Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Gaspésie-Îles-de-

la-Madeleine,

Bas-Saint-Laurent et Côte-Nord

SAINTE-ANNE-DES-MONTS, le 2 août 2001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

130628-01A-0001

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Me Raymond Arseneau

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Gilles Cyr

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Harold Francoeur

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIERS CSST :

115126492-2

115126492-3

115126492-4

AUDIENCE TENUE LE :

7 novembre 2000

 

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

9 novembre 2000

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Rimouski

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JANINE TURGEON

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PRO SANTÉ ENR.

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITE DU TRAVAIL / BAS-SAINT-LAURENT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 26 janvier 2000, madame Janine Turgeon (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 18 janvier 2000 à la suite d’une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST confirme quatre décisions qu’elle a initialement rendues les 26 novembre 1998, 13 septembre 1999 et 19 octobre 1999 (2 décisions). Elle déclare irrecevable la demande de révision de la travailleuse logée à l’encontre de la décision rendue le 26 novembre 1998. Celle-ci refusait de rembourser le coût de certains médicaments, soit du Novo-Xapam et de l’Alti-Alprazolam. Elle déclare que la travailleuse est en mesure d’occuper l’emploi convenable d’agente d’indemnisation à compter du 10 septembre 1999, au revenu annuel estimé de 27 300 $. Elle déclare aussi que la travailleuse n’a pas droit au versement d’une allocation d’aide personnelle à domicile. Finalement, elle déclare que la travailleuse n’a pas le droit de se faire rembourser le coût des soins qu’elle reçoit pour les pieds.

[3]               La travailleuse est présente à l’audience et représentée. La CSST est également représentée. L’employeur, Pro Santé enr., n’est pas représenté.

[4]               La présente affaire a été prise en délibéré 9 novembre 2000, soit au terme du délai accordé au représentant de la travailleuse pour la production d’extraits du Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques à l’égard des médicaments Novo-Xapam et Alti-Alprazolam.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[5]               La travailleuse demande de déclarer que l’emploi d’agente d’indemnisation ne constitue pas un emploi convenable. Elle demande de reconnaître qu’elle a droit au versement d’une allocation à titre d’aide personnelle à domicile. Elle désire également que lui soit reconnu le droit de se faire rembourser le coût des soins qu’elle doit recevoir pour les pieds. Finalement, elle demande de déclarer que sa demande de révision à l’encontre de la décision du 26 novembre 1998 est recevable et de reconnaître qu’elle a le droit de se faire rembourser le coût des médicaments Novo-Xapam et Alti-Alprazolam.

LES FAITS

[6]               Le 30 mai 1998, la travailleuse est victime d’un accident du travail dans l’exercice de son emploi d’infirmière formatrice pour l’employeur. À cette époque, la travailleuse est âgée de 49 ans. Dans une réclamation produite à la CSST, la travailleuse décrit les circonstances de cet accident de la façon suivante :

« À titre d’infirmière-formatrice, j’effectuais l’évaluation de clientèle à domicile en soins des pieds avec une infirmière stagiaire (S.L.) le ou vers le 30 mai 1998. En montant l’escalier mon pied gche a accroché une marche et je suis tombée. Dans ce cadre là, j’effectuais aussi beaucoup de route. Douleur progressive dans le dos jusqu’à intolérable à ce jour + hanche gauche. »   (sic)

 

 

[7]               La travailleuse continue son travail et ne consulte pas immédiatement un médecin, croyant que la douleur diminuerait d’elle-même avec la prise de sa médication habituelle. Cette médication était prise par la travailleuse en raison de douleurs persistantes découlant d’un accident du travail antérieur. En effet, la travailleuse avait été victime d’un accident du travail en 1971 pour lequel un diagnostic de hernie discale L4-L5 gauche avait été posé. Cette lésion avait nécessité une discoïdectomie et une laminectomie L4-L5 gauche. Un déficit anatomo-physiologique de 10 % avait alors été reconnu. Depuis 1971, la travailleuse a toujours ressenti des douleurs lombaires avec sciatalgie gauche, ce qui l’a constamment obligé à prendre une médication. Elle fut victime de quelques récidives, rechutes ou aggravations dont la dernière remonte en 1993. À la suite de cette dernière, le déficit anatomo-physiologique fut évalué à 16 %, incluant les séquelles découlant de l’accident initial de 1971. De plus, la CSST a reconnu certaines limitations fonctionnelles découlant de cet accident initial.

[8]               Le 22 juillet 1998, la persistance des douleurs incite la travailleuse à consulter le docteur Pierre Gonthier. Celui-ci rédige une attestation médicale initiale et un rapport médical dans lesquels il diagnostique une lombosciatalgie gauche. Il réfère la travailleuse en physiothérapie et recommande un arrêt de travail.

[9]               Le 27 août 1998, le docteur Gonthier examine la travailleuse. Il requiert un examen par tomodensitométrie. Cet examen est effectué le 2 septembre 1998, mais le résultat ne s’avère pas concluant.

[10]           Le 8 septembre 1998, le docteur Réal Villemure examine la travailleuse et pose un diagnostic de « lombalgie hernie discale L4-L5 latérale gauche ». Il demande un examen par résonance magnétique et dirige la travailleuse au docteur Jacques Francoeur, neurochirurgien.

[11]           Le 23 septembre 1998, la travailleuse demande à la CSST de lui verser une allocation à titre d’aide personnelle à domicile. Dans les semaines qui suivent, elle transmet à la CSST une note du docteur Villemure indiquant qu’elle a besoin d’aide à domicile puisqu’elle est incapable de vaquer à ses occupations journalières.

[12]           Le 25 octobre 1998, l’examen par résonance magnétique est effectué. La docteure Marie Dufour dans son compte rendu de cet examen fait état de ce qui suit :

« [...]

1-    Phénomènes dégénératifs multi-étagés plus sévères à L4-L5.

 

2-    Séquelles de laminectomie gauche L4-L5. Aucune évidence de hernie discale. A noter toutefois que l’oblitération de la graisse épidurale décrite du côté gauche semble attribuable à des phénomènes fibro-cicatriciels. Je recommande toutefois une injection de Gadolinium qui permettra de confirmer qu’il s’agit bien de fibrose.

 

3-    Petite hernie discale centro-latérale gauche L5-S1.

