Tanguay et CSSS de la Haute-Gaspésie |
2009 QCCLP 6558 |
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[1] Le 16 avril 2009, Ghislain Tanguay (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue le 7 avril 2009 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la révision administrative confirme celle rendue le 18 décembre 2008 et déclare que la CSST n’a pas à assumer pour le travailleur le coût d’achat d’un fauteuil de massage, d’un lit électrique, d’un spa, de deux contrôles de lumière (télécommandes) et d’un tapis roulant.
[3] Le travailleur était présent à l’audience tenue le 9 septembre 2009. Le représentant de l’employeur a avisé le tribunal de son absence à l’audience par lettre et n’a aucune représentation à soumettre.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande de déclarer qu’il a droit au remboursement d’un fauteuil de massage, d’un lit électrique, d’un spa, de deux contrôles de lumière (télécommandes) et d’un tapis roulant, tous nécessaires pour son autonomie et sa dignité humaine.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Les membres, tant celle issue des associations d’employeurs que celui issu des associations syndicales, sont d’avis que la requête devrait être accueillie en partie. En effet, la preuve démontre, dont le rapport d’évaluation médicale du docteur Claude Rouleau, orthopédiste, que le travailleur est porteur d’une atteinte permanente grave au niveau lombaire et de limitations fonctionnelles sévères. Il doit vivre avec une douleur lombaire constante qui irradie aux deux membres inférieurs. Tel que prescrit pas son médecin, il bénéficierait d’un lit orthopédique et d’un fauteuil de massage pour soulager sa douleur et lui permettre d’améliorer sa qualité de sommeil. Son programme de réadaptation sociale devrait être modifié en ce sens.
[6] Quant aux contrôles à distance des veilleuses situées au niveau du plancher, ainsi que du spa et du tapis roulant, bien que les membres soient sympathiques à sa cause, la demande du travailleur n’est pas accompagnée d’un avis d’un médecin ou de tout autre professionnel de la santé en la matière. Bien que cette étape ne soit pas essentielle, elle aurait facilité l’analyse de la pertinence de sa demande en regard de sa réadaptation sociale. Par ailleurs, les limitations fonctionnelles n’empêchent pas le travailleur de se pencher pour allumer ou éteindre les veilleuses. De même, bien qu’il soit légitime pour le travailleur de chercher à atténuer les conséquences de sa condition, il n’y a aucune preuve prépondérante démontrant que l’hydrothérapie avec le spa ou encore que le tapis-roulant soient nécessaires à sa réadaptation sociale et que son programme devrait être modifié en ce sens.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que la requête du travailleur est en partie bien fondée en faits et en droit.
LE DROIT
[8] La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi)[1] prévoit les dispositions suivantes :
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
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1985, c. 6, a. 188.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
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1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.
[9] Les deux dernières dispositions font partie du chapitre V de la loi intitulé « Assistance médicale ». L’article 188 de la loi prévoit que le travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit à l’assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion, alors que l’article 189 vise les soins curatifs ou palliatifs.
[10] La demande de remboursement d’un lit électrique, d’un fauteuil de massage, de contrôles à distance, d’un spa et d’un tapis roulant n’est pas visée aux alinéas 1, 2, 3 ou 4 de l’article 189 de la loi.
[11] La location d’un lit électrique d’hôpital est visée au paragraphe 5 de l’article 189 de la loi, sous certaines conditions prévues au Règlement sur l'assistance médicale (le Règlement) [2],
[12] Le champ d’application du Règlement est le suivant :
2. Les soins, les traitements, les aides techniques et les frais prévus au présent règlement font partie de l'assistance médicale à laquelle peut avoir droit un travailleur, lorsque le requiert son état en raison d'une lésion professionnelle.
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D. 288-93, a. 2.
