Décision

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Laberge et Société canadienne des Postes

2007 QCCLP 6059

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

31 octobre 2007

 

Région :

Québec

 

Dossier :

308772-31-0701-C

 

Dossier CSST :

128057411

 

Commissaire :

Me Carole Lessard

 

 

______________________________________________________________________

 

 

Ginette Laberge

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Soc. Can. Des Postes Santé-Sécurité

R.H.D.C.C. - Direction travail

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

RECTIFICATION D’UNE DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]        La Commission des lésions professionnelles a rendu le 26 octobre 2007, une décision dans le présent dossier;

[2]        Cette décision contient une erreur d’écriture qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001;

[3]        Sur la première page, nous lisons :

Québec :        26 septembre 2007

 

[4]        Alors que nous aurions dû lire :

Québec, 26 octobre 2007.

 

 

 

__________________________________

 

CAROLE LESSARD

 

Commissaire


Laberge et Société canadienne des Postes

2007 QCCLP 6059

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

26 septembre 2007

 

Région :

Québec

 

Dossier :

308772-31-0701

 

Dossier CSST :

128057411

 

Commissaire :

Me Carole Lessard

 

Membres :

Alexandre Beaulieu, associations d’employeurs

 

Nicole Deschênes, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Ginette Laberge

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Soc. Can. Des Postes Santé-Sécurité

R.H.D.C.C. - Direction travail

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 30 janvier 2007, madame Ginette Laberge (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par le biais de laquelle elle conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 24 janvier 2007, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision rendue le 6 octobre 2006 et déclare que la travailleuse n’a plus droit à l’allocation d’aide personnelle à domicile, à compter du 29 septembre 2006. Cette décision confirme, de plus, la décision rendue le 11 décembre 2006 à l’effet de déclarer que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais encourus pour la fermeture de la piscine ainsi que pour l’entrepose du matériel pour l’hiver.

[3]                L’audience s’est tenue à Québec, le 18 octobre 2007, en présence de la travailleuse. La Société canadienne des postes (l’employeur) est absent, bien que dûment convoqué.

[4]                La cause a été mise en délibéré le 18 octobre 2007.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]                La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue le 24 janvier 2007 et de reconnaître qu’elle a droit à l’allocation d’aide personnelle à domicile, en date du 29 septembre 2006.

[6]                De plus, elle demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’elle a droit au remboursement des frais requis pour la fermeture de la piscine ainsi que pour l’entreposage du matériel, pour la saison hivernale.

L’AVIS DES MEMBRES

[7]                La membre issue des associations de travailleurs et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que la Commission des lésions professionnelles devrait rejeter la requête de la travailleuse, confirmer la décision rendue le 24 janvier 2007 et déclarer que la travailleuse n’a pas droit à l’allocation d’aide personnelle à domicile à compter du 29 septembre 2006. Référence est faite à la réévaluation des besoins qui fut faite en date du 29 septembre 2006.

[8]                En effet, cette réévaluation permettait de conclure que la travailleuse n’avait plus besoin d’assistance personnelle pour elle-même et qu’elle n’avait alors besoin que d’une assistance partielle, pour certains besoins domestiques.

[9]                De plus, la travailleuse n’a pas démontré qu’elle remplissait les conditions énoncées à l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et ce, afin de se faire reconnaître le remboursement des frais requis à la fermeture de la piscine ainsi que pour l’entrepose du matériel, durant la saison hivernale.

[10]           Aussi, bien que ces travaux puissent correspondre à la notion d’entretien courant du domicile, il n’en demeure pas moins que la travailleuse ne satisfait pas à l’une des conditions énoncées par le législateur, soit celle voulant qu’elle soit devenue incapable d’effectuer un tel travail d’entretien qu’elle effectuerait normalement elle-même, n’eut été de sa lésion.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[11]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a droit à une allocation d’aide personnelle à domicile, en date du 29 septembre 2006.

[12]           De plus, elle doit déterminer si la travailleuse a droit au remboursement des frais requis pour la fermeture de la piscine ainsi que pour l’entreposage du matériel, pour la saison hivernale.

[13]           Aux fins d’apprécier ces questions, la Commission des lésions professionnelles retient de l’ensemble de la preuve documentaire et testimoniale les éléments pertinents suivants :

[14]           Le 9 mars 2005, la travailleuse subit une lésion professionnelle alors qu’elle accomplit ses tâches de facteur. Les lésions reconnues sont une fracture au niveau du fémur droit ainsi qu’une tendinite de l’épaule droite.

