Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
_

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

15 juin 2005

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

240048-71-0407

 

Dossier CSST :

091235168

 

Commissaire :

Lucie Landriault, avocate

 

Membres :

Jacques Garon, associations d’employeurs

 

Jacqueline Dath, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Edgar Lopez

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Cercast inc. (fermé)

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

[1]                Le 19 juillet 2004, monsieur Edgar Lopez (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 12 juillet 2004 à la suite d'une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision qu'elle a initialement rendue le 9 juin 2003. La CSST déclare que le travailleur n'est pas capable d’exercer l’emploi d’homme de service qu’il occupait au moment de sa récidive, rechute ou aggravation. Or, il n’a pas droit à la réadaptation puisqu’il ne conserve pas de limitations fonctionnelles additionnelles. Enfin, il est capable, à compter du 9 juin 2003, d’exercer l’emploi convenable préalablement déterminé de préposé au stationnement.

[3]                L'audience s'est tenue le 4 avril 2005 à Montréal en présence du travailleur et de sa procureure. L'employeur, Cercast inc., qui a fermé ses portes, n’est pas représenté. La CSST, qui est intervenue au dossier, est représentée par procureure.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande d’accueillir sa requête, d’infirmer la décision de la CSST du 12 juillet 2004, de déclarer qu’il a droit à la réadaptation et qu’il n’est pas capable d’exercer l’emploi convenable préalablement déterminé de préposé au stationnement.

[5]                La procureure du travailleur soutient que la CSST a implicitement reconsidéré sa décision du 24 mars 1994 dans laquelle elle détermine un emploi convenable de préposé au stationnement, en retenant en 1996 un autre emploi, soit homme de service au Collège Rabbinique, pour lequel elle a accordé une subvention à l’employeur. Puisque le travailleur est incapable de refaire son emploi d’homme de service, il a droit à la réadaptation et à l’indemnité de remplacement du revenu selon l’article 47 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[6]                Subsidiairement, si le tribunal conclut que le travailleur est capable de faire l’emploi convenable de préposé au stationnement, il demande de déclarer qu’il a droit à l’indemnité de remplacement du revenu durant un an, selon l’article 49 de la loi.

LES FAITS

[7]                Le 5 février 1986, le travailleur fait une réclamation à la CSST pour un problème d’asthme bronchique relié à son travail dans une fonderie. Le 14 février 1986, il présente une récidive, rechute ou aggravation.

[8]                Le 25 septembre 1986, la CSST reconnaît que le travailleur présente une maladie professionnelle. (Bien que la CSST ait, pas la suite, reconsidéré cette décision, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles a, le 2 octobre 1990, rétabli la décision du 25 septembre 1986.)

[9]                Le travailleur conserve de sa lésion professionnelle initiale de 1986, une atteinte permanente à l’intégrité physique de 26,25 %.

[10]           Quant aux limitations fonctionnelles, en raison d’une hyperexcitabilité bronchique importante qui nécessite une médication élaborée, le travailleur doit éviter d’être exposé à toute forme d’irritants primaires, que ce soit des variations extrêmes de température, le vent, le froid, les odeurs fortes, les excès de poussière; de plus, puisqu’il fait de l’asthme post-effort physique, il doit éviter d’accomplir un travail demandant autre chose que des efforts très légers.

[11]           Le 24 mars 1994, la CSST rend une décision dans laquelle elle déclare que le travailleur est incapable d’exercer son emploi mais qu’il est capable d’exercer un emploi convenable de préposé au stationnement. Le travailleur ne conteste pas cette décision. Le travailleur n’a pas occupé l’emploi de préposé au stationnement. Bien qu’il ait cherché, il n’a pas trouvé un tel emploi.

[12]           Le 11 décembre 1995, la CSST reçoit un appel du Collège Rabbinique de Montréal. Cet employeur veut offrir un emploi d’homme de service au travailleur et s’informe quant à la possibilité d’une subvention. La conseillère en réadaptation de la CSST explique à l’employeur les critères et conditions pour obtenir une subvention à l’embauche. Elle l’informe que « l’emploi doit respecter les capacités résiduelles du travailleur ». Elle consulte le médecin conseil de la CSST pour savoir si l’emploi respecte les limitations fonctionnelles du travailleur, ce à quoi le médecin répond qu’il n’y a pas de contre-indication.