18. La Commission assume le coût de location, d'achat et de renouvellement d'une aide technique prévue à l'annexe II, aux conditions et selon les montants prévus à la présente section et à cette annexe, lorsque cette aide technique sert au traitement de la lésion professionnelle ou qu'elle est nécessaire pour compenser des limitations fonctionnelles temporaires découlant de cette lésion.
La Commission assume également les frais prévus à l'annexe II, aux conditions et selon les montants indiqués à cette annexe sur présentation de pièces justificatives détaillant leur coût.
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D. 288-93, a. 18.
[13] Ainsi, l’aide technique n’est payable que dans le cadre d’un traitement ou pour pallier à des limitations fonctionnelles temporaires.
[14] Par contre, le travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit à des mesures de réadaptation physique, sociale et professionnelle que requiert son état.
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
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1985, c. 6, a. 145.
[15] L’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur victime d’une lésion professionnelle est la porte d’entrée du droit à la réadaptation. L’étendue de ce droit est fonction de ce qui est requis en vue de la réinsertion sociale et professionnelle du travailleur.
[16] La CSST établit un plan individualisé de réadaptation qui peut être modifié pour tenir compte de circonstances nouvelles. C’est ce que prévoit l’article 146 de la loi dans les termes suivants :
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
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1985, c. 6, a. 146.
[17] Les aides techniques font partie de la réadaptation sociale décrite comme suit à l’article 151 de la loi :
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
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1985, c. 6, a. 151.
[18] La Commission des lésions professionnelles a décidé[3] ce qui suit à propos de la fourniture d’un lit électrique pour un travailleur dont la lésion était consolidée :
« [43] De l’avis de la commissaire soussignée, la fourniture d’un lit électrique et d’un matelas orthopédique peut cependant s’inscrire dans le cadre du droit à la réadaptation sociale, dont le but est, aux termes de l’article 151 de la loi, « d’aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s’adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles »».
[44] L’article 152 indique ce que peut comprendre un programme de réadaptation sociale :
152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :
1° des services professionnels d'intervention psychosociale;
2° la mise en œuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;
3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;
4° le remboursement de frais de garde d'enfants;
5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.
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1985, c. 6, a. 152.
[45] Selon la jurisprudence bien établie en la matière4, l’emploi des termes « peut comprendre notamment » est l’indice d’une énumération non limitative des mesures de réadaptation autorisées par la loi.
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4 Bissonnette et Équipement Moore ltée, 245980-62C-0410, 13 juin 2005, A. Suicco, requête en révision rejetée; Bouchard et Produits forestiers Domtar, 211955-02-0307, 2 octobre 2003, M. Juteau; Crnich et Roxboro Excavation inc., 186928-64-0206, 17 janvier 2003; J.-F. Martel; Lefebvre et Les ameublements G.B. inc., 169212-64-0109, 12 février 2002, F. Poupart; Julien et Construction Nationair inc., 120819-32-9907, 7 août 2000, G. Tardif, (00LP-54); Mathieu et Désourdy-Duranceau Ent. Inc., 112847-62A-9903, 14 septembre 1999, J. Landry.
[46] En fait, tel que le prévoient les articles 146, 149, 152 et 167 de la loi, en matière de réadaptation, tout est affaire de besoins particuliers à chaque cas.
[47] Il s’avère donc qu’en matière de demande de remboursement relative à une aide technique, les dispositions contenues au chapitre de l’assistance médicale et les dispositions contenues au chapitre de la réadaptation ne s’opposent pas; elles sont en fait plutôt complémentaires.
[48] Tel qu’on l’a vu précédemment en effet, l’article 189 de la loi et le champ d’application du règlement couvrent les aides techniques associées à la période de consolidation d’une lésion professionnelle ou des besoins qui sont essentiellement de durée temporaire, alors que le chapitre de la réadaptation couvre les besoins permanents qui découlent de la lésion professionnelle.
[49] En somme, selon que le besoin est temporaire ou permanent et la période pendant laquelle ce besoin apparaît, la demande de remboursement de frais associée à l’usage d’un lit électrique ou d’un matelas orthopédique devrait être réglée selon l’un ou l’autre des chapitres de la loi.
