Coentreprise Transelec-Arno et Laverdure |
2013 QCCLP 7168 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Sherbrooke |
10 décembre 2013 |
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Région : |
Estrie |
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Dossier CSST : |
138859616 |
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Commissaire : |
Annie Beaudin, juge administratif |
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Membres : |
Bertrand Delisle, associations d’employeurs |
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Guy Rocheleau, associations syndicales |
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488026 |
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Coentreprise Transelec-Arno |
Denis Laverdure |
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Partie requérante |
Partie intéressée |
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et |
et |
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Denis Laverdure |
Coentreprise Transelec-Arno |
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Partie intéressée |
Partie requérante |
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Dossier 484597-05-1210
[1] Le 10 octobre 2012, Coentreprise Transelec-Arno (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 19 septembre 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle initialement rendue le 10 juillet 2012 et déclare que les diagnostics de déchirure partielle du tendon sous-scapulaire droit et de bursite sous-acromiale droite sont en relation avec l’événement du 19 décembre 2011.
Dossier 488026-05-1211
[3] Le 14 novembre 2012, monsieur Denis Laverdure (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 19 octobre 2012 à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme celle initialement rendue le 26 septembre 2012 et déclare que le travailleur n’a pas droit aux frais réclamés pour la balnéothérapie.
[5] L’audience a eu lieu à Sherbrooke le 1er octobre 2013 en présence de monsieur Claude Dufour, conseiller en santé et sécurité du travail chez l’employeur, de la représentante de celui-ci, du travailleur et de son représentant. Les dossiers ont été mis en délibéré le 16 octobre 2013 à la suite de la réception de documents supplémentaires.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier 484597-05-1210
[6] L’employeur demande de déclarer que le diagnostic de déchirure partielle du tendon sous-scapulaire droit n’a jamais été posé et qu’ainsi, il ne peut être reconnu en relation avec l’événement du 19 décembre 2011. Il demande de déclarer qu’il n’y a pas de déchirure du tendon sous-scapulaire ni des tendons de la coiffe des rotateurs.
[7] L’employeur ne conteste pas la reconnaissance du diagnostic de bursite sous-acromiale droite comme étant en relation avec l’événement du 19 décembre 2011.
Dossier 488026-05-1211
[8] Le travailleur demande de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais de balnéothérapie, plus particulièrement des frais d’accès à la piscine ainsi que des frais de déplacement pour s’y rendre.
LA PREUVE
[9] Le travailleur occupe un poste de monteur de ligne chez l’employeur, duquel il est à l’emploi depuis le mois de septembre 2009.
[10] Le 19 décembre 2011, il déclare s’être blessé dans l’exercice de son travail, alors qu’il installe un bloc stabilisateur d’un poids évalué à une trentaine de livres. Dans sa réclamation, il indique que le bloc lui a glissé des mains en raison de ses gants mouillés par la neige et qu’il a ressenti une vive douleur à l’épaule droite et au cou en tentant de rattraper ledit bloc d’un mouvement brusque.
[11] Le jour même, il déclare l’événement à l’employeur, cesse de travailler et consulte un médecin qui diagnostique une entorse à l’épaule droite.
[12] Le 27 décembre 2011, le docteur Wilhelmy pose le diagnostic de tendinite traumatique à l’épaule droite et émet l’hypothèse d’une déchirure au niveau de la coiffe des rotateurs.
[13] Le 9 janvier 2012, le docteur Wilhelmy réitère l’hypothèse d’une probable déchirure à la coiffe des rotateurs du côté droit, recommandant un examen d’imagerie par résonance magnétique.
[14] Le 10 avril 2012, le docteur Dorval, orthopédiste, transmet un rapport d’examen au docteur Wilhelmy concluant que « les symptômes du patient sont sans doute principalement expliqués par une déchirure bicipitale. La déchirure du labrum peut également contribuer de façon significative ». Il suggère une arthro-IRM.
