Dufour et Alcoa ltée |
2011 QCCLP 3087 |
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[1] Le 1er décembre 2010, monsieur Denis Dufour (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 15 octobre 2010 à la suite d'une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision qu'elle a initialement rendue le 21 juin 2010. Elle déclare qu’elle était justifiée de mettre fin au plan individualisé de réadaptation concernant l'emploi convenable de technicien juridique et que l'emploi de commis au courrier constitue un emploi convenable pour monsieur Dufour, qu'il est capable d'exercer à compter du 21 juin 2010. Compte tenu que cet emploi n'est pas disponible, elle lui reconnaît le droit à l'indemnité de remplacement du revenu pendant une période maximale d'un an et par la suite, le droit à une indemnité de remplacement du revenu réduite.
[3] La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience le 21 avril 2011 à Baie-Comeau en présence de monsieur Dufour, de son représentant et du représentant de la CSST. Alcoa ltée (l'employeur) n'était pas représenté.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Monsieur Dufour demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la CSST n'était pas justifiée de modifier le plan individualisé de réadaptation, que l'emploi de technicien juridique demeure en conséquence son emploi convenable et qu'il a droit à la poursuite de la formation déjà retenue qui lui permettra de l'exercer.
[5] Subsidiairement, il demande de déclarer que l'emploi de commis au courrier ne constitue pas un emploi convenable pour lui.
LES FAITS
[6] Le tribunal retient les éléments suivants des documents contenus au dossier et du témoignage de monsieur Dufour.
[7] Le 24 janvier 2007, monsieur Dufour subit des blessures importantes au dos dans l'exercice de son emploi d'assistant-opérateur d'un pont roulant, qu'il occupe chez l'employeur depuis plusieurs années. Il est âgé de 43 ans au moment de la survenance de cet événement.
[8] La lésion est consolidée le 9 août 2001 avec une atteinte permanente à l'intégrité physique de 32,50 % pour des cicatrices et avec les limitations fonctionnelles suivantes : intolérance à la chaleur intense et ne peut travailler dans un environnement de plus de 30 degrés Celsius.
[9] Le 23 août 2007, monsieur Dufour subit une récidive, rechute ou aggravation en raison d'un stress post-traumatique diagnostiqué chez lui. Cette lésion est consolidée le 10 mars 2008 avec une atteinte permanente à l'intégrité psychique de 5,75 % et une limitation fonctionnelle similaire à celle établie pour la lésion physique.
[10] La CSST lui reconnaît le droit à la réadaptation professionnelle. Le 21 novembre 2008, après examen de différentes hypothèses, une conseillère en réadaptation en vient à la conclusion que monsieur Dufour ne peut exercer aucun emploi convenable chez l'employeur. Son dossier est confié à un nouveau conseiller en réadaptation, monsieur Martin Poitras, pour la détermination d'un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.
[11] Dès la première rencontre du 8 janvier 2009, monsieur Dufour fait part à monsieur Poitras de son intention de retourner aux études dans le domaine du droit. Il a déjà un diplôme d'études collégiales en sciences humaines avec mathématiques et il est intéressé à faire un cours de technicien juridique et même des études universitaires. Il est dirigé vers une conseillère d'orientation.
[12] Le 26 février 2009, celle-ci informe monsieur Poitras que monsieur Dufour souhaite faire des études universitaires en droit pour devenir avocat ou notaire et que si la CSST ne retient pas ce choix, il aimerait devenir technicien juridique. Trois options de formation sont envisagées, soit une attestation d'études collégiales au cégep Ahuntsic ou au collège Sullivan et un diplôme d'études collégiales au collège Bart de Québec, qu'il pourrait obtenir en deux ans de cours plus un stage, étant donné qu'il a déjà complété les cours de base du programme d'études collégiales. Elle recommande cette dernière option.
[13] La conseillère d'orientation mentionne aussi comme alternative trois emplois semi-spécialisés identifiés par monsieur Dufour, soit préposé à la réception, vendeur et commis au courrier, en indiquant par ailleurs qu'il n'a que très peu d'intérêt pour ces métiers parce qu'il veut vraiment se diriger vers des études en droit.