[50] La commissaire soussignée partage donc l’opinion exprimée par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Bissonnette5 qui a rejeté une requête en révision présentée en vertu de l’article 429.56 de la loi, fondée notamment sur l’allégation à l’effet que le travailleur ne rencontrait pas les conditions limitatives prévues au règlement.
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5 Précitée, note 4. Bissonnette et Équipement Moore ltée, 245980-62C-0410, 13 juin 2005, A. Suicco.
[51] Le commissaire siégeant en révision s’est exprimé comme suit :
« […]
[25]Le tribunal est d’avis que contrairement à l’article 189 qui fait partie du chapitre de l’assistance médicale et qui réfère à des soins, traitements ou aides techniques, en relation avec des séquelles temporaires, les articles 151 et suivants font partie du chapitre sur la réadaptation, qui concerne des personnes dont la lésion professionnelle est à l’origine de séquelles permanentes. Ainsi dans le présent dossier, les paragraphes [19] et [26] de la décision rendue le 2 décembre 2004, indiquent sans contestation que le travailleur conserve une atteinte permanente importante et qu’il est dans une condition très précaire, qu’il est très souffrant, qu’il doit rester aliter et qu’il ne lui reste au surplus que peu de temps à vivre, le tout étant relié à la lésion professionnelle. (Sic)
[…] »
[52] Le commissaire conclut en conséquence que le fait de considérer une demande de remboursement de frais à la lumière des dispositions faisant partie du chapitre de la réadaptation ne constitue pas un contournement illégitime des exigences de l’article 189 paragraphe 5 de la loi et du règlement.
[53] Pour les motifs déjà énoncés, la commissaire soussignée est d’avis qu’il y a lieu d’écarter l’argument retenu dans certaines affaires suivant lequel une disposition spécifique doit avoir priorité sur une disposition de portée plus générale6.
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6 Gold Smith et Westburn Québec inc., 251655-71-0412, 15 novembre 2006, C. Racine; Fortier et Commission Des Chênes, 262198-04B-0505, 24 janvier 2006, J.-F. Clément.
[…]
[56] Conformément à l’article 151 de la loi, le travailleur doit démontrer qu’il éprouve un besoin permanent qui découle de la lésion professionnelle et que la mesure de réadaptation qu’il revendique a pour but de « l’aider à surmonter dans la mesure possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s’adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion professionnelle et à redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles »».
[19] Toujours selon cette même décision[4], les trois objectifs de l’article 151 ne sont pas concomitants; il se peut en effet qu’une aide technique puisse permettre au travailleur de s’adapter à sa nouvelle situation sans qu’il devienne autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles. Le terme « et » de cette énumération doit donc être compris comme disjonctif et signifiant « ou ».
[20] Plus loin, le tribunal ajoute :
« [69] Tel que l’indiquait la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Crnich9 si le travailleur victime d’une lésion professionnelle acquiert le droit à la réadaptation visé à l’article 152 de la loi, les mesures de réadaptation dont il a besoin doivent être mises en œuvre par la CSST et elle doit en assumer le coût. Cette disposition ne laisse place à aucune discrétion.
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9 Précitée, note 4. Crnich et Roxoboro Excavation inc., 186928-64-0206, 17 janvier 2004, J.-F. Martel. »
[21] Le tribunal retient des dispositions de la loi qui nous concernent et de la jurisprudence qui les a interprétées, que le travailleur doit démontrer un besoin en relation avec sa lésion, c’est-à-dire, dans le cas qui nous occupe, un besoin d’aide technique pour surmonter les conséquences de sa lésion, s’adapter à sa nouvelle situation ou reconquérir son autonomie.