[15] Le 8 mai 2012, l’examen prérésonance magnétique s’avère normal. À l’interprétation, le radiologue indique « la présence d’un hypersignal linéaire au sein des fibres distales du tendon du muscle sous-scapulaire ». À la suite de l’imagerie, l’opinion du radiologue est une « Petite déchirure partielle du tendon du muscle sous-scapulaire et signes de tendinose ou tendinite du tendon du biceps proximal. Pas de signe de déchirure labrale. Minime foramen sous-labral ». Une légère tendinopathie de certains tendons, une arthrose légère à modérée acromio-claviculaire et de légers phénomènes inflammatoires de la bourse sous-acromio-deltoïdienne sont notés. Il n’y a « pas de déchirure complète de la coiffe des rotateurs ».
[16] À la suite d’une arthro-IRM réalisée le même jour, le radiologue conclut qu’il n’y a pas de signe de déchirure du tendon de la longue portion du biceps et seulement une petite déchirure partielle du tendon du muscle sous-scapulaire.
[17] Le 4 juin 2012, le docteur Dorval produit un rapport médical dans lequel il retient les diagnostics de déchirure partielle du tendon sous-scapulaire droit, tendinite de la longue portion du biceps droit et bursite sous-acromiale droite.
[18] Le 6 juin 2012, le docteur Dorval transmet à la CSST un rapport d’examen dans lequel il écrit retenir la tendinite du biceps proximal, la tendinopathie supra et infra-épineux légère, la bursite sous-acromiale et un début de capsulite épaule droite.
[19] Le 5 juillet 2012, le docteur Wilhelmy rédige un rapport médical dans lequel il retient les diagnostics de tendinite traumatique et déchirure partielle de la coiffe des rotateurs.
[20] Le 9 juillet 2012, une note évolutive du service médical de la CSST mentionne que selon l’examen par résonance magnétique du 8 mai 2012, les diagnostics à retenir en lien avec l’événement sont la tendinite de la longue portion du biceps droit, la déchirure partielle du tendon sous-scapulaire droit et la bursite sous-acromiale droite.
[21] Le 10 juillet 2012, la CSST accepte également la relation entre les nouveaux diagnostics de déchirure partielle du tendon sous-scapulaire droit et de bursite sous-acromiale droite et l’événement du 19 décembre 2011.
[22] Le rapport médical du 20 août 2012 reprend un diagnostic de déchirure partielle de la longue portion du biceps et supra-épineux droite. Le docteur Wilhelmy prescrit de la balnéothérapie et de la physiothérapie pour le renforcement de l’épaule droite.
[23]
En septembre 2012, la CSST reçoit une demande de remboursement pour
des frais de services professionnels rendus par un kinésiologue avec un
programme de balnéothérapie en piscine.
[24] Le 19 septembre 2012, à la suite d’une révision administrative, la CSST confirme sa décision du 10 juillet 2012 et accepte la relation entre les nouveaux diagnostics de déchirure partielle du tendon sous-scapulaire droit, bursite sous-acromiale droite et l’événement du 19 décembre 2011, d’où la contestation dans le dossier 484597 - 05-1210.
[25] Le 26 septembre 2012, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que le travailleur n’a pas droit aux frais réclamés pour la balnéothérapie.
[26] Le 19 octobre 2012, à la suite d’une révision administrative, la CSST confirme cette décision et déclare que le travailleur n’a pas droit aux frais réclamés pour la balnéothérapie, d’où la contestation dans le dossier 488026-05-1211.
[27] Le 6 novembre 2012, le docteur Dorval, orthopédiste, transmet un nouveau rapport d’examen au docteur Wilhelmy. Il suggère une ténotomie du biceps par arthroscopie ainsi qu’une acromioplastie.
[28] À l’audience, seul le travailleur témoigne. Il expose les circonstances de l’événement du 19 décembre 2011 en disant que dans l’exercice de ses fonctions de monteur de ligne chez l’employeur, un bloc stabilisateur qu’il installe lui glisse des mains. En tentant de le rattraper dans un mouvement brusque, il ressent un claquement dans l’épaule droite.
[29] Il affirme ne pas avoir eu d’accident, de traumatisme ou de coup à l’épaule droite antérieurement à cet événement.