 

4-    Rétrécissements foraminaux bilatéraux L4-L5, L5-S1 par modifications dégénératives sans sténose. »

[13]           Le 9 novembre 1998, conformément à la demande de la docteure Dufour, un nouvel examen par résonance magnétique est effectué avec injection de Gadolinium. Le résultat de ce nouvel examen interprété par les docteurs Jean-Louis Boucher et Gilles Bouchard ne montre aucune évidence de hernie discale à L4-L5. Il montre toutefois la présence de séquelles de laminectomie gauche à ce niveau avec changements fibro-cicatriciels secondaires du côté gauche.

[14]           Le 26 novembre 1998, la CSST rend une décision par laquelle elle informe la travailleuse de son refus de rembourser certains médicaments, soit le Novo-Xapam et l’Alti-Alprazolam. Elle justifie cette décision en invoquant qu’il ne s’agit pas de médicaments reliés au traitement de la lésion professionnelle.

[15]           Le 10 décembre 1998, le docteur Villemure rédige un rapport final. Il pose un diagnostic de lombalgie avec radiculopathie L5 gauche, fibrose postchirurgicale L4-L5 gauche et hernie discale L5-S1 gauche. Il consolide la lésion à cette date et recommande une réorientation professionnelle. D’autre part, il dirige la travailleuse au docteur Francoeur pour l’évaluation des séquelles permanentes.

[16]           Le 14 décembre 1998, la travailleuse transmet à la CSST une demande de révision de la décision du 26 novembre 1998. Dans cette correspondance, la travailleuse explique les raisons ayant amené ses médecins à prescrire du Novo-Xapam (du type Serax) et de l’Alti-Alprazolam (du type Xanax). Selon ce qu’elle rapporte, sa médication antérieure lui causait des effets secondaires importants. Elle y mentionne également ce qui suit :

« [...] Devant ma forte réticence à utiliser une médication de type benzoduazépines en raison des risques d’accoutumance, mon médecin me fournissait les explications suivantes :

 

-   le sérax 30 mg. au coucher, afin de favoriser le sommeil en raison de son effet sédatif et anxiolitique et conséquemment d’obtenir une meilleure relaxation ;

 

-   le xanax au besoin, dans les périodes où la douleur me réveille à plusieurs reprises la nuit et que l’anxiété s’élève.

 

Le docteur Turmel m’expliqua également que cette médication était une bien « petite béquille » considérant les douleurs que je devais supporter et gérer.

 

[…] Suite au dernier événement (30-05-1998), mon état physique s’est détérioré, mon médecin traitant actuel le docteur Réal Villemure a jugé important de continuer cette médication (sérax, xanax) en raison des effets secondaires présentés antérieurement au fléxéril et aux tricycliques. [...] »  (sic)

 

 

[17]           Le 19 janvier 1999, monsieur Steeve Rousseau, conseiller en réadaptation à la CSST, rencontre la travailleuse. Il suggère d’attendre le résultat de l’examen du Bureau d’évaluation médicale avant de se prononcer sur la demande d’aide personnelle. Il est également question des intentions de la travailleuse au sujet d’un éventuel retour au travail. La travailleuse se dit alors incapable de travailler.

[18]           Le 26 février 1999, monsieur Rousseau rencontre de nouveau la travailleuse. Celle-ci lui mentionne que sa condition physique ne lui permettrait pas d’assurer une assiduité ainsi qu’une prestation de travail intéressante pour un employeur.

[19]           Le 1er avril 1999, le docteur Francoeur examine la travailleuse et produit également un rapport final en plus d’un rapport d’évaluation médicale. Il retient un diagnostic de séquelles de hernie discale L4-L5 gauche et de fibrose péri-radiculaire L5 gauche. Il produit un bilan des séquelles et émet les limitations fonctionnelles suivantes :

« [...] Nous sommes donc en présence d’une travailleuse qui présente des signes objectivables de souffrance vertébrale et des signes d’irritation radiculaire au niveau du membre inférieur gauche. Considérant la dégénérescence discale au niveau de l’espace L4-L5 et la fibrose péri-radiculaire au niveau de la racine L5 du côté gauche, les restrictions suivantes Classe III doivent être retenues. Madame doit éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente des activités qui impliquent de soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 5 kilogrammes, travailler en position accroupie, ramper, grimper, effectuer des mouvements avec des amplitudes marquées de flexion, d’extension ou de rotation de la colonne lombaire, de marcher longtemps, de garder la même posture debout ou assis plus de 30 à 60 minutes, de travailler en position instable. [...] »   (sic)

 

 

[20]           Dans les semaines qui suivent, à la demande du médecin de la CSST, le docteur Francoeur produit un complément à son rapport d’évaluation médicale. Il apporte certaines corrections au bilan des séquelles. Ainsi, il évalue les « séquelles actuelles » à 22 % et les « séquelles antérieures » à l’accident du 30 mai 1998 à 16 %. Il constate donc une augmentation des séquelles de 6 %.

[21]           Le 10 mai 1999, la CSST donne suite à l’évaluation des séquelles effectuées par le docteur Francoeur. Elle rend une décision par laquelle elle évalue l’atteinte permanente résultant de la lésion professionnelle du 30 mai 1998 à 8,30 %, incluant 2,30 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie.

[22]           Le 9 juin 1999, madame Louiselle Lebel, nouvelle conseillère en réadaptation en charge du dossier de la travailleuse, rencontre celle-ci. Selon ce qu’elle note, la travailleuse exprime de la difficulté à entrevoir la possibilité de se trouver un emploi qui conviendrait à sa condition. Elle ne croit pas être capable de travailler plus d’une heure ou deux par jour.

[23]           À l’occasion de cette rencontre, madame Lebel complète avec la travailleuse une grille d’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile. Selon les données consignées dans ce document, la travailleuse n’a aucun besoin d’assistance pour les activités reliées au lever et au coucher, pour se dévêtir, pour ses soins vésicaux, pour ses soins intestinaux, pour son alimentation, pour l’utilisation des commodités du domicile, pour la préparation du déjeuner, pour le ménage léger, pour le lavage du linge et pour l’approvisionnement. Elle a un besoin d’assistance partielle pour le ménage lourd. Les activités reliées à l’hygiène corporelle, à l’habillage et à la préparation du dîner et du souper font l’objet des commentaires suivants :

« Les besoins au niveau de la préparation du dîner et du souper, soit se pencher pour prendre les chaudrons, ne sont pas suffisamment significatifs pour coter au niveau du besoin d’assistance partielle. Une ergothérapeute ira au domicile de la T pour adapter une étagère afin que les chaudrons soient plus facilement accessibles à la T.