[13]           Le 24 janvier 1996, la conseillère en réadaptation de la CSST tient une rencontre au Collège Rabbinique dans le but de négocier une subvention à l’embauche pour un poste d’homme de service à la synagogue. Elle souligne à l’employeur que l’emploi doit permettre au travailleur d’acquérir de nouveaux apprentissages et une nouvelle compétence professionnelle. À la demande de la CSST, l’employeur fournit un plan de formation.

[14]           La CSST analyse l’emploi d’homme de service chez l’employeur. Elle conclut qu’il s’agit d’un emploi « approprié » à la condition du travailleur et note que l’employeur a été informé des limitations fonctionnelles.

[15]           Une entente est conclue selon laquelle la CSST paie une partie du salaire du travailleur de 15 642 $ l’an à compter du 26 janvier 1996 durant près de neuf mois, soit jusqu’à 50%. La CSST doit effectuer un suivi aux trois mois. La conseillère avise le travailleur et l’employeur qu’ils devront communiquer avec elle si le travailleur a de la difficulté à faire une ou plusieurs tâches.

[16]           Le 26 janvier 1996, la conseillère en réadaptation de la CSST écrit à l’employeur, Collège Rabbinique de Montréal, en ces termes :

« […]

Monsieur,

 

À la suite de l’étude du dossier de la personne ci-haut mentionnée, nous devons vous informer que nous vous accordons une subvention par le biais du programme «’’Subside pour embauche ’’, pour le poste d’homme de service.

 

Le montant total de la subvention est de cinq mille quatre cent trente dollars (5 430,00 $). Il vous sera versé selon les modalités suivantes :

 

À partir du 29 janvier 1996 :

 

25 semaines à 50 % du salaire versée  +=

3 750,00 $

14 semaines à 40% du salaire versé  =

1 680,00 $

 

 

À cet effet, nous vous demandons de signer l’entente en annexe, et de nous la retourner dans l’enveloppe pré-adressée jointe à la présente.

 

Vous trouverez aussi en annexe des formulaires qui ont trait au remboursement des sommes autorisées. Nous vous suggérons de nous faire parvenir une réclamation par mois, afin que nous procédions au remboursement des sommes dues.

 

Je vous contacterai à tous les trois mois afin de faire un suivi relatif à la formation et à l’embauche.

 

Espérant le tout conforme, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

 

[…] »

 

 

[17]           Le travailleur occupe l’emploi d’homme de service jusqu’au 8 décembre 1997, soit durant près de deux ans.

[18]           Le 8 décembre 1997, le travailleur allègue la survenance d’une lésion professionnelle dans l’exercice de ses tâches d’homme de service au Collège Rabbinique. Le 14 septembre 2000, la CSST rend une décision dans laquelle elle conclut que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 8 décembre 1997. Cette décision est confirmée par la CSST le 27 août 2001. Toutefois, le 12 juillet 2002, la Commission des lésions professionnelles reconnaît que le travailleur a présenté, le 8 décembre 1997, une lésion professionnelle. La Commission des lésions professionnelles souligne que :

« Durant une année, le travailleur n’a pas eu de problème à exécuter ses tâches sauf que par la suite, il a dû nettoyer une piscine de façon quotidienne à l’eau de javel en atomiseur (…) il a dû nettoyer des piscines avec du chlore pendant un certain temps et il a commencé à développer de symptômes. Il s’agit d’un irritant et le travailleur ne devait pas y être exposé, ce qui lui a causé une rechute de son asthme nécessitant un arrêt de travail en décembre 1997. »

 

[19]           Le 9 juin 2003, la CSST rend une décision dans laquelle elle conclut que le travailleur est capable, à compter du 6 juin 2003, d’exercer l’emploi convenable préalablement déterminé de préposé au stationnement puisqu’aucune limitation fonctionnelle additionnelle n’a été retenue par son médecin à la suite de sa lésion professionnelle du 8 décembre 1997. Cette décision est confirmée par la CSST le 12 juillet 2004 dans le cadre d’une révision administrative, d’où le présent litige.

[20]           Répondant aux arguments du travailleur, la CSST déclare, dans sa décision du 12 juillet 2004, qu’elle n’a pas reconsidéré sa décision concernant l’emploi convenable de préposé au stationnement lorsqu’elle a versé une subvention à l’embauche pour l’emploi d’homme de service au Collège Rabbinique. Elle souligne que la décision du 24 mars 1994 concernant l’emploi convenable de préposé au stationnement est finale. La CSST peut verser une subvention pour tout emploi, en autant qu’il est démontré que les limitations fonctionnelles soient respectées dans cet emploi. La CSST tient compte du fait que les limitations fonctionnelles du travailleur sont les mêmes que lors de la lésion initiale et souligne :

« Il est établi, selon ces limitations fonctionnelles, que le travailleur ne pourrait occuper l’emploi d’homme de service au Collège Rabbinique.

