de lui rembourser le coût du ménage hebdomadaire puisque « ces services ne font pas partie de l’entretien courant du domicile et ne sont pas couverts par cette mesure ».

[3]                Une audience se tient à Trois-Rivières le 22 mars 2010 à 9 h, en présence de la travailleuse et son représentant. Le Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (l’employeur) est absent, tel qu’annoncé par un envoi par télécopieur en date du 1er février 2010. La représentante de la CSST est également absente, tel qu’annoncé à la suite d’un envoi par télécopieur reçu le matin de l’audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande de déclarer qu’elle a droit au remboursement des coûts de la main d’œuvre reliés au ménage hebdomadaire, et ce, à titre de frais d’entretien courant du domicile.

LES FAITS

[5]                À l’époque pertinente, la travailleuse exerce la fonction d’infirmière chez l’employeur.

[6]                Le 27 février 2001, alors âgée de 38 ans, la travailleuse est victime d’une lésion professionnelle qui lui occasionne une entorse lombaire, laquelle est greffée sur une condition personnelle de dégénérescence discale au niveau L4-L5.

[7]                Cette lésion professionnelle est consolidée en date du 6 juin 2002 par la docteure Josée Fortier, physiatre, qui effectue le rapport d’évaluation médicale le 23 octobre 2002. Elle octroie à la travailleuse une atteinte permanente de 2 % et lui accorde des limitations fonctionnelles de classe III selon l’échelle de l’Institut de recherche en santé sécurité au travail (IRSST) :

-           soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 5 kg;

-           travailler en position accroupie;

-           ramper, grimper;

-           effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire, même de faible amplitude;

-           subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale;

-           monter fréquemment plusieurs escaliers;

-           marcher en terrain accidenté ou glissant;

-           garder la même posture plus de 30 minutes soit debout ou assise;

-           travailler dans une position instable;

-           marcher plus de 30 minutes.

[8]                Le 27 juillet 2003, la CSST informe la travailleuse qu’elle a droit à la réadaptation puisqu’elle conserve une atteinte permanente attribuable à sa lésion professionnelle.

[9]                Le 13 mai 2004, la CSST accepte une nouvelle lésion professionnelle, une rechute, récidive ou aggravation de la lésion professionnelle du 27 février 2001 et qui se produit le 18 avril 2004.

[10]           À compter du 30 août 2008, la travailleuse bénéficie d’une allocation pour aide personnelle à domicile que la CSST lui verse toutes les deux semaines.

[11]           Le 28 octobre 2008, le docteur Patrice Montminy consolide la lésion professionnelle et procède au rapport d’évaluation médicale. Il octroie une atteinte permanente additionnelle de 26,75 % à la travailleuse et lui attribue des limitations fonctionnelles de classe IV selon l’échelle de IRSST.

[12]           Dans le cadre de son évaluation, le docteur Montminy ajoute :

«[…]

 

Nous sommes face à une patiente qui s’est soumise à quatre chirurgies, qui demeure avec des limitations fonctionnelles très significatives, qui doit prendre une médication lourde malgré l’usage d’un neurostimulateur.

 

[…]

 

Le caractère continu de la douleur et son effet sur le comportement et sur la capacité de concentration sont incompatibles avec tout travail régulier.

 

[…]»

 

 

[13]           Le 29 janvier 2009, la CSST rend une décision qui énonce que la travailleuse a de nouveau droit à des mesures de réadaptation puisqu’elle conserve une atteinte permanente attribuable à cette lésion professionnelle.

[14]           Le 5 mars 2009, la travailleuse s’enquiert à son agent de la CSST, si elle est en mesure d’obtenir de l’aide pour effectuer le ménage hebdomadaire de son domicile. Les notes de l’agent indiquent qu’il évaluera les « travaux d’entretien du domicile » et que cette évaluation se fera le 19 mars 2009.

[15]           Le 6 mars 2009, la CSST rend une décision qui énonce qu’il est impossible de déterminer un emploi que la travailleuse a la capacité d’occuper. En conséquence, les indemnités de remplacement du revenu continueront de lui être versées jusqu’à l’âge de 68 ans.

[16]           Le 19 mars 2009, l’agent de la CSST se rend au domicile de la travailleuse et remplit la Grille d’analyse des besoins d’aide pour les travaux d’entretien courant du domicile. Le ménage hebdomadaire y apparaît sous la rubrique « Travaux refusés ».

