Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Yousif et Chaussures Rubino inc.

2012 QCCLP 7994

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Gatineau

13 décembre 2012

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

453014-71-1110-R

 

Dossier CSST :

137854337

 

Commissaire :

Marie Langlois, juge administrative

 

Membres :

Michel R. Giroux, associations d’employeurs

 

Bruno Lefebvre, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Farid Polus Yousif

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Les Chaussures Rubino inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 18 avril 2012, monsieur Farid Polus Yousif (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision à l’encontre de la décision rendue le 29 février 2012 par la Commission des lésions professionnelles.

[2]           Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette une requête du travailleur, confirme une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 6 septembre 2011 à la suite d’une révision administrative et déclare que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle le 4 février 2011.

[3]           L’audience de la présente cause est tenue à Montréal, le 18 octobre 2012, en présence du travailleur et de son représentant. Les Chaussures Rubino inc. (l’employeur) n’est pas représenté à l’audience. La cause est mise en délibéré le 18 octobre 2012.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]           Par sa requête, le travailleur demande la révision de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 29 février 2012, indiquant être en désaccord avec l’analyse et les conclusions.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que le travailleur n’a pas fait la preuve permettant de réviser la décision du 29 février 2012 de sorte qu’ils rejetteraient la requête en révision du travailleur.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[6]           Le présent tribunal doit déterminer s’il y a lieu de réviser la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 29 février 2012.

[7]           La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit le recours en révision ou en révocation à l’article 429.56 qui se lit ainsi :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[8]           Comme l’énonce la jurisprudence constante de la Commission des lésions professionnelles[2], le pouvoir de révision ou de révocation prévu à l’article 429.56 de la loi doit être considéré comme une procédure d’exception ayant une portée restreinte. Ainsi, la première décision rendue par la Commission des lésions professionnelles fait autorité et ce n’est qu’exceptionnellement qu’elle pourra être révisée[3]. Ce recours en révision ne peut constituer un appel déguisé compte tenu du caractère final d’une décision de la Commission des lésions professionnelles énoncé au troisième alinéa de l’article 429.49 de la loi :

429.49.  

 

[…]

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[9]           Ainsi, pour pouvoir bénéficier de la révision d’une décision de la Commission des lésions professionnelles, une partie doit démontrer, par une preuve prépondérante dont le fardeau lui incombe, l’un des motifs prévus par le législateur à l’article 429.56 de la loi, sans quoi, sa requête doit être rejetée.

[10]        En l’espèce, le représentant du travailleur invoque en premier lieu le fait qu’une lésion professionnelle a été reconnue par la CSST après le 29 février 2012. Deuxièmement, il invoque que la première juge administrative retient le contenu d’une déclaration de Madame Conny, faite à une agente de la CSST, à l’encontre du témoignage du travailleur, alors que ce dernier n’a pu la contre-interroger. Troisièmement, il soutient que la première juge administrative a conclu erronément que le travailleur aurait dû connaître la procédure lors d’accidents du travail; et quatrièmement, il plaide que puisque le travailleur a entendu un « clic » au moment de l’événement du 4 février 2011, la première juge administrative aurait dû en conclure qu’un accident du travail avait bien eu lieu à ce moment.

[11]        Eu égard au premier reproche, la soussignée a expliqué lors de l’audience qu’un fait dont l’existence et la connaissance sont postérieures à l’audience ne peut constituer un fait nouveau en application du premier alinéa de l’article 429.56. En effet, comme énoncé dans l’affaire Xie[4], la jurisprudence établit que trois critères doivent être rencontrés pour qu’un élément de preuve soit reconnu comme un « fait nouveau » au sens du premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi. Premièrement, la découverte de ce fait doit être postérieure à la décision; deuxièmement, ce fait doit avoir existé, mais il doit avoir été non disponible au moment de l’audition; et troisièmement, ce fait doit être déterminant sur le sort du litige[5]. La présence de ces trois éléments est nécessaire pour conclure qu’il y a un fait nouveau au sens de la disposition.

[12]        En l’espèce, selon le représentant du travailleur, la CSST aurait rendu une décision reconnaissant une lésion professionnelle, postérieurement à l’audience du 20 février 2012. Or, puisque l’existence de cette décision est postérieure à l’audience du 20 février 2012, ce fait ne constitue pas un fait nouveau en application des critères mentionnés. Ainsi, la soussignée rejette cet argument.

