Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Jérôme

14 novembre 2005

 

Région :

Laurentides

 

Dossiers :

252156-64-0412      263371-64-0506

 

Dossier CSST :

092700947

 

Commissaire :

Me Fernand Poupart

 

Membres :

Jean E. Boulais, associations d’employeurs

 

Claudette Lacelle, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Claude Millaire

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Sport Motorisé Millaire inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier : 252156-64-0412

 

[1]                Le 22 décembre 2004, monsieur Claude Millaire (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 2 décembre 2004, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Dans cette décision, la CSST modifie la décision qu’elle a rendue, le 28 août 2004, et déclare que, pour obtenir le remboursement des frais d’entretien courant de son domicile en vertu des dispositions de l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la LATMP), le travailleur devra respecter les conditions suivantes :

Dorénavant, le travailleur devra faire parvenir ses demandes de remboursement en y joignant la facture ou le reçu original.  Il faudra également que ces factures ou reçus détaillent les services rendus et témoignent du fait que les travaux ont été réalisés par des entrepreneurs établis ou, à tout le moins, qu’elle comporte des coordonnées d’entrepreneurs vérifiables, qui permette [sic] d’établir que l’estimation des travaux a été faite officiellement et sérieusement.

 

 

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[3]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la CSST et de déclarer que les conditions qui lui sont imposées pour obtenir le remboursement des frais d’entretien courant de son domicile sont excessives et ont pour conséquence de l’empêcher d’exercer le droit que lui donne l’article 165 de la LATMP.

Dossier : 263371-64-0506

[4]                Le 1er juin 2005, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue par la CSST, le 19 mai 2005, à la suite d’une révision administrative.

[5]                Dans cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a rendue, le 11 février 2005, et déclare que le travailleur « n’a pas fourni la preuve nécessaire pour obtenir le remboursement des frais réclamés en février 2005 ».

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[6]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la CSST et de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais qu’il a réclamés, en février 2005, pour l’entretien courant de son domicile.

[7]                Les présents dossiers sont joints en vertu des dispositions de l’article 429.29 de la LATMP.

[8]                La Commission des lésions professionnelles tient une audience, le 21 juillet 2005, en présence du travailleur et de son avocat.

[9]                Bien qu’il ait été dûment convoqué, Sport Motorisé Millaire inc. (l’employeur) n’est pas représenté à cette audience.

[10]           La Commission des lésions professionnelles prend les présentes requêtes en délibéré, le 21 juillet 2005.

L’AVIS DES MEMBRES

[11]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la CSST a imposé au travailleur des conditions excessives et non énoncées dans la LATMP lorsqu’elle a refusé de lui rembourser les frais qu’il a engagés pour faire exécuter les travaux d’entretien courant de son domicile.  La CSST a de plus erronément considéré que certains de ces travaux, notamment le déneigement de la toiture, n’était pas visé à l’article 165 de la LATMP.

[12]           Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que, pour obtenir le remboursement des frais qu’il engage pour faire exécuter les travaux d’entretien courant de son domicile, le travailleur n’a qu’à produire des factures ou des reçus comportant la description de ces travaux et l’identité de la ou des personnes qui les ont exécutés.  Il croit aussi que la notion d’entretien courant du domicile inclut le déneigement des toitures et tous les autres travaux nécessaires pour maintenir l’intégrité et la salubrité de la résidence du travailleur.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[13]           Le travailleur est vendeur chez l’employeur lorsque, le 8 décembre 1986, il est victime d’un accident du travail et subit une lésion professionnelle qui le rend incapable d'exercer cet emploi.  La CSST accepte de l’indemniser en vertu de la LATMP et cette décision n’est pas contestée.

[14]           Le travailleur est victime d’aggravations et de complications successives de sa lésion professionnelle et souffre d’une lésion psychique secondaire.  Il conserve finalement une grave atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique et d’importantes limitations fonctionnelles et a droit, en conséquence, à la mise en œuvre de diverses mesures de réadaptation prévues au chapitre IV de la LATMP.

[15]           Ces mesures de réadaptation comprennent notamment le remboursement par la CSST des frais qu’il engage pour faire exécuter les travaux d’entretien courant de son domicile, conformément aux dispositions suivantes de l’article 165 de la LATMP :

165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[16]           Pendant plusieurs années, la CSST effectue de tels remboursements, jusqu’à concurrence du maximum annuel autorisé, sur simple présentation par le travailleur de documents établissant le montant qu’il doit payer pour faire exécuter les travaux par des tiers.

[17]           Toutefois, le 27 août 2004, la CSST refuse une demande de remboursement du travailleur pour le motif suivant :

Veuillez prendre note que les frais pour travaux d’entretien sont remboursables uniquement sur présentation de factures ou de reçus originaux détaillant les services rendus et indiquant les numéros de TPS et de TVQ ainsi que les numéros d’enregistrement du ministère du revenu.  Par conséquent, nous vous informons que nous ne pourrons plus à l’avenir, vous rembourser ces frais à moins de recevoir des reçus officiels.

