Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

Le 30 décembre 2003

 

Région :

Abitibi-Témiscamingue

 

Dossiers :

163781-08-0106                  179425-08-0202

 

Dossier CSST :

109876060

 

Commissaire :

Me Marie Beaudoin

 

Membres :

Guy Lemoyne, associations d’employeurs

 

Michel Paquin, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Gary Presseault

 

Partie requérante

 

 

 

Et

 

 

 

Tembec inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

Et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 28 avril 2003, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision d’une décision rendue par cette instance le 11 mars 2003.

[2]                Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles entérine un accord conformément à l’article 429.46 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et accueille la requête de M. Gary Presseault, le travailleur. Le tribunal déclare que ce dernier a subi une rechute, récidive ou aggravation le 16 février 2001 en relation avec une lésion survenue le 9 septembre 1995 et reconnaît en conséquence son droit au remboursement des frais pour les traitements, qu’il s’agisse de traitements de physiothérapie ou de massothérapie.

[3]                La CSST et l’employeur, Tembec inc., sont présents et représentés à l’audience tenue à Rouyn-Noranda le 29 octobre 2003. Le travailleur est absent.

 

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]                La CSST demande la révision de la décision de la Commission des lésions professionnelles qui accorde le remboursement des frais pour les traitements de massothérapie. Elle plaide que la Commission des lésions professionnelles a commis une erreur de droit manifeste et déterminante en accordant le remboursement des frais de ces traitements car, ils ne font pas partie de l’assistance médicale à laquelle le travailleur a droit. La décision comporte donc un vice de fond de nature à l’invalider et elle doit être révisée.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d'employeurs recommandent d’accueillir la requête en révision.

[6]                Le droit accordé par la Commission des lésions professionnelles dans la décision qui entérine l’accord intervenu entre les parties n’est pas prévu par la loi ou par le Règlement sur l’assistance médicale[2] (le règlement).

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[7]                La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il existe une cause qui justifie la révision de la décision qu’elle a rendue le 11 mars 2003.

[8]                L’article 429.49 de la loi stipule qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel :

429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[9]                Par contre, la loi prévoit également à l’article 429.56 que la Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de réviser ou de révoquer une décision qu’elle a rendue pour un des motifs qu’elle y énonce :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:

 

1°   lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2°   lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3°   lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[10]           En l’espèce, la requête dont est saisie la Commission des lésions professionnelles s’appuie sur le troisième paragraphe de l’article 429.56 et allègue que la décision comporte un vice de fond de nature à l’invalider. La jurisprudence constante de la Commission des lésions professionnelles définit la notion de « vice de fond » comme une erreur manifeste de droit ou de faits ayant un effet déterminant sur le sort du litige.

[11]           Dans l’affaire Communauté urbaine de Montréal c. Kaussen, le juge Michel Gagnon [3] explique ce que constitue une erreur manifeste :

« Suivant une jurisprudence constante, il y a erreur manifeste lorsque la décision méconnaît une règle de droit, applique un faux principe, statue sans preuve, néglige un élément de preuve important ou adopte une méthode qui créé une injustice certaine. »

 

 

[12]           Rappelons brièvement les faits. Le travailleur est victime d’une lésion professionnelle le 9 septembre 1995. L’atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique qui en résulte est évaluée à 70,5 %. Entre juillet 2000 et septembre 2002, le travailleur s’adresse à la CSST afin de faire reconnaître que l’arthrose cervicale dont il souffre constitue une rechute, récidive ou aggravation de la lésion initiale et qu’en raison de cet état, il doit suivre des traitements de physiothérapie. Puis, il demande également qu’on lui rembourse l’achat d’un bain tourbillon et les traitements de massothérapie recommandés par son médecin.

[13]           La CSST refuse d’abord les demandes du travailleur et, elle maintient sa décision à la suite d’une révision administrative. La décision dont on demande la révision entérine un accord intervenu entre les parties le 24 février 2003 dans lequel les parties allèguent notamment :

« (...)