[15]           La travailleuse explique que sa fracture au niveau du fémur a requis, jusqu’à maintenant, quatre chirurgies. Celles-ci furent effectuées plus précisément les 9 mars 2005, 13 juin 2005, 5 avril 2006 et 21 juin 2007. D’ailleurs, cette lésion n’est toujours pas consolidée. La travailleuse indique que son médecin doit réévaluer sa condition en novembre 2007.

[16]           De plus, elle indique qu’elle reçoit une allocation d’aide personnelle à domicile depuis la dernière chirurgie soit depuis sa sortie du centre hospitalier, le 6 août 2007.

[17]           Enfin, elle reconnaît avoir reçu une telle aide avant le 29 septembre 2006 et ce, en raison de toutes les autres chirurgies subies antérieurement.

[18]           En référence à la preuve documentaire, la Commission des lésions professionnelles retient que la CSST a reconnu, en date du 13 septembre 2005, une allocation d’aide personnelle à domicile et ce, pour la période du 24 mars 2005 au 30 septembre 2005.

[19]           Ensuite, par le biais de la décision rendue le 13 janvier 2006, une telle allocation d’aide personnelle à domicile lui fut consentie pour la période du 1er décembre 2005 au 8 décembre 2005. Cette allocation fut ensuite prolongée pour la période du 9 décembre au 21 décembre 2005 ainsi que du 22 décembre au 31 décembre 2005. Elle est à nouveau prolongée pour la période du 1er janvier 2006 au 31 mars 2006.

[20]           Tel qu’il appert du rapport d’évaluation effectué par l’ergothérapeute, madame Mylène Fortier, en date du 11 avril 2006, la travailleuse a alors encore besoin d’une assistance partielle pour prendre soin d’elle-même et, plus particulièrement, pour effectuer son hygiène corporelle, s’habiller, se déshabiller et utiliser les commodités du logis.

[21]           De plus, elle nécessite alors une aide totale pour la préparation de tous les repas, l’entretien ménager léger et lourd, le lavage du linge et l’approvisionnement.

[22]           Cette évaluation permet alors à la CSST de prolonger l’allocation d’aide personnelle à domicile jusqu’en date du 29 septembre 2006.

[23]           Or à cette date, une nouvelle évaluation est effectuée. La travailleuse explique que cette évaluation s’est faite par le biais d’un échange téléphonique avec une représentante de la CSST. Aussi, reconnaît-elle que toutes et chacune des indications qui apparaissent à la grille d’évaluation sont exactes puisqu’elle reconnaît avoir fait des déclarations conformes à sa condition.

[24]           Tel qu’il appert du tableau d’évaluation des besoins d’assistance personnelle, la travailleuse n’a alors aucun besoin d’assistance et ce, que ce soit pour le lever, le coucher, l’hygiène corporelle, l’habillage, le déshabillage, les soins vésicaux, les soins intestinaux, l’alimentation et l’utilisation des commodités du domicile.

[25]           La travailleuse explique qu’elle a toutefois des difficultés pour s’adonner à l’accomplissement de tâches ménagères, dites légères; elle cite, en exemple, sa difficulté à passer l’aspirateur ainsi qu’à épousseter, dans les escaliers.

[26]           De plus, elle affirme qu’elle s’occupait habituellement de fermer la piscine et de ranger le matériel pour la saison hivernale. Elle explique qu’elle acceptait de le faire puisque son conjoint s’absente régulièrement, en raison de ses activités professionnelles.

[27]           Elle reconnaît toutefois que lorsque ce dernier séjourne à l’extérieur, il revient tout de même à Québec, quelques jours. Il s’avère alors possible, pour lui, de fermer la piscine et de ranger le matériel. Au cas contraire, et donc, si son séjour à l’extérieur se prolonge, les services d’un piscinier sont alors requis.

[28]           La travailleuse reconnaît ainsi que ses besoins se situent davantage au niveau d’une aide familiale et ce, pour accomplir différentes tâches domestiques légères.

[29]           L’article 158 de la loi prévoit ce qui suit :

158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.

__________

1985, c. 6, a. 158.

 

 

[30]           En référence à l’ensemble de la preuve présentée, la Commission des lésions professionnelles considère que la CSST était justifiée de cesser l’allocation d’aide personnelle à domicile, en date du 29 septembre 2006.

