Dumas et ArcelorMittal Service juridique |
2013 QCCLP 6619 |
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[1] Le 24 avril 2013, monsieur Louis Dumas (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 15 mars 2013 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue le 30 janvier 2013 et déclare que le travailleur a droit à un remboursement de 216 $ pour huit traitements d’acupuncture (27 $ du traitement) reçus du 17 août 2011 au 6 décembre 2011.
[3] Une audience a eu lieu à Lévis le 15 août 2013. Le travailleur était présent mais non représenté. L’employeur était absent bien qu’ayant été dûment convoqué.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la CSST doit lui rembourser le coût réel des traitements d’acupuncture, soit 448 $.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] La membre issue des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales considèrent que la requête du travailleur doit être accueillie. À leur avis, n’eut été du rejet initial de la réclamation du travailleur, l’acupuncteur aurait accepté de prodiguer les traitements au tarif de 27 $ prévu par règlement, au lieu d’exiger 56 $. L’équité, le mérite réel et la justice du cas justifient que le CSST rembourse le coût réel encouru par le travailleur.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] Le travailleur est victime d’un accident du travail le 6 février 1991. Il subit des récidives, rechutes ou aggravations en 1995 et 1998.
[7] Subséquemment, la CSST rejette ses réclamations pour des récidives, rechutes ou aggravations survenues le 17 mai 2011 et le 1er février 2012. Le travailleur conteste.
[8] Dans une décision rendue le 24 octobre 2012, la Commission des lésions professionnelles déclare que, bien qu’il n’ait pas subi de récidive, rechute ou aggravation, le travailleur avait droit à l’assistance médicale en 2011 et 2012. En conséquence, la CSST doit lui rembourser le coût des traitements de physiothérapie et d’acupuncture prescrits par son médecin.
[9] Le 22 novembre 2012, le travailleur demande à la CSST de lui rembourser la somme 448 $ pour les huit traitements d’acupuncture (56 $ du traitement) qu’il a reçus durant la période concernée.
[10] La CSST accepte de rembourser le coût des traitements, mais à raison de 27 $ du traitement, comme le prévoit le Règlement sur l’assistance médicale (le règlement), ce qui donne un total de 216 $.
[11] À l’audience, le travailleur explique que, n’eut été du refus initial de ses réclamations par la CSST, l’acupuncteur aurait accepté de le soigner au tarif prévu au règlement. Toutefois, comme au moment où les traitements ont été prodigués, il s’agissait d’une demande non couverte par un régime d’indemnisation, il a été obligé de payer 56 $ du traitement. Le travailleur se dit donc lésé en raison du refus initial injustifié de la CSST.
[12] Il n’est pas contesté que les huit traitements en cause ont été prescrits par le médecin traitant en raison d’une lésion professionnelle. Ils font partie de ce que l’on appelle l’assistance médicale dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) :
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
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1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.
[13] Les traitements d’acupuncture sont visés par le 5ième paragraphe de cette disposition. Il faut donc se référer au règlement pour connaître les « limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués » par la CSST pour de tels traitements.
[14] L’article 6 du règlement renvoie à l’annexe I pour ce qui est des montants pouvant être remboursés par la CSST :
6. La Commission assume le coût des soins et des traitements déterminés à l'annexe I, jusqu'à concurrence des montants qui y sont prévus, lorsqu'ils sont fournis personnellement par un intervenant de la santé auquel a été référé le travailleur par le médecin qui a charge de ce dernier.
La Commission assume également le coût des examens de laboratoire effectués dans un laboratoire de biologie médicale au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2) et des règlements pris en application de cette loi jusqu'à concurrence des montants prévus à l'annexe I.
D. 288-93, a. 6; D. 888-2007, a. 3.
[15] Selon l’annexe I, le tarif remboursable pour des soins d’acupuncture est de 27 $ par séance
(a. 5, 6, 7, 9, 14, 16 et 17)
SOINS ET TRAITEMENTS DISPENSÉS PAR DES INTERVENANTS DE LA SANTÉ
Tarif
Acupuncture
Soins d'acupuncture fournis
par un acupuncteur, par séance 27,00 $
[16] Le texte du règlement est clair, la CSST ne peut rembourser plus que 27 $ par séance pour des traitements d’acupuncture. La CSST est liée par les textes de loi qu’elle a pour responsabilité d’appliquer.
[17] L’article 351 de la loi prévoit cependant qu’elle « rend ses décisions suivant l'équité, d'après le mérite réel et la justice du cas » :
351. La Commission rend ses décisions suivant l'équité, d'après le mérite réel et la justice du cas.
Elle peut, par tous les moyens légaux qu'elle juge les meilleurs, s'enquérir des matières qui lui sont attribuées.
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1985, c. 6, a. 351; 1997, c. 27, a. 13.
[18] Cette disposition permet-elle à la CSST d’accorder un remboursement supérieur à ce qui est prévu dans la législation pour des raisons d’équité et de justice ? Dans les circonstances de la présente affaire, le soussigné ne le croit pas.
[19] Le cas du travailleur n’est probablement pas unique. Il est en effet fréquent de voir une réclamation initialement refusée être reconnue en révision administrative ou à la suite d’une décision du présent tribunal. Ce sont-là les conséquences normales du système de contestation adopté par le législateur.
[20] En donnant raison au travailleur, la Commission des lésions professionnelles pourrait créer un précédent dangereux. En effet, elle reconnaîtrait, d’une certaine façon, aux fournisseurs de services, le pouvoir de déterminer eux-mêmes le coût des soins prodigués aux réclamants se trouvant dans la même situation que le travailleur. Le coût ainsi exigé pourrait varier grandement d’un fournisseur à l’autre et probablement ouvrir la porte à des abus. Le soussigné ne croit pas qu’une telle approche soit voulue par le législateur.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Louis Dumas;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité au travail le 15 mars 2013 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Louis Dumas avait droit au remboursement du coût des traitements d’acupuncture reçus en 2011 et 2012 à raison de 27 $ par séance, ce qui donne un total de 216 $.
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Michel Sansfaçon |
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A.T.A. |
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Micheline Pelletier |
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Représentant de la partie requérante |