[17]           Le 23 mars 2009, la CSST réévalue les besoins de la travailleuse relativement au versement de l’allocation pour aide personnelle à domicile. L’agent note à ce moment que la travailleuse a besoin d’assistance partielle en ce qui a trait à la préparation du souper, au lavage du linge ainsi que pour l’approvisionnement. Il indique qu’elle requiert une assistance complète pour la préparation du dîner et pour le ménage léger. Pour toutes les autres activités reliées aux soins personnels de base, l’agent inscrit que la travailleuse ne nécessite aucune assistance.

[18]           Le 23 mars 2009, la CSST rend une décision et informe la travailleuse que les coûts de la main d’œuvre reliés au « ménage hebdomadaire » ne font pas partie de l’entretien courant du domicile et ne sont pas couverts par cette mesure. La travailleuse conteste cette décision le 31 mars 2009.

[19]           Le 17 avril 2009, la CSST rend une décision qui informe la travailleuse que suite à l’évaluation réalisée le 23 mars 2009, l’allocation qu’elle lui verse toutes les deux semaines à titre d’aide personnelle à domicile cessera le 24 avril 2009. Cette décision ne fait l’objet d’aucune contestation.

[20]           Le 20 mai 2009, après révision, la CSST confirme la décision du 23 mars 2009. La réviseure considère que l’entretien ménager hebdomadaire constitue des tâches domestiques et non des travaux d’entretien courant du domicile. Comme la travailleuse n’a plus droit au versement de l’allocation pour aide personnelle à domicile depuis le 24 avril 2009, la réviseure conclut que « la travailleuse n’a pas droit au remboursement pour le ménage hebdomadaire », ce que conteste la travailleuse devant la Commission des lésions professionnelles le 18 juin suivant et qui mène à l’audience devant le tribunal le 22 mars 2010.

[21]           Lors de cette audience, la travailleuse rappelle les grandes lignes de son histoire et déclare qu’avant sa lésion professionnelle, elle effectue elle-même le ménage hebdomadaire de son domicile. Compte tenu de son état, elle est dorénavant dans l’impossibilité de le faire, malgré qu’elle habite maintenant une résidence de moins grande superficie qu’auparavant. 

L’AVIS DES MEMBRES

[22]           Le membre issu des associations d’employeurs ainsi que le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis d’accueillir la contestation de la travailleuse. Ils sont d’opinion que le ménage hebdomadaire correspond à la notion de travaux d’entretien courant du domicile et que la travailleuse remplit toutes les conditions pour y avoir droit. De plus, les membres considèrent regrettable que la représentante de la CSST soit absente à l’audience puisqu’elle aurait pu faire valoir les arguments de l’organisme qui soutiennent la position mise de l’avant dans le cadre de leurs décisions du 23 mars et du 20 mai 2009.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[23]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a droit au remboursement des frais demandés pour l’exécution de travaux d’entretien courant de son domicile. Pour ce faire, elle doit déterminer si les coûts de la main d’œuvre reliés au ménage hebdomadaire correspondent à la notion de travaux d’entretien courant du domicile.

[24]           Cette notion de travaux d’entretien courant du domicile du domicile se retrouve à l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) , au chapitre de la réadaptation et se lit comme suit :

 165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[25]           Le préalable à toute demande de remboursement de ce type est la reconnaissance par la CSST, dans un premier temps, au droit à la réadaptation. Celui-ci est énoncé à l’article 145 de la loi :

145.  Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

 

 

[26]           Puisqu’elle est porteuse d’une atteinte permanente, la travailleuse s’est effectivement vue reconnaître le droit à la réadaptation par la CSST, soit une première fois, le 27 juillet 2003, suite à l’octroi d’une atteinte permanente de 2 % consécutive à sa lésion professionnelle initiale du 27 février 2001 et une seconde fois, le 29 janvier 2009, par l’attribution d’une atteinte permanente additionnelle de 26,75 %, suite à sa rechute, récidive, aggravation du 18 avril 2004.

[27]           Pour demander le remboursement de frais engagés pour faire effectuer des travaux d’entretien courant du domicile, non seulement un travailleur doit-il être porteur d’une atteinte permanente, mais encore faut-il que cette atteinte permanente puisse être qualifiée de grave. L’analyse ne doit cependant pas se limiter à un simple calcul mathématique en regard du pourcentage de l’atteinte permanente pour en estimer la gravité. Comme le reconnaît la jurisprudence, il faut aussi tenir compte de la capacité résiduelle du travailleur à effectuer le type de travaux visés à l’article 165 de la loi[2].

