Martin et Industries de la Rive Sud ltée |
2011 QCCLP 3603 |
______________________________________________________________________
DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
______________________________________________________________________
[1] Le 22 septembre 2010, madame Claire Martin (la travailleuse) dépose une requête en révision à l’encontre d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 4 août 2010.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais pour l’entretien ménager hebdomadaire ou bimensuel de son domicile. Elle déclare également que l’emploi de caissière de station libre-service constitue un emploi convenable pour la travailleuse qu’elle est capable d’exercer à compter du 24 juillet 2009.
[3] L’audience sur la requête en révision a lieu devant la Commission des lésions professionnelles à Sherbrooke, le 17 mai 2011 en présence de la travailleuse, qui est assistée de son avocate ainsi que de l’avocate de la CSST. L’avocat de Industries de la Rive sud ltée (l’employeur) n’est pas présent à l’audience, mais a soumis une brève argumentation écrite.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision rendue le 4 août 2010 et de déclarer que l’emploi de caissière de station libre-service ne constitue pas un emploi convenable et qu’elle n’a pas la capacité de l’exercer à compter du 24 juillet 2009.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont tous les deux d’avis de rejeter la requête. Ils constatent que la première juge administrative a clairement expliqué sa position relativement à la question des limitations fonctionnelles et de la condition psychique de la travailleuse. À cet égard, ils retiennent que la travailleuse recherche clairement une réappréciation du droit et des faits, ce que ne permet pas le recours en révision. Ils sont également d’avis que l’évaluation effectuée par une autre ergothérapeute en date du 9 décembre 2010, constitue une nouvelle opinion, ce qui ne correspond pas à un fait nouveau susceptible d’entraîner la révision de la décision.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] Le tribunal, siégeant en révision, doit déterminer s’il y a lieu de réviser la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 4 août 2010.
[7] L’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel :
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu’une affaire est entendue par plus d’un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l’ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s’y conformer sans délai.
____________
1997, c. 27, a. 24.
[8] Cependant, le législateur a prévu à son article 429.56 de la loi que la Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue dans certains cas. Cette disposition se lit comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[9] Le recours en révision et en révocation s’inscrit dans le contexte de l’article 429.49 de la loi qui prévoit qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel. Une décision ne peut être révisée ou révoquée que si l’un des motifs prévus par l’article 429.56 de la loi est établi.
[10] Dans le présent cas, la travailleuse invoque d’abord que la décision de la première juge administrative comporte un vice de fond qui est de nature à l’invalider. La notion de « vice de fond » a été interprétée par la Commission des lésions professionnelles[2] comme étant une erreur manifeste, de droit ou de faits, ayant un effet déterminant sur l’issue du litige.
[11] Il a été maintes fois réitéré que ce recours ne peut constituer un appel déguisé compte tenu du caractère final d’une décision de la Commission des lésions professionnelles énoncé au troisième alinéa de l’article 429.49 de la loi.
[12] Dans l’affaire C.S.S.T. et Fontaine[3], la Cour d’appel a été appelée à se prononcer sur la notion de « vice de fond ». Elle réitère que la révision n’est pas l’occasion pour le tribunal de substituer son appréciation de la preuve à celle déjà faite par la première formation ou encore d’interpréter différemment le droit. Elle établit également que la décision attaquée pour motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision.
[13] Dans l’affaire Fontaine, comme elle l’avait déjà fait dans la cause TAQ c. Godin[4], la Cour d’appel invite et incite la Commission des lésions professionnelles à faire preuve d'une très grande retenue dans l'exercice de son pouvoir de révision.
[14] Ainsi, un juge administratif saisi d'une requête en révision ne peut pas écarter la conclusion à laquelle en vient le premier juge administratif qui a rendu la décision attaquée et y substituer sa propre conclusion au motif qu'il n'apprécie pas la preuve et le droit de la même manière que celui-ci.
[15] La travailleuse invoque également la découverte d’un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait justifié une décision différente.
