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[1] Le 17 décembre 2004, monsieur Marco Anglehart (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 22 octobre 2004 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 10 juin 2004 et déclare que le médicament Viagra ne peut faire l’objet d’un remboursement par la CSST.
[3] Lors de l’audience tenue à Rivière-du-Loup le 28 février 2006, le travailleur est présent avec son procureur. Le procureur de Les Coffrages CC ltée (l’employeur) a par ailleurs préalablement avisé le tribunal qu’il n’avait pas de représentations particulières à soumettre. Un délai a été accordé au travailleur pour la production d’un document complémentaire. Ce document a été déposé le 29 mars 2006 et le dossier a été pris en délibéré à cette date.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande de déclarer qu’il a droit au remboursement par la CSST du coût du médicament Viagra ou d’un autre médicament de même nature, en l’occurrence du Cialis. .
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que la requête du travailleur devrait être accueillie. Ils considèrent plus particulièrement que la preuve, médicale et testimoniale, est prépondérante quant à une relation entre la lésion professionnelle subie par le travailleur et les troubles pour lesquels les médicaments dont le remboursement est demandé sont prescrits.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] Le travailleur, actuellement âgé de 38 ans, travaille comme manœuvre spécialisé chez l’employeur le 29 septembre 2003 lorsqu’il est victime d’une lésion professionnelle.
[7] Il s’avère que le travailleur fait alors une chute d’une hauteur d’environ trois mètres et s’inflige plus particulièrement un traumatisme cranio-cérébral.
[8] Le travailleur allègue un problème de libido et de dysfonction érectile prévalant depuis la survenance de son accident du travail. Du viagra, puis du Cialis, lui ont été prescrits par ses médecins pour remédier à ces problèmes, avec succès.
[9] La CSST refuse de rembourser le coût de ces médicaments, invoquant l’absence de mention au dossier de dysfonction érectile chez le travailleur et l’absence de preuve prépondérante de relation, entre la dysfonction alléguée et l’accident du travail du 29 septembre 2003.
[10] Il est vrai que la preuve dont dispose alors la CSST est extrêmement mince.
[11] Le tribunal a quant à lui pu entendre longuement le travailleur et sa conjointe, en plus de bénéficier des documents médicaux plus étoffés et dont certains sont postérieurs à la décision de la CSST.
[12] Or, à la lumière de l’ensemble de cette preuve testimoniale et médicale, le tribunal conclut à la prépondérance de la preuve en faveur d’une relation entre la lésion professionnelle et la dysfonction érectile que présente le travailleur.
[13] Ainsi, plus particulièrement :
· Le travailleur et sa conjointe témoignent tous deux de façon très crédible de l’absence de quelque problème que ce soit sur ce plan avant l’accident du travail du 29 septembre 2003 et du problème majeur présent depuis lequel a été mentionné au médecin du travailleur à plusieurs reprises, ce que confirment les notes cliniques de ce dernier ;
· Le travailleur et sa conjointe témoignent également des troubles d’humeur présentés par le travailleur depuis sa lésion professionnelle, ce qui est également documenté au dossier ;
· Le travailleur n’est âgé que de 38 ans, ce qui exclut de façon prépondérante un problème lié au vieillissement ;
· Le docteur Thierry Pétry, anesthésiste responsable de la clinique de la douleur de Gaspé, écrit le 27 septembre 2004 que le travailleur est atteint de « dysfonction érectile post traumatique » ;
· Le docteur John Vary, urologue, signe un rapport médical à l’intention de la CSST le 30 juin 2005, rapport sur lequel il écrit : « dysfonction érectile suite à un accident de travail (29-09-2003) avec trauma crânien » (sic) ;
· Le docteur Guillaume Painchaud, médecin ayant charge du travailleur, écrit ce qui suit :
« Selon les documents dont je dispose, on note effectivement que la dysfonction érectile peut être une conséquence d’un traumatisme crânien.
En effet, on note que « Les lésions cérébrales interfèrent sur les mécanismes de libido et d’initiative comme sur le ralentissement émotionnel, le plaisir et la satisfaction sexuelle » (J-F Mathé et al 1996).
On observe « dans la moitié des cas, une diminution des conduites sexuelles, de la durée des préliminaires, de la fréquence des rapports et une réduction des capacités érectiles. » J.S. Kreutzler et al (1989).
Il m’apparaît donc probable que la dysfonction érectile qu’a diagnostiqué le Dr Vary ait un lien avec le traumatisme crânien dont a souffert M. Anglehart. »
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Marco Anglehart ;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 22 octobre 2004 à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement par la CSST des médicaments Viagra, Cialis ou de toute autre médication en relation avec sa dysfonction érectile.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.