[22] Maintenant qu’en est-il exactement du travailleur dans le présent dossier. Le travailleur, né le [...] 1953, exerçait le métier d’infirmier. Le 2 juin 1994, il subit une lésion professionnelle, c’est-à-dire une entorse lombaire et une hernie discale L5-S1 droite qui nécessite une discoïdectomie. La lésion est consolidée avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[23] Suivent quelques récidives, rechutes ou aggravations dont une dernière le 16 août 2007. Le bilan des séquelles est maintenant le suivant, tel que réalisé par le docteur Claude Rouleau, orthopédiste, en date du 23 avril 2009 :
« SÉQUELLES ACTUELLES
DAP
Colonne dorso-lombaire
204 219 : Discoïdectomie L5-S1 droite (déc. 1994 et sept 1997) DAP 3.0%
204 148 : Hernie discale L4-L5 (TDM 25 sept 2007) non opérée DAP 2.0%
204 399 : Laminectomie partielle décompressive L5 droite DAP 1.0%
Ankylose
207 582 : Flexion antérieur 0-45° DAP 7.0%
207 626 : Extension 0-5 ° DAP 3.0%
207 680 : Flexion latérale droite 0-20° DAP 1.0%
207 724 : Flexion latérale gauche 0-20° DAP 1.0%
207 751 : Rotation droite 0-15° DAP 3.0%
207 797 : Rotation gauche 0-15° DAP 3.0%
Neuro
204 585 : Pachyméningite L4-L5 et L5-S1 DAP 2.0%
111 863 : Atteinte motrice L5 (Classe III) DAP 10.0%
112 425 : Atteinte sensitive L5 (Classe II) DAP 1.0%
112 434 : Atteinte sensitive S1 (Classe II) DAP 1.0%
PE
Ne s’applique pas.
[…] »
[24] Quant aux limitations fonctionnelles, elles sont particulièrement sévères :
« Les limitations fonctionnelles sont en relation avec des séquelles de hernie discale à L4-L5 et L5-S1 avec atteinte motrice et sensitive et ankylose importante :
· Éviter tout effort physique en flexion antérieure du tronc
· Éviter toute manipulation dont le poids dépasse 3 kilos
· Éviter les mouvements répétitifs de flexion-extension ou de flexion-rotation à la colonne lombo-sacrée
· Éviter la marche pour des périodes dépassant 20 minutes à la fois
· Éviter la position debout stationnaire
· Éviter la position assise prolongée dépassant 30 minutes à la fois
· Éviter toute circulation dans les échelles et les échafaudages
· Éviter la circulation fréquente dans les escaliers
· Éviter les chocs répétitifs de type véhicules à suspension rigide, motoneige, VTT et Zodiac. »
[25] Le docteur Rouleau résume comme suit la condition actuelle et l’examen subjectif :
« Il décrit une douleur présente du matin au soir, surtout aux niveaux L4-L5 et L5-S1, s’irradiant dans les masses musculaires para-vertébrales du côté gauche et du côté droit, Il faut noter que, de 1994 à 2004, les douleurs étaient au niveau du membre inférieur droit de façon prioritaire alors que le côté gauche était normal et pouvait compenser en grand partie. De 2004 à 2009, il y a eu aggravation de la condition du côté gauche jusqu’à maintenant et la continuité des douleurs du côté droit. L’irradiation se fait vers la pointe des deux fesses, à l’occasion vers les crêtes iliaques et vers les deux membres inférieurs. Le trajet douloureux est la cuisse postérieure, au mollet et surtout à la semelle des deux pieds. Il décrit des engourdissements du côté droit, avec des zones d’hypoesthésie et d’hyperesthésie alors que, du côté gauche, il note une hypoesthésie du 1er orteil gauche.
