Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

16 juin 2004

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

215940-72-0309

 

Dossier CSST :

122966872

 

Commissaire :

Simon Lemire, avocat

 

Membres :

Jean-Marie Trudel, associations d’employeurs

 

Marcel Desrosiers, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Albert Deschênes

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé et de la sécurité du travail - Soutien à l’imputation

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 9 septembre 2003, monsieur Albert Deschênes (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 2 septembre 2003 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Dans sa décision, la révision administrative confirme une décision rendue par la CSST en première instance le 20 mai 2003. La révision administrative précise qu’il ne s’agit pas d’une décision, mais plutôt d’une lettre d’information qui ne peut être considérée comme la décision et déclare irrecevable la demande de révision du travailleur présentée le 20 mai 2003.

[3]                Sur cette question, le tribunal a avisé, au début de l’audience, qu’il considérait que la décision rendue par la CSST en date du 20 mai 2003 refusant de défrayer les coûts pour des appareils audiologiques suggérés par l’audioprothésiste, madame Marjorie Tremblay, constituait bel et bien une décision et, sur cet aspect, la décision de la révision administrative doit être annulée.

[4]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la CSST doit autoriser le remboursement des frais pour l’appareil prescrit par son audiologiste.

[5]                L’audience s’est tenue le 2 juin 2004 à Montréal. Le travailleur est présent et non représenté et aucune autre partie n’était présente à l’audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[6]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la révision administrative de la CSST rendue le 2 septembre 2003 et de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais pour les appareils audiologiques prescrits par l’audiologiste.

L’AVIS DES MEMBRES

[7]                Conformément à l’article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), le commissaire a obtenu l’avis des membres sur la question faisant l’objet de la contestation.

[8]                Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis de rejeter sa requête en contestation, puisqu’il n’a pas démontré que les appareils audiologiques prescrits par l’audioprothésiste, madame Marjorie Tremblay, sont les plus adéquats pour le travailleur.

[9]                Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la CSST doit autoriser les prothèses auditives, telles que prescrites, puisqu’elles le sont pour pallier les déficiences que le travailleur conserve de sa lésion professionnelle.

LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[10]           Dans sa prise de décision, la Commission des lésions professionnelles a tenu compte de l’avis de ses membres et a étudié l’ensemble de la preuve documentaire qui apparaît au dossier.  La Commission des lésions professionnelles s’est instruite du témoignage du travailleur et a considéré son argumentation.

[11]           La Commission des lésions professionnelles, en motivant sa décision, se réfère aux éléments de la preuve tant documentaire que testimoniale qu’elle considère pertinente à la détermination des questions en litige.

[12]           Le travailleur a subi une lésion professionnelle, à savoir une maladie professionnelle en date du 2 octobre 2002 et qu’il était porteur d’une surdité professionnelle lui donnant droit à un pourcentage d’atteinte permanente de 7,40 %. Cette maladie professionnelle et l’atteinte permanente reconnues au travailleur ont été acceptées par la CSST qui a versé les prestations telles que prévues par la loi.

[13]           Le travailleur est donc porteur d’une atteinte permanente lui donnant droit au programme de réadaptation, tel que prévu aux articles 145 et suivants de la loi, notamment aux dispositions de l’articles 151 de la loi :

151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

[14]           Cet article prévoit que la Commission doit tenter d’aider à surmonter, dans la mesure du possible, les conséquences personnelles et sociales que la lésion professionnelle entraîne afin qu’il redevienne autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles. Il n’est pas fait référence à des habitudes exclusives de travail, mais bien à ses activités habituelles.

[15]           Les dispositions de l’article 145 de la loi prévoient que le travailleur qui aurait une atteinte permanente à son intégrité physique a droit à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle. Le travailleur n’est plus sur le marché du travail, mais continue d’être actif au niveau social.

[16]           Le travailleur a consulté l’audioprothésiste, madame Marjorie Tremblay, qui a prescrit des prothèses auditives numériques pour l’oreille gauche et l’oreille droite, incluant les accessoires, soit la pile et la trousse d’entretien, telles que décrites à l’estimation présentée par l’audioprothésiste, pour un montant total de 4 724,00 $.

[17]           L’audioprothésiste, madame Marjorie Tremblay, précise que le travailleur a besoin de ces modèles de prothèses auditives, puisque que le travailleur est actif et qu’il lui est présentement impossible de s’intégrer dans des groupes, puisqu’il ne peut converser normalement, ce qui entraîne une tendance à l’isolement ou à faire semblant qu’il comprend alors qu’il ne suit pas les moindres conversations. Cette affirmation est confirmée par le témoignage du travailleur à l’audience.

[18]           De plus, il est mentionné dans la note du 15 avril 2003 que le travailleur a besoin de ces prothèses qui sont adéquates pour répondre à ses besoins, puisqu’il éprouve de la difficulté au téléphone et que la communication en groupe est un problème majeur pour lui, puisqu’il est actif et qu’il fréquente des groupes, mais qu’il a de la difficulté en raison de sa surdité professionnelle, qui consiste notamment à un déséquilibre entre les fréquences lui causant un grave problème dans les milieux bruyants. La seule façon de pallier ces manquements, c’est par les prothèses auditives numériques telles que prescrites.

[19]           La CSST a refusé la réclamation au motif que cette prescription ne rencontrait pas les politiques de la CSST. Il est bon de préciser que les politiques servent à administrer la loi, mais ne peuvent en aucun cas servir à empêcher l’application de celle-ci et que, dans le présent dossier, compte tenu des opinions de l’audiologiste Tremblay ainsi que de l’audiologiste Bourgault qui, dans une lettre du 7 mai 2003, indique que les prothèses auditives numériques donneraient une meilleure qualité de son et couperaient le bruit environnant.  Même si le travailleur n’en a pas besoin pour des problèmes de sécurité, elles lui sont nécessaires afin de le rendre capable de fonctionner normalement dans la société. C’est exactement ce que prévoient les dispositions de l’article 145 et suivants de la loi afin de permettre à une personne atteinte d’une atteinte permanente de combler, dans la mesure du possible, l’ensemble des inconvénients liés à sa lésion professionnelle.

[20]           Dans le présent dossier, le travailleur, en raison de sa perte d’audition, est en train de s’isoler et de diminuer sa qualité de vie et les activités qu’il effectuerait normalement, n’eut été de sa lésion professionnelle. Il y a donc lieu de faire droit à la contestation du travailleur.  L’évolution technologique permet de mettre au point des appareils audiologiques qui améliorent grandement la qualité de vie de ces personnes.  Ainsi, on est passé du cornet de grand-père à des prothèses auditives numériques.  Ainsi va l’évolution, on doit fournir les équipements qui rencontrent les besoins des accidentés et, lorsqu’une prothèse permet de palier d’une façon adéquate une atteinte permanente, un déficit anatomo-physiologique, une perte auditive, c’est cette prothèse qui doit être fournie pour rencontrer les exigences de la loi.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Albert Deschênes;

INFIRME la décision de la révision administrative de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 2 septembre 2003;

ORDONNE à la Commission de la santé et de la sécurité du travail d’autoriser les paiements pour les prothèses auditives numériques pour l’oreille gauche et pour l’oreille droite, ainsi que les piles et la trousse d’entretien, le tout d’une valeur de 4 724,00 $ avant les taxes.

 

 

__________________________________

 

Simon Lemire

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1]          L.R.Q., c. A - 3.001

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