[31]           Selon la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Ezequiel Espinosa et Air Nova inc.[2], le 29 décembre 2002, la CSST fut considérée bien-fondée de cesser le versement de l’allocation d’aide personnelle à domicile à compter du moment qu’une évaluation a révélé que la travailleur était alors capable de prendre soin de lui-même.

[32]           En référence aux articles 158 et 162 de la loi, la commissaire rappelle ce qui suit :

« […]

 

[23]      Selon la jurisprudence, deux conditions sont essentielles pour avoir droit à cette allocation, soit être incapable de prendre soin de lui-même et être incapable d’effectuer sans aide les tâches domestiques effectuées normalement. Ces deux critères étant indissociables, le travailleur doit être considéré incapable de prendre soin de lui-même pour avoir droit à ce programme. Ainsi, le seul fait de ne pouvoir exécuter les tâches domestiques n’est pas suffisant.2 Le règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile pour l’année 1995, règlement reconduit annuellement depuis, énumère les activités de la vie quotidienne avec un pointage correspondant au besoin de l’assistance complète ou partielle, selon l’analyse des besoins qui est faite.

________________

            2      C.S.S.T. et Fleurent, [1998] C.L.P. 360 ;  Cameron et Service de données Asselin, [1998] C.L.P. 890 ;  Lebel  et Municipalité Paroisse de St-Eloi, C.L.P. 124846-01A-9910, 29 juin 2000, L. Boudreault, commissaire;  Frigeau et Commission scolaire de Montréal, C.L.P. 142721-61-0007, 25 mai 2001, L. Nadeau, commissaire.

 

[24]      Le règlement ne fait pas la distinction entre ce qui correspond à la notion de soins et celle de tâches domestiques. Toutefois, à la lecture des activités décrites, il apparaît que le soin réfère à toute activité de la vie quotidienne reliée à la personne même alors qu’une tâche domestique est celle qui permet le fonctionnement normal dans son milieu de vie, en l’occurrence, au domicile du travailleur.

 

[…]

 

[27]      Il ressort des deux évaluations faites par les ergothérapeutes en 1999 et en 2000 qu’une analyse du degré d’autonomie du travailleur pour chacune des activités énumérées à la grille d’évaluation a été réalisée. Des adaptations ainsi que des aides techniques ont fait l’objet de recommandations lesquelles ont été suivies par la CSST, celles-ci visant à pallier à la perte d’autonomie que présentait alors le travailleur. Ainsi, force est de constater que l’ajout de ces aides techniques et des adaptations ont permis au travailleur de retrouver une autonomie qui lui permet de prendre soin de lui-même. Le travailleur en convient d’ailleurs dans son témoignage lorsqu’il soutient qu’il a besoin d’assistance pour la préparation des repas et l’entretien ménager. Toutefois, même si le travailleur soutient avoir besoin d’aide pour ces tâches domestiques, cela n’est pas suffisant en soi pour conclure qu’il a droit à l’aide personnelle à domicile pour les motifs ci-haut énoncés.

 

[…] »

 

 

[33]           La jurisprudence a donc interprété le « et » de l’expression « est incapable de prendre soin de lui-même et d’effectuer les tâches domestiques qu’il effectuerait normalement » comme étant conjonctif. Un des principaux motifs retenu est issu du texte de l’article 162 de la loi qui prévoit que le droit à l’aide personnelle à domicile cesse lorsque le travailleur redevient capable de prendre soin de lui-même « ou » d’effectuer sans aide ses tâches domestiques. L’obtention de l’aide doit donc répondre aux deux mêmes conditions.

[34]           Le législateur a donc prévu le respect de deux conditions essentielles pour qu’un travailleur ait droit à une telle allocation, soit être incapable de prendre soin de lui-même et être incapable d’effectuer, sans aide, les tâches domestiques effectuées normalement.

[35]           Or, selon la jurisprudence et ce, tel que souligné par la commissaire dans la décision précédemment citée,[3] les deux conditions ci-haut énoncées sont indissociables; aussi, la travailleuse doit être considérée incapable de prendre soin d’elle-même pour avoir droit à ce programme et le seul fait de ne pouvoir exécuter les tâches domestiques n’est pas suffisant.