[16] La jurisprudence[5] a établi des critères pour établir ce qui peut être considéré un fait nouveau au sens du premier alinéa de l’article 429.56 de la loi. Elle enseigne que le « fait nouveau » ne doit pas avoir été créé postérieurement à la décision du premier commissaire. Il doit plutôt avoir existé avant cette décision, mais avoir été découvert postérieurement à celle-ci, alors qu’il était impossible de l’obtenir au moment de l’audience initiale. Il doit également avoir un effet déterminant sur le sort du litige[6].
[17] Sans reprendre tous les éléments de preuve au dossier, il y a lieu de rapporter les faits suivants à l’origine de la présente requête.
[18] En 1990, la travailleuse souffre de douleurs lombaires entraînées par un spondylolisthésis de L5 sur S1. En 1991, elle subit une chirurgie de fusion lombaire des niveaux L5 à S2. Cette lésion est considérée comme une condition personnelle. La travailleuse a pu continuer à effectuer un travail manuel par la suite.
[19] Le 11 février 2002, elle subit un accident à l’occasion du travail alors qu’elle occupe un emploi de journalière chez l’employeur et qu’elle glisse sur une plaque de glace dans le stationnement. Le diagnostic initialement retenu est celui de dorsolombalgie avec irradiation aux membres inférieurs.
[20] La CSST accepte la réclamation de la travailleuse pour une entorse lombaire.
[21] La travailleuse bénéficie de différents traitements dont de la physiothérapie et des infiltrations qui n’apportent aucune amélioration. À partir de l’automne 2004, la travailleuse participe à différents programmes multidisciplinaires d’évaluation et d’amélioration des capacités fonctionnelles (SIRF) et de réentraînement à l’effort. Elle bénéficie également d’un suivi en psychologie.
[22] Ces programmes sont tous des échecs et la travailleuse se plaint d’une augmentation de douleurs et prend de plus en plus de médication, notamment de la morphine.
[23] En juillet 2005, un diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur dépressive est émis et accepté par la CSST.
[24] Devant l’échec des solutions proposées pour améliorer la condition de la travailleuse, un rapport médical final est produit par la docteure Dussault, le médecin traitant, consolidant la lésion physique le 15 septembre 2005.
[25] Le 4 avril 2006, le docteur Dauphin produit le rapport d’évaluation médicale pour un diagnostic d’entorse lombaire et de lombalgie mécanique. Son examen démontrant des ankyloses du rachis lombaire et une faiblesse au membre inférieur gauche, le docteur Dauphin conclut à un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour une entorse lombaire avec séquelles objectivées. Il retient par ailleurs des limitations fonctionnelles sévères de classe IV, soit d’éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente des activités qui impliquent de :
Soulever, porter, pousser ou tirer des charges de plus de 5 kilos
- Marcher longtemps, garder la même posture (debout, assis) plus de 30 à 60 minutes
- Travailler dans une position instable (ex : dans des échafaudages, échelles, escaliers)
- Effectuer des mouvements répétitifs des membres inférieurs comme actionner des pédales
- Travailler en position accroupie, ramper ou grimper
- Effectuer des mouvements de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire même de faible amplitude
- Monter fréquemment plusieurs escaliers, marche en terrain accidenté ou glissant
- Subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (comme celles provoquées par du matériel roulant sans suspension)
En plus des restrictions ci-dessus, le caractère continu de la douleur et son effet sur le comportement et sur la capacité de concentration sont incompatibles avec tout horaire régulier.
[26] Par la suite, devant la persistance des douleurs, la travailleuse consulte le chirurgien orthopédiste Ferron qui l’avait opérée en 1991. Il retient le diagnostic de « failed back syndrome » et décide de tenter une deuxième chirurgie. Il procède à une fusion antérieure des vertèbres L4 à S1.