 

Les besoins au niveau de l’habillage et du déshabillage, soit de l’aide pour mettre et enlever ses collants de nylon et pour mettre et enlever les bottes d’hiver ne sont pas non plus suffisamment significatifs pour coter au niveau du besoin d’assistance partielle. Une ergothérapeute fera des recommandations concernant des aides techniques pour aider la T à ce niveau. »

 

 

[24]           Le 2 juillet 1999, madame Lebel demande au docteur Rosaire Rioux, médecin de la CSST, si la médication de la travailleuse peut lui causer des problèmes de concentration. Le docteur Rioux lui répond que cela est peu probable. Il note que la travailleuse ne consomme que très peu de médicaments, n’ayant pris, entre autres, que vingt comprimés de Dilaudid dans les neuf mois précédents.

[25]           Le 9 juillet 1999, madame Lebel rencontre la travailleuse et discute avec elle de la possibilité de déterminer un emploi convenable d’agente d’indemnisation. La travailleuse indique vouloir obtenir une description de tâches d’un tel emploi. Elle manifeste le désir d’observer « pendant un à deux jours en quoi cet emploi consiste ». Madame Lebel note lui avoir expliqué « en quoi consiste cet emploi ».

[26]           Le 28 juillet 1999, madame Lebel rencontre la travailleuse à son domicile. Celle-ci réitère qu’elle ne peut faire un travail de neuf heures à dix-sept heures. Elle précise qu’il lui faudrait un emploi pour lequel elle pourrait adapter son horaire. Il est également question de l’adaptation du domicile de la travailleuse. Voici ce que note madame Lebel à ce sujet :

« [...] Adaptation du domicile

 

Préparation des repas

-   T dit que son seul besoin à ce niveau serait d’allonger une tablette dans le bas de l’armoire de la cuisine afin qu’elle ait moins à se pencher pour prendre les chaudrons.

 

Habillage

-   Besoin d’aide pour mettre ses bas collants et ses bottes d’hiver.

 

Ménage lourd

-   T dit qu’elle ne peut passer la balayeuse et faire le grand ménage.

-   je dis à la T que si elle cotte uniquement à ce niveau elle ne peut recevoir un montant d’argent.

 

Approvisionnement

-   elle fait maintenant l’épicerie seule, elle s’arrange pour que les sacs soient moins lourds.

 

T dit qu’il lui arrive de bloquer 3 à 4 fois par année et cela dure de 3 semaines à un mois, à ces moments-là, elle dit avoir des plus grands besoins au niveau de l’aide personnelle. 

[...] »   (sic)

 

 

[27]           Le 24 août 1999, le docteur Jean-François Fradet, chirurgien orthopédiste, examine la travailleuse à la demande de son représentant. Le même jour, il rédige un rapport d’expertise médicale dans lequel il mentionne ce qui suit :

« [...] TRAITEMENTS

 

La patiente prend du Motrin quatre fois par jour, du Serax au coucher et du Dilaudid 2 mg environ une fois par semaine. Elle prend du Xanax à l’occasion. 

 

[...] Limitations fonctionnelles :

 

Cette patiente devrait avoir des restrictions classe III. Elle devrait éviter les activités qui impliquent de soulever, porter, pousser ou tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant 5 kilos. Elle ne devrait pas marcher longtemps. Elle ne devrait pas garder la même posture pendant plus de 30 minutes. Elle ne devrait pas travailler dans une position instable, ni effectuer des mouvements répétés des membres inférieurs. Elle ne devrait pas effectuer des mouvements répétés ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire même de faible amplitude. Elle ne devrait pas monter fréquemment plusieurs escaliers, ni marcher en terrain accidenté ou glissant, ni travailler en position accroupie, ni ramper ou grimper. Elle ne devrait pas subir des contrecoups à la colonne vertébrale comme ceux provoqués par du matériel roulant sans suspension, ni subir des vibrations de basse fréquence c’est-à-dire conduire sur des périodes de plus de 30 minutes. [...]

 

AVQ :

 

Cette patiente a besoin d’aide pour l’entretien de sa résidence.

 

MÉDICATION :

 

La prise de la médication actuelle est justifiée sauf pour le Dilaudid qui devrait être cessé.

 

TÂCHES OU FONCTIONS QUE MADAME NE PEUT PLUS OCCUPER EN RAISON DE SA CONDITION PHYSIQUE :

 

Cette patiente peut faire un travail rémunérateur certainement à temps partiel c’est-à-dire à 20 heures/semaine, selon un horaire flexible, comme elle le faisait avant la chute de 1998. Je ne peux certes pas la considérer comme invalide pour tout emploi. [...] »

 

 

[28]           Le 2 septembre 1999, madame Lebel rencontre de nouveau la travailleuse afin de discuter principalement de la détermination d’un emploi convenable. La travailleuse réitère qu’il lui faudrait obtenir un emploi lui permettant de travailler selon un horaire variable. Selon elle, il y a des jours où la douleur l’empêcherait de travailler, d’autres où elle ne pourrait travailler que quelques heures.

[29]           À l’occasion de cette rencontre, madame Lebel et la travailleuse discutent de différents emplois. Il est question, entre autres, d’un poste d’infirmière à « Info-Santé ». La travailleuse ne se considère pas suffisamment spécialisée pour occuper ce genre d’emploi. Il est également question de la possibilité de retenir l’emploi convenable d’agente d’indemnisation. Madame Lebel indique dans ses notes que « la T est d’accord avec cela sauf qu’elle pense qu’elle ne peut l’occuper à temps plein ». Madame Lebel informe également la travailleuse qu’elle pourra lui offrir un support de recherche d’emploi après la détermination de l’emploi convenable.

[30]           Le 3 septembre 1999, madame Lebel conclut que l’emploi d’agente d’indemnisation constitue un emploi convenable. Selon elle, il s’agit d’un emploi approprié, la travailleuse préférant travailler en relation avec le public et ayant besoin d’exercer de l’influence sur les personnes. Elle considère que la travailleuse détient les qualités professionnelles requises pour occuper un tel emploi. Celui-ci requiert un diplôme d’études collégiales en techniques administratives ou en techniques humaines ou une expérience équivalente dans un domaine pertinent. Madame Lebel note que la travailleuse détient un diplôme d’infirmière, un baccalauréat spécialisé en enseignement professionnel, un certificat en administration et un certificat de deuxième cycle non complété en santé et sécurité du travail. Elle note également que la travailleuse a occupé un poste d’infirmière et également un poste de consultante dans le domaine médico-légal pour une firme d’avocats.

