Harvey et AbitibiBowater (Scierie des Outardes) |
2012 QCCLP 7018 |
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Dossier 454153-09-1111
[1] Le 10 novembre 2011, monsieur Régis Harvey (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 28 septembre 2011 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme dans un premier temps celle qu’elle a initialement rendue le 24 août 2011 faisant suite à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale du 4 août 2011 portant sur les volets liés à la date de consolidation, à l’atteinte permanente ainsi qu’aux limitations fonctionnelles. Se déclarant liée, elle détermine que la lésion du travailleur était consolidée le 15 novembre 2010 et que la CSST était justifiée de poursuivre le versement des indemnités de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se soit prononcée sur la capacité du travailleur à exercer son emploi étant donné que sa lésion est consolidée avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles en lien avec la colonne cervicale et la colonne lombaire.
[3] Elle confirme en outre la décision rendue initialement le 29 août 2011 relativement au pourcentage d’atteinte permanente évalué à 4,65 % et donnant droit à une indemnité pour préjudice corporel de 2900,48 $ plus intérêts, dont une somme de 945 $ pour une indemnité minimale aurait déjà été versée, représentant ainsi un montant de 2641,62 $.
Dossier 458424-09-1112 |
[4] Le 30 décembre 2011, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 30 novembre 2011 à la suite d’une révision administrative.
[5] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 30 septembre 2011. Elle déclare que les frais reliés aux travaux d’entretien courant du domicile du travailleur, à savoir les travaux suivants : le déneigement, la tonte du gazon, le grand ménage, le ratissage, la taille des arbustes, l’installation et le retrait des protections hivernales pour les arbustes, le bois de chauffage, les travaux de peinture intérieure et du patio, ne sont pas remboursables.
[6] Le travailleur est présent et représenté à l’audience tenue à Baie-Comeau le 10 septembre 2012. Le représentant de l’employeur a informé le tribunal de son absence à l’audience. Le procureur de la CSST qui était intervenu dans le dossier portant le numéro 458424 a également avisé le tribunal de son absence à l’audience. Les dossiers ont été mis en délibéré le même jour.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier 454153-09-1111
[7]
Le travailleur ne remet pas en cause les volets de la décision liés à la
date de consolidation et à l’atteinte permanente retenus par la CSST à la suite de l’évaluation médicale réalisée le 14 juillet 2011 par le docteur Karl
Fournier, membre du Bureau
d’évaluation médicale. Toutefois, il demande à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) de retenir les limitations
fonctionnelles énumérées par le docteur Michel Giguère, orthopédiste, dans son
évaluation médicale du 30 avril 2012. Ainsi, seules les limitations
fonctionnelles reconnues par la CSST sont en litige.
Dossier 458424-09-1112 |
[8] Le travailleur demande au tribunal de lui reconnaître le droit au remboursement des frais d’entretien courant de son domicile, soit ceux qu’il a engagés pour le déneigement, la peinture intérieure et extérieure (patio) de son domicile, le grand ménage, le ratissage et l’entretien quotidien de l’écurie dont il est propriétaire.
LES FAITS
[9] Le travailleur, actuellement âgé de 54 ans, occupe un poste d’opérateur de camion pour l’employeur au moment où il est victime d’un accident du travail le 4 mars 2009. Il précise ce qui suit dans sa réclamation déposée auprès de la CSST : « En montant travaillé sur le chemin Manic 5 la chaussée était glacée, dans le détour lorsque j’ai pris le détour, j’ai perdu le contrôle du camion et j’ai renversé sur le côté du chemin » [sic]
[10] Le même jour, il consulte le docteur Robert Grenier qui note dans le formulaire d’attestation médicale de la CSST que le travailleur a subi un accident de camion. Il retient un « Wiplash » cervical et un trauma crânien léger et recommande un arrêt de travail pour 48 heures.
[11] Le 7 mars 2009, le travailleur est examiné par la docteure Isabelle Samson, laquelle diagnostique une commotion cérébrale, des acouphènes sévères secondaires à une fatigue et des céphalées. Elle recommande la poursuite de l’arrêt de travail jusqu’au 14 mars inclusivement.
[12] Le 14 mars 2009, le travailleur consulte le docteur Yan Morin qui retient alors un diagnostic de status post-commotion cérébrale avec céphalées persistantes et fatigue ainsi qu’une entorse cervicodorsale et lombaire. Il lui prescrit de la médication et prolonge l’arrêt de travail. Il recommande aussi un suivi avec son médecin de famille.
[13] Le 16 mars 2009, le travailleur consulte son médecin, le docteur Rémi Mercier, qui maintient un diagnostic de status post-TCC (traumatisme crânio-cérébral) avec céphalées persistantes et fatigue et il note des acouphènes. Il maintient aussi un diagnostic d’entorse cervicodorsolombaire. Il recommande la poursuite de l’arrêt de travail et le dirige vers la clinique de TCC de Chicoutimi.
[14] Lors du suivi médical subséquent, les diagnostics de TCC avec céphalées, acouphènes et entorse cervicodorsale seront maintenus.
[15] Le travailleur sera dirigé en neurologie et en psychiatrie par la CSST.
[16] Ainsi, la CSST reconnaîtra des diagnostics d’entorse cervicodorsolombaire avec TCC léger et ultérieurement celui de trouble d’adaptation.