 

Les parties conviennent que l’arthrose cervicale dont souffre le travailleur découle de sa lésion initiale et qu’il a lieu de reconnaître la rechute, récidive ou aggravation du 16 février 2000 en relation avec l’événement initial.

 

Le travailleur ne peut recevoir de massothérapie d’un physiothérapeute car il n’y a pas de physiothérapeute qui donne ce service dans la région immédiate de Témiscaming.

 

Le travailleur reçoit les services d’un massothérapeute qui donne ses services à partir de son bureau de North Bay car il y a absence de physiothérapeute dans la région immédiate de Témiscaming.

 

Pour recevoir des massages d’un physiothérapeute, le travailleur devrait franchir de grandes distances, ce qui rendrait inefficaces les traitements du travailleur à cause de sa condition.

 

Les parties conviennent qu’il y a lieu de rembourser les frais de massothérapie qu’il reçoit dans la région immédiate de Témiscaming comme ceux qu’il reçoit à North Bay.

 

Le travailleur n’a pas droit à un remboursement pour l’achat d’un bain tourbillon. »

 

 

[14]           Suivant ces allégations, la Commission des lésions professionnelles rend une décision par laquelle elle déclare que le travailleur a droit au remboursement des frais des traitements de massothérapie prodigués par un massothérapeute. Cette conclusion fait l’objet de la requête en révision dont est saisie la Commission des lésions professionnelles.

[15]           La loi accorde à un travailleur victime d’une lésion professionnelle le droit à une assistance médicale. C’est ce que prévoit l’article 188 :

188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

 

[16]           Lors de l’adoption de cette loi en 1985, l’article 189 qui définit ce qu’est l’assistance médicale est libellé comme suit :

189.     L’assistance médicale comprend :

 

     1o    les services de professionnels de la santé;

     2o    les soins hospitaliers;

     3o    les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

     4o    les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur la protection de la santé publique (chapitre P-35), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l’assurance-maladie du Québec ou, s’il s’agit d’un fournisseur qui n’est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

     5o    les autres soins ou frais déterminés par la Commission.

 

 

[17]           La jurisprudence de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel), notamment dans l’affaire CSST et Pierre Gagné et CÉGEP de l’Outaouais[4] énonce qu’en utilisant le mot « comprend », le législateur n’a pas voulu restreindre la portée de l’expression « assistance médicale ». L’utilisation de ce terme traduit bien l’idée que cette disposition n’est alors qu’un énoncé illustratif et non exhaustif de ce que peut être l’assistance médicale.

[18]           Toutefois, en 1992[5], l’article 189 de la loi est modifié et depuis, il se lit comme suit :

189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit:

 

1°   les services de professionnels de la santé;

 

2°   les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3°   les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4°   les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5°   les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.

 

 

[19]           Depuis cette modification, la jurisprudence de la Commission d’appel et de la Commission des lésions professionnelles énonce qu’en précisant que l’assistance médicale « consiste en ce qui suit », le législateur a voulu limiter les prestations d’assistance médicale qui peuvent être accordées à un travailleur en raison de sa lésion professionnelle[6].

[20]           Ainsi, à la lecture des articles 188 et 189 de la loi, deux conditions doivent être satisfaites pour que le travailleur ait droit à l’assistance médicale. La première de ces conditions est qu’il ait été victime d’une lésion professionnelle, ce qui n’est pas contesté en l’espèce. La deuxième condition, c’est que même si le travailleur a été victime d’une lésion professionnelle, il n’a droit à l’assistance médicale requise par son état que dans la mesure prévue par l’article 189 de la loi et par les dispositions du règlement auxquelles le paragraphe 5 de l’article 189[7] renvoie.

[21]           L’article 2 de ce règlement énonce ce qui suit :

2.         Les soins, les traitements, les aides techniques et les frais prévus au présent règlement font partie de l’assistance médicale à laquelle peut avoir droit un travailleur, lorsque le requiert son état en raison d’une lésion professionnelle.