[31]           Madame Lebel considère que l’emploi d’agente d’indemnisation respecte la capacité résiduelle de la travailleuse. Selon ce qu’elle note, il s’agit d’un emploi sédentaire n’exigeant pas de soulever de poids de plus de cinq kilogrammes. Elle indique qu’un tel emploi permet de s’asseoir à sa guise sans avoir à travailler en position accroupie et sans avoir non plus à travailler en position instable. Madame Lebel conclut que la description de l’emploi respecte les limitations fonctionnelles de la travailleuse et est donc sans danger pour sa santé et sa sécurité.

[32]           En ce qui concerne la possibilité raisonnable d’embauche, madame Lebel indique dans ses notes du 3 septembre 1999 que le système REPÈRES mentionne que les perspectives d’emploi jusqu’en 2002 sont légèrement inférieures à la moyenne. Par contre, après avoir vérifié auprès du bureau du personnel de la CSST de Québec, elle ajoute que la CSST embauche à chaque année plusieurs agents d’indemnisation, tout comme la Société de l’assurance automobile du Québec.

[33]           Le système REPÈRES décrit les principales tâches de l’agent d’indemnisation dont le titre exact est « Agent, agente du bien-être social et de l’indemnisation », de la façon suivante :

« PRINCIPALES TÂCHES

-        S’entretient avec les personnes demandant assistance pour établir si elles ont droit à l’aide du bien-être social.

-        Effectue une enquête sur la santé et la situation financière de la personne qui demande assistance.

-        Vérifie l’admissibilité du demandeur et l’informe de ses droits et obligations.

-        Établit et tient à jour le dossier du bénéficiaire.

-        Explique et défend, au besoin, les décisions prises.

-        Dirige vers d’autres organismes les personnes qui demandent assistance.

-        Peut préparer des budgets pour les assistés.

-        Examine les conditions de travail et les mesures de sécurité sur les lieux de travail.

-        Vérifie les rapports d’accidents du travail et fait enquête pour établir le droit à l’indemnisation et au salaire. »

 

 

[34]           Selon une description d’emploi d’un poste d’agent d’indemnisation de la CSST, le titulaire d’un tel emploi doit utiliser un écran cathodique pour consulter et saisir des données concernant les dossiers soumis. Le même document prévoit qu’un entraînement de trois à quatre mois est nécessaire pour se familiariser avec l’environnement juridique et administratif de même qu’avec les systèmes informatiques.

[35]           Le 13 septembre 1999, la CSST rend une décision par laquelle elle retient comme emploi convenable celui d’agente d’indemnisation, au salaire annuel estimé de 27,300.00 $. Elle précise que la travailleuse est capable d’exercer cet emploi à compter du 10 septembre 1999. Cette décision fait l’objet d’une demande de révision de la part de la travailleuse dans les semaines qui suivent.

[36]           Le 19 octobre 1999, la CSST rend deux décisions qui font également l’objet de demandes de révision de la part de la travailleuse. L’une de ces décisions informe la travailleuse qu’aucune allocation d’aide personnelle à domicile ne peut lui être versée. L’autre décision informe la travailleuse que le coût des services pour ses soins de pieds ne lui seront pas remboursés. Selon la CSST, ces soins ne sont pas reliés à la lésion professionnelle. Cette dernière décision fait suite à une demande présentée par la travailleuse afin de se faire rembourser ce qu’elle paie à une infirmière qui lui coupe les ongles d’orteils.

[37]           Le 5 novembre 1999, madame Geneviève Riou, ergothérapeute, rencontre la travailleuse à son domicile. Elle évalue ses besoins en aides techniques de même que la nécessité d’adapter son domicile. Après cette rencontre, madame Riou rédige un rapport d’évaluation. Elle y indique avoir procéder à un « questionnaire détaillé » des activités de la vie quotidienne et de la vie domestique de la travailleuse.

[38]           Au niveau des activités de la vie quotidienne, madame Riou note que la travailleuse est autonome pour se lever et se coucher. En ce qui concerne les activités reliées au fait de s’habiller et de se déshabiller, elle indique que la travailleuse est incapable d’enfiler seule ses bas de nylon, a de la difficulté à mettre des petites culottes ou des pantalons et est parfois incapable de retirer elle-même ses bottes. Madame Riou recommande donc des aides techniques, soit un enfile bas pour bas de nylon, un bâton d’habillage et un enlève bottes. Pour ce qui est des activités reliées au fait de se laver, elle recommande une barre d’appui et une poignée de bain. Elle mentionne également que la travailleuse a de la difficulté à se laver les pieds et est incapable de se couper seule les ongles d’orteils. Elle recommande une éponge à long manche pour permettre à la travailleuse de se laver les pieds. Elle précise qu’il n’y a pas d’aide technique sécuritaire pour permettre à la travailleuse de se couper seule les ongles d’orteils. D’autre part, elle indique que la travailleuse ne souffre d’aucune incapacité en ce qui concerne les autres activités reliées à la vie quotidienne.

[39]           Madame Riou émet également certains commentaires en ce qui concerne les activités de la vie domestique. Afin de permettre à la travailleuse d’atteindre la tablette des chaudrons lorsqu’elle cuisine, elle suggère de faire installer une tablette coulissante. En ce qui a trait au ménage léger, elle note que la travailleuse ne peut pas laver le bain et est incapable de prendre un objet tombé au sol. Elle recommande de fournir à la travailleuse une pince à long manche pour atteindre les objets au sol et note un besoin d’aide personnelle. À l’égard du ménage lourd, elle souligne que les tâches reliées à celui-ci ne respectent pas les limitations fonctionnelles de la travailleuse. Les activités reliées au lavage du linge ne constituent aucun problème. Finalement, les activités reliées à l’approvisionnement et à la conduite automobile n’ont pas été évaluées par madame Riou.

[40]           Le 18 janvier 2000, à la suite d’une révision administrative, la CSST confirme ses décisions initiales du 13 septembre 1999 et du 19 octobre 1999. D’autre part, elle considère la demande de révision de la travailleuse irrecevable en ce qui concerne sa décision initiale du 26 novembre 1998. Il faut préciser que la CSST ne semble pas avoir, à ce moment-là, retrouvé au dossier la demande de révision logée par la travailleuse le 14 décembre 1998.