[14] Le 20 mars 2009, monsieur Poitras discute avec monsieur Dufour de l'hypothèse de retenir la formation au collège Bart. Il l'avise que si la CSST retient cette option, il « devra s'investir au maximum afin d'assurer la réussite de son cours » et il indique qu'« en cas d'échec de la formation, le T est au courant que nous déterminerons un emploi sans formation, au salaire minimum, parmi ceux qu'il a identifiés ».
[15] Le 13 mai 2009, la CSST rend une décision par laquelle elle retient pour monsieur Dufour l'emploi convenable de technicien juridique en prévoyant une formation au collège Bart, débutant le 28 août 2009 et devant se terminer vers le mois d'août 2011, afin qu'il obtienne un diplôme d'études collégiales. La CSST assume les coûts de la formation, du logement à Québec et d'un certain nombre de déplacements Québec - Baie-Comeau.
[16] Le 19 août 2009, monsieur Poitras rappelle à monsieur Dufour ses responsabilités dans le processus de réadaptation et les conséquences possibles en cas d'échec de la formation. Il note : « Le T comprend bien que s'il échoue, un emploi convenable sans formation sera déterminé ».
[17] Au cours de la session d'automne 2009, monsieur Dufour s'investit beaucoup dans ses études, mais cela ne produit pas les résultats escomptés. Le 14 janvier 2010, monsieur Poitras mentionne ce qui suit au dossier après lui avoir parlé :
Je vérifie avec lui comment s'est passé sa 1ère session.
Il me dit que c'est beaucoup de travail mais qu'il aime ça et trouve la matière très intéressante. Par contre, malgré le fait qu'il travaille énormément et qu'il dit assister à tous ses cours, il a eu des échecs. Il a échoué au moins 2 cours et un qui reste incertain puisqu'il n'a pas reçu son relevé de note.
Il dit avoir pris un cour supplémentaire soit histoire constitutionnelle du Canada, qui n'était pas obligatoire mais qu'il voulais suivre par intérêt. Ce cours a demandé plus de travail qu'il le croyait au départ. Il l'a réussi avec une note de près de 84% mais avoue que sans ce cours, il aurait pu consacrer plus de temps au cours obligatoires. Le T avait donc 6 cours à suivre à la session d'automne.
Je lui interdit à l'avenir de prendre un cours qui n'est pas obligatoire à l'obtention de son diplôme sans au préalable avoir obtenu mon autorisation.
Je lui demande ce qui va arriver au niveau des délais pour compléter sa formation ? Il me dit avoir parlé avec Mme Johanne Renaud, directrice des Étude et s'est organisé pour qu'il puisse reprendre le cours Obligations et la preuve à l'hiver 2010 pour ne pas prendre de retard. Pour les autres échecs, il devrait savoir ce qui pourra être fait lors de son retour au collège le 25 janvier 2010.
Je l'avise que nous pourrions décider de cesser sa formation s'il obtenait trop d'échec et qu'il aurait dû me contacter lorsqu'il voyait que ça n'allait pas. Il me dit que c'est en octobre ou novembre qu'il s'est aperçu qu'il avait des difficultés mais a essayé de se débrouiller seul.
Il a participé à des cours de révision avant les examens et a eu recours aux services d'aide aux étudiants disponible au Collège. Il trouve ça difficile car n'a jamais subi d'échec au niveau scolaire auparavant mais m'assure que ce n'est pas en raison d'un manque d'effort.
Il me demande de ne pas mettre fin à sa formation, que ça lui couperait les 2 jambes. Il a eu sa période d'adaptation et dit comprendre davantage le fonctionnement. [sic]
[18] En réalité, monsieur Dufour a échoué quatre des cinq cours obligatoires. Dans trois de ces cours, il n'a pas remis un travail qui valait 10 points dans deux cas et 20 points dans l'autre cas.