[30] Le travailleur énumère les traitements reçus depuis l’accident : médication, infiltrations, physiothérapie et exercices en piscine pour le renforcement de son épaule. Il précise que la physiothérapie n’a pas apporté de soulagement, que ses douleurs étaient les mêmes et que le renforcement escompté ne s’est pas réalisé selon les attentes. Les exercices en piscine auraient apporté de meilleurs résultats, mais un plateau pour le renforcement a été atteint.
[31] Questionné par la représentante de l’employeur quant à une consultation médicale en 2010 à propos de douleurs à l’épaule, le travailleur explique qu’un syndrome de canal carpien a été diagnostiqué et que ses douleurs montaient jusque dans les épaules.
[32] En réponse aux questions du tribunal, le travailleur expose que les exercices en piscine ont été suggérés la première fois par le docteur Dorval puis le docteur Wilhelmy. Il réalisait des exercices en piscine seul puis bénéficiait d’un suivi avec une kinésiologue travaillant à la même clinique que le docteur Wilhelmy, lorsqu’il avait ses rendez-vous avec celui-ci. Il n’a pas eu à assumer de frais pour ce suivi en kinésiologie.
[33] Le travailleur affirme que son plus récent rendez-vous avec le docteur Wilhelmy remonte au 23 septembre 2013. Celui-ci lui aurait prescrit d’autres examens, prise de sang et radiographie et ordonné de cesser les traitements de physiothérapie qu’il avait repris en août 2013. Il aurait été question également de la possibilité de reprendre les exercices en piscine dépendamment des résultats des examens supplémentaires. Le travailleur doit revoir également le docteur Dorval sous peu.
[34] Le 17 mai 2013, le travailleur subit une acromioplastie et arthroscopie de l’épaule droite par le docteur Dorval. Selon le rapport du protocole opératoire, le diagnostic préopératoire est une déchirure possible du tendon de la longue portion du biceps alors que le diagnostic postopératoire est une absence de déchirure de la longue portion du biceps, une absence de déchirure labrale, un syndrome d’accrochage de l’épaule droite probable et de l’arthrose acromioclaviculaire droite. Le protocole indique que le labrum présente un aspect tout à fait normal, que le tendon de la longue portion du biceps ne présente aucune abrasion ni déchirure et qu’il est bien positionné et que « le tendon du sous-scapulaire est normal et bien inséré au niveau de la petite tubérosité ».
[35] Le jour même, le docteur Dorval rédige un rapport médical sur lequel il mentionne « Tendon LPB Normal, Labrum N [normal] Syndrome accrochage épaule droite acromioplastie + arthroscopie épaule D [droite] Revoir ds 10 jours ».
[36] Le rapport médical mentionne également un tendon de la longue portion du biceps normal et un labrum normal. Il note le diagnostic de syndrome d’accrochage épaule droite, qu’il maintient par la suite sur le rapport du 6 août 2013.
[37] Le 15 juillet 2013, le docteur Wilhelmy indique dans un rapport médical le diagnostic de tendinite de l’épaule droite et celui de déchirure de la coiffe des rotateurs tout en référant le travailleur au docteur Dorval pour le suivi de la chirurgie. Un rapport médical du même jour mentionne un diagnostic de syndrome d’accrochage post-tendinite traumatique de l’épaule droite.
[38] À la demande du représentant du travailleur, le docteur Des Marchais produit un rapport complémentaire daté du 17 juin 2013. Après avoir pris connaissance du protocole opératoire du docteur Dorval « qui ne constate pas de déchirure de la longue portion du biceps, absence de déchirure labrale », il mentionne que les diagnostics qui, selon lui, doivent être retenus en lien avec l’événement d’origine sont « une incompétence sous-acromiale de l’épaule droite séquelle d’une entorse de l’épaule et d’une tendinopathie traumatique qui a conduit subséquemment à un accrochage post-traumatique ».
[39] Le 14 août 2013, le docteur Ferron, chirurgien orthopédiste, rédige un rapport complémentaire à la demande de la représentante de l’employeur. Il y mentionne notamment que le diagnostic de déchirure partielle du tendon sous-scapulaire droit est davantage en relation avec de nombreuses conditions personnelles que présente le travailleur.