[41]           Le 26 janvier 2000, le représentant de la travailleuse dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles. Par cette requête, il conteste la décision de la CSST rendue le 18 janvier 2000 à la suite d’une révision administrative, d’où le présent litige.

[42]           Le 25 avril 2000, le docteur Paul-O. Nadeau, chirurgien orthopédiste, examine la travailleuse à la demande de la CSST. Son expertise porte sur la nature, la nécessité ou la suffisance des traitements administrés ou prescrits. Il en vient à la conclusion que les lombalgies chroniques de la travailleuse ne peuvent être améliorées par des traitements de physiothérapie.

[43]           Le 12 mai 2000, la travailleuse transmet au docteur Nadeau une correspondance dans laquelle elle lui suggère une série de modifications à apporter à son rapport d’expertise. Elle mentionne que ces modifications sont nécessaires afin de rendre le rapport « conforme aux faits ».

[44]           À l’audience, la travailleuse témoigne sur différents aspects de son dossier. Depuis le 4 juillet 2000, elle occupe un emploi à la congrégation des sœurs de l’Enfant-Jésus, à Rivière-du-Loup. Son travail consiste à faire de la réorganisation administrative. Elle évalue les besoins des patientes de l’établissement. Elle travaille 21 heures par semaine, réparties sur trois, quatre ou cinq jours. Elle se rend au travail en automobile. Elle demeure dans l’établissement de l’employeur les jours de semaine pour éviter de devoir voyager à chaque jour. Bien qu’elle vive seule, elle précise que son mari y passe du temps avec elle à l’occasion.

[45]           Selon ce que la travailleuse rapporte, l’évaluation faite par madame Riou ne tient pas compte des périodes où elle est en crise aiguë de lombalgie. Elle affirme que de telles crises surviennent de trois à quatre fois par année et peuvent durer deux, trois ou quatre semaines à chaque occasion. Selon elle, lors de ces épisodes de lombalgie aiguë, elle ne peut se lever seule ni se coucher seule. Elle ne peut non plus procéder à ses activités reliées à ses soins d’hygiène corporelle et ne peut effectuer plusieurs tâches de son ménage léger. Elle ne peut même plus faire son épicerie pendant la durée de ces crises. D’autre part, même entre les périodes de lombalgie aiguë, elle a besoin d’aide pour enlever ses bas et pour enlever certaines chaussures à son pied droit. Elle souligne que la CSST n’a pas encore fait installer la tablette coulissante lui permettant d’avoir accès plus facilement aux chaudrons. En ce qui concerne les activités reliées au ménage léger, elle indique ne pas pouvoir prendre le linge qui se trouve dans la sécheuse. De plus, c’est généralement son mari qui doit passer le balai. Finalement, elle confirme ne pas pouvoir effectuer les tâches reliées au ménage lourd.

[46]           Pour ce qui est des tâches domestiques, la travailleuse indique que son mari lui apporte de l’aide de même que sa fille qui demeure à Québec et vient à l’occasion la visiter.

[47]           La travailleuse explique en quoi consiste les soins qu’elle reçoit aux pieds. Puisqu’elle ne peut plus se couper seule les ongles d’orteils, et puisque son mari ne se sent pas capable de le faire, elle a recours aux services d’une infirmière qui lui coupe les ongles d’orteils une fois par trois semaines ou une fois par mois. Au début, il lui en coûtait 25 $ à chaque occasion. Maintenant, la facture est de 30 $ par séance.

[48]           La travailleuse témoigne sur le refus de la CSST de lui rembourser certains médicaments, soit du Novo-Xapam et de l’Alti-Alprazolam. Selon ce qu’elle rapporte, son médecin considère que ces médicaments sont en relation avec les conséquences de sa lésion professionnelle. Ils agissent à titre de relaxants musculaires. Ces médicaments ont remplacé le Valium qui lui avait été prescrit dans le passé afin de la soulager de ses spasmes lombaires. Elle rapporte que par le passé, elle détenait une assurance qui remboursait le coût d’achat de ces médicaments, ce qui n’est plus le cas présentement. Elle affirme avoir effectivement contesté le refus de la CSST par une demande de révision transmise le 14 décembre 1998. Elle exhibe d’ailleurs l’original du bon de poste (reçu d’envoi recommandé) daté du 14 décembre 1998.

[49]           À l’égard de l’emploi convenable déterminé, la travailleuse indique que cet emploi ne lui convient pas pour plusieurs raisons. Ainsi, elle mentionne qu’elle serait incapable de se présenter sur les différents lieux de travail. Elle ne serait également pas en mesure de rester assise sur de longues périodes de temps, ce qui lui semble être le cas des gens travaillant devant un écran cathodique. Elle souligne qu’une agente d’indemnisation doit traiter une grande quantité de dossiers, ce qui constituerait un stress pour elle et aurait comme conséquence d’augmenter sa douleur. Elle rappelle avoir mentionné à madame Lebel qu’elle se considère incapable d’occuper un emploi à horaire fixe, ce qui est le cas de l’emploi déterminé. Finalement, elle ajoute qu’elle manquerait d’objectivité pour être une agente d’indemnisation de la CSST.

[50]           À l’audience, le représentant de la travailleuse dépose de nouveaux documents en preuve. Parmi ceux-ci, un document démontre que la CSST a déjà versé en 1989 une indemnité à titre d’aide personnelle à domicile. Différents documents médicaux sont également déposés, principalement afin de démontrer que le médecin de la travailleuse a déjà recommandé par le passé d’effectuer un retour au travail à temps partiel. Ainsi, un historique de consultations du docteur Nelson Turmel du 20 juin 1994 (pièce T-8) indique qu’au mois de mai 1989, le docteur Turmel notait que la travailleuse devait « tenter retour au travail ½ temps à partir de la mi-juin ». Le même document indique qu’à compter du 19 mars 1993, il y avait une tentative de « travail à 4 jrs/sem. ».

[51]           Le rapport d’évaluation médicale du 16 janvier 1995 du docteur Francoeur (pièce T-9) confirme que la travailleuse a effectivement travaillé quatre jours par semaine du mois de mai 1993 au mois de janvier 1994, mais qu’elle a repris le travail à « plein temps » à compter de ce moment-là. Cette information est par ailleurs confirmée dans un autre document produit par la travailleuse, soit l’avis du docteur Jacques Nolin (pièce T-11). Ce même document précise d’ailleurs qu’à l’époque de cet avis, soit au mois de mars 1995 « madame Turgeon travaille à raison de 5 jours par semaine comme Directrice des soins infirmiers ».