[13]        Quant à la question ayant trait à l’impossibilité pour le travailleur de contre-interroger Mme Conny, la soussignée constate que lors de la première audience, le travailleur avait en mains le même dossier que celui de la Commission des lésions professionnelles. La déclaration écrite en question se trouve à la page 1 du dossier. Il était représenté par procureur lors de la première audience. S’il avait voulu remettre en question la déclaration et interroger Mme Conny à ce sujet, il aurait pu l’assigner à témoigner, mais il ne l’a pas fait. Rappelons que le recours en révision n’est pas l’occasion pour permettre à une partie de bonifier sa preuve ou de peaufiner ses arguments[6]. Il ne s’agit pas non plus d’une occasion pour faire à postériori ce qui aurait pu être fait lors de l’audience initiale ou pour s’en plaindre. Cet argument est aussi rejeté.

[14]        Pour ce qui est du reproche en rapport à la connaissance présumée des procédures d’accidents du travail, il y a lieu de reproduire les paragraphes [37] et [38] de la décision :

[37] De plus, le travailleur, qui est gérant de magasin, affirme ne pas être au courant des procédures relatives aux accidents du travail auprès de la CSST, ce qui apparaît fort surprenant pour le tribunal, d’autant plus qu’il a huit employés sous sa charge.

 

[38] Également, bien qu’il y ait une politique de registres d’accidents du travail à sa compagnie, et bien qu’il affirme avoir avisé l’employeur et déclaré ce qui lui était arrivé en date du 4 février 2011, il n’y a pas eu de rapport d’accident. Il ne peut expliquer cela autrement que par « il faut le demander à Conny ».

 

 

[15]        Il ressort de ces paragraphes que la première juge administrative met en doute le témoignage du travailleur eu égard aux procédures relatives aux accidents de travail. Rappelons que l’évaluation de la crédibilité d’un témoignage et la valeur probante d’éléments de preuve appartiennent en propre au juge administratif chargé de l’affaire. Certes le travailleur est en désaccord avec l’évaluation qui est faite, mais cela ne peut pas conduire à la révision ou à la révocation d’une décision puisqu’il est de l’essence même de la fonction de juge administratif de départager les éléments de preuve. Le recours en révision ou en révocation n’est pas une occasion pour permettre à une partie de refaire sa preuve ou ses arguments ou de contrecarrer leurs faiblesses.

[16]        Quant à l’argument voulant que le « clic » entendu par le travailleur le 4 février 2011 constitue un élément percutant entraînant automatiquement la reconnaissance d’un accident du travail, il ne peut non plus être retenu. La première juge administrative analysant la preuve à la lumière des dispositions de la loi, conclut que l’ensemble de la preuve ne permet pas de soutenir une telle conclusion. Elle cite la définition d’accident du travail énoncée par le législateur, à savoir :

[25]  (…) un « accident du travail » sont ainsi définis dans la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

(…)

« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[17]        La première juge administrative considère qu’il n’y a pas d’événement imprévu et soudain puisque le travailleur faisait les mêmes mouvements au moins une ou deux fois par semaine. Elle ajoute, comme précisé plus haut, qu’elle doute de la crédibilité du témoignage du travailleur « surtout en ce qui a trait au délai de déclaration à l’employeur » et également au fait qu’aucun rapport d’accident du travail n’ait été fait de façon contemporaine à l’événement allégué. Elle conclut ainsi :

[39]      Tout cela fait en sorte que la preuve prépondérante au dossier ne milite pas en faveur d’une lésion professionnelle sous forme d’un accident du travail, qui aurait eu lieu le 4 février 2011.

 

 

[18]        L’analyse et la conclusion de la première juge administrative constituent une des avenues possibles dans l’étude du dossier qui lui était soumis. Encore là, la soussignée ne peut déceler quelque erreur manifeste de droit ou de faits qui constituerait un vice de fond de nature à invalider la décision du 29 février 2012.

[19]        Certes, le travailleur est en désaccord avec la décision de la première juge administrative, mais le recours en révision ou en révocation ne constitue pas un appel et il ne permet pas au présent tribunal d’intervenir dans le cas à l’étude. La première décision doit donc être maintenue.

[20]        Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles conclut au rejet de la requête du travailleur.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Farid Polus Yousif, le travailleur.

 

 

 

 

 

Marie Langlois

 

 

 

 

Me Robert Armand Tobgi

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Franco Amato

Représentant de la partie intéressée

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Voir entre autres Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 .

[3]           Louis-Seize et CLSC-CHSLD de la Petite-Nation, C.L.P. 214190-07-0308, 20 décembre 2005, L. Nadeau, (05LP-220).

[4]          Xie et Vêtements Peerless inc., 2012 QCCLP 1556 .

[5]           Voir notamment Cormier c. Commission des lésions professionnelles, [2008] C.L.P. 1613 (C.S.).

[6]           Bossé et Mirinox, C.L.P. 352202-31-0806, 6 novembre 2009, C. Racine, (09LP-158).

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