[27] Il consolide la lésion, le 17 avril 2007, et produit le rapport d’évaluation médicale. À l’examen, les ankyloses du rachis sont moins importantes que celles constatées par le docteur Dauphin et la force musculaire des membres inférieurs est normale. Il accorde un déficit anatomo-physiologique de 15,50 % pour la chirurgie par fusion et les ankyloses aux mouvements de flexion antérieure et en extension du rachis. Il accorde également des limitations fonctionnelles soit celles de :
. Éviter de lever des plus de 20-25 livres à répétition; [sic]
. Éviter les mouvements répétés de flexion, torsion, rotation de la colonne;
. Éviter de conduire un camion lourd (lift, loader, etc…);
. Éviter les marches très prolongées;
. Éviter de monter et descendre très fréquemment les escaliers;
. Éviter toutes positions stationnaires de plus de 1 h 30 consécutive.
[28] Le 27 avril 2007, la docteure Dussault produit un rapport médical final consolidant la lésion psychique avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.
[29] Le 21 juin 2007, la docteure Dussault remplit un rapport complémentaire et se dit en accord avec les conclusions du docteur Ferron.
[30] Le 21 août 2007, le psychiatre Lepage examine la travailleuse à la demande de la CSST. Il conclut qu’il ne peut retenir un diagnostic de trouble d’adaptation, même si la travailleuse peut éprouver certaines difficultés adaptatives. Selon lui, le seul diagnostic à retenir est de l’ordre d’un trouble douloureux auquel contribuent très probablement des facteurs psychologiques répondant à des caractéristiques personnelles, notamment la dramatisation et la résistance apparente à toutes les interventions et recommandations. Il conclut que la travailleuse ne conserve pas de séquelles permanentes attribuables à une psychopathologie active au-delà du trouble douloureux, dont il faut probablement défalquer un effet d’amplification liée à une problématique personnelle. Il ne retient pas non plus de limitations fonctionnelles attribuables à un trouble psychiatrique formel au-delà des limitations consécutives aux douleurs et à la médication opiacée qu’elle prend pour les contrôler.
[31] Le 22 octobre 2007, la docteure Dussault remplit un rapport complémentaire et elle se dit en accord avec les conclusions du docteur Lepage.
[32] En décembre 2007, la docteure Dussault recommande une prise en charge en ergothérapie et en psychologie. Quant au suivi psychologique, il est cessé parce que la travailleuse ne voit pas la pertinence d’un tel suivi, celle-ci étant convaincue que ses problèmes sont uniquement d’ordre physique. Le suivi en ergothérapie est également cessé étant donné l’augmentation de la douleur et le peu d’amélioration de ses capacités fonctionnelles.
[33] Des démarches sont entreprises au regard de la réadaptation professionnelle. Finalement, la CSST détermine de façon unilatérale un emploi convenable de caissière de station libre-service.
[34] La première juge administrative devait donc décider si cet emploi est convenable pour la travailleuse et si elle avait la capacité de l’exercer à compter du 24 juillet 2009.
[35] Dans le cadre de la preuve qui lui est soumise, la travailleuse et la CSST ont notamment chacune déposé un rapport ergonomique concernant l’étude des tâches d’un caissier de station libre-service en rapport avec les limitations fonctionnelles de la travailleuse.
[36] De façon préalable, la première juge administrative est appelée à déterminer quelles sont les limitations fonctionnelles dont elle doit tenir compte pour décider du caractère convenable de l’emploi de caissière de station libre-service.
[37] À cet égard, elle retient la position défendue par la CSST. Elle conclut qu’il faut retenir les limitations fonctionnelles émises par le docteur Ferron, à la suite du dernier traitement reçu par la travailleuse. Elle rappelle notamment, que le docteur Ferron est le médecin traitant de la travailleuse puisque c’est elle qui l’a choisi pour pratiquer la chirurgie et qu’il avait, par ailleurs, déjà pratiqué celle de 1990.
[38] Quant aux limitations fonctionnelles psychiques, elle interprète l’avis du docteur Lepage et conclut qu’il n’en retient pas.