[40] Le 10 septembre 2013, le docteur Ferron ajoute, dans un document écrit qu’il transmet à la représentante de l’employeur, des explications en précisant que de multiples changements dégénératifs ont pu être constatés lors d’une résonance magnétique du 31 janvier 2012. Référant à la lecture du protocole opératoire, il écrit « Il n’y a donc eu aucune atteinte du labrum survenue lors du présent fait accidentel » et « aucune atteinte au niveau de la longue portion du tendon du biceps ».
[41] Le 23 septembre 2013, le docteur Wilhelmy rédige un rapport médical dans lequel il retient une tendinite traumatique de l’épaule droite et prévoit une consolidation de plus de 60 jours.
L’AVIS DES MEMBRES
Dossier 484597-05-1210
[42] Le membre des associations d’employeurs est d’avis d’accueillir la requête de l’employeur et de déclarer que le diagnostic de déchirure partielle du tendon sous-scapulaire droit n’est pas en relation avec l’événement du 19 décembre 2011.
[43] Le membre des associations syndicales est d’avis de rejeter la requête de l’employeur, considérant qu’il est probable que la déchirure partielle ait guérie, ce qui expliquait la constatation lors de l’opération.
Dossier 488026-05-1211
[44] Les membres des associations d’employeurs et des associations syndicales sont unanimement d’avis de rejeter la requête du travailleur et de déclarer qu’il n’a pas droit aux frais pour la balnéothérapie. Ils sont d’avis que ces frais ne sont pas prévus et qu’il ne s’agit pas de soins, services ou traitements au sens de la règlementation.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Dossier 484597-05-1210
[45] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le diagnostic de déchirure partielle du tendon sous-scapulaire droit doit être retenu comme étant en relation avec l’événement du 19 décembre 2011.
[46] La Commission des lésions professionnelles doit aussi se demander si elle doit déclarer qu’il n’y a pas de déchirure de la coiffe des rotateurs comme le demande la représentante de l’employeur.
[47] Le diagnostic de bursite sous acromiale droite reconnu par la CSST comme étant en relation avec l’événement du 19 décembre 2011 n’est pas contesté.
[48] Le diagnostic de déchirure partielle du tendon sous-scapulaire de la longue portion du biceps a été posé le 4 juin 2012 avant que la lésion professionnelle reconnue n’ait été consolidée.
[49] Ainsi, la question à se poser est celle de savoir si ce diagnostic peut être reconnu comme étant en relation avec l’événement du 19 décembre 2011. Comme mentionné dans l’affaire Rivest et Star Appetizing Products inc.[1], « la preuve de relation ne peut être restreinte exclusivement à une preuve de relation avec le diagnostic de l’événement d’origine » et « certaines situations de faits amènent une preuve de relation qui ne fait pas appel strictement à la preuve de relation entre deux diagnostics ». En fait, le tribunal considère qu’il faut se demander si la preuve permet de relier « la nouvelle pathologie à l’événement initial, au-delà du diagnostic retenu lors de la lésion initiale »[2].
[50] Ce diagnostic n’a pas fait l’objet d’une procédure d’évaluation médicale de sorte que le tribunal tout comme la CSST sont normalement liés par ce diagnostic posé par le médecin qui a charge en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi) :
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.
__________
1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
[51] En effet, une procédure d’évaluation médicale est en principe nécessaire pour contester un diagnostic établi par le médecin qui a charge. Le diagnostic de déchirure partielle du tendon sous-scapulaire droit est posé le 4 juin 2012 par le docteur Dorval, orthopédiste. Le tribunal est d’avis que le docteur Dorval peut être considéré comme le médecin qui a charge de sorte que l’article 224 de la loi trouve application.
[52] Par ailleurs, dans l’exercice de ses pouvoirs, la Commission des lésions professionnelles se doit d’apprécier la preuve en ayant pour objectif de rechercher la vérité.
[53] La Commission des lésions professionnelles possède les pouvoirs nécessaires pour rendre la décision qui aurait dû être rendue par la CSST en tenant compte de l’ensemble de la preuve. Pour ce faire, la Commission des lésions professionnelles se doit d’actualiser le dossier dont elle est saisie[4].