La nuit, il se lève à environ quatre reprises parce que la douleur le réveille aux changements de posture. Il s’est équipé d’un lit électrique pour faciliter une posture de sommeil adéquate. Il se couche en général vers 21 heures et se lève une première fois vers minuit. Il fait quelques pas et se recouche. S’il ne s’endort pas, il s’assoie dans son fauteuil de massage où il s’endort. Il se réveille le matin vers 6 : 30 hrs à 7 : 00 hrs. Il est en général un peu mieux le matin et pire en fin de journée. Il a noté une influence barométrique évidente sur ses malaises, surtout par température humide. Lorsqu’il est en phase aigue, les efforts de toux et d’éternuement provoquent une réponse lombaire. L’effort de défécation est également douloureux lorsqu’il fait des efforts. Il décrit une sensation d’instabilité en position assise ou lorsqu’il force assis sur la toilette.
Il a cessé toute conduite automobile depuis deux (sic) et il fonctionne soit en taxi soit avec l’aide du Centre d’Action Bénévole.
Dans la maison, il vit seul et il reçoit l’aide d’une femme de ménage une fois par semaine pour l’aspirateur, le lavage des planchers, l’époussetage et le nettoyage de la salle de bains. Il a également un contracteur pour la neige en hiver et un contracteur pour l’entretien des fleurs en été. Il peut faire son épicerie avec aide. Il s’occupe de la préparation de ses repas et du lavage de vaisselle. Il fait le lavage et le séchage. Il évite autant que possible la position debout stationnaire. Sa capacité dans les escaliers est de sept marches pour circuler de la salle de bains jusqu’aux chambres, un demi-étage plus haut. La salle de bains se trouve en bas sur le plancher principal. Il peut faire de petites marches ne dépassant pas quinze à vingt minutes au maximum.
Sur le plan sportif, il aimait auparavant l’escalade et la marche en forêt qui ont été cessés depuis quelques années. Sa seule capacité actuelle est de faire de petites marches.
Ses loisirs sont la télévision, la musique, la lecture. »
[26] Le docteur Rouleau écrit plus loin que le travailleur reste avec des séquelles importantes sur le plan de la mobilité et avec des atteintes résiduelles sur le plan sensitif et moteur au niveau des membres inférieurs.
[27] Tel que le rapporte le docteur Rouleau, le travailleur prend une médication impressionnante :
«
· Neurotin 400 mg T.I.D.
· Neurotin 600 mg T.I.D.
· Norflex 100 mg B.I.D.
· Apo-amitriptyline 25 mg un co I.D.
· Apo-amitriptyline 50 mg 2 co HS
· Imovan 7.5 mg HS
· Zantax 150 mg B.I.D.
· Colace 100 mg 2 capsules I.D.
· Senokot 8.6 mg 2 co. I.D.
· Norvasc 5 mg I.D.
· Naprosyn E 500 mg B.I.D.
· Oxycontin 10 mg B.I.D. »
[28] Tel que constaté à la lecture du rapport du docteur Rouleau, le travailleur s’était déjà procuré un lit électrique au coût de 2 523,96 $ et un fauteuil de massage au coût de 2 249,00 $ au moment de l’examen en avril 2009.
[29] Le lit électrique avait été prescrit par son médecin de famille, le docteur Alain Gauvreau le 17 janvier 2008. Le travailleur explique dans son témoignage que le lit l’aide dans son positionnement; il peut ajuster la tête et le pied du lit et comme il dort du côté droit, le lit supporte mieux ses points d’appui. Le lit améliore son sommeil de 50 %. En effet, depuis l’acquisition du lit, il peut dormir trois à quatre heures par nuit.
[30] Il ne fait aucun doute dans l’esprit du tribunal que le lit électrique participe à la réadaptation sociale du travailleur en ce qu’il l’aide à surmonter les conséquences personnelles de sa lésion. Le lit vient compenser pour la perte de sommeil occasionnée par sa lésion. Une meilleure qualité de sommeil ne peut que bénéficier au travailleur.