[39] Par la suite, elle analyse les différents critères de la définition d’emploi convenable en fonction de la preuve au dossier et conclut que celui de caissière de station libre-service constitue un emploi convenable.
[40] Premièrement, la travailleuse prétend que la première juge administrative commet une erreur manifeste et déterminante d’interprétation en omettant de tenir compte des limitations fonctionnelles retenues par le docteur Dauphin, le 4 avril 2006. Comme la CSST n’a pas contesté le rapport d’évaluation médicale du docteur Dauphin devant le Bureau d’évaluation médicale, elle soutient que le processus d’évaluation médicale était terminé avec ce rapport et qu’il liait la CSST quant aux limitations fonctionnelles.
[41] Le tribunal siégeant en révision retient que la travailleuse recherche clairement une nouvelle appréciation du droit et des faits.
[42] En effet, dans le cadre de la présente requête, la travailleuse reprend l’essentiel des arguments qu’elle avait soumis devant la première juge administrative soit le fait que l’on devait tenir compte des limitations fonctionnelles émises par le docteur Dauphin compte tenu que le rapport d’évaluation médicale n’a jamais été soumis au Bureau d’évaluation médicale.
[43] Or, après avoir bien exposé le débat qui était devant elle concernant les limitations fonctionnelles à retenir, la première juge administrative a tranché et a plutôt retenue la thèse plaidée par la CSST, soit que la chirurgie visait l’amélioration de la condition de la travailleuse, que celle-ci a choisi de se faire opérer par le docteur Ferron qui retient finalement des limitations fonctionnelles moins restrictives que celles du docteur Dauphin.
[44] La travailleuse n’est manifestement pas d’accord avec les conclusions de la première juge administrative, mais la révision n’est pas une occasion donnée à une partie pour demander une nouvelle interprétation des faits et du droit.
[45] À l’audience devant le tribunal siégeant en révision, la travailleuse ajoute qu’il est prévu à l’article 224.1 que, lorsque le Bureau d’évaluation médicale rend son avis, il lie la CSST et qu’elle « rend une décision en conséquence ». Selon elle, même si l’article 224 ne le prévoit pas spécifiquement, la même obligation « de rendre une décision en conséquence » devrait s’appliquer à la CSST à la suite d’un rapport d’évaluation médicale. Elle soutient que, dans le présent cas, il n’y a pas de motif raisonnable justifiant que la CSST n’ait pas rendu une telle décision après la production du rapport d’évaluation médicale d’autant plus que l’agente avait même écrit dans sa note évolutive que si la travailleuse se faisait opérer elle devrait produire une nouvelle réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation.
[46] D’une part, la Commission des lésions professionnelles retient qu’il s’agit de nouveaux arguments qui n’apparaissent pas à l’argumentation écrite qui avait été soumise à la première juge administrative. Or, il a maintes fois été décidé que la révision n’est pas l’occasion pour bonifier ou compléter une argumentation[7].
[47] Par ailleurs, par cet argument, la travailleuse soumet une interprétation possible qui peut être retenue relativement à l’article 224, mais elle ne démontre pas en quoi, compte tenu des faits propres au présent dossier, la première juge administrative a commis une erreur manifeste. De plus, quant à l’argument selon lequel l’agente aurait mentionné à la travailleuse qu’elle devrait produire une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation, si elle devait subir une chirurgie, il ne peut être retenu. En effet, ce n’est pas ce qui s’est passé dans les faits, ce que reconnaît, d’ailleurs, la travailleuse.
[48] Dans un deuxième temps, la travailleuse soumet que la première juge administrative a omis de tenir compte de la condition globale de la travailleuse pour déterminer du caractère convenable de l’emploi retenu.