[54] C’est ainsi que, bien que la CSST en rendant ses décisions des 10 juillet et 19 septembre 2012 n’ait pu tenir compte du rapport du protocole opératoire du 17 mai 2013, le tribunal peut l’inclure dans l’ensemble de la preuve à apprécier.
[55] La représentante de l’employeur a fait référence à la règle de la meilleure preuve pour demander au tribunal de retenir les constatations découlant du rapport du protocole opératoire et ainsi, l’absence de déchirure du tendon sous-scapulaire de la longue portion du biceps.
[56] Cette notion découlant de l’article 2860 du Code civil du Québec[5] concerne la preuve d’un acte juridique[6] :
2860. L'acte juridique constaté dans un écrit ou le contenu d'un écrit doit être prouvé par la production de l'original ou d'une copie qui légalement en tient lieu.
Toutefois, lorsqu'une partie ne peut, malgré sa bonne foi et sa diligence, produire l'original de l'écrit ou la copie qui légalement en tient lieu, la preuve peut être faite par tous moyens.
À l'égard d'un document technologique, la fonction d'original est remplie par un document qui répond aux exigences de l'article 12 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information (chapitre C-1.1) et celle de copie qui en tient lieu, par la copie d'un document certifié qui satisfait aux exigences de l'article 16 de cette loi.
1991, c. 64, a. 2860; 2001, c. 32, a. 80.
[57] Le tribunal considère que la règle de la meilleure preuve n’a pas d’incidence dans le présent dossier.
[58] Le tribunal est d’opinion qu’il doit plutôt se questionner sur la valeur probante d’un diagnostic qui repose sur l’examen clinique et l’imagerie médicale, à la lumière des constatations ultérieures révélées par le rapport du protocole opératoire.
[59] Bien que conscient de la règle qui découle de l’article 224 de la loi, le tribunal a du mal à se sentir lié par le diagnostic de déchirure partielle du tendon sous-scapulaire droit devant une preuve aussi claire de l’absence de déchirure révélée au protocole opératoire. Le tribunal ne peut se résoudre à appliquer aveuglément la règle de l’article 224 de la loi de manière à retenir un diagnostic qui, de toute évidence, n’existe pas.
[60] Même en supposant que le diagnostic doit être tenu pour acquis, il a été reconnu que la seule mention d’un diagnostic dans un rapport médical ne peut constituer une preuve médicale suffisante d’un lien causal[7].
[61] Or, à la lecture du rapport du protocole opératoire, la preuve médicale apparaît insuffisante sinon absente pour établir une quelconque relation entre le diagnostic de déchirure du tendon sous-scapulaire droit et l’événement initial.
[62] Le docteur Dorval, qui procède à l’opération, rapporte un tendon sous-scapulaire normal au rapport de protocole opératoire, mais également, il ne retient aucun diagnostic en lien avec ce tendon au rapport médical qu’il produit le jour même.
[63] Le tribunal n’exclut pas l’hypothèse que la déchirure ait pu se guérir entre l’examen à l’arthro-IRM de mai 2012 et l’opération en mai 2013. Toutefois, aucune preuve probante ne vient supporter cette hypothèse.
[64] Le rapport du protocole opératoire n’est pas silencieux quant au tendon du sous-scapulaire. Il rapporte explicitement un tendon normal et bien inséré au niveau de la petite tubérosité.
[65] Ainsi, il y a lieu d’accueillir la requête de l’employeur et de modifier les conclusions de la décision rendue par la CSST pour exclure la relation entre le diagnostic de déchirure partielle du tendon sous-scapulaire droit et l’événement.
[66] Concernant la demande de la représentante de l’employeur de déclarer qu’il n’y pas de déchirure des tendons de la coiffe des rotateurs, aucune décision de la CSST n’a été rendue concernant ce diagnostic.
[67] Il apparaît clairement du protocole opératoire qu’il n’y a effectivement pas de déchirure à ce niveau malgré le rapport médical postérieur à la chirurgie du docteur Wilhelmy qui reprend, le 15 juillet 2013, le diagnostic de déchirure de la coiffe des rotateurs.