[31] Le même raisonnement s’applique dans le cas du fauteuil de massage également prescrit par son médecin le 29 novembre 2007. Le travailleur affirmait au docteur Rouleau qu’il lui arrive de s’endormir jusqu’au matin dans son fauteuil alors qu’il ne trouvait plus le sommeil dans son lit. Durant son témoignage, le travailleur ajoutait qu’il utilise son fauteuil le jour également deux à trois fois pendant vingt minutes et sa douleur diminue de moitié. Le fauteuil lui permet de relaxer et de diminuer la douleur.
[32] Par conséquent, le fauteuil de massage aide le travailleur à surmonter les conséquences de sa lésion, en l’occurrence la perte de sommeil réparateur.
[33] Pour ce qui est des deux contrôles à distance pour des veilleuses situées au niveau du plancher du salon, le travailleur soumet que les contrôles lui évitent de se pencher et sont moins dispendieux que l’adaptation de son domicile à sa situation. Il aime aussi cette ambiance feutrée et apaisante que procure cet éclairage.
[34] La preuve démontre que les limitations fonctionnelles du travailleur ne l’empêchent pas de se pencher; il doit éviter par contre de le faire à répétition et éviter tout effort physique en flexion/extension du tronc. De l’avis du tribunal, il peut donc allumer ou éteindre les veilleuses sans danger pour sa santé et sa sécurité car ses limitations fonctionnelles sont respectées. Ces aides quoique utiles ne sont pas nécessaires pour surmonter les conséquences de sa lésion ou s’adapter à sa situation ou même redevenir autonome.
[35] Le tribunal applique sensiblement le même raisonnement pour le spa. Le travailleur affirme dans son témoignage qu’il utilise trente minutes par jour un spa gonflable sans jet et que cela lui procure une grande relaxation, ce qui de l’avis du tribunal, est tout à fait plausible. Cependant, il aurait été utile d’avoir l’opinion du médecin traitant ou de tout autre professionnel de la santé sur les bienfaits du spa qui permettent de surmonter les conséquences personnelles de la lésion. Le seul témoignage du travailleur ne suffit pas à convaincre le tribunal du bien-fondé de sa demande.
[36] Pour ce qui est du tapis roulant, le travailleur ne se l’est pas procuré. Il explique que la marche est la seule activité qui lui reste. Son objectif serait de marcher sur le tapis roulant quinze minutes en continue. Les conditions météo l’empêchent souvent de sortir de la maison afin d’éviter une chute et d’aggraver sa condition. Il soumet que cet équipement favoriserait son autonomie.
[37] L’équipement n’est pas prescrit par son médecin. Bien que non essentielle, l’opinion du médecin traitant ou de tout autre professionnel de la santé en la matière aurait été fort utile eu égard à ses limitations fonctionnelles très sévères qui limitent entre autres la marche à vingt minutes à la fois.
[38] Le tribunal invite le travailleur à mieux documenter sa demande, d’obtenir l’avis de son médecin ou d’un professionnel de la santé eu égard à ses limitations fonctionnelles. Il lui faut démontrer que l’appareil lui permettra de surmonter les conséquences de sa lésion et de s’adapter à sa nouvelle situation.
[39] En somme, le travailleur avait le fardeau de la preuve, il devait convaincre le tribunal du bien-fondé de sa demande. Il a réussi pour deux aides techniques, c’est-à-dire le lit électrique et le fauteuil de massage. Certes, les autres équipements sont ou seraient bénéfiques au travailleur à bien des points de vue; cependant, il n’a pas suffisamment démontré leur pertinence pour surmonter les conséquences de sa lésion ou s’adapter à sa nouvelle situation ou même redevenir autonome.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête du travailleur, monsieur Ghislain Tanguay;
INFIRME en partie, la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, rendue le 7 avril 2009, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement du coût d’achat du lit électrique, soit la somme de 2 523,96 $;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement du coût d’achat du fauteuil de massage, soit la somme de 2 249, 00 $;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût d’achat de deux contrôleurs à distance, d’un spa et d’un tapis roulant.
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Yvan Vigneault |
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Me Jean-Jacques Ouellet |
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Représentant de la partie intéressée |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.