 

Par contre, considérant que le travailleur ne conserve pas de limitations fonctionnelles additionnelles suite à la dernière récidive, rechute ou aggravation, il n’est pas admissible à la réadaptation qui a déjà eu lieu dans ce dossier et il peut donc toujours occuper l’emploi convenable de préposé au stationnement. »

 

 

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[21]           La procureure du travailleur soutient, qu’à la suite de la lésion professionnelle du travailleur du 8 décembre 1997, la CSST devait décider de la capacité du travailleur à refaire son emploi d’homme de service. Puisqu’il était incapable de refaire son emploi, le travailleur avait droit à la réadaptation et à l’indemnité de remplacement du revenu. Nonobstant le fait que le travailleur n’avait pas de limitations fonctionnelles additionnelles, la CSST devait voir si le travailleur avait besoin de réadaptation pour pouvoir reprendre son emploi. La CSST devait suivre les étapes de la réadaptation.

[22]           La CSST devait analyser la capacité du travailleur à exercer l’emploi que le travailleur exerçait au moment de sa lésion professionnelle et non un emploi virtuel. La situation diffère du cas d’un travailleur qui n’aurait pas d’emploi et où l’on pourrait considérer l’emploi convenable prédéterminé comme emploi habituel.

[23]           Le travailleur avait donc droit à la réadaptation. La CSST ne pouvait conclure à la capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable prédéterminé de préposé au stationnement sans analyser les critères de l’emploi convenable, selon l’article 2 de la loi, d’autant plus que l’analyse qui avait été faite antérieurement était sommaire.

[24]           En effet, la CSST avait reconsidéré implicitement sa décision concernant l’emploi convenable de préposé au stationnement. En analysant l’emploi d’homme de service, en vérifiant s’il respectait les limitations fonctionnelles du travailleur, en vérifiant s’il s’agissait d’un emploi approprié pour le travailleur, en supervisant l’embauche du travailleur, la CSST reconsidérait sa décision du 24 mars 1994 et modifiait le plan de réadaptation du travailleur selon les articles 146 et 147 de la loi. Le plan de réadaptation du travailleur était terminé mais la CSST a décidé de le modifier devant des circonstances nouvelles, soit un nouvel emploi disponible pour le travailleur.

[25]           Enfin, si la CSST avait analysé en 2003 la capacité du travailleur à exercer l’emploi de préposé au stationnement comme emploi convenable, elle aurait conclu, devant la preuve médicale et factuelle, que le travailleur était incapable d’exercer l’emploi de préposé au stationnement. En effet, l’emploi de préposé au stationnement implique de voir à maintenir la propreté (Code CNP 6683-003, Repères, pièce T-1), alors que le travailleur ne peut, notamment, travailler dans la poussière ni faire des efforts autres que très légers en raison de son asthme post-effort. L’emploi implique aussi de travailler dans le froid, ce qui est contraire à ses limitations fonctionnelles. Refuser d’analyser la capacité du travailleur à exercer l’emploi de préposé au stationnement pour des raisons administratives va à l’encontre des objectifs de la loi en permettant qu’un travailleur puisse exercer un emploi qui met en danger sa santé et sa sécurité. De plus, l’emploi ne respecte pas les qualifications professionnelles du travailleur.

[26]           La procureure de la CSST plaide que le travailleur n’a pas contesté la décision du 24 mars 1994 concernant l’emploi convenable de préposé au stationnement, décision qui est finale et sans appel. C’est plus d’un an après cette décision, et que la réadaptation était terminée, que des démarches ont eu lieu avec le Collège Rabbinique dans le but d’accommoder le travailleur. La CSST a accordé une subvention au Collège Rabbinique, mais cela ne s’est pas fait dans le cadre de la réadaptation.

[27]           D’autre part, même si la CSST détermine un emploi convenable, un travailleur peut occuper un autre emploi convenable. C’est dans ce cadre, que la CSST a regardé si l’emploi d’homme de service respectait ses limitations fonctionnelles.

[28]           La CSST n’a pas rendu de décision implicite. En vertu de l’article 365 de la loi, les parties doivent être informées avant la reconsidération d’une décision, ce qui n’est pas le cas en l’instance puisque l’employeur Cercast n’a pas été informé.