[19] Le 15 janvier 2010, monsieur Poitras fait le point avec monsieur Dufour sur la formation et sur le plan B, soit celui prévoyant un emploi convenable sans formation en cas d'échec de la formation au collège Bart. Il écrit à ce sujet :
Concernant l'emploi convenable à retenir en cas d'échec de la formation, le T désire que ce soit celui de commis au courrier. Le T avait retenu cet emploi dans le cadre du processus d'orientation auquel il avait participé. Considérant que le T ne possède aucune expérience dans ce domaine, l'emploi sera déterminé au salaire minimum.
Je m'assure que le T a bien compris et qu'il comprenne l'importance de la situation. Il s'agit de sa dernière chance.
Le T m'assure qu'il a très bien compris et est attristé de cette situation. Il dit que ce genre de situation ne lui est jamais arrivé et qu'il ne s'est jamais fait mettre dehors d'un collège. Je revérifie ses motivations. Il confirme vouloir compléter sa formation. [sic]
[20] Au cours de la session d'hiver 2010, monsieur Dufour doit reprendre les quatre cours qu'il a échoués lors de la session précédente en plus de suivre trois nouveaux cours. Il échoue trois des sept cours dont deux cours échoués de la session d'automne 2009 qu'il avait repris.
[21] Le 28 mai 2010, monsieur Poitras mentionne ce qui suit aux notes du dossier après avoir parlé avec la directrice des études, madame Renaud :
Elle ma donne le détail des résultats scolaires et pour la plupart des cours échoués, l'examen final n'a pas été réussi et les notes étaient assez basses.
Elle me dit avec toute réserve, qu'en traitement de texte, certains travaux n'ont pas été remis d'après les faibles résultats obtenus.
Pour le Collège, le T n'a pas échoué 50 % des cours donc, il ne sera pas mis dehors (…)
L'impact de ces échecs est que le T devra faire une session de plus. Comme il a échoué la majeure partie de ses cours en 1ère session, ce n'est pas seulement une session supplémentaire qu'il devra refaire mais bien 1 année additionnelle et ce, à condition qu'il réussisse tous ses cours. [sic]
[22] Le 14 juin 2010, après une rencontre avec monsieur Dufour, monsieur Poitras décide de mettre fin à la formation pour les raisons suivantes :
- Considérant que le T a complété la session d'hiver 2010 avec 3 échecs sur 7 cours soit :
* Personne, famille et biens : 53 %
* Traitement de texte : 42 %
* Procédure civile 1 : 56 %
- Considérant que parmis ses échecs à la session d'hiver 2010, 2 cours avaient déjà été échoués à la session d'automne 2010 (Personne, famille et biens et traitement de texte)
- Considérant que depuis le début de sa formation, le T a échoué 7 cours sur 13
- Considérant que le T devra refaire une année complète en raison de ses échecs et ce, à la condition qu'il réussisse tous les cours à venir
- Considérant que la formation avait été acceptée car elle durait 2 ans et que nous sommes maintenant rendu à une formation d'au moins 3 ans (ou plus si le T avait d'autres échecs)
- Considérant que le collège offrait un système de parraînage avec des étudiants de dernière année et qu'il y avait des possibilités de récupération avec les professeurs et que ces moyens n'ont pas suffit à redresser la situation.
- Considérant les coûts élevés de formation au Collège Bart
Je prends la décision de mettre fin a la formation en technique juridique et ce, malgré la volonté du T à poursuivre dans cette voie.
Je procède à l'application du plan B soit : Détermination de l'emploi convenable de commis au courrier au salaire minimum. Le T recevra son année de recherche d'emploi puis, à des IRR réduites [sic]
[23] Dans son analyse de la conformité de cet emploi aux critères de l'emploi convenable prévus à l'article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1], monsieur Poitras retient que l'emploi de commis au courrier permet à monsieur Dufour d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qu'il présente une possibilité raisonnable d'embauche et qu'il ne présente pas de danger pour sa santé et sa sécurité. Plus particulièrement, il écrit ce qui suit sur la possibilité raisonnable d'embauche :
Selon Repères, les perspectives d'emploi pour le poste de commis au courrier sont acceptables pour l'ensemble du Québec et ce, tant pour Emploi-Québec que pour Emploi-Avenir Québec de Service Canada.