[28]           Compte tenu de l’importance des limitations fonctionnelles dont elle est porteuse, des commentaires du docteur Montminy dans son évaluation du 28 octobre 2008 et de la décision de la CSST rendue le 6 mars 2009, il est manifeste que l’atteinte permanente attribuée à la travailleuse est grave.

[29]           La travailleuse affirme de plus que préalablement à sa lésion professionnelle, elle effectue elle-même le ménage hebdomadaire de son domicile et que n’eût été de cela, elle le ferait toujours. La travailleuse remplit donc toutes les conditions requises pour se voir accorder le remboursement de frais engagés pour faire effectuer des travaux d’entretien courant du domicile. Encore faut-il être en présence de tels travaux.

[30]           Cette notion de travaux d’entretien courant du domicile correspond à des travaux qui doivent être faits périodiquement ou encore selon les saisons afin de maintenir ou conserver les lieux en bon état. Il doit cependant s’agir de travaux ordinaires et habituels du domicile, par opposition à des travaux d’entretien inhabituels ou extraordinaires[3]. La jurisprudence du tribunal contient maints exemples de ce que représentent de tels travaux[4].

[31]           En ce qui a trait plus particulièrement au ménage hebdomadaire, la réviseure de la CSST considère dans sa décision du 20 mai 2009 que l’entretien ménager hebdomadaire correspond plutôt à la notion de tâches domestiques qu’à celle de travaux d’entretien courant du domicile. Cette notion de tâches domestiques, à laquelle réfère la réviseure, se retrouve à l’article 158 de la loi, toujours au chapitre de la réadaptation. Il se lit ainsi :

158.  L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.

__________

1985, c. 6, a. 158.

 

 

[32]           La décision de la CSST rendue le 17 avril 2009 qui met fin au versement de l’allocation pour aide personnelle à domicile, en date du 24 avril 2009, est devenue finale en l’absence de toute contestation. Ce qui signifie que la travailleuse peut, à compter de cette dernière date, prendre soin d’elle-même ou effectuer ses tâches domestiques. En effet, puisque le droit au versement de l’allocation est conditionnel aux deux conditions prescrites à l’article 158, à savoir ne pas être en mesure de prendre soin d’elle-même et d’effectuer ses tâches domestiques, l’article 162 de la loi stipule que l’aide cesse lorsqu’une ou l’autre de ces deux conditions n’existe plus :

162.  Le montant de l'aide personnelle à domicile cesse d'être versé lorsque le travailleur :

 

1° redevient capable de prendre soin de lui-même ou d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il ne pouvait effectuer en raison de sa lésion professionnelle; ou

 

[…]

 

__________

1985, c. 6, a. 162; 1992, c. 21, a. 79; 1994, c. 23, a. 23.

 

 

[33]           Cela empêche-t-il pour autant la travailleuse de réclamer le remboursement des coûts de la main d’œuvre reliés à l’entretien ménager hebdomadaire en vertu des dispositions de l’article 165?

[34]           La Commission des lésions professionnelles s’est déjà prononcée à cet égard dans l’affaire Castonguay et St-Bruno Nissan inc.[5] :

[43]      La CSST a refusé le remboursement des frais de lavage des murs et des plafonds parce que ces travaux relèveraient de l’aide personnelle à domicile visé à l’article 158 de la loi et que le travailleur n’a pas droit à l’aide à domicile.

 

[44]      En l’espèce, il n’est pas contesté que le travailleur n’avait pas droit à l’aide personnelle à domicile.  Toutefois, tel qu’en a déjà décidé la Commission des lésions professionnelles, ce n’est pas parce que le travailleur n’a pas droit à l’aide personnelle à domicile puisqu’il est capable de prendre soin de lui-même, qu’il n’a pas droit au remboursement des frais engagés pour exécuter les travaux d’entretien ménager de son domicile selon l’article 165.