[36]           Le Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile[4] (le règlement), énumère les activités de la vie quotidienne avec un pointage correspondant au besoin de l’assistance complète ou partielle, selon l’analyse des besoins qui est faite.

[37]           Or, le règlement ne fait aucune distinction entre ce qui correspond à la notion de soins et celle de tâches domestiques. Toutefois, à la lecture des activités décrites, il apparaît évident que le soin réfère à toute activité quotidienne reliée à la personne même alors que la tâche domestique est celle qui permet le fonctionnement normal dans son milieu de vie, en l’occurrence au domicile.

[38]           Par conséquent, les activités énumérées au sein de la grille d’évaluation qui font partie de la notion de soins, sont :

-                     le lever;

-                     le coucher;

-                     l’hygiène corporelle;

-                     l’habillage et le déshabillage;

-                     les soins vésicaux et intestinaux;

-                     l’alimentation et,

-                     l’utilisation des commodités du domicile.

[39]           Les autres activités correspondant aux tâches domestiques sont :

-                     la préparation des repas;

-                     le ménage;

-                     le lavage et,

-                     l’approvisionnement.

[40]           Lors de son témoignage, la travailleuse a indiqué que ses douleurs l’empêchent de pouvoir vaquer, de façon normale, à l’accomplissement de certaines tâches domestiques légères, tel que passer l’aspirateur ou épousseter les escaliers du domicile.

[41]           Or, tel qu’il appert de l’évaluation effectuée par la CSST, en date du 29 septembre 2006, la travailleuse a suffisamment retrouvé son autonomie, en ce qui concerne les soins pour sa personne.

[42]           D’ailleurs, la travailleuse a reconnu, lors de son témoignage, que les informations livrées à la CSST sont exactes et que son besoin d’assistance ne concerne nullement les soins pour sa propre personne mais uniquement des besoins d’assistance pour effectuer certaines tâches ménagères.

[43]           La Commission des lésions professionnelles rappelle que même si la travailleuse soutient avoir besoin d’une telle aide pour l’accomplissement de tâches domestiques, cela n’est pas suffisant en soi pour conclure qu’elle ait droit à une allocation d’aide personnelle à domicile.

[44]           Dans un tel contexte, la Commission des lésions professionnelles conclut que la CSST est bien-fondée de cesser l’allocation d’aide personnelle à domicile, en date du 29 septembre 2006.

[45]           La soussignée réfère à une affaire récente pour laquelle elle dût conclure de la même manière et pour les mêmes motifs. Référence est faite à la décision rendue dans l’affaire Ezequiel Espinosa et Air Nova inc.[5].

[46]           Reste à déterminer si la travailleuse a droit au remboursement des frais requis pour la fermeture de la piscine et l’entreposage du matériel, pour la saison hivernale.

[47]           La loi prévoit que la réadaptation sociale peut inclure notamment le remboursement des frais engendrés pour des travaux d’entretien courants du domicile.

[48]           L’article 165 de la loi prévoit les conditions de remboursement de ces frais :

165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[49]           Le législateur a ainsi prévu qu’un travailleur peut être remboursé de tels frais dans la mesure où il démontre qu’une atteinte permanente grave à son intégrité physique résulte de sa lésion professionnelle, que les travaux qu’il est incapable de faire en raison de cette atteinte permanente constituent des travaux d’entretien courant du domicile et qu’il aurait normalement lui-même effectué ces travaux si ce n’était de sa lésion professionnelle.

[50]           Suivant la jurisprudence bien établie du tribunal, l’analyse du caractère « grave » d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ne doit pas se faire uniquement en regard du pourcentage de cette atteinte permanente mais en tenant également compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les travaux visés par l’article 165, compte tenu des limitations fonctionnelles qui résultent de sa lésion professionnelle.

[51]           Sur cet aspect, la Commission des lésions professionnelles s’exprime comme suit dans l’affaire Lalonde et Mavic Construction et CSST[6] :

« […]

 

[46] La jurisprudence majoritaire de la Commission des lésions professionnelles et de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles a établi que l’analyse du caractère grave d’une atteinte permanente à l’intégrité physique doit s’effectuer en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l’article 165 de la loi². Dès lors, le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique n’est pas le critère unique et déterminant à tenir compte. Il faut s’interroger sur la capacité du travailleur à effectuer lui-même les travaux en question compte tenu de ses limitations fonctionnelles. Soulignons que les limitations fonctionnelles mesurent l’étendue de l’incapacité résultant de la lésion professionnelle.