[52]           Après l’audience, le représentant de la travailleuse a produit, avec la permission de la Commission des lésions professionnelles et l’accord de la CSST, un extrait du Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques traitant des médicaments concernés par la demande de remboursement refusée par la CSST, soit le Novo-Xapam et l’Alti-Alprazolam.

[53]           La représentante de la CSST fait entendre comme témoin madame Louiselle Lebel, conseillère en réadaptation en charge du dossier de la travailleuse à la CSST.

[54]           Madame Lebel souligne qu’elle n’était pas informée avant l’audience que la travailleuse ne bénéficiait pas de la tablette coulissante recommandée par madame Riou. Elle explique que la travailleuse aurait normalement dû produire des soumissions pour l’exécution de tels travaux. Selon la procédure habituelle, la CSST paie un montant équivalent à la plus basse soumission reçue.

[55]           Lors de son témoignage, madame Lebel signale que la travailleuse semblait intéressée par l’emploi d’agente d’indemnisation à l’époque où celui-ci fut déterminé. Par contre, la travailleuse prétendait qu’elle ne pouvait pas travailler à temps plein. Pour sa part, elle croit avoir déterminé un emploi qui correspond aux limitations fonctionnelles reconnues dans le rapport d’évaluation médicale du docteur Francoeur. Elle précise que dans la « vraie vie », l’agente d’indemnisation n’a pas à rester assise durant de longues périodes. Selon elle, le travail à l’écran cathodique n’empêche pas l’agente de bouger ou de se lever à l’occasion.

[56]           Elle réitère que la travailleuse pourrait bénéficier d’une formation après son embauche, ce qui lui permettrait d’acquérir les connaissances requises pour le travail à l’écran cathodique de même que celles nécessaires à l’exécution d’un tel travail. Elle ajoute que l’expérience et la formation de la travailleuse sont des atouts importants pour un tel poste.

[57]           Madame Lebel mentionne comment le revenu annuel estimé de l’emploi convenable a été fixé à 27 300 $. Selon ce qu’elle explique, il s’agit du revenu indiqué à la convention collective des employés de la CSST au plus bas échelon, pour un tel type d’emploi.

[58]           Finalement, à l’occasion du témoignage de madame Lebel, une copie d’un avis de recrutement pour des postes d’agents d’indemnisation est déposée en preuve. Il s’agit de postes disponibles à la CSST au mois de novembre 1999. L’avis de recrutement demande un minimum de « deux années d’expérience, de niveau technique, dans le domaine de la santé sécurité auprès des entreprises ou dans le domaine de l’assurance ». Par contre, madame Lebel indique qu’à sa connaissance, des agents d’indemnisation ont déjà été engagés à la CSST sans détenir une telle expérience.

L'ARGUMENTATION DES PARTIES

[59]           Le représentant de la travailleuse plaide que l’emploi convenable déterminé ne respecte pas les limitations fonctionnelles de la travailleuse. Il soutient que l’emploi d’agente d’indemnisation obligerait la travailleuse à être assise sur de longues périodes. D’autre part, il argumente que la travailleuse ne peut occuper un emploi à temps plein. Il ajoute que le docteur Fradet le suggère dans son rapport d’expertise du 24 août 1999.

[60]           À l’égard de l’aide personnelle à domicile, le représentant de la travailleuse plaide que la preuve prépondérante en démontre le besoin. Il rappelle que les docteurs Fradet et Villemure confirment ce besoin. Il avance également que la preuve démontre le bien-fondé des prétentions de la travailleuse à l’égard du remboursement des médicaments et du remboursement du coût des soins des pieds.

[61]           La représentante de la CSST plaide que l’emploi d’agente d’indemnisation constitue un emploi convenable. Elle souligne que les seules limitations fonctionnelles qui peuvent être considérées sont celles émises par le docteur Francoeur, dans son rapport d’évaluation médicale du 1er avril 1999. Elle ajoute que le docteur Fradet ne prétend pas que la travailleuse est incapable d’effectuer un travail à temps plein. Au surplus, selon elle, lorsqu’un médecin allègue qu’un travailleur ne peut travailler à temps plein, cela ne constitue pas une limitation fonctionnelle au sens de la loi. Elle dépose d’ailleurs de la jurisprudence à cet effet.

[62]           En ce qui concerne l’aide personnelle à domicile réclamée par la travailleuse, la représentante de la CSST plaide que l’article 158 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [1] (la loi) ne permet pas d’accorder une telle aide, la travailleuse étant capable de prendre soin d’elle-même. Elle avance que le Novo-Xapam et l’Alti-Alprazolam ne constituent pas une médication en relation avec la lésion professionnelle du 30 mai 1998. Finalement, elle argumente que les soins de pieds ne sont pas non plus en relation avec cet événement. De plus, elle ajoute que le rapport d’évaluation médicale du docteur Francoeur n’en démontre pas la nécessité.

L'AVIS DES MEMBRES

[63]           Le membre issu des associations syndicales et celui issu des associations d’employeurs sont d’avis que l’emploi d’agente d’indemnisation constitue un emploi convenable. Ils considèrent que cet emploi respecte les limitations fonctionnelles émises par le docteur Francoeur dans son rapport d’évaluation médicale du 1er avril 1999. Ils considèrent également que l’emploi déterminé correspond aux caractéristiques de ce que doit constituer un emploi convenable au sens de la loi.

[64]           En ce qui concerne l’aide personnelle à domicile, le membre issu des associations syndicales est d’avis que la travailleuse doit bénéficier d’une telle aide afin de préserver sa capacité de travail. Au contraire, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la preuve ne démontre pas la nécessité d’une telle aide.

[65]           Le membre issu des associations syndicales et celui issu des associations d’employeurs sont d’avis que la CSST devrait assumer le coût des soins de pieds requis par la condition de la travailleuse. Ils considèrent que la preuve prépondérante démontre que la travailleuse n’est plus capable de se couper seule les ongles d’orteils en raison des conséquences de sa lésion professionnelle de 1998. Les membres tiennent compte de l’absence d’aide technique permettant à la travailleuse de s’occuper seule de ses soins de pieds.

