Larochelle et Commission de la santé et de la sécurité du travail |
2007 QCCLP 6045 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 8 mai 2007, le travailleur dépose une requête en révision de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 25 avril 2007.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare irrecevable la requête de monsieur Gilles Larochelle (le travailleur), déposée le 26 juillet 2006 au motif qu’elle n’a pas été produite dans le délai prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et que le travailleur n’a pas fait la preuve d’un motif raisonnable pour être relevé de son défaut.
[3] L’audience sur la requête en révision s’est tenue à St-Jérôme, le 4 septembre 2007, en présence du travailleur.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Le travailleur demande de réviser ou révoquer la décision rendue le 25 avril 2007, de déclarer sa demande de révision recevable et de le convoquer pour une audience sur le fond.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis d’accueillir la requête du travailleur. Ils estiment que le travailleur a fait la preuve d’un fait nouveau qui aurait pu justifier une décision différente s’il avait été connu en temps utile. La preuve produite par le travailleur démontre qu’il a envoyé des documents à la Commission des lésions professionnelles par télécopieur, le 2 juin 2006. La contestation du travailleur est datée du 1er juin 2006 et la nouvelle preuve corrobore donc le témoignage du travailleur qu’il a transmis sa contestation par télécopieur dans le délai imparti. La demande de révision du travailleur ayant été produite dans le délai prévu à la loi, elle est recevable et il y a lieu de convoquer les parties à nouveau pour une audience sur le fond de la contestation.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] La Commission des lésions professionnelles doit décider, s’il y a lieu, de réviser ou révoquer la décision du 25 avril 2007.
[7] L’article 429.49 de la loi énonce que les décisions de la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel :
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[8] Par ailleurs, l’article 429.56 de la loi prévoit que la Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue pour les motifs qui y sont énoncés. Cette disposition se lit comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[9] Au soutien de sa requête, le travailleur dépose un relevé des appels interurbains ou des frais d’utilisation de Bell Canada pour la période comprise entre le 2 juin et le 21 juin 2006. Ce document démontre que le travailleur a envoyé des documents par télécopieur, au bureau de la Commission des lésions professionnelles à St-Jérôme, le 2 juin 2006. En effet, les documents ont été envoyés 6 fois à un numéro de télécopieur de la Commission des lésions professionnelles et 3 fois à un autre numéro de télécopieur.
[10] Le travailleur invoque donc l’existence d’un fait nouveau au sens du 1er paragraphe de l’alinéa 1 de l’article 429.56.
[11] Selon la jurisprudence, pour permettre la révision ou la révocation d’une décision au motif de la découverte d’un fait nouveau, une partie doit faire la preuve de la découverte d’un élément de preuve après que la décision ait été rendue, de la non-disponibilité de cet élément de preuve au moment de l’audience initiale et de son caractère déterminant sur le sort du litige.[2]
[12] Dans la présente affaire, le travailleur contestait, le 26 juillet 2006, une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 2 mai 2006, à la suite d’une révision administrative. Le premier commissaire constate à la face même du dossier que la demande de révision n’a pas été produite dans le délai prévu à la loi. Il demande au travailleur d’expliquer son défaut de respecter le délai prévu pour contester une décision. Il indique dans sa décision que «le travailleur ne cherche pas à expliquer pourquoi il a été empêché d’exercer son recours en temps utile». Il ajoute :
[15] Plutôt, il jure catégoriquement avoir transmis sa contestation au tribunal, par télécopieur, dès la mi-mai 2006.
[16] Confronté au fait qu’il n’a signé son Formulaire de contestation que le 1er juin 2006 et qu’il n’a dès lors pas pu l’expédier avant, il change sa déclaration et suggère qu’il « a dû l’envoyer par fax, le jour même », soit le 1er juin 2006.
[17] Ne pouvant expliquer comment il se fait que l’exemplaire du susdit formulaire versé au dossier ne porte aucune indication de sa transmission par télécopieur ni ne pouvant fournir aucune preuve de celle-ci, le travailleur estime que sa déclaration sous serment devrait suffire à convaincre le tribunal.
[18] Tel aurait pu être le cas si le travailleur n’avait pas lui-même démontré que son témoignage est peu fiable, en se contredisant de façon flagrante comme il l’a fait.
[19] Le travailleur déclare aussi qu’un membre du personnel du greffe du tribunal lui aurait déclaré que rien ne pressait pour déposer l’original de son formulaire de contestation, car cela pouvait être fait « plus tard ».