[24] Le 21 juin 2010, la CSST rend une décision retenant l'emploi convenable de commis au courrier pour monsieur Dufour et elle confirme sa décision à la suite d'une révision administrative, d'où l'appel à la Commission des lésions professionnelles.
[25] Lors de l'audience, monsieur Dufour rappelle les différents avantages reliés à son emploi chez l'employeur qu'il a perdus en raison de la survenance de sa lésion professionnelle.
[26] Il fait part de plus des difficultés d'adaptation qu'il a connues lors de la session d'automne 2009 du fait qu'il demeurait loin de sa famille, qu'il effectuait un retour aux études après avoir passé 20 ans sur le marché de travail, qu'il côtoyait de jeunes étudiants et du fait qu'il s'est inscrit à trop de cours. Il explique que selon des personnes consultées, l'adaptation au retour aux études pouvait prendre jusqu'à deux sessions.
[27] Il explique également qu'il n'a pas remis des travaux dans certains cours parce qu'il n'était pas satisfait des travaux qu'il avait réalisés et enfin, qu'il avait de la difficulté à obtenir de l'aide d'étudiants de dernier niveau à cause de conflits d'horaires.
[28] En ce qui concerne l'emploi de commis au courrier, monsieur Dufour affirme avoir effectué une démarche par téléphone auprès d'Hydro-Québec, à Montréal, pour un poste de commis au courrier/service à la clientèle qui était offert et que celui-ci n'était plus disponible. La personne à qui il a parlé lui a expliqué que le poste de commis au courrier était en voie de disparition et que les tâches qu'il comporte sont intégrées à d'autres postes tels que secrétaire ou commis de support à l'administration.
[29] Il indique de plus qu'au bureau d'Emploi-Québec, on lui a expliqué que la recherche d'un emploi de commis au courrier est difficile à effectuer.
[30] Il dépose un document faisant état de trois emplois pour lesquels il a fait des démarches. Le premier est un emploi de commis au courrier au bureau de Baie-Comeau de la Société canadienne des postes où il s'est rendu le 8 septembre 2010. Le deuxième est un emploi de préposé aux renseignements au gouvernement du Québec qu'il a sollicité par Internet le 30 septembre 2010. Le troisième qu'il a également sollicité le 30 septembre 2010 est un emploi de préposé aux renseignements à Emploi-Québec.
[31] Contre-interrogé par le représentant de la CSST, monsieur Dufour reconnaît qu'il n'a pas posé sa candidature pour un poste de trieur de courrier qui était disponible à compter du 4 avril 2011 chez Courrier Purolator ltée. Il explique qu'il a vu une femme qui sortait de l'édifice et que celle-ci lui a expliqué que le poste impliquait en plus du classement du courrier, des tâches de gestion et l'obligation de parler anglais lors de conversations téléphoniques avec le bureau de Montréal.
[32] Il convient également qu'il n'a fait aucune démarche auprès d'autres entreprises de courrier de la région, comme Dicom, Transcol et DHL express.
L’AVIS DES MEMBRES
[33] Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d'avis que la requête doit être rejetée.
[34] Ils considèrent qu'en raison de nombreux échecs de cours qu'a connus monsieur Dufour lors de ses deux premières sessions d'études, la CSST était justifiée de modifier le plan individualisé de réadaptation et de mettre fin au programme de formation concernant l'emploi convenable de technicien juridique.
[35] Ils estiment de plus que la preuve prépondérante ne démontre pas que l'emploi de commis au courrier n'offre pas de possibilité raisonnable d'embauche et qu'elle justifie de conclure qu'il s'agit d'un emploi convenable pour monsieur Dufour.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[36] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST était justifiée de modifier le plan individualisé de réadaptation concernant l'emploi convenable de technicien juridique et si tel est le cas, elle doit déterminer si l'emploi de commis au courrier constitue un emploi convenable pour monsieur Dufour.