[17] Le 5 juin 2009, le travailleur passe une résonance magnétique. L’examen révèle au niveau du segment cervical de légers phénomènes de spondylodiscarthrose touchant C4-C5, C5-C6, C6-C7, sans hernie discale. Quant au segment dorsal, celui-ci est sans particularité alors qu’on observe au niveau du segment lombosacré un léger phénomène de spondylodiscarthrose multiétagée touchant L1-L2 à L4-L5. À L3-L4, il existe une petite hernie foraminale gauche qui vient en léger contact avec la racine sortante L3 gauche, sans signe de compression franche. Au niveau L4-L5, on note également une petite déchirure radiaire en situation foraminale gauche, également sans hernie ni signe de compression à ce niveau. Les autres disques sont dans les limites de la normale.
[18] Le 21 octobre 2009, le travailleur est examiné par le docteur Pierre Mercier, orthopédiste, à la demande de la CSST. Son mandat consiste à émettre son opinion quant aux volets liés au diagnostic, à la date de consolidation, à la nature des soins et/ou traitements ainsi qu’à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles. Son examen clinique révèle une douleur au niveau de l’apophyse épineuse de C6 et de C7 de même qu’à l’espace inter-épineux de C6-C7. Il observe un spasme paravertébral du côté gauche avec une douleur bien localisée à la palpation de cette région. Au niveau dorsolombaire, il n’y a pas de difformité apparente à l’inspection visuelle, mais la palpation reproduit une douleur aux apophyses épineuses de D11, D12 et L1. Il y a également une douleur à la palpation des espaces inter-épineux correspondant entre D11-D12 et D12-L1. Il n’y a pas de spasme paravertébral. Il retient une flexion antérieure à 80 degrés, une extension à 30 degrés et des inclinaisons latérales à 30 degrés. Les rotations sont à 70 degrés. Au niveau dorsolombaire, il observe une flexion antérieure à 80 degrés, une extension à 30 degrés et des inclinaisons latérales à 20 degrés à droite comme à gauche. Les rotations sont à 30 degrés à droite et à gauche également.
[19] Il est d’avis qu’il y a lieu de retenir du point de vue orthopédique des diagnostics d’entorse cervicale et d’entorse dorsolombaire qui ne sont pas consolidés en date de son examen. Il recommande la poursuite des traitements de physiothérapie et estime qu’il est trop tôt pour se prononcer sur l’atteinte permanente. Il émet toutefois de façon temporaire les limitations fonctionnelles suivantes :
Monsieur Harvey ne pourra :
- effectuer de tâche où il ait à effectuer des mouvements répétitifs de flexion, d’extension ou de rotation droite ou gauche de la colonne cervicale,
- effectuer de tâche où il ait à effectuer des mouvements répétitifs de flexion, d’extension ou d’inclinaison latérale du tronc.
- effectuer de tâche où il ait à demeurer en station assise ou debout plus de 30 minutes d’affilée.
- effectuer de tâche où il ait à soulever des charges de plus de 5 kilogrammes.
Ces limitations fonctionnelles sont temporaires et d’une durée indéterminée.
[sic]
[20] Le 26 février 2010, dans un rapport complémentaire, le docteur Serge Bernard Bergeron se dit en accord avec les diagnostics émis par le docteur Mercier. Quant à la hernie discale L3-L4 visualisée à la résonance magnétique, il précise qu’il avait déjà indiqué que cette hernie discale n’avait pas de concordance clinique et n’était pas chirurgicale.
[21] Le 15 novembre 2010, le travailleur est examiné par la docteure Guylaine Proteau, psychiatre, à la demande de la CSST. Après examen, cette dernière est d’avis qu’il y a lieu de retenir sous l’axe 1 un diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur anxieuse de type chronique. Elle mentionne également que la condition psychologique du travailleur est stable et a été traitée adéquatement. Ainsi, elle la consolide le 15 novembre 2010, soit à la date de son examen. Elle retient un déficit anatomophysiologique de 5 % sous le code 222547 (névrose groupe1-mineur) sans émettre de limitation fonctionnelle psychiatrique.
[22] Le même jour, le travailleur est examiné par le docteur Jean-François Fradet, orthopédiste, à la demande de la CSST relativement aux volets liés aux soins et/ou traitements, à la date de consolidation ainsi qu’à l’atteinte permanente à son intégrité physique et aux limitations fonctionnelles. Il conclut que du point de vue musculo-squelettique, l’examen s’est révélé dans les limites de la normale au niveau de la région dorsolombosacrée, mais au niveau cervical, il observe une ankylose résiduelle. Il est d’avis que le traitement a été complet et adéquat et qu’il n’y a pas d’indication de traitement supplémentaire pour les lésions évaluées. Il consolide la lésion du travailleur le 15 novembre 2010 sans nécessité de soins ou de traitements supplémentaires. Il retient également un déficit anatomophysiologique de 2 % pour séquelles objectivées post-entorse cervicale sous le code 203513. Selon lui, il n’y a pas lieu d’attribuer de déficit anatomophysiologique pour la région dorsolombaire ni aucune limitation fonctionnelle. Par contre, au niveau cervical, il émet celles-ci :
[…] monsieur ne devrait pas de façon répétitive ou fréquente faire des mouvements de grande amplitude au niveau de la région cervicale ni de façon fréquente ou répétitive lever, pousser ou tirer des charges de plus de 15 kilos ni travailler en position accroupie ni ramper ou grimper ou rouler sur du matériel sans suspension ni recevoir des contrecoups au niveau de la colonne cervicale.