 

[…]

_________

2         Chevrier et Westburne ltée, CALP 16175-08-8912, 1990-09-25, M. Cuddihy; Bouthillier et Pratt & Whitney Canada inc., [1992] CALP 605 ; Gasthier inc. et Landry, CLP 118228-63-9906, 1999-11 03, M. Beaudoin; Dorais et Développement Dorais enr., CLP 126870-62B-9911, 127060-62B-9911, 2000-07-11, N. Blanchard; Allard et Plomberie Lyonnais inc., CLP 141253-04B-0006, 2000-12-11, H. Thériault; Thibault et Forages Groleau (1981), CLP 131531-08-0001, 130532-08-0001, 2001-03-23, P. Simard.

 

 

[52]           Par conséquent, la travailleuse doit être en mesure de démontrer qu’elle est incapable d’effectuer les travaux d’entretien concernés et qu’elle effectuerait elle-même de tels travaux, n’eut été de sa lésion professionnelle.

[53]           Dans le cas soumis, la lésion subie par la travailleuse, au niveau de son fémur droit, n’est pas consolidée. Aussi, ce n’est que lorsque son médecin aura complété un rapport d’évaluation médicale, aux fins d’évaluer les séquelles de la lésion, qu’il sera possible d’apprécier le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique résultant de cette lésion et la nature des limitations fonctionnelles permanentes qui pourront en résulter. Or, ce rapport d’évaluation médicale ne pourra être complété que lorsque la lésion aura été consolidée.

[54]           Toutefois, bien qu’il s’avère prématuré d’apprécier le caractère de gravité de l’atteinte permanente qui pourra résulter de la lésion, il n’en demeure pas moins que la Commission des lésions professionnelles considère que les multiples chirurgies effectuées conséquemment à la blessure permettent tout de même de prévoir l’octroi d’un certain pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique et ce, en conformité avec le règlement.

[55]           La difficulté qui subsiste réside dans le fait que ce n’est qu’au moment que le médecin de la travailleuse aura complété le rapport d’évaluation médicale qu’il sera possible de savoir s’il y a lieu d’octroyer également des limitations fonctionnelles permanentes.

[56]           Or, dans l’attente de connaître la nature même de ces limitations fonctionnelles, il n’en demeure pas moins que la blessure n’est toujours pas consolidée et que la capacité résiduelle de la travailleuse est assurément diminuée et ce, d’autant plus que la dernière chirurgie subie date du 21 juin 2007.

[57]           Dans de telles circonstances, la Commission des lésions professionnelles croit que les limitations fonctionnelles temporaires dont la travailleuse est porteuse sont certes incompatibles avec la nature des travaux requis pour la fermeture de la piscine ainsi que pour le rangement du matériel, pour la saison hivernale.

[58]           Quant à la condition prévoyant que les travaux d’entretien en cause doivent être des travaux d’entretien courant du domicile, la Commission des lésions professionnelles doit référer à la jurisprudence[7] qui établit que la notion de « d’entretien courant du domicile » s’interprète dans le sens de travaux d’entretien habituel, ordinaire du domicile par opposition à des travaux d’entretien inhabituel ou extraordinaire.

[59]           De plus, dans l’affaire Lussier et Steinberg inc.[8], la Commission des lésions professionnelles a décidé que des travaux de peinture d’une clôture étaient des travaux visés par l’article 165 parce que la notion de « domicile » ne devait pas être interprétée dans le seul sens d’un bâtiment d’habitation, mais plutôt dans le sens du bâtiment et du terrain sur lequel celui-ci se trouve.

[60]           À partir de ce même raisonnement, la Commission des lésions professionnelles a déterminé, dans l’affaire Lauzon et Produits et services sanitaires Andro inc.,[9] que les travaux qu’il faut faire de façon saisonnière compte tenu de la nature des équipements extérieurs que possède un travailleur, comme, par exemple, le fait d’ouvrir et de fermer une piscine ou de monter et démonter un abri d’auto ou un « gazebo » sont des travaux d’entretien courant du domicile.

[61]           Dans l’affaire Babeau et Boulangerie Weston Québec ltée[10], la Commission des lésions professionnelles adopte cette même approche puisqu’elle reconnaît que le fait de « sortir et installer le patio, la balançoire, le BBQ et les accessoires d’été, de faire le ménage de la remise et l’entreposage d’accessoires d’hiver, de teindre la clôture et le patio » sont des travaux d’entretien courant du domicile.