[29]           Il n’y a pas non plus de circonstances nouvelles selon l’article 146.

[30]           La CSST a donc décidé que le travailleur était capable de refaire l’emploi convenable de préposé au stationnement devant l’absence de limitations fonctionnelles additionnelles. Elle n’avait donc pas à analyser la capacité du travailleur en fonction des critères de l’emploi convenable, tel que défini à l’article 2 de la loi.

[31]           La procureure du travailleur réplique que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ne permet pas de perpétuer des erreurs, surtout lorsque la santé et la sécurité des travailleurs est en cause comme en l’instance puisque le travailleur est incapable d’exercer l’emploi de préposé au stationnement. La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles a pour objet de réparer les conséquences des lésions professionnelles. La CSST avait, en 1994, analysé succinctement la capacité du travailleur. C’est le travailleur qui avait suggéré cet emploi. La CSST n’avait pas demandé l’avis d’un médecin régional, à savoir si l’emploi de préposé au stationnement respectait les limitations fonctionnelles du travailleur. Elle avait regardé l’outil Repères, et devant l’accord du travailleur, avait conclu à sa capacité même s’il ne pouvait travailler dans la poussière ni faire d’efforts.

[32]           D’autre part, bien que la procureure de la CSST soutienne que la subvention n’a pas été accordée dans le cadre de la réadaptation, c’est le seul cadre dans lequel la CSST peut accorder une subvention à l’embauche, l’article 167(5) se situant dans le chapitre de la réadaptation professionnelle. De plus, la CSST n’a pas décidé implicitement en vertu de l’article 365 mais bien en vertu de l’article 146 (2) de la loi.

L’AVIS DES MEMBRES

[33]           Conformément aux dispositions de l'article 429.50 de la loi, la commissaire soussignée a demandé aux membres qui ont siégé auprès d'elle leur avis sur les questions faisant l'objet de la présente requête, de même que les motifs de cet avis.

[34]           Le membre issu des associations d'employeurs est d'avis que la requête du travailleur devrait être rejetée et la décision de la CSST confirmée. Selon lui, la CSST a explicitement reconnu que l’emploi d’homme de service au Collège Rabbinique est un emploi convenable pour le travailleur. Toutefois, cela n’a pas eu pour effet de remplacer la décision du 24 mars 1994 où la CSST déterminait que l’emploi de préposé au stationnement était un emploi convenable pour lui. D’autre part, la CSST pouvait déclarer que le travailleur était capable d’exercer l’emploi convenable prédéterminé de préposé au stationnement, puisqu’il n’y a pas eu d’augmentation des limitations fonctionnelles du travailleur après la lésion du 8 décembre 1997.

[35]           La membre issue des associations syndicales est d'avis que la requête du travailleur devrait être accueillie et la décision de la CSST infirmée. La CSST a implicitement déterminé comme emploi convenable l’emploi d’homme de service au Collège Rabbinique. Puisque le travailleur est incapable d’exercer cet emploi qui est devenu le sien, il a droit à la réadaptation. D’autre part, le travailleur est incapable d’exercer l’emploi de préposé au stationnement.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[36]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si, à la suite de la consolidation de la lésion professionnelle du travailleur du 8 décembre 1997, la CSST était justifiée, le 9 juin 2003, de statuer sur la capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable, préalablement déterminé le 24 mars 1994, de préposé au stationnement ou si le travailleur avait droit à la réadaptation.

[37]           Après analyse, la Commission des lésions professionnelles conclut que la CSST devait statuer sur la capacité du travailleur à exercer son emploi[2], soit l’emploi d’homme de service qui était aussi l’emploi convenable déterminé par la CSST. Dans la négative, le travailleur avait droit à la réadaptation.

[38]           En effet, les articles qui concernent la réadaptation professionnelle sont à l’effet qu’il faut, dans un premier temps, voir si le travailleur peut exercer son emploi ou un emploi équivalent (articles 166, 168); s’il en est incapable, il faut voir si une mesure de réadaptation peut le rendre capable d’exercer son emploi ou un emploi équivalant (article 169); dans la négative, il faut voir si l’employeur a un emploi convenable disponible et si une mesure de réadaptation peut rendre le travailleur capable d’exercer cet emploi (article 170). Si aucune de ces éventualités n’est possible, le travailleur peut bénéficier de services d’évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l’aider à déterminer un emploi convenable qu’il pourrait exercer (article 171).