[23] Le 8 décembre 2010, le docteur Yves Duchastel, neurologue, examine le travailleur à la demande de la CSST. À la suite de son examen, il est d’avis qu’il y a lieu de reconnaître un diagnostic de TCC léger, lésion qui est consolidée à la date de son examen, soit le 8 décembre 2010, Sous le code 211283, il retient un déficit anatomophysiologique de 1 % sans nécessité de traitements supplémentaires. Il est d’avis qu’il n’y a pas de limitations fonctionnelles à émettre du point de vue neurologique.
[24] Le 27 janvier 2011, dans un rapport complémentaire, le docteur Mercier exprime son désaccord avec les conclusions émises par la docteure Proteau en ce qui a trait à la date de consolidation. Il ajoute que le patient n’est pas fonctionnel cliniquement et à cet effet, il s’en remet à la note du docteur Denis Rochette, psychiatre, qui assure le suivi du patient.
[25] Entre-temps, le travailleur continue également d’être suivi par la psychologue Josée Trottier qui émet régulièrement des rapports.
[26] La CSST décide de diriger le dossier du travailleur au Bureau d’évaluation médicale dans les trois spécialités, soit en psychiatrie, en orthopédie et en neurologie.
[27] Le 28 mars 2011, le travailleur est examiné par le docteur Richard Laliberté, psychiatre, en sa qualité de membre du Bureau d’évaluation médicale. Il est d’avis après examen que la lésion du travailleur n’est toujours pas consolidée et qu’il y a lieu de continuer le suivi en psychiatrie ainsi que la psychothérapie déjà en cours en plus de poursuivre la prise de médication. Comme la lésion n’est toujours pas consolidée, il ne peut se prononcer sur l’atteinte permanente ni sur les limitations fonctionnelles.
[28] Le 6 juin 2011, le docteur Louis Verret, neurologue, examine le travailleur en sa qualité de membre du Bureau d’évaluation médicale. D’un point de vue neurologique et tenant compte du diagnostic à retenir, soit un TCC, il considère que la lésion du travailleur est consolidée le 8 décembre 2010 et ne suggère aucun traitement supplémentaire. Il accorde un déficit anatomophysiologique de 1 % sous le code 211283 et il est d’avis qu’il n’y a pas lieu d’accorder de limitations fonctionnelles.
[29] Le 4 juillet 2011, le travailleur est examiné par le docteur Karl Fournier, orthopédiste, en sa qualité de membre du Bureau d’évaluation médicale. Son examen clinique physique révèle des pertes d’amplitudes au niveau du rachis dorsolombaire, soit une flexion antérieure à 80 degrés et une extension évaluée à 25 degrés. Quant à la colonne cervicale, il observe une flexion antérieure à 30 degrés ainsi que des flexions latérales droites et gauches évaluées à 20 degrés. Lors des rotations, il retient 40 degrés à droite ainsi qu’à gauche. Il n’observe par ailleurs aucun spasme. Il suggère de consolider la lésion en date de l’examen du docteur Fradet, soit le 15 novembre 2010, étant donné qu’à la lecture du dossier, l’évolution de la lésion semble plafonner depuis fort longtemps. Il émet par ailleurs un déficit anatomophysiologique de 2 % pour une entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles objectivées sous le code 203513 ainsi qu’un pourcentage de 2 % pour une entorse dorsolombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées sous le code 204004. Il énumère les limitations fonctionnelles suivantes relativement à la colonne lombaire et cervicale, soit :
Colonne lombaire : Classe 1 : restrictions légères
Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :
Ø soulever, porter pousser, tirer des charges de plus de 15 à 25 kg;
Ø travailler en position accroupie;
Ø ramper, grimper;
Ø effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire;
Ø subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (ex : provoquées par du matériel roulant sans suspension).
Colonne cervicale : Classe 1 : restrictions légères
Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :
Ø soulever, porter pousser, tirer des charges supérieures à environ 25 kg;
Ø ramper,
Ø effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale;
Ø subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (ex : provoquées par du matériel roulant sans suspension).
[30] Le 24 août 2011, la CSST rend une décision faisant suite à l’avis rendu le 4 août 2011 par le docteur Fournier, membre du Bureau d’évaluation médicale. Se déclarant liée par cet avis, elle détermine que la lésion du travailleur a entraîné une atteinte permanente pour laquelle il a droit à une indemnité pour dommages corporels. Elle confirme qu’une décision suivra en ce sens. Étant donné que la lésion est consolidée avec des limitations fonctionnelles, elle conclut au droit du travailleur de recevoir des indemnités de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se soit prononcée sur sa capacité à exercer son emploi.
[31] Le 29 août 2011, la CSST rend une nouvelle décision relative au pourcentage d’atteinte permanente attribué au travailleur. Elle retient ainsi une atteinte de 4,65 % lui donnant droit à une indemnité de 2900,48 $ plus intérêts dont une indemnité de 945 $ qui lui a déjà été versée, ce qui correspond à un montant de 2641,62 $.