[68] À l’instar de la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Mahko et Banque Nouvelle-Écosse[8] précitée, le tribunal considère qu’il peut se saisir de l’existence de ce diagnostic, bien qu’il n’ait pas fait l’objet d’une décision, sans retourner le dossier à la CSST, dans un but d’éviter la multiplication des recours.
[69] Les parties ont d’ailleurs eu l’opportunité de soumettre leurs représentations à l’audience sur cette question et le tribunal estime que le droit d’être entendu à cet égard est ainsi respecté.
[70] Somme toute, compte tenu de l’appréciation de la preuve incluant les constatations au rapport de protocole opératoire, le tribunal est d’avis de déclarer que le diagnostic de déchirure de la coiffe des rotateurs n’est pas en lien avec l’événement du 19 décembre 2011.
Dossier 488026-05-1211
[71] La Commission des lésions professionnelles doit maintenant décider si le travailleur a droit au remboursement des frais réclamés pour la balnéothérapie.
[72] Ainsi, au premier abord, il y a lieu d’analyser cette demande sous l’angle du droit à l’assistance médicale.
[73] L’article 188 de la loi prévoit que le travailleur a droit à l’assistance médicale que requiert son état. Cet article se lit ainsi :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
__________
1985, c. 6, a. 188.
[74] L’article 189 de la loi précise en quoi consiste l’assistance médicale :
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
__________
1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.
[75] Le Règlement sur l’assistance médicale[9] (le règlement) spécifie les soins, les traitements, les aides techniques dont la CSST défraie les coûts. Cet article énonce que :
2. Les soins, les traitements, les aides techniques et les frais prévus au présent règlement font partie de l’assistance médicale à laquelle peut avoir droit un travailleur, lorsque le requiert son état en raison d’une lésion professionnelle.
___________
D. 288-93, a. 2
[76] La lecture du règlement fait voir que les frais de balnéothérapie ne sont pas explicitement prévus et ne font donc pas partie de l’assistance médicale. La Commission des lésions professionnelles a, pour cette raison, refusé à quelques reprises le remboursement de frais similaires[10].
[77] Des distinctions doivent être aussi faites avec la décision[11] soumise par le représentant du travailleur, car les soins dans cette affaire étaient prodigués sous la supervision d’un professionnel de la santé au sens de l’article 189 de la loi, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
[78] Même à supposer que les exercices en piscine soient sous la supervision du kinésiologue qui les a suggérés, bien qu’il ne soit pas présent lors des exercices, le kinésiologue n’est pas un professionnel de la santé au sens de la loi[12].
[79] Par ailleurs, ce type de demande a été analysée, à l’occasion, sous l’angle du droit à la réadaptation.
[80] Les dispositions suivantes se trouvent au chapitre IV de la loi consacré à la réadaptation et dans la section I portant sur le droit à la réadaptation :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 145.
148. La réadaptation physique a pour but d'éliminer ou d'atténuer l'incapacité physique du travailleur et de lui permettre de développer sa capacité résiduelle afin de pallier les limitations fonctionnelles qui résultent de sa lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 148.
149. Un programme de réadaptation physique peut comprendre notamment des soins médicaux et infirmiers, des traitements de physiothérapie et d'ergothérapie, des exercices d'adaptation à une prothèse ou une orthèse et tous autres soins et traitements jugés nécessaires par le médecin qui a charge du travailleur.
__________
1985, c. 6, a. 149.
152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :
1° des services professionnels d'intervention psychosociale;
2° la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;
3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;
4° le remboursement de frais de garde d'enfants;
5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.
__________
1985, c. 6, a. 152.
[81] La Commission des lésions professionnelles a ainsi déjà reconnu le droit au remboursement des frais d’abonnement à un centre de conditionnement physique pour des exercices d’aquaforme[13], pour l’utilisation d’un tapis roulant et d’une bicyclette stationnaire[14] ou pour le conditionnement physique en gymnase et en piscine[15]. C’est principalement sur la base de l’article 149 de la loi que la Commission des lésions professionnelles a déjà accepté que ce type de frais découlant d’une prescription du médecin qui a charge.
[82] Toutefois, le tribunal retient qu’en principe, ces dispositions ne trouvent application que lorsqu’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique a été déterminée, donc après que la lésion professionnelle ait été consolidée.