[66]           Finalement, en ce qui concerne la demande de remboursement de certains médicaments, les membres issus sont d’avis que la travailleuse a contesté la décision initiale du 26 novembre 1998 dans le délai prescrit par la loi. D’autre part, ils sont tous deux d’avis que les médicaments Novo-Xapan et Alti-Alprazolam devraient être remboursés par la CSST. En effet, ils considèrent que ces médicaments sont prescrits en raison des conséquences de la lésion professionnelle de 1998.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[67]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’emploi d’agente d’indemnisation constitue un emploi convenable pour la travailleuse. Elle doit également statuer sur le droit de la travailleuse de recevoir une allocation à titre d’aide personnelle à domicile. Elle doit déterminer si la CSST est dans l’obligation de rembourser le coût des soins que la travailleuse reçoit pour ses pieds. Finalement, elle doit vérifier si la demande de révision déposée à l’encontre de la décision du 26 novembre 1998 est recevable et, s’il y a lieu, elle doit décider si la CSST est dans l’obligation de rembourser à la travailleuse le coût des médicaments Novo-Xapan et Alti-Alprazolam.

Emploi convenable

 

[68]           L’article 2 de la loi définit l’emploi convenable comme suit :

« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion ;

 

 

[69]           Pour constituer un emploi convenable, l’emploi d’agente d’indemnisation doit donc être approprié et respecter les critères suivants :

·        Permettre l’utilisation des capacités résiduelles de la travailleuse;

·        Permettre l’utilisation des qualifications professionnelles de la travailleuse;

·        Présenter une possibilité raisonnable d’embauche;

·        Ne pas comporter de danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique de la travailleuse compte tenu de sa lésion.

[70]           En l’espèce, la travailleuse plaide principalement que l’emploi déterminé n’est pas convenable puisqu’il ne respecte pas l’utilisation de ses capacités résiduelles. En effet, elle considère être incapable de travailler à plein temps ni sur un horaire régulier. Or, elle avance que l’emploi déterminé ne peut respecter ses contraintes.

[71]           La capacité résiduelle peut être définie comme l’ensemble des activités que la travailleuse demeure capable d’exercer. Pour déterminer ces activités, les limitations fonctionnelles qui résultent de la lésion professionnelle et toute autre condition incapacitante présente au moment de la détermination de l’emploi convenable doivent être considérées.

[72]           Le tribunal constate que l’emploi d’agente d’indemnisation respecte les limitations fonctionnelles reconnues en l’instance et ne contreviennent pas à la condition de la travailleuse telle que rapportée par la preuve à l’époque de la détermination de l’emploi convenable.

[73]           D’une part, les limitations fonctionnelles devant être prises en compte sont celles émises par le rapport d’évaluation médicale du docteur Francoeur. Or, le docteur Francoeur ne fait aucune mention d’une incapacité pour la travailleuse de travailler à plein temps. Au surplus, la jurisprudence soumise par la représentante de la CSST établit qu’une incapacité de travailler 40 heures par semaine ne constitue pas une limitation fonctionnelle au sens de la définition de cette expression généralement retenue.

[74]           Selon le représentant de la travailleuse, le docteur Fradet suggère que la travailleuse soit incapable d’occuper un emploi à temps plein. La Commission des lésions professionnelles constate toutefois que le docteur Fradet ne peut être considéré comme le médecin qui a charge de la travailleuse pour l’évaluation des séquelles permanentes. C’est plutôt le docteur Francoeur qui est « le médecin qui a charge » pour cet aspect. De plus, le tribunal ne considère pas que le docteur Fradet établit que la travailleuse est incapable de travailler à plein temps. Ce que le docteur Fradet mentionne dans son rapport d’expertise du 24 août 1999, c’est que la travailleuse peut « certainement » faire un travail rémunérateur à temps partiel. Même si le docteur Fradet parle d’un emploi à 20 heures par semaine selon un horaire flexible, comme la travailleuse le faisait avant l’événement de 1998, cela ne signifie pas qu’il exclut la possibilité pour la travailleuse de travailler à temps plein. Le docteur Fradet fait référence à la situation qui existait avant la lésion professionnelle de 1998. Or, à cette époque, rien ne permet de conclure que la travailleuse était incapable de travailler à temps plein en raison des conséquences d’une autre lésion professionnelle. Le docteur Fradet ne justifie d’ailleurs d’aucune façon la raison pour laquelle la travailleuse serait incapable d’occuper un emploi à plein temps. Dans les circonstances, il est impossible de retenir que la travailleuse est atteinte d’une quelconque incapacité médicale l’empêchant d’exercer un emploi à plein temps.

[75]           D’autre part, l’emploi d’agente d’indemnisation respecte les limitations fonctionnelles émises par le docteur Francoeur. Le tribunal ne considère d’ailleurs pas que cet emploi exige, dans les faits, de garder la même posture pendant plus de 30 minutes. Les autres limitations fonctionnelles reconnues ne semblent d’ailleurs pas requérir de commentaires additionnels, compte tenu de la description de l’emploi d’agente d’indemnisation.

[76]           La preuve a clairement démontré que l’emploi convenable déterminé permet l’utilisation des qualifications professionnelles de la travailleuse. Celle-ci possède la formation et l’expérience nécessaires pour occuper un tel emploi. La preuve démontre qu’il est possible d’occuper un emploi d’agent d’indemnisation ailleurs qu’à la CSST. En ce sens, même si la travailleuse craint de manquer d’objectivité pour être une agente d’indemnisation de la CSST, cela ne l’empêcherait pas de postuler et d’occuper un emploi ailleurs sur le marché du travail. À cet égard, la preuve démontre qu’il existe une possibilité d’embauche raisonnable pour un tel emploi.

[77]           L’emploi déterminé ne semble par ailleurs comporter aucun danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique de la travailleuse, compte tenu de sa lésion.

[78]           Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles considère que l’emploi d’agente d’indemnisation constitue un emploi convenable au sens de la loi.

Aide à domicile

[79]           L’article 158 de la loi établit les conditions dans lesquelles un travailleur peut obtenir de l’aide personnelle à domicile. Cet article se lit ainsi :

158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui - même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.

________

1985, c. 6, a. 158.

[80]           La jurisprudence enseigne que le "et" de l’expression "qui est incapable de prendre soin de lui-même et d’effectuer sans aide les tâches domestiques qu’il effectuerait normalement" est conjonctif[2]. Ainsi, un travailleur capable de prendre soin de lui-même mais incapable d’effectuer certaines tâches domestiques comme le ménage, le lavage du linge ou l’approvisionnement, ne répond pas aux conditions énoncées à l’article 158 de la loi.