[32] Le 8 septembre 2011, le travailleur conteste les décisions rendues par la CSST les 24 et 29 août 2011, lesquelles seront maintenues à la suite d’une révision administrative le 28 septembre 2011, d’où le litige dans le dossier portant le numéro 454153.
[33]
Le 30 septembre 2011, en réponse aux demandes formulées par le
travailleur, la CSST rend une décision relativement au paiement de frais de
réadaptation en regard des travaux d’entretien suivants, soit le déneigement,
la tonte du gazon, le grand ménage, le ratissage, la taille et le retrait des
protections hivernales pour les arbustes, le bois de chauffage ainsi que les
travaux de peinture intérieure et du patio. Elle détermine après
analyse que les demandes telles qu’elles sont formulées ne sont pas requises
dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation. Ainsi, le coût des
travaux énumérés ne sera pas remboursé au travailleur.
[34] Cette décision sera contestée le 31 octobre 2011 par le travailleur et maintenue à la suite d’une révision administrative le 30 novembre 2011, d’où le litige dans le dossier portant le numéro 458424.
[35] Dans sa grille d’évaluation et d’analyse des besoins d’aide pour les travaux d’entretien courant du domicile, la conseillère en réadaptation au dossier note plus particulièrement ce qui suit lors de son étude :
Le t est propriétaire d’une maison unifamiliale qui comporte 2 étages et sur lequel un garage est annexé. Au sous-sol, on retrouve uniquement une chambre et au premier plancher on retrouve salon, une cuisine, 2 chambres à coucher et une salle de bain. Il n’a jamais fait son déneigement lui-même et il fait sa tonte de gazon avec son tracteur puisqu’il a un grand terrain (grange avec un cheval). Il a quelques petits arbustes qu’il peut tailler et habriller lui-même. Il se chauffe au bois, mais qui est considéré comme auxiliaires selon ses assurances. Il a toujours fait le grand ménage avec sa conjointe (faisait les travaux tels que lavage des murs, plafond plancher, vitres). Enfin, il a toujours fait sa peinture intérieure de même que son patio. [sic]
[36] Après avoir évalué les limitations fonctionnelles émises par le docteur Fournier, elle considère que le remboursement des frais pour le déneigement ne peut être autorisé puisque le travailleur n’effectuait pas cette tâche au moment de sa lésion. Elle mentionne ce qui suit pour l’entretien de son terrain :
Le t. fait actuellement la tâche avec son tracteur. Il est bien spécifié dans ses limitations fonctionnelles qu’il doit éviter de faire la tâche de façon répétitive ou fréquente. Il a donc adapté cette tâche en la répartissant sur plusieurs jours. Cette activité est donc refusée. Concernant le ratissage, bien que pour le tronc les exigences physiques soient élevées, la limite à la charge est respectée; il n’y a pas de position accroupie ni à ramper et à grimper; les amplitudes des amplitudes ne sont pas extrêmes tant au niveau lombaire que cervical et nous n’observons pas de vibrations ni de contrecoups. Le ratissage est donc refusé. [sic]
[37] En ce qui a trait à l’activité reliée à la peinture, elle indique :
Bien que l’exigence physique de la tâche soit élevée pour la colonne cervicale et lombaire et que les amplitudes de mouvements soient extrêmes, il est question ici d’éviter et non de ne pas faire. Donc tout comme le t. le fait pour sa tonte de gazon, il peut répartir la tâche sur plusieurs jours. Les travaux de peinture ne sont donc pas autorisables.
[38] Quant au grand ménage, elle mentionne ce qui suit :
Même si certains travaux lourds tels pouvaient ne pas respecter les limitations aux charges (le déplacement des meubles), aux amplitudes de mouvement (pour le lavage des murs et des plafonds) le t. peut adapter la tâche en la répartissant sur quelques jours puisqu’il s’agit bien ici d’éviter certains mouvements et non de ne pas les faire. Cette activité n’est donc pas autorisable. [sic]
[39] Pour la taille des arbres et des arbustes de même que pour l’installation et le retrait des protections hivernales, elle considère que le travailleur faisait déjà ces tâches et pour cette raison, elle n’entend pas les autoriser tout comme pour le bois de chauffage puisqu’il ne s’agit pas du chauffage principal.
[40] Le 30 avril 2012, le travailleur est examiné par le docteur Michel Giguère, orthopédiste, à la demande de son représentant. On lui demande d’évaluer la condition du travailleur à la date de son examen, le tout comparativement avec l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale du mois d’août 2011, et ce, en fonction des diagnostics reconnus. Également, il doit se prononcer sur la suffisance et/ou la nécessité des traitements ou de l’investigation médicale en date de son évaluation et préciser s’il y a une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles en relation avec l’événement du 4 mars 2009. Par ailleurs, on lui demande son avis relativement à la capacité du travailleur à effectuer lui-même les différents travaux d’entretien réclamés.