[49] Plus spécifiquement, elle soutient que, même si le docteur Lepage ne retient pas de limitations fonctionnelles attribuables à un trouble psychiatrique formel, il constate clairement des limitations consécutives aux douleurs et à la médication. Elle reproche également à la première juge administrative de retenir que le trouble douloureux affecte la « perception » de la travailleuse alors que la preuve au dossier confirme la présence de douleurs objectives réelles, qui ne sont pas de l’ordre de la perception, et qui affectent sa capacité générale. Selon elle, l’affirmation de la première juge administrative à cet égard est basée sur une fausse prémisse.
[50] Par cet argument, la travailleuse cherche également une nouvelle interprétation des faits.
[51] Il ressort clairement des argumentations écrites des deux parties, soumises à la suite de l’audience initiale, ainsi que de la décision de la première juge administrative que celle-ci était appelée à interpréter les propos du docteur Lepage. La travailleuse prétendait que le docteur Lepage a clairement retenu certaines limitations relatives au trouble douloureux qui sont évidentes à la lecture du dossier. Puis, elle reprenait différents exemples démontrant son incapacité invalidante. De son côté, la CSST soumettait plutôt que les propos du docteur Lepage étaient flous, à cet égard, et prétendait que, en déterminant les limitations fonctionnelles physiques, le docteur Ferron avait tenu compte des douleurs alléguées par la travailleuse lui reconnaissant tout de même une capacité résiduelle.
[52] Or, après avoir bien résumé l’expertise du docteur Lepage aux paragraphes [31] et [32], dans le cadre de ses motifs, la première juge administrative tranche le débat dont elle est saisie au regard des limitations d’ordre psychique, plus particulièrement aux paragraphes [81] à [84]. Elle n’a pas retenu la thèse présentée par la travailleuse. Cependant, elle a apprécié la preuve devant elle et plus particulièrement les propos du docteur Lepage, et a tranché, ce qui est au cœur de sa compétence.
[53] Par ailleurs, il n’est pas démontré non plus que la première juge administrative a commis une erreur en affirmant ce qui suit au paragraphe [84] :
[84] Certes, le trouble douloureux et le cercle vicieux qu’entraînent l’inactivité et la prise de médication ont un effet sur la perception qu’a la travailleuse de sa condition. Ce phénomène d’amplification et de problématique douloureuse n’empêche cependant pas l’exercice auquel doit se soumettre la CSST, soit la détermination d’un emploi convenable lorsque la lésion est consolidée.
[54] À cet égard, la travailleuse revient sur plusieurs exemples au dossier qu’elle avait déjà soumis, d’ailleurs, devant la première juge administrative démontrant de façon objective l’incapacité invalidante de la travailleuse. Or, lorsqu’on lit la décision dans son ensemble, incluant la description des faits, on comprend très bien qu’il existe aussi de nombreux autres exemples permettant plutôt d’appuyer l’affirmation de la première juge administrative, selon laquelle la travailleuse « perçoit » sa condition beaucoup plus invalidante qu’elle ne l’est en réalité.
[55] En outre, il ressort clairement de la décision que la première juge administrative tient compte du fait que la travailleuse était peu coopérative et passive dans les nombreuses interventions qui ont été faites pour l’aider à améliorer sa condition douloureuse et son niveau de fonctionnalité et qu’elle présentait un phénomène d’amplification de ses douleurs.
[56] La travailleuse n’est pas d’accord avec l’affirmation de la première juge administrative à cet égard, ce qui n’est pas un motif de révision.
[57] Dans le cadre d’une requête amendée, la travailleuse invoque un troisième motif de révision. Elle soumet qu’il y a ouverture à la révision étant donné la découverte d’un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente. Au soutien de ce motif, elle dépose un rapport d’évaluation ergonomique du poste de caissier de station libre-service, daté du 9 décembre 2010. Il s’agit d’une étude ergonomique, demandée par la CSST au mois de novembre 2010, que l’avocate de la travailleuse a obtenue au mois de janvier 2011, dans le contexte du dossier d’un autre travailleur.