[81]           La travailleuse allègue que l’évaluation faite par madame Riou ne tient pas compte de ses périodes de crise aiguë de lombalgie. Selon elle, lorsque ces crises se produisent, elle ne peut pratiquement plus prendre soin d’elle-même. Toutefois, le tribunal ne considère pas que la condition de la travailleuse s’aggrave périodiquement au point où elle serait pratiquement incapable de s’occuper d’elle-même. L’ensemble de la preuve ne supporte pas les allégations de la travailleuse à ce sujet. Aucun médecin n’a d’ailleurs documenté ces allégations. Celles-ci ne sont donc pas considérées aux fins de la présente décision.

[82]           Le tribunal retient de la preuve que la travailleuse a besoin d’aide pour effectuer certaines tâches domestiques. Par contre, la preuve prépondérante tend à démontrer que la travailleuse est capable de prendre soin d’elle-même. À cet égard, la Commission des lésions professionnelles estime que la grille d’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile complétée par madame Lebel avec la participation de la travailleuse s’avère être un reflet assez fidèle de la réalité. Le tribunal tient compte des commentaires de madame Lebel pour déterminer que la travailleuse n’a aucun besoin significatif d’assistance pour prendre soin d’elle-même. La preuve démontre que la travailleuse est incapable de se couper seule les ongles d’orteils. Aucune aide technique ne peut lui permettre de se couper seule et de façon sécuritaire les ongles d’orteils. Ce besoin d’assistance est toutefois trop peu significatif pour être considéré comme une preuve d’incapacité de la travailleuse de prendre soin d’elle-même. En outre, le besoin de la travailleuse à cet égard est comblé par une infirmière et la présente décision aura pour effet d’obliger la CSST à rembourser à la travailleuse le coût de tels soins.

[83]           D’un autre point de vue, il faut retenir que la travailleuse vit seule lorsqu’elle réside à Rivière-du-Loup. Cela démontre dans une certaine mesure qu’elle n’a pas besoin d’aide personnelle pour son maintien ou son retour à domicile.

[84]           La Commission des lésions professionnelles ne considère donc pas que la travailleuse a droit au versement d’une allocation à titre d’aide personnelle à domicile.

Soins des pieds

[85]           La travailleuse affirme ne pouvoir se couper seule les ongles d’orteils. Cette information n’est contredite par aucun élément de la preuve. Au contraire, au plan médical, le docteur Francoeur fait mention de limitations fonctionnelles importantes. Il exprime l’opinion que la travailleuse ne peut « effectuer des mouvements avec des amplitudes marquées de flexions, d’extensions ou de rotations de la colonne lombaire ». Pour sa part, madame Riou, ergothérapeute, confirme l’incapacité de la travailleuse de se couper seule les ongles d’orteils. Elle ajoute qu’aucune aide technique ne peut permettre à la travailleuse de le faire.

[86]           La preuve démontre la nécessité pour la travailleuse de recourir à une aide extérieure pour se faire couper les ongles d’orteils à l’occasion.

[87]           La travailleuse mentionne que le coût actuel de tels soins est de 30 $ à chaque fois. Elle doit par ailleurs recourir aux services d’une infirmière pour ses soins de pieds à une fréquence d’une fois par trois ou quatre semaines. Tout cela apparaît raisonnable.

[88]           Le tribunal considère être en présence d’une situation très particulière. En conséquence, il semble juste et approprié de permettre à la travailleuse de se faire rembourser les coûts reliés aux soins de pieds. Pour ce faire, il est possible d’avoir recours aux dispositions des articles 1 et 184 paragraphe 5 de la loi qui prévoient ce qui suit :

1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.

 

Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour dommages corporels et, le cas échéant, d'indemnités de décès.

 

La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.

________

1985, c. 6, a. 1.


184. La Commission peut :

[...] 

5° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle. […]

________

1985, c. 6, a. 184.

 

 

[89]           La Commission des lésions professionnelles considère donc que la CSST doit assumer le coût des soins de pieds requis par la condition de la travailleuse, et ce, dans la mesure où ce coût demeure raisonnable compte tenu des circonstances.

Le coût des médicaments Novo-Xapam et Alti-Alprazolam

[90]           À ce stade-ci, la Commission des lésions professionnelles constate que la travailleuse a contesté la décision initiale de la CSST du 26 novembre 1998 dans le délai prescrit par la loi. En effet, la travailleuse a prouvé avoir transmis à la CSST une demande de révision de cette décision, et ce, en date du 14 décembre 1998. Sa demande de révision à ce sujet est donc recevable.

[91]           Le droit à l’assistance médicale est traité aux articles 188 et suivants de la loi. Il y a lieu de citer l’article 188 et le paragraphe 3 de l’article 189 qui se lisent comme suit :

188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

________

1985, c. 6, a. 188.

 

189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :

 

[..]

  les médicaments et autres produits pharmaceutiques; [...]

________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23.

 

 

[92]           Les médicaments Novo-Xapam et Alti-Alprazolam sont prescrits à la travailleuse afin de l’aider à supporter les douleurs résultant de ses deux lésions professionnelles. C’est du moins ce que la travailleuse affirme. Or, rien ne permet de douter de la version de la travailleuse à ce sujet. Il faut également rappeler que le docteur Fradet est d’avis que la médication prise par la travailleuse est justifiée.

[93]           Compte tenu de ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles considère que la CSST doit assumer le coût des médicaments Novo-Xapam et Alti-Alprazolam, dans la mesure où ceux-ci seront prescrits par le médecin de la travailleuse.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête de madame Janine Turgeon, la travailleuse ;

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 18 janvier 2000 à la suite d’une révision administrative ;

DÉCLARE que l’emploi d’agente d’indemnisation constitue un emploi convenable pour la travailleuse ;

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit au bénéfice d’une aide personnelle à domicile ;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail doit assumer le coût raisonnable des soins de pieds requis par la travailleuse ;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail doit assumer le coût des médicaments Novo-Xapam et Alti-Alprazolam, dans la mesure où ceux-ci seront prescrits par le médecin de la travailleuse.

 

 

 

 

Me Raymond Arseneau

 

Commissaire

 

 

 

 

 

POULIOT, L’ÉCUYER & ASS.

(Me Come Poulin)

2525, boul. Laurier, 10e étage

Sainte-Foy (Québec)

G1V 2L2

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

PANNETON LESSARD

(Me Manon Séguin)

180, Des Gouverneurs, C.P. 218

Rimouski (Québec)

G5L 8G1

 

Représentante de la partie intervenante

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Voir, entre autres, à ce sujet : CSST et Fleurent, [1998] C.L.P. 360 .

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.