[39]           La CSST ne pouvait sauter ces étapes et décider que le travailleur était capable d’exercer l’emploi de préposé au stationnement, préalablement retenu. Comme le souligne la procureure du travailleur, la situation pourrait être différente dans un cas où un travailleur n’exerce pas d’emploi au moment de sa lésion professionnelle.

[40]           D’autre part, la Commission des lésions professionnelles conclut que la CSST avait modifié implicitement l’emploi convenable de préposé au stationnement pour retenir celui d’homme de service (article 146, 2e alinéa).

[41]           En analysant l’emploi d’homme de service, en s’assurant qu’il respectait les limitations fonctionnelles du travailleur, en organisant une rencontre chez l’employeur, en demandant à l’employeur de fournir un plan de formation, en accordant au Collège Rabbinique une subvention à l’embauche, en demandant au travailleur et à l’employeur de communiquer avec la CSST si le travailleur avait de la difficulté à effectuer l’une ou l’autre de ses tâches, la CSST modifiait le plan individualisé de réadaptation du travailleur de telle sorte que l’emploi d’homme de service devenait l’emploi convenable du travailleur. En effet, la CSST s’était assurée que l’emploi d’homme de service était un emploi approprié pour le travailleur et qu’il respectait ses limitations fonctionnelles, critères essentiels pour déterminer un emploi convenable dont la notion est définie à l’article 2 de la loi :

« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[42]           Ce faisant, la CSST agissait en vertu des articles qui encadrent la réadaptation professionnelle et qui prévoient ce qui suit :

DROIT À LA RÉADAPTATION 

 

(…)

 

146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.

 

Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.

__________

1985, c. 6, a. 146.

 

147. En matière de réadaptation, le plan individualisé constitue la décision de la Commission sur les prestations de réadaptation auxquelles a droit le travailleur et chaque modification apportée à ce plan en vertu du deuxième alinéa de l'article 146 constitue une nouvelle décision de la Commission.

__________

1985, c. 6, a. 147.

 

Réadaptation professionnelle

 

166. La réadaptation professionnelle a pour but de faciliter la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou, si ce but ne peut être atteint, l'accès à un emploi convenable.

__________

1985, c. 6, a. 166.

 

167. Un programme de réadaptation professionnelle peut comprendre notamment:

 

1°   un programme de recyclage;

2°   des services d'évaluation des possibilités professionnelles;

3°   un programme de formation professionnelle;

4°   des services de support en recherche d'emploi;

5°   le paiement de subventions à un employeur pour favoriser l'embauche du travailleur qui a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique;

6°   l'adaptation d'un poste de travail;

7°   le paiement de frais pour explorer un marché d'emplois ou pour déménager près d'un nouveau lieu de travail;

8°   le paiement de subventions au travailleur.

__________

1985, c. 6, a. 167.

 

168. Le travailleur qui, en raison de sa lésion professionnelle, a besoin de mettre à jour ses connaissances pour redevenir capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent peut bénéficier d'un programme de recyclage qui peut être réalisé, autant que possible au Québec, en établissement d'enseignement ou en industrie.

__________

1985, c. 6, a. 168; 1992, c. 68, a. 157.

 

169. Si le travailleur est incapable d'exercer son emploi en raison d'une limitation fonctionnelle qu'il garde de la lésion professionnelle dont il a été victime, la Commission informe ce travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu'une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent avant l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail.

 

Dans ce cas, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l'employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu'il est redevenu capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent.

__________

1985, c. 6, a. 169.

(…)

 

170. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent, la Commission demande à l'employeur s'il a un emploi convenable disponible et, dans l'affirmative, elle informe le travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu'une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d'exercer cet emploi avant l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail.

 

Dans ce cas, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l'employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu'il est devenu capable d'exercer l'emploi convenable disponible.

__________

1985, c. 6, a. 170.

 

171. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n'a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer.

 

Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail.

__________

1985, c. 6, a. 171.

 

(…)

 

175. La Commission peut, aux conditions qu'elle détermine et qu'elle publie à la Gazette officielle du Québec 30 jours avant leur mise en application, octroyer à l'employeur qui embauche un travailleur victime d'une lésion professionnelle une subvention pour la période, n'excédant pas un an, pendant laquelle ce travailleur ne peut satisfaire aux exigences normales de l'emploi.

 

Cette subvention a pour but d'assurer au travailleur une période de réadaptation à son emploi, d'adaptation à son nouvel emploi ou de lui permettre d'acquérir une nouvelle compétence professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 175.