[20] Cette explication est ambiguë et/ou invraisemblable.
[21] Le travailleur n’est pas en mesure de donner l’identité de son interlocuteur, ni la date à laquelle cette prétendue conversation aurait eu lieu.
[22] Si cette conversation a été tenue avant que le travailleur n’envoie son formulaire via télécopieur, il omet de préciser qu’on l’a averti de s’assurer de la réception par le tribunal de la télécopie qu’il se proposait d’envoyer et de s’en ménager la preuve. C’est la procédure normale en pareilles circonstances ; le personnel du tribunal est bien au fait de tout cela. Il est invraisemblable que les informations données au travailleur aient été différentes.
[23] Si au contraire cet entretien téléphonique a eu lieu après la transmission alléguée, il était aisé pour le travailleur de s’enquérir alors de la réception de son envoi et d’en obtenir confirmation ; ce qui, à l’évidence, n’a pas été le cas. L’eut-il fait, qu’il aurait aussitôt su que son document n’avait pas été reçu et qu’il aurait pu immédiatement remédier à cette carence, avant que le délai imparti n’ait expiré.
[13] Le premier commissaire considère que les explications fournies par le travailleur ne sont pas crédibles et déclare la contestation irrecevable.
[14] Le travailleur obtient le relevé des frais d’utilisation de son télécopieur de Bell après la décision de la Commission des lésions professionnelles. Il le transmet immédiatement au tribunal et demande une révision de la décision.
[15] La preuve déposée par le travailleur à l’appui de la requête en révision confirme son témoignage devant le premier commissaire. Il a envoyé des documents par télécopieur à la Commission des lésions professionnelles, au bureau de St-Jérôme, le 2 juin 2006. Il les a envoyés plus d’une fois puisque la personne qui a reçu le document lui disait que la copie n’était pas claire. Le formulaire de demande de révision est daté du 1er juin 2006. Dans ces circonstances, la Commission des lésions professionnelles conclut qu’il est légitime de croire que c’est la demande de révision que le travailleur a transmise à la Commission des lésions professionnelles, le 2 juin 2006, par télécopieur.
[16] De plus, le travailleur avait dit lors de son témoignage devant le premier commissaire qu’un membre du personnel du greffe du tribunal lui aurait déclaré que rien ne pressait pour déposer l’original de son formulaire de contestation, car cela pouvait être fait plus tard. En effet, le travailleur a déposé l’original du formulaire «plus tard», soit le 26 juillet 2006.
[17] Le relevé des frais d’utilisation déposé par le travailleur révèle donc des éléments nouveaux et prouve que le travailleur a bel et bien transmis sa contestation à la Commission des lésions professionnelles dans le délai prévu à la loi. Bien que cette preuve existait avant que la décision soit rendue, le travailleur ne l’avait pas en sa possession le jour de l’audience. Il croyait que la Commission des lésions professionnelles avait reçu sa contestation et ne pouvait se douter que tous les envois par télécopieur n’avaient pas été déposés dans son dossier. Ce nouveau fait n’était donc pas disponible pour le travailleur lors de l’audience.
[18] La Commission des lésions professionnelles estime, dans les circonstances, que le relevé déposé par le travailleur constitue un fait nouveau, qu’il s’agit d’un élément de preuve qui n’était pas disponible au moment de l’audience et que cet élément a un caractère déterminant. Si cet élément de preuve avait été disponible, il aurait certainement entraîné une décision différente. En effet, cette nouvelle preuve confirme le témoignage du travailleur qui déclarait qu’il avait transmis par télécopieur sa demande de révision dans le délai prévu à la loi. Par conséquent, la contestation du travailleur n’est pas hors délai. Il y a donc lieu de réviser la décision du 25 avril 2007 et de déclarer recevable la requête du travailleur datée du 1er juin 2006, transmise par télécopieur le 2 juin 2006. Les parties seront convoquées ultérieurement pour déterminer si le travailleur est porteur d’une maladie pulmonaire professionnelle.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête en révision du travailleur, monsieur Gilles Larochelle;
RÉVISE la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 25 avril 2007;
DÉCLARE la requête du travailleur datée du 1er juin 2006, transmise par télécopieur le 2 juin 2006 et par courrier ordinaire le 26 juillet 2006, recevable;
CONVOQUERA à nouveau les parties à une audience sur le fond de la contestation déposée par monsieur Gilles Larochelle.
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Santina Di Pasquale |
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Commissaire |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.