[83] On trouve en jurisprudence[16] une exception à ce principe lorsque la preuve démontre que les séquelles temporaires deviendront « manifestement » permanentes.
[84] Dans Pagé et Fromagerie de Corneville[17], la Commission des lésions professionnelles rappelait :
[69] Le droit à la réadaptation s’ouvre, de l’avis du tribunal, dès qu’il devient manifeste que le travailleur conservera de sa lésion une atteinte permanente. […]
[85] La preuve disponible dans le présent dossier ne permet pas pour l’instant d’appréhender une atteinte permanente physique ou psychique découlant de la lésion professionnelle, de sorte que le travailleur ne peut se prévaloir des dispositions sur la réadaptation.
[86] Ainsi, le tribunal conclut que dans les circonstances, la demande du travailleur quant au remboursement pour la balnéothérapie ne peut être accueillie.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 484597-05-1210
ACCUEILLE la requête de Coentreprise Transelec-Arno, l’employeur;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 19 septembre 2012 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le diagnostic de bursite sous acromiale droite est en relation avec l’événement du 19 décembre 2011;
DÉCLARE que le diagnostic de déchirure partielle du tendon sous-scapulaire droit n’est pas en relation avec l’événement du 19 décembre 2011;
DÉCLARE que le diagnostic de déchirure de la coiffe des rotateurs n’est pas en relation avec l’événement du 19 décembre 2011.
Dossier 488026-05-1211
REJETTE la requête de monsieur Denis Laverdure, le travailleur;
CONFIRME la décision rendue par la CSST le 19 octobre 2012 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais réclamés pour la balnéothérapie incluant les frais d’accès à la piscine et les frais de déplacement pour s’y rendre.
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Annie Beaudin |
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Me Catherine Deslauriers |
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Bourque, Tétreault & ass. |
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Représentante de « Coentreprise Transelec-Arno » |
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Monsieur Francis Nadeau |
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Représentant de « Denis Laverdure » |
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[1] C.L.P. 175073-61-0112, 7 avril 2004, L. Nadeau.
[2] Précitée, note 1.
[3] L.R.Q. c. A-3.001.
[4] Mahko et Banque Nouvelle-Écosse, 2011 QCCLP 3135.
[5] C.c.Q.
[6] Charles et Revêtement Varo inc., C.L.P. 132547-61-0002, 6 février 2001, G. Morin.
[7] Commonwealth Plywood ltée et Bélanger, 2013 QCCLP 301; Commission scolaire du Fleuve-et-des-Lacs et Tardif, 2013 QCCLP 3974.
[8] Précitée, note 4.
[9] R.R.Q., c. A-3.001, r. 1.
[10] Girard et Girard & Racine inc., CALP 73137-029509, 31 mai 1996, J.-G. Roy; Hamel et Orléans Fruits & Légumes inc., C.L.P. 100173-03A-9804, 22 décembre 1998, M. Beaudoin; Chartrand et Construction Larivière ltée, C.L.P. 117545-07-9905, 15 décembre 1999, L. Couture; Levasseur et Canron inc., C.L.P. 114562-04-9904, 25 février 2000, R. Savard.
[11] Destrempes et Ville de Montréal, 2012 QCCLP 5908.
[12] Dion et Dawcolectric inc., 2013 QCCLP 3488; Abesque et Sport SM inc., C.L.P. 379184-31-0905, 30 novembre 2009, M. Beaudoin.
[13] Sadori et United Parcel Service Canada ltée, C.L.P. 209604-71-0306, 10 décembre 2003, M. Cuddihy.
[14] Gauthier et Construction Raoul Pelletier inc., C.L.P. 239316-31-0407, 29 septembre 2004, R. Ouellet.
[15] René et Boulangerie St-Méthode, C.L.P. 333681-64-0711, 18 septembre 2008, J.-F. Martel.
[16] Fleury et Boulangerie Gadoua ltée, [2008] C.L.P. 696; Pagé et Fromagerie de Corneville, C.L.P. 390803-62B-0910, 6 avril 2010, M. Watkins; Duval et Blais & Langlois inc., 2011 QCCLP 696.
[17] Précitée, note 16.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.