 

 

[22]           Au chapitre des soins et traitements, le règlement prévoit à l’article 6 :

6.                  La Commission assume le coût des soins et des traitements déterminés à l’annexe I, jusqu’à l’occurrence des montants qui y sont prévus, lorsqu’ils sont fournis personnellement par un intervenant de la santé auquel a été référé le travailleur par le médecin qui a charge de ce dernier.

 

(…)

 

[23]           La Commission des lésions professionnelles constate que les traitements de massothérapie ne sont pas énumérés à l’annexe I du règlement et qu’au surplus, le massothérapeute n’est pas un intervenant de la santé, notion qui est définie comme suit à l’article 1 du règlement :

1.         Dans le présent règlement, on entend par :

 

« intervenant de la santé » :  une personne physique, autre qu’un professionnel de la santé au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) inscrite au tableau d’un ordre professionnel régi par Le code des professions (L.R.Q., c. C-26) et oeuvrant dans le domaine de la santé, y compris un acupuncteur inscrit au registre des acupuncteurs tenu par le secrétaire de l’Ordre professionnel des médecins du Québec conformément au Règlement sur l’exercice de l’acupuncture par des personnes autres que des médecins (D. 1299-85 [M-9, r. 8.1]);

 

 

[24]           Il faut donc conclure que les traitements de massothérapie ne font pas partie de l’assistance médicale à laquelle le travailleur a droit. Or, la décision qui entérine l’accord intervenu entre les parties accorde à ce travailleur le droit à ces traitements. La décision comporte une erreur de droit manifeste et déterminante et doit être révisée.

[25]           La situation en l’espèce est identique à celle soumise à l’attention de la Commission des lésions professionnelles, dans l’affaire Larocque et Commission scolaire du Lac-Témiscamingue[8]. Après avoir conclu que les traitements de massothérapie ne font pas partie de l’assistance médicale à laquelle le travailleur peut avoir droit, la Commission des lésions professionnelles ajoute les commentaires suivants :

« D’ailleurs, la représentante de la travailleuse ne prétend pas que les traitements de massothérapie sont prévus à l’article 189 ou au règlement. Elle demande qu’une exception soit fait dans le cas de la travailleuse. Elle soutient qu’une telle exception se justifie par le fait que, dans la région du domicile de la travailleuse, aucun intervenant de la santé ne dispense des traitements de massothérapie.

 

La Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’ouvrir la porte à une telle exception serait aller à l’encontre de ce que permet l’article 189 et le Règlement sur l’assistance médicale. »

 

 

[26]           La Commission des lésions professionnelles partage ce point de vue.


PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête en révision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail;

RÉVISE la décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 11 mars 2003;

DÉCLARE que M. Gary Presseault n’a pas droit au remboursement des frais de traitement de massothérapie.

 

 

__________________________________

 

 

MARIE BEAUDOIN

 

Commissaire

 

 

 

 

M. Fernand Gagnon

S.C.E.P. (LOCAL 233)

            Représentant de la partie requérante

 

 

Me Jean McGuire

MCGUIRE, BOYER, DUSSAULT, AVOCATS

            Représentant de la partie intéressée

 

 

Me Anne Vézina

PANNETON LESSARD

            Représentante de la partie intervenante

 



[1]         L.R.Q., c. A-3.001.

[2]         c. A-3.001, r. 0.002.

[3]         [1987] R.J.Q., 2641 (C.P.).

[4]          C.A.L.P. 09394-07-8809, 92-02-12, R. Brassard.

[5]          L.R.Q., 1992, c. 11, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies          professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur l’assurance-maladie,            art. 8.

[6]         Marc Packwood et Dépanneur Packwood & Fils enr., 191381-64-0204, 02-07-26, L. Landriault.

[7]         Alain Deschênes et Robco inc. et CSST, 122443-73-9908, 00-10-25, C.-A. Ducharme.

[8]          C.L.P. 196762-08-0212, 03-11-06, M. Lamarre.

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