[41] Le docteur Giguère observe des pertes d’amplitude tant au niveau cervical qu’au niveau dorsolombaire lors de son examen, soit une flexion antérieure de la colonne cervicale qu’il évalue à 25 degrés, des flexions latérales droites et gauches évaluées à 20 degrés et des rotations droites et gauches mesurées à 30 degrés de part et d’autre. Au niveau du bilan articulaire de la colonne dorsolombaire, il retient une flexion antérieure à 65 degrés ainsi qu’une extension à 15 degrés. La flexion latérale à droite est mesurée à 15 degrés tandis qu’à gauche, il retient 20 degrés. Les rotations droites et gauches sont également mesurées à 20 degrés. Comparativement à l’examen du docteur Fournier, il note une détérioration objective aux niveaux cervical et lombaire vu les pertes d’amplitudes légèrement diminuées en flexion. Ces pertes ou diminutions d’amplitudes s’expliquent selon lui par l’enraidissement relié avec les douleurs chroniques en plus d’un déconditionnement au niveau de la musculature cervicodorsale.
[42] Il est d’avis que le travailleur demeure avec des douleurs chroniques et qu’il n’y a pas lieu de suggérer des traitements supplémentaires. ll retient un déficit anatomophysiologique de 2 % au niveau de la colonne cervicale ainsi que 2 % au niveau de la colonne dorsolombaire. Quant aux limitations fonctionnelles, il les décrit comme suit :
LIMITATIONS FONCTIONNELLES :
Pour la colonne cervicale, monsieur doit éviter les activités qui impliquent de :
Ø soulever, porter pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant environ 15 kilos ;
Ø effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale, même de faible amplitude ;
Ø maintenir la colonne cervicale en position fixe plus de 30 à 60 minutes, même en position neutre ;
Ø subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale ;
Ø ramper.
Ces limitations sont recommandées pour une durée permanente.
Pour la colonne dorsolombaire, monsieur doit éviter les activités qui impliquent de :
Ø soulever, porter pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 15 kilos ;
Ø effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire, même de faible amplitude ;
Ø monter fréquemment plusieurs escaliers ;
Ø marcher en terrain accidenté ou glissant ;
Ø ramper, grimper ;
Ø travailler en position accroupie ;
Ø subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale.
[43] En ce qui a trait à la capacité du travailleur à effectuer lui-même les différents travaux d’entretien mentionnés dans son dossier, il est d’avis que :
[…] monsieur n’a pas la capacité d’effectuer lui-même les travaux de déneigement, grand-ménage, ratissage, taille des arbustes, installation et retrait des protections hivernales pour les arbustes, bois de chauffage, tonte de gazon, travaux de peinture intérieure de même que du patio. [sic]
[44] Le 8 juin 2012, dans un rapport final, le docteur Bergeron précise qu’il s’en remet à l’évaluation médicale du docteur Jobidon, psychiatre, qui avait déjà consolidé la lésion psychologique du travailleur le 22 février 2012.
[45] Le 3 août 2012, le docteur Mercier, médecin traitant du travailleur, se dit en accord avec les conclusions émises par le docteur Giguère à la suite de son évaluation du 30 avril 2012 en ce qui a trait au volet orthopédique. Il considère que les limitations fonctionnelles retenues par le docteur Giguère reflètent la réalité du patient.
[46] Le travailleur est venu témoigner à l’audience. Il fait état des problématiques qui persistent depuis son accident de camion survenu le 4 mars 2009. Il mentionne plus particulièrement qu’il a des maux de tête et des étourdissements, qu’il a toujours mal au cou et qu’il ressent une fatigue et un manque de force dès qu’il fait des efforts. Il ajoute qu’il ne peut plus faire ses activités ou ses travaux comme auparavant et s’il décide de travailler et qu’il dépasse sa capacité physique, il peut perdre conscience. Il indique qu’il a toujours besoin d’aide afin d’accomplir les activités de la vie quotidienne. Il doit également faire des siestes régulièrement dans la journée.
[47] Par ailleurs, en ce qui a trait aux tâches domestiques, il mentionne qu’avant son accident, il effectuait tous les travaux de peinture à sa résidence, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur, dont le patio extérieur. Il ajoute également qu’il n’est plus capable de faire le ratissage et demande à des jeunes d’effectuer cette tâche à l’automne et au printemps de chaque année. Il a d’ailleurs déjà engagé des frais à cet égard. Quant au grand ménage, il se dit aussi inapte à effectuer cette tâche qu’il a toujours réalisée avant son accident de travail dans le but d’aider sa conjointe.
[48] Pour le déneigement, il précise qu’il effectuait cette tâche avant son accident de travail. Par contre, depuis l’accident, il a décidé d’acheter un tracteur et a demandé à son beau-frère de faire le déneigement de son entrée principale. Ce dernier effectue le déneigement à l’aide du tracteur prêté par le travailleur. De plus, son beau-frère utilise le même tracteur pour faire son propre déneigement et le fait également pour deux voisines. Il ajoute qu’en ce qui a trait au pelletage pour déneiger les accès de sa résidence, c’est lui qui effectuait cette tâche avant l’accident et qu’il en est incapable maintenant.
[49] Enfin, il demande que lui soient aussi remboursés les frais reliés à l’entretien quotidien de son écurie puisqu’il n’est plus en mesure de s’occuper de ses chevaux. Il doit demander à d’autres personnes d’effectuer cette tâche depuis son accident.
[50] Le travailleur dit avoir engagé des frais pour l’ensemble des travaux demandés, soit le déneigement, le grand ménage, la peinture intérieure et extérieure, le ratissage ainsi que l’entretien de son écurie. Vu son incapacité physique et ses étourdissements fréquents, il n’est plus en mesure d’effectuer l’ensemble de ses travaux et demande en conséquence d’être remboursé des coûts qu’il doit maintenant encourir.