 

 

[43]           La CSST a donc modifié le plan de réadaptation du travailleur, en vertu des articles 146(2) et 147. Devant des circonstances nouvelles, soit que le travailleur était incapable de se trouver un emploi de préposé au stationnement mais qu’il s’était trouvé un emploi d’homme de service au Collège Rabbinique en décembre 1995, la CSST a entrepris de vérifier si l’emploi d’homme de service constituait pour le travailleur un emploi convenable. Après de nombreuses démarches, la CSST considérait que l’emploi d’homme de service était un emploi approprié pour le travailleur et octroyait une subvention à l’employeur, tout en continuant à assurer un suivi. La CSST modifiait ainsi le plan individualisé de réadaptation et modifiait implicitement sa décision du 24 mars 1994.

[44]           L’emploi convenable de préposé au stationnement a donc été remplacé par l’emploi convenable d’homme de service.

[45]           Après la récidive, rechute ou aggravation du 8 décembre 1997 subie dans l’exercice de l’emploi d’homme de service, la CSST devait donc décider si le travailleur était capable de refaire son emploi, soit l’emploi convenable d’homme de service.

[46]           Le 12 juillet 2004, la CSST concluait que le travailleur ne pouvait plus occuper l’emploi d’homme de service qui ne respectait pas ses limitations fonctionnelles. La procureure de la CSST a d’ailleurs souligné à l’audience du 4 avril 2005 que la CSST est d’accord avec le fait que le travailleur ne peut pas exercer l’emploi d’homme de service au Collège Rabbinique puisqu’il ne respecte pas ses limitations fonctionnelles.

[47]           Devant cet état de fait, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur avait droit à la réadaptation et à l’indemnité de remplacement du revenu (article 47).

[48]           La Commission des lésions professionnelles ne retient pas les arguments de la CSST à l’effet que la décision du 24 mars 1994 est finale, qu’elle bénéficie du principe de la stabilité des décisions et que cela empêche la modification du plan de réadaptation. En effet, le plan individualisé de réadaptation peut être modifié, même après la décision non contestée déterminant un emploi convenable[3].

[49]           La Commission des lésions professionnelles ne retient pas non plus que la CSST ait simplement voulu accommoder le travailleur. La CSST a agi, dans le cadre des dispositions légales encadrant la réadaptation professionnelle et en s’assurant de respecter ces dispositions.

[50]           D’autre part, l’affaire Roy et Les services C. Roy ltée[4] déposée par la CSST diffère du cas de monsieur Lopez. Dans cette affaire, la CSST n’avait pas modifié le plan de réadaptation du travailleur en déterminant un nouvel emploi convenable.

[51]           Puisque le travailleur n’était pas capable de refaire son emploi convenable d’homme de service, la CSST devait déterminer un autre emploi convenable pour lui, en faisant une analyse selon la définition de l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.  

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Edgar Lopez, le travailleur;

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du 12 juillet 2004;

DÉCLARE que monsieur Lopez a droit à la réadaptation;

DÉCLARE que monsieur Lopez a droit à l’indemnité de remplacement du revenu;

RETOURNE le dossier à la CSST pour qu’elle élabore pour le travailleur un plan individualisé de réadaptation pour le travailleur.

 

 

__________________________________

 

Me Lucie Landriault

 

Commissaire

 

 

Me Diane Turbide

TURBIDE LEFEBVRE, ASS.

Procureure de la partie requérante

 

 

Me Karine Morin

PANNETON LESSARD

Procureure de la partie intéressée

 



[1]          L.R.Q., chapitre A-3.001

[2]          Gendreau et Aristide Brousseau et fils ltée, [2003] C.L.P. 1694, déposée par le travailleur, et référant à Nadon et Sablage Jet 2000 inc., C.L.P. 138373-63-0005, 12 septembre 2000, et Boisvenu et Tecksol inc., [2000] C.L.P. 596

[3]          Béland et Barrette-Chapais ltée, C.L.P. 211061-03B-0306, 27 octobre 2004, P. Brazeau; Carrière et Béton de la 344 inc., C.L.P. 185806-64-0206, 22 août 2002, D. Robert; Gagnon et BG automatique (BG GHECO SENC), C.L.P. 84233-09-9612, 16 juillet 1999, C. Bérubé

[4]          C.L.P. 89305-62A-9705, 19 janvier 2000, D. Rivard

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.