 

 

[18]           Le 11 février 2005, la CSST refuse une autre demande de remboursement du travailleur.  Dans sa décision, elle déclare que ce dernier doit non seulement produire des factures ou des reçus originaux qui satisfont aux conditions imposées, mais qu’il doit aussi se limiter aux travaux énumérés dans la grille d’admissibilité qu’elle a établie et ne pas faire exécuter ces travaux « par la conjointe ou tout membre de la famille ».

[19]           Le travailleur demande la révision de ces décisions.

[20]           Le 2 décembre 2004 et le 19 mai 2005, la CSST rend les décisions qui font l’objet des présentes requêtes.

[21]           Dans la décision du 19 mai 2005, la CSST définit ainsi les travaux d’entretien courant du domicile visés à l’article 165 précité :

Travaux …

 

«travaux visant à maintenir l’intégrité du domicile, sa salubrité et son accessibilité.»

 

… d’entretien…

 

par entretien, on entend les travaux de maintenance des lieux, c’est-à-dire des travaux permettant d’en préserver l’état.

 

… courant…

 

Le terme "courant" signifie des travaux d’entretien habituel, normal, ordinaire qui doivent être faits périodiquement ou selon les saisons et qui sont nécessaires pour conserver les lieux en bon état.  Les travaux inhabituels, extraordinaires, visant notamment la rénovation, la construction, l’agrandissement ou la réparation du domicile, sont exclus.

 

… du domicile

 

Par domicile, on entend la résidence principale du travailleur au moment où il a recours au service et les lieux attenants à cette résidence, tels que la clôture ou le cabanon, par exemple.  Les lieux que le travailleur loue à des tiers et les résidences secondaires ne font pas l’objet de la mesure.

 

 

[22]           La CSST ajoute ce qui suit :

De tous les frais réclamés par le travailleur, la révision estime que certains ne font pas partie des travaux d’entretien courant, selon les définitions ci-haut.  En effet, le balayage et le lavage de planchers de même que le dépôt des ordures ménagères «au chemin» constituent des travaux domestiques, lesquels sont visés par un autre article, soit celui portant sur l’aide personnelle à domicile, dont le travailleur n’a jamais bénéficié.  De plus, le déneigement de la toiture et la sortie et la rentrée des accessoires d’été et d’hiver ne font pas des travaux «visant à maintenir l’intégrité du domicile, sa salubrité et son accessibilité».  Ces travaux ne sont donc pas remboursables.

 

 

[23]           La CSST déclare finalement que « le travailleur n’a pas fourni la preuve nécessaire pour obtenir le remboursement des frais réclamés en février 2005 » parce que la facture de 1 000 $ qu’il a produite n’est pas celle d’un « entrepreneur », qu’elle « couvre des travaux qui ne constituent pas des travaux d’entretien courant » ou encore qui n’ont pas été exécutés alors que la loi prévoit qu’ils ne sont remboursables qu’après leur exécution.

[24]           Témoignant devant la Commission des lésions professionnelles, le travailleur dit que, jusqu’au mois d’août 2004, il obtenait le remboursement prévu à l’article 165 de la LATMP en présentant un simple état des frais d’entretien courant de son domicile pour l’année en cours.  Cette procédure avait été établie à la suite d’une entente avec l’agent d’indemnisation responsable de son dossier.

[25]           Au soutien de son témoignage, le travailleur produit les copies des relevés qu’il a présentées depuis 1999, ainsi que des copies des avis de paiement que la CSST lui a notifiés pendant la même période.

[26]           Le travailleur affirme être incapable de satisfaire aux nouvelles conditions imposées par la CSST parce que les services « d’entrepreneurs établis » ne sont pas offerts dans sa localité et que, s’ils l’étaient, leurs coûts seraient exorbitants.

[27]           Il embauche donc des personnes disponibles dans son voisinage et leurs verse une rémunération légèrement supérieure au salaire minimum.

[28]           Malgré tout, les frais d’entretien de son domicile s’élèvent à environ 3 000 $ par année.  Ce montant dépasse largement le maximum annuel déterminé par la loi de sorte qu’il doit assumer l’excédent à même ces propres deniers.

[29]           Il ne fait pas de doute qu’en vertu de l’article 165 de la LATMP, le travailleur a droit au remboursement des frais qu’il engage pour faire exécuter les travaux d’entretien courant de son domicile parce que, conservant une grave atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique en raison de sa lésion professionnelle, il est dorénavant incapable d’effectuer ces travaux lui-même.

[30]           Rappelons que les dispositions de l’article 165 s’inscrivent dans le cadre des mesures de réadaptation sociale prévues au chapitre IV de la LATMP et que le but de ces mesures est précisé à l’article 151 de cette loi dans les termes suivants :

151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

[31]           Les conditions imposées par la CSST pour que les demandes de remboursement du travailleur soient acceptées, plus particulièrement celle relative à l’exécution des travaux par des « entrepreneurs établis », ne sont pas prévues à l’article 165.  On peut dès lors conclure que la CSST a ajouté ces conditions aux textes de la loi.