 

 

[35]           Le tribunal fait sienne cette approche. Il serait pour le moins aberrant qu’une travailleuse dont l’évaluation des besoins en vertu de l’article 158 de la loi démontre, au même moment, sa capacité à prendre soin d’elle-même et des besoins d’assistance complète pour effectuer le « ménage léger », ne puisse réclamer le remboursement des coûts de la main d’œuvre reliés à l’entretien ménager hebdomadaire de son domicile en vertu de l’article 165. C’est précisément le cas de la travailleuse au moment de l’évaluation de ses besoins, le 23 mars 2009. L’allocation pour aide personnelle à domicile cesse de lui être versée le 24 avril 2009 puisqu’elle est en mesure de prendre soin d’elle-même. Cela fait-il en sorte que ses besoins d’assistance complète pour effectuer le ménage léger au même moment disparaissent pour autant? Poser la question, c’est y répondre.

[36]           Quant à la qualification de l’entretien ménager hebdomadaire, à titre de travaux courants d’entretien du domicile, la décision du tribunal dans l’affaire Castonguay précitée, réfère à une autre décision du tribunal[6] qui traite précisément de cette question. Il y a lieu d’en citer de larges extraits compte tenu de la très grande similitude avec les faits dans le dossier de la travailleuse :

[24]      La travailleuse ne conteste pas le fait qu’elle est maintenant capable de prendre soin d’elle-même. La jurisprudence a déjà interprété ce fait comme mettant effectivement fin au droit à l’aide personnelle à domicile :

 

« Comme les articles d’une loi doivent s’interpréter les uns par rapport aux autres, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que les termes de l’article 162 viennent éclairer l’interprétation qu’il faut accorder à l’article 158. L’article 162 de la loi se lit ainsi :

 

162. Le montant de l'aide personnelle à domicile cesse d'être versé lorsque le travailleur :

 

1o redevient capable de prendre soin de lui même ou d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il ne pouvait effectuer en raison de sa lésion professionnelle; ou

 

(…)

 

La Commission des lésions professionnelles est d’avis que les conditions d’ouverture du droit au versement de l’aide personnelle à domicile doivent s’interpréter, en cas de doute, en relation avec les circonstances qui font perdre ce même droit.

 

Or, le paragraphe 1° de l’article 162 de la loi ne prête guère à interprétation et l’aide personnelle à domicile doit cesser si le travailleur redevient capable de prendre soin de lui-même ou, et non « et », d’effectuer sans aide les tâches domestiques qu’il ne pouvait effectuer en raison de sa lésion professionnelle.

 

Ainsi, aussitôt qu’une des deux circonstances ci-haut énoncées est rencontrée, le droit à l’aide personnelle à domicile cesse. Un tel contexte ne peut évidemment qu’amener à conclure que l’obtention de telle aide doit également satisfaire aux deux mêmes conditions et que le mot « et » qui réunit ces deux conditions à l’article 158 de la loi est ainsi conjonctif . »

 

[25]      Cette interprétation logique doit s’appliquer au présent cas. Ce faisant, la travailleuse n’a pas droit à l’aide personnelle à domicile.

 

 

[26]      Ce que la travailleuse demande cependant, c’est l’application de l’article 165 précité et elle soutient que l’entretien ménager qu’elle ne peut plus faire en raison des deux chirurgies au niveau lombaire, (passer l’aspirateur, laver les planchers, nettoyer les salles de bain, les vitres, etc.) constitue des « travaux d’entretien courant du domicile ».

 

[27]      La représentante de la CSST soutient le contraire, et à ce sujet, dépose une décision rendue par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) en 1997 . Dans celle-ci, le commissaire fait une distinction entre les « travaux d’entretien courant du domicile » (art. 165) et « les tâches domestiques » (art. 158). Après avoir fait état des définitions des mots « domestique » et « entretien » par le dictionnaire Petit Robert, le commissaire conclut ainsi :

 

« À la lumière des définitions précitées, la Commission d’appel est d’avis que le déplacement de meubles et de lavage de planchers se retrouvent davantage dans la catégorie des tâches domestiques et qu’il apparaît difficile de les relier à des soins, réparations ou dépenses qu’exige le maintien en bon état d’un bien. En somme, il s’agit de travaux requis pour la propreté, le confort et la commodité des lieux et qui ne se justifient pas au titre du maintien en bon état physique d’un bien.

 

(…) »

 

[28]      Avec égard, la soussignée ne partage pas cette interprétation étroite de la notion de « travaux d’entretien courant du domicile ». Revoyons les définitions courantes et usuelles des mots « domestique » et « entretien «, que l’on retrouve au Larousse:

« Domestique : 1. Qui concerne la maison, le ménage.