[58] La travailleuse reprend les critères élaborés par la jurisprudence[8] au regard de la notion de fait nouveau. Elle soutient que les éléments à la base de ce rapport ergonomique étaient existants lors de l’audience initiale, mais qu’il était impossible de les obtenir plus tôt puisque l’étude n’avait pas encore été requise par la CSST. De plus, elle soumet que cette étude a un effet déterminant sur le sort du litige puisqu’il permet de conclure que l’emploi de caissière de station libre-service contrevient aux limitations fonctionnelles de la travailleuse.
[59] Le tribunal siégeant en révision ne croit pas que cette nouvelle évaluation ergonomique constitue un fait nouveau. Le contenu de cette étude constitue plutôt une nouvelle opinion d’une troisième ergothérapeute. Lors de l’audience initiale, chaque partie a déposé un rapport d’évaluation ergonomique relativement aux capacités requises pour occuper le poste de caissière de station libre-service. La première juge administrative a analysé les deux études et l’ensemble de la preuve qui lui étaient soumises et a conclu que l’emploi retenu ne contrevenait pas aux limitations fonctionnelles de la travailleuse. Par ailleurs, il est à noter que la CSST n’a pas omis de déposer l’étude de l’ergothérapeute Bouffard, puisqu’elle ne l’avait même pas encore requise au moment de l’audience.
[60] Or, la jurisprudence enseigne qu’une opinion ne constitue pas un fait nouveau[9] et que le recours en révision n’est pas l’occasion qui est donnée à une partie pour bonifier sa preuve.[10]
[61] Par ailleurs, l’avocate de la travailleuse dépose cette troisième expertise obtenue dans le cadre du dossier d’un autre client, qui a été requise après la décision de la première juge administrative. Elle soutient que cette expertise provenant de la CSST est basée sur des données très exhaustives et que les éléments de faits à la base des conclusions de l’étude existaient au moment de l’audience initiale.
[62] Or, si ces données existaient avant la décision, il n’était pas impossible pour la travailleuse d’obtenir aussi une étude ergonomique basée sur de telles données plus exhaustives. Elle a choisi de déposer le rapport de l’ergothérapeute Perreault. Or, une partie ne peut pas tenter de venir combler les lacunes de la preuve qu'elle a eu l'occasion de faire valoir en premier lieu par le recours en révision[11].
[63] Ainsi, ce nouveau rapport d’évaluation ergonomique ne constitue pas un fait nouveau au sens du premier alinéa de l’article 429.56 de la loi.
[64] Par conséquent, la travailleuse n’ayant pas démontré de motif permettant la révision de la décision du 4 août 2010, sa requête doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de madame Claire Martin, la travailleuse.
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Voir notamment Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 .
[3] [2005] C.L.P. 626 (C.A.).
[4] Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.).
[5] Bourdon c. Commission des lésions professionnelles, [1999] C.L.P. 1096 (C.S.); Pietrangelo et Construction NCL, 107558-73-9811, 17 mars 2000, A. Vaillancourt; Nadeau et Framatome Connectors Canada inc., 110308-62C-9902, 8 janvier 2001, D. Rivard, 2000LP-165; Soucy et Groupe RCM inc., 143721-04-0007, 22 juin 2001, M. Allard, 2001LP-64; Provigo Dist. (Maxi Cie) et Briand, 201883-09-0303, 1er février 2005, M. Carignan; Lévesque et Vitrerie Ste-Julie, 200619-62-0302, 4 mars 2005, D. Lévesque; Roland Bouchard (succession) et Construction Norascon inc. et als, 210650-08-0306, 18 janvier 2008, L. Nadeau.
[6] Bourdon c. C.L.P., précitée note 5.
[7] Lamarre et Day & Ross inc., [1991] C.A.L.P. 729 ; Martel et Laiterie Lamontagne ltée, 58232-02-9404, 17 janvier 1997, M. Carignan; Vêtements Peerless inc. et Doan, [2001] C.L.P. 360 .
[8] Bourdon c. C.L.P., précitée note 5.
[9] Succession Roland Bouchard et Construction Norascon inc.et als, précitée note 5.
[10] Id.
[11] Id.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.