L’AVIS DES MEMBRES
[51] Conformément à l’article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), la soussignée a demandé et obtenu l’avis des membres qui ont siégé avec elle sur la question faisant l’objet de la contestation ainsi que sur les motifs de cet avis.
Dossier 454153-09-1111
[52] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis d’accueillir la requête du travailleur. Ils estiment qu’il y a lieu de retenir les limitations fonctionnelles telles qu’elles ont été émises par le docteur Giguère lors de son évaluation médicale du 30 avril 2012. Ils considèrent que ces limitations fonctionnelles ont été objectivées et qu’elles correspondent beaucoup plus à la condition réelle du travailleur.
Dossier 458424-09-1112
[53] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales considèrent qu’il y a lieu d’accueillir en partie la requête du travailleur. Ils estiment que les frais reliés aux travaux d’entretien courant de son domicile concernant la peinture intérieure et extérieure (patio), le déneigement qu’il a à effectuer à l’aide d’une pelle ainsi que le ratissage sont remboursables. Ils considèrent que tous les critères prévus à l’article 165 de la loi sont rencontrés quant à ces travaux d’entretien. Il en va cependant autrement des frais reliés aux travaux de déneigement de l’entrée (avec tracteur), le grand ménage et l’entretien de son écurie. En effet, ils considèrent que les coûts encourus pour ces travaux ne sont pas remboursables.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Dossier 454153-09-1111
[54] Le travailleur prétend que les limitations fonctionnelles résultant de sa lésion professionnelle sont celles qui ont été émises par le docteur Giguère et demande en conséquence au tribunal de les reconnaître.
[55] Rappelons que le docteur Mercier qui évalue le travailleur à la demande de la CSST en 2009 retient des limitations fonctionnelles temporaires, mais ce, tant au niveau de la colonne cervicale qu’au niveau lombaire. Quant au docteur Fradet, bien qu’il octroie une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, celles-ci ne sont émises qu’en relation avec la colonne cervicale du travailleur. Par ailleurs, le docteur Fournier, membre du Bureau d’évaluation médicale, est d’avis que le travailleur est porteur de séquelles fonctionnelles considérant les pertes d’amplitudes objectivées, et ce, autant au niveau de la colonne cervicale qu’au niveau de la colonne lombaire. Il estime qu’il y a lieu au surplus d’accorder des limitations fonctionnelles pour la colonne cervicale et la colonne lombaire.
[56] D’entrée de jeu, le tribunal estime qu’il ne peut adhérer aux conclusions émises par le docteur Fradet et dans les circonstances, écarte son opinion médicale. En effet, de l’avis de la soussignée, il appert clairement de la preuve au dossier que le travailleur est affecté de séquelles fonctionnelles lui donnant droit à une atteinte permanente avec séquelles objectivées, tant pour une entorse au niveau cervical qu’au niveau dorsolombaire, et qu’il en découle des limitations fonctionnelles suite aux examens effectués.
[57] Or, qu’en est-il des limitations fonctionnelles à retenir dans le présent dossier?
[58] La loi ne définit pas ce qu'est une limitation fonctionnelle. Cependant, la jurisprudence a déjà interprété cette notion, et ce, notamment dans l'affaire Richard et Fabspec inc.[2] dans laquelle on s’exprimait comme suit :
« La limitation fonctionnelle se traduit plutôt par une restriction ou une réduction de la capacité physique du travailleur à accomplir normalement une activité quotidienne de nature personnelle ou professionnelle en raison de la lésion professionnelle ».
[59] Plus spécifiquement, la limitation fonctionnelle réfère à une limitation d’une fonction comme se pencher, marcher ou effectuer des mouvements articulaires considérés comme normaux[3].
[60] Il appartient donc au travailleur de démontrer par une preuve médicale prépondérante qu’il conserve de sa lésion professionnelle des limitations fonctionnelles en corrélation avec des signes cliniques objectifs. À cet effet, la preuve médicale prépondérante démontre dans un premier temps que le travailleur garde de sa lésion professionnelle des limitations fonctionnelles, tant pour sa colonne cervicale que pour sa colonne lombaire. En effet, il est noté par l’ensemble des examinateurs au dossier des raideurs et des diminutions d’amplitudes articulaires au niveau de la colonne lombaire et cervicale.
[61] Ainsi, le tribunal retient de la preuve médicale, et ce, à partir des évaluations médicales effectuées plus particulièrement par les docteurs Fournier et Giguère, l’expertise du docteur Fradet ne pouvant être retenue en l’espèce, que tous leurs examens objectifs vont dans le même sens et que certaines amplitudes et manœuvres sont incomplètes. Les opinions médicales justifiant l’existence de limitations fonctionnelles au niveau des deux segments (cervical et lombaire) sont également corroborées par des signes objectifs clairement observés; il ne s’agit pas de simples douleurs alléguées par le travailleur.