[32]           La preuve non contredite démontre en outre que de tels « entrepreneurs établis » n’offrent pas leurs services dans la localité du travailleur, ou demanderaient un prix exorbitant s’ils étaient présents.  Dans les circonstances, il nous faut conclure qu’une telle condition ne peut pas être maintenue car elle aurait pour conséquence d’empêcher le travailleur d’exercer pleinement le droit que lui donne l’article 165 de la LATMP.

[33]           La Commission des lésions professionnelles estime donc que, pour obtenir le remboursement des frais qu’il engage pour faire exécuter les travaux d’entretien courant de son domicile, le travailleur peut retenir les services de quiconque et doit ensuite produire des factures ou des reçus originaux sur lesquels apparaissent la description de ces travaux ainsi que les noms, adresses et, le cas échéant, numéros de téléphone des personnes qui les ont effectués.

[34]           La CSST pourra, bien sûr, exercer les pouvoirs d’enquête que la loi lui donne si, pour quelques motifs que ce soit, elle a de bonnes raisons de douter de la validité ou de la véracité des factures ou des reçus qui lui sont présentés.  Elle n’est cependant pas habilitée à imposer au travailleur des conditions ou des exigences qui n’ont pas été prévues par le législateur et qui ont pour effet de limiter l’exercice des droits de ce dernier.

[35]           Soulignons par ailleurs que, dès la réception des pièces justificatives, la CSST doit rembourser au travailleur tous les frais qu’il engage pour faire exécuter les travaux d’entretien courant de son domicile[2], jusqu’à concurrence évidemment du maximum annuel autorisé par le législateur.  Or, ces travaux inclus tout ce qui est utile pour assurer l’intégrité, la pérennité, la salubrité et l’accessibilité du domicile et de ses dépendances.

[36]           Ainsi, la Commission des lésions professionnelles juge que la CSST a erré lorsqu’elle a, par exemple, déclaré que le déneigement des toitures ne fait pas partie des travaux visés à l’article 165 de la LATMP.  Il est en effet indéniable que le déneigement des toitures fait partie de l’entretien courant du domicile, au même titre que le déneigement de l’entrée principale de ce lieu.

[37]           Dans le dossier Pinard et Russel Drummond et CSST[3], la Commission des lésions professionnelles a déclaré ce qui suit, à ce sujet :

Il va de soi que nous vivons dans un pays où effectivement la neige est une contrainte climatique que l’on doit tenir en compte lorsqu’on applique l’article 165.

 

 

[38]           Il en va de même de la sortie ou du rangement des divers objets, outils, instruments, appareils utilisés dans le cadre de l’entretien courant du domicile du travailleur.  Suivant la maxime bien connue, Accessorium sequitur principale, le bien principal communique sa condition juridique aux biens qui lui sont accessoires.

[39]           La CSST pourrait par contre refuser une demande de remboursement pour des frais d’exécution de simples tâches domestiques qui donneraient plutôt lieu à une mesure différente de réadaptation sociale, en l’occurrence l’aide personnelle à domicile prévue aux articles 158 et suivants de la LATMP.

[40]           La CSST pourrait en outre refuser de rembourser les frais que le travailleur prévoit payer pour des travaux uniquement projetés et non encore matérialisés car, suivant l’article 165 précité, seuls les frais véritablement engagés doivent être remboursés.

[41]           Dans les présents dossiers, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur peut obtenir le remboursement des frais qu’il a engagés, en 2004 et en 2005, pour faire exécuter les travaux d’entretien courant de son domicile en produisant au bureau de la CSST des factures ou des reçus dans lesquels apparaissent la description de ces travaux et l’identité des personnes qui les ont réalisés.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier : 252156-64-0412

ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Claude Millaire ;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 2 décembre 2004, à la suite d’une révision administrative ;

DÉCLARE que, pour obtenir le remboursement des frais qu’il engage pour faire exécuter les travaux d’entretien courant de son domicile, le travailleur doit produire des factures ou des reçus originaux sur lesquels apparaissent la description de ces travaux et les noms, adresses et numéros de téléphone des personnes qui les ont effectués contre rémunération.

Dossier : 263371-64-0506

ACCUEILLE partiellement la requête du travailleur, monsieur Claude Millaire ;

MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 19 mai 2005, à la suite d’une révision administrative ;

DÉCLARE que, pour obtenir le remboursement des frais qu’il a engagés avant le 11 février 2005 pour faire exécuter les travaux d’entretien courant de son domicile, le travailleur doit produire les factures ou les reçus originaux sur lesquels apparaissent la description de ces travaux et les noms, adresses et numéros de téléphone des personnes qui les ont effectués contre rémunération.

 

 

__________________________________

 

Me Fernand Poupart

 

Commissaire

 

 

 

Me Maxime Gilbert

F.A.T.A. - Montréal

Représentant de la partie requérante

 

 



[1]          L.R.Q., c.A-3.001

[2]          Babeu et Boulangeries Weston Québec ltée, 166478-62B-0108, le 16 janvier 2003, N. Blanchard

[3]          145317-02-0008 et 146464-02-0009, le 29 novembre 2000, R. Deraiche

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