 

Entretien : 1. Action de maintenir une chose en bon état, de fournir ce qui est nécessaire pour y parvenir . »

 

[29]      La Commission des lésions professionnelles estime que l’on doit également examiner la définition du mot « courant » afin de préciser de quel genre de travaux d’entretien on parle à l’article 165 :

« Courant, e : 1. Qui est habituel; ordinaire, banal. Les dépenses courantes. C’est un mot tellement courant ! Un modèle courant. »

 

[30]      Le tribunal ne peut conclure, comme le fait le commissaire Roy, que l’entretien ménager participe uniquement à « la propreté, le confort et la commodité des lieux ». Qu’il suffise d’imaginer un intérieur mal entretenu, des planchers et des tapis sales et poussiéreux, des salles de bain encrassées, des vitres et des miroirs qui ne sont pas nettoyés régulièrement, une cuisinière et un réfrigérateur malpropres pour se convaincre qu’il ne s’agit pas ici seulement de confort ou de commodité. Si un entretien régulier n’est pas fait, il est manifeste que le domicile ne sera pas « maintenu en bon état ». Il lui faut donc des soins réguliers, habituels, ordinaires, courants.

 

[31]      Même si, à l’article 158, on parle de travaux domestiques, il faut comprendre que cette disposition s’applique à « l’aide personnelle à domicile », qui inclut certes ce genre de travaux, mais qui vise plutôt des situations beaucoup plus graves en terme de conséquences immédiates, puisqu’on associe cette aide au fait qu’un travailleur soit incapable de prendre soin de lui-même dans des activités de base comme se laver, aller à la toilette, etc. On a qu’à examiner la grille d’évaluation pour constater que l’on vise ici des cas lourds.

 

 

[32]      L’article 165, quant à lui, n’est pas conditionnel à l’impossibilité de prendre soin de soi-même mais vise plutôt les cas où un travailleur demeure avec une atteinte permanente grave et, généralement, avec des limitations fonctionnelles importantes, qui l’empêchent de reprendre certaines activités pré-lésionnelles qu’il effectuait auparavant, soit des travaux d’entretien courant. De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, cette interprétation va dans la logique de la loi, qui « a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires ».

 

 

 

[37]           L’analyse faite dans cette dernière affaire s’applique en tous points au cas de la travailleuse et l’opinion qui y est exprimée est partagée par le tribunal. Ces deux dispositions réfèrent à deux réalités différentes, mais elles visent essentiellement une seule et même chose, la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires (article1 de la loi). Refuser à la travailleuse le remboursement des coûts de la main d’œuvre reliés à l’entretien ménager hebdomadaire de son domicile, sous prétexte qu’elle est en mesure de prendre soin d’elle-même, serait louper par beaucoup le but premier visé par le législateur dans le cadre de la loi.

[38]           La Commission des lésions professionnelles juge que la travailleuse a droit au remboursement des coûts de la main d’œuvre reliés à l’entretien ménager hebdomadaire, à titre de travaux d’entretien courant du domicile, en vertu de l’article 165 de la loi, sous réserve du montant maximum annuel permis.

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la contestation de la travailleuse, madame Danielle Gélinas;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 20 mai 2009 à la suite d’une révision administrative;


DÉCLARE que la travailleuse a droit au remboursement des coûts de la main d’œuvre reliés à l’entretien ménager hebdomadaire de son domicile, à titre de travaux d’entretien courant du domicile de son domicile, sous réserve du montant maximum annuel prescrit par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles à cet égard.

 

 

 

 

__________________________________

 

Jacques Degré

 

 

 

 

M. Jean Phillibert

A.T.T.A.M.

Représentant de la partie requérante

 

 

Mme Katia Shore

Centre hospitalier régional de Trois-Rivières

Représentante de la partie intéressée

 

 

Me Annie Veillette

Panneton, Lessard

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           Chevrier et Westburn ltée, C.L.P. 16175-08-8912, 25 septembre 1990, M. Cuddihy (J2-15-19)

[3]           Lévesque et Mines Northgate inc., [1990] C.A.L.P. 683

[4]           Paquet et Pavillon de l’Hospitalité inc. C.L.P. 142213-03B-0007, 12 décembre 2000, R. Savard

[5]           C.L.P. 137426-62B-0005, 21 novembre 2001, A. Vaillancourt

[6]           Lebel et Municipalité Paroisse de Saint-Éloi, C.L.P. 124846-01A-9910, 29 juin 2000, L. Boudreault

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