[62] Mais encore, si on fait une lecture attentive des limitations fonctionnelles octroyées par le docteur Fournier en les comparant à celles émises par le docteur Giguère, ce dernier retient dans les faits des limitations fonctionnelles plus restrictives. De surcroît, le docteur Fournier est le seul médecin à identifier des poids limités à 25 kilos alors que tous les autres examinateurs retiennent des charges maximales de 15 kilos. Or, en tenant compte des examens cliniques réalisés, du témoignage du travailleur et de l’argumentation soumise par son représentant, le tribunal estime qu’il serait plus approprié de retenir en l’occurrence les limitations fonctionnelles énumérées par le docteur Giguère parce qu’elles sont beaucoup plus représentatives de la condition réelle du travailleur. En outre, elles ont été démontrées objectivement par les examens cliniques au dossier. Au surplus, le médecin traitant se dit en accord avec les limitations fonctionnelles telles qu’elles ont été émises par le docteur Giguère dans une lettre qu’il adresse à la CSST le 3 août 2012, précisant alors qu’elles reflètent la réalité du patient.
[63] En somme, vu la preuve présentée, il y a lieu de retenir au présent dossier les limitations fonctionnelles émises par le docteur Giguère, à savoir :
Pour la colonne cervicale, monsieur doit éviter les activités qui impliquent de :
Ø soulever, porter pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant environ 15 kilos ;
Ø effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale, même de faible amplitude ;
Ø maintenir la colonne cervicale en position fixe plus de 30 à 60 minutes, même en position neutre ;
Ø subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale ;
Ø ramper.
Ces limitations sont recommandées pour une durée permanente.
Pour la colonne dorsolombaire, monsieur doit éviter les activités qui impliquent de :
Ø soulever, porter pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 15 kilos ;
Ø effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire, même de faible amplitude ;
Ø monter fréquemment plusieurs escaliers ;
Ø marcher en terrain accidenté ou glissant ;
Ø ramper, grimper ;
Ø travailler en position accroupie ;
Ø subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale.
Dossier 458424-09-1112
[64] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer dans le présent dossier si le travailleur peut bénéficier d’un remboursement des coûts liés aux travaux de déneigement, de la peinture intérieure et extérieure (patio), du ratissage, du grand ménage et de l’entretien quotidien de son écurie, le travailleur ayant indiqué au tribunal qu’il n’entendait plus réclamer les autres frais.
[65] Examinons dès à présent le cadre légal permettant de disposer de la présente requête.
[66] Le principe du droit à la réadaptation est édicté à l’article 145 de la loi, lequel se lit comme suit :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 145.
[67] La jurisprudence enseigne en outre que le droit à la réadaptation s’ouvre à la date où l’atteinte permanente résultant d’une lésion professionnelle est médicalement établie, en tout ou en partie, et ce, indépendamment de la consolidation de la lésion.[4]
[68] Les articles 151 et 152 de la loi énoncent de plus ce qui suit :
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
__________
1985, c. 6, a. 151.
152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :
1° des services professionnels d'intervention psychosociale;
2° la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;
3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;
4° le remboursement de frais de garde d'enfants;
5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.
__________
1985, c. 6, a. 152.
[69] Enfin, l’article 165 est ainsi libellé :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
__________
1985, c. 6, a. 165.
[70] Il appert donc du dernier article cité que certaines conditions sont requises pour bénéficier du remboursement des frais liés à l’entretien courant de son domicile, soit :
- l’existence d’une atteinte permanente grave à l’intégrité physique;
- qu’il s’agisse de travaux d’entretien courant de son domicile;
- l’incapacité d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile qu’il effectuerait normalement lui-même si ce n’était de sa lésion;
- que les frais soient engagés.
[71] Le travailleur doit donc démontrer qu’il rencontre ces critères s’il désire se faire rembourser des frais engagés pour faire effectuer les travaux qu’il réclame.
[72] La première condition prévue à l’article 165 de la loi, soit l’existence d’une atteinte permanente grave, n’est pas définie par la loi. Toutefois, la jurisprudence précise que l’atteinte permanente doit être appréciée en fonction de la capacité résiduelle du travailleur à effectuer les activités visées à l’article 165 de la loi[5].
[73] La soussignée rappelle, comme le soulignait d’ailleurs avec justesse le représentant du travailleur, que dans son analyse, la CSST doit tenir compte de la condition globale du travailleur reliée aux conséquences découlant de sa lésion professionnelle. Ainsi, il y a lieu d’évaluer l’ensemble des limitations fonctionnelles du travailleur, et ce, qu’elles soient de nature physique ou psychologique, et dans certains cas si la preuve médicale le démontre, des conséquences reliées aux effets indésirables ou secondaires occasionnés par la médication prise par un travailleur pouvant l’empêcher d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile. Ce dernier aspect doit toutefois être démontré par une preuve médicale prépondérante.
[74] Une fois ces critères établis, le tribunal entend considérer les demandes formulées par le travailleur. Or, dans un premier temps, si on examine les exigences physiques requises pour effectuer les travaux liés à la peinture intérieure et extérieure (patio), les limitations fonctionnelles que le travailleur conserve de sa lésion professionnelle constituent sans nul doute une atteinte permanente grave. Ainsi, de l’avis du tribunal, la première condition est satisfaite en l’espèce.