[62]           De même, dans les affaires Bouras et CMC Électrique inc.[11] et Monette et Ascenseurs Lumar Concord Québec inc.[12], le tribunal reconnaît que les travaux relatifs à l’ouverture et à la fermeture annuelle d’une piscine constituent des travaux d’entretien courant du domicile et ce, au sens même de l’article 165 de la loi.

[63]           Par contre, dans les affaires Dion et Hydrotope ltée[13] et Frigault et Commission scolaire de Montréal et CSST[14], le tribunal a plutôt décidé que l’ouverture et la fermeture d’une piscine ne constituaient pas de tels travaux et ce, en retenant qu’une piscine est un équipement « très accessoire et généralement destiné à des fins strictement récréatives ».

[64]           Or, dans une affaire récente,[15] la commissaire a référé à ces dernières décisions pour finalement conclure qu’elle décidait de retenir l’approche adoptée dans les premières affaires citées puisque cette approche lui apparaissait davantage conforme au but que doit viser la réadaptation sociale d’un travailleur, victime d’une lésion professionnelle et ce, tel qu’énoncé à l’article 151 de la loi. Sa conclusion fut donc à l’effet de reconnaître le droit au remboursement des frais encours pour l’ouverture et la fermeture annuelle d’un spa.

[65]           La soussignée souscrit également à cette approche et considère que les travaux requis pour l’ouverture et la fermeture annuelle d’une piscine constituent des travaux d’entretien courant du domicile. En effet, la notion de « domicile » doit être prise dans son sens large et nullement dans un sens très restrictif.

[66]           Reste à apprécier si la travailleuse aurait effectué elle-même les travaux relatifs à la fermeture de la piscine n’eut été de sa lésion professionnelle. Sur cet aspect, plus particulièrement, la travailleuse n’a pas réussi à démontrer, de manière probante, que de tels travaux auraient été effectués par elle, n’eut été la survenance de sa lésion.

[67]           Par le biais d’un témoignage entièrement crédible, la travailleuse a reconnu que son conjoint peut s’adonner à une telle activité lorsqu’il est présent au domicile.

[68]           Aussi, la travailleuse a elle-même admis que les services d’un piscinier furent déjà sollicités et ce, en raison de l’absence de son conjoint qui était alors retenu à l’extérieur de la ville, en raison de ses activités professionnelles.

[69]           Dans un tel contexte, la Commission des lésions professionnelles doit conclure que l’une des conditions énoncées à l’article 165 de la loi fait défaut. En effet, la preuve ne permet pas de retenir, de manière probante, que la travailleuse aurait effectué elle-même les travaux relatifs à la fermeture de la piscine, n’eut été la survenance de sa lésion professionnelle.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de madame Ginette Laberge, la travailleuse;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 24 janvier 2007, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE bien fondée la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail mettant fin à l’allocation d’aide personnelle à domicile, en date du 29 septembre 2006;

DÉCLARE également bien fondée la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail déclarant que madame Ginette Laberge n’a pas droit au remboursement des frais encourus pour la fermeture annuelle de la piscine ainsi que pour l’entreposage du matériel, durant la saison hivernale.

 

 

__________________________________

 

CAROLE LESSARD

 

Commissaire

 

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           192230-31-0210, H. Thériault.

[3]           Précitée, note 2.

[4]           (1997) 129 G.O. II, 7365.

[5]           315722-31-0704, 5 octobre 2007, C. Lessard.

[6]           46710-07-0009, 28 novembre 2001, M. Langlois.

[7]           Lévesque et Mines Northgate inc. [1990] C.L.P. p. 683.

[8]           153020-62-0012, 18 mai 2001, L. Boucher.

[9]           225572-64-0401, 30 novembre 2004, G. Perreault.

[10]          166478-62B-0108, 16 janvier 2003, N. Blanchard.

[11]          287041-71-0604, 21 septembre 2006, J.-D. Kushner.

[12]          284141-63-0603, 20 février 2007, D. Besse.

[13]          144415-05-0008, 13 février 2001, F. Ranger.

[14]          142721-61-0007, 25 mai 2001, L. Nadeau.

[15]          230957-61-0605, 28 mai 2007, G. Morin.

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