[75] En outre, bien que la conseillère en réadaptation note que cette exigence physique est élevée pour la colonne cervicale et lombaire, elle retient que cette tâche peut se répartir sur plusieurs jours. La Commission des lésions professionnelles ne partage pas ce point de vue. En fait, il est difficilement raisonnable de croire que le travailleur pourrait échelonner les tâches reliées à la peinture tant intérieure qu’extérieure sur plusieurs jours, tel qu’il est indiqué par la conseillère en réadaptation. Afin de s’assurer d’une certaine uniformité et d’une finition de qualité, de tels travaux ne peuvent être fractionnés comme le prétend l’intervenante au dossier et doivent de toute évidence être complétés dans un court laps de temps. Conséquemment, tenant compte des critères élaborés, le travailleur a droit au remboursement des frais reliés à la peinture intérieure et extérieure (patio).
[76] Le tribunal estime également, en considération des limitations fonctionnelles retenues, que le travailleur a droit au remboursement des frais reliés au ratissage de son terrain au printemps et à l’automne. Cette tâche demande effectivement des exigences physiques élevées comme le confirme la conseillère en réadaptation au dossier dans son analyse. Dans un tel contexte, le tribunal considère qu’il est difficilement raisonnable de croire que le travailleur pourra effectuer cette tâche tout en respectant ses limitations fonctionnelles, dont entre autres celles établissant que le travailleur doive éviter d’effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale ou lombaire, même de faible amplitude.
[77] Quant aux travaux de déneigement, il appert des notes prises par l’intervenante au dossier que le travailleur n’effectuait pas cette activité au moment de sa lésion professionnelle. Par contre, il prétend le contraire lors de son témoignage. En outre, de son propre aveu, il affirme à l’audience ne pas assumer de tels frais puisqu’il a acheté un tracteur qu’il met à la disposition de son beau-frère qui vient effectuer le déneigement de son entrée. Il ajoute que son beau-frère emprunte aussi le tracteur pour réaliser le déneigement à sa propre résidence ainsi que l’entrée de deux autres voisines.
[78] D’une part, le tribunal estime que les coûts reliés à l’achat du tracteur ne sont évidemment pas remboursables. D’autre part, la soussignée considère que cette tâche demande des exigences comparables à la tonte de la pelouse que le travailleur confirme être en mesure d’effectuer avec son tracteur, et ce, malgré la grande superficie de son terrain. Ainsi, le tribunal est d’avis que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais reliés au déneigement de son entrée à l’aide du tracteur. Par contre, le déneigement que le travailleur doit réaliser à l’aide d’une petite pelle ou d’une pelle-traîneau ne respecte évidemment pas ses limitations fonctionnelles. En conséquence, de tels frais doivent lui être remboursés s’il les a évidemment engagés.
[79] Pour ce qui est du grand ménage, les tâches pour lesquelles le travailleur participait peuvent certainement être adaptées et réparties de façon à pouvoir respecter ses limitations fonctionnelles. Cette activité est d’ailleurs fort différente des travaux de peinture puisqu’il est toujours possible de l’étaler sur plusieurs jours. C’est pourquoi le tribunal considère qu’il n’a pas droit au remboursement de tels frais.
[80] Enfin, les frais reliés à l’entretien quotidien de son écurie ne peuvent non plus être remboursables. De tels travaux ne constituent pas des travaux d’entretien courant du domicile du travailleur et ne sauraient être visés par les articles 152 ou 165 de la loi.
[81] Dans les circonstances, le tribunal considère que le travailleur a droit au remboursement des frais reliés à la peinture intérieure et extérieure (patio), au ratissage de son terrain et au déneigement effectué avec une pelle, mais n’a toutefois pas droit au remboursement des autres frais réclamés.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 454153-09-1111
ACCUEILLE la requête de monsieur Régis Harvey, le travailleur;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 28 septembre 2011 à la suite d’une révision administrative relativement aux limitations fonctionnelles;
DÉCLARE que le travailleur est porteur des limitations fonctionnelles décrites par le docteur Michel Giguère à la suite de son évaluation médicale du 30 avril 2012.
Dossier 458424-09-1112
ACCUEILLE en partie la requête du travailleur;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 30 novembre 2011 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais d’entretien courant de son domicile en regard des travaux de peinture intérieure et extérieure (patio), des travaux reliés au ratissage de son terrain et au déneigement qui requiert l’utilisation d’une pelle;
DÉCLARE que le travailleur ne peut être remboursé des frais liés au remboursement du déneigement de son entrée (tracteur), de son grand ménage et de l’entretien quotidien de son écurie.
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Manon Séguin |
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M. Martin Cadieux ACTION INDEMNISATION |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] [1998] C.L.P. 1043 .
[3] Allard et Philips électronique ltée, C.A.L.P. 21211-64-9008, 3 novembre 1993, R. Brassard; Bussières et Abitibi Consolidated (division La Tuque), [2004] C.L.P. 648 .
[4] Brouty et Voyages Simone Brouty, C.L.P. 120748-31-9907, 15 juin 2000, P. Simard; Guénette et Alpine Entrepreneur général inc., C.L.P. 153844-61-0101, 30 avril 2001, S. Di Pasquale; Coulombe et Auberge de l’Île, C.L.P. 175230-62A-0112, 10 juillet 2002, J. Landry.
[5] Chevrier et Westburne ltée, C.A.L.P. 16175-08-8912, 25 septembre 1990, M. Cuddihy; Boileau et Les Centres jeunesse de Montréal, C.L.P. 103621-71-9807, 1er février 1999, A. Vaillancourt.
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