[37] L'article 146, deuxième alinéa de la loi, prévoit que la CSST peut modifier un plan individualisé de réadaptation pour tenir compte de circonstances nouvelles. Cet article se lit comme suit :
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
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1985, c. 6, a. 146.
[38] L'échec d'une formation qui est prévue au plan individualisé de réadaptation adopté par la CSST pour un travailleur constitue une circonstance nouvelle qui justifie la modification du plan[2].
[39] Dans le présent cas, il ne s'agit pas d'un échec formel de la formation dans la mesure où le collège Bart n'a pas exclu monsieur Dufour du programme.
[40] Toutefois, le nombre important de cours qu'il a échoués en deux sessions fait douter de la réussite du programme et allonge de manière très significative la durée de la formation par rapport au projet initial, ce qui constitue une circonstance nouvelle qui met en péril la réalisation du plan de réadaptation et autorise ainsi la CSST à revoir ce dernier[3].
[41] Dans Arbour et Maison Mère des Sœurs de St-Joseph[4], la Commission des lésions professionnelles écrit ce qui suit dans une affaire où la travailleuse avait subi plusieurs échecs sans pour autant avoir été exclue du programme de formation :
[102] Cette décision de la CSST de mettre fin au plan de réadaptation initial suit la réception du « bilan de la formation » produit le 27 janvier 2009 par les responsables du programme de formation et qui fait état d’importantes lacunes constatées chez la travailleuse au niveau académique tout au long de sa formation. Par ailleurs, le même rapport constate des problèmes se situant au niveau du comportement de la travailleuse et il est documenté, à la fois au dossier et par le témoignage de la travailleuse, qu’il s’est installé des rapports difficiles entre celle-ci et des membres de l’école, que ce soit envers des enseignants ou à l’égard de la direction.
[103] À ce sujet, il est manifeste que la travailleuse ne partage pas les vues de l’école à son endroit.
[104] De l’avis du tribunal, et même en faisant abstraction de tout aspect comportemental en litige entre les parties, la CSST était amplement justifiée, sur la seule base des résultats académiques et des constats reliés aux besoins de formation individualisée requis par de la travailleuse, de considérer que l’avenue envisagée pour la travailleuse de la former en vue de la rendre apte à occuper l’emploi convenable de secrétaire générale devait être reconsidérée. Manifestement, même après avoir prolongé la durée initialement déterminée du programme, la CSST a eu raison de considérer que l’on se dirigeait vers un échec.
[105] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, les constats faits au « bilan de formation » révélaient des circonstances nouvelles permettant à la CSST de modifier le plan individualisé de réadaptation élaboré pour la travailleuse. Aussi, dans les circonstances, il revenait à la CSST de donner suite à son devoir légal en matière de réadaptation et de déterminer pour la travailleuse un nouvel emploi convenable.
[42] Malgré la bonne volonté dont a fait preuve monsieur Dufour au cours des deux sessions qu'il a faites et son désir de poursuivre des études en technique juridique, le tribunal estime que la CSST était justifiée de mettre fin au programme de formation concernant l'emploi convenable de technicien juridique et de déterminer un autre emploi convenable.
[43] En ce qui concerne maintenant l'emploi de commis au courrier, le caractère convenable de cet emploi doit être examiné à la lumière de la définition que l'on retrouve à l'article 2 de la loi, laquelle se lit comme suit :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[44] Dès les premières rencontres avec monsieur Poitras en janvier et février 2009, l'emploi de commis au courrier est un emploi que monsieur Dufour a identifié comme l'un des trois emplois convenables possibles en cas d'échec de la formation de technicien juridique et en janvier 2010, il a indiqué à monsieur Poitras que c'est cet emploi qu'il retenait si le projet de formation devait être abandonné.
[45] S'il ressort de la preuve qu'il n'était pas très intéressé par la perspective d'occuper un tel emploi manuel semi-spécialisé, en aucun temps, monsieur Dufour a laissé entendre à monsieur Poitras qu'il ne pouvait pas s'agir d'un emploi convenable.
[46] Lors de l'audience, son représentant soumet que la loi vise à réparer les dommages causés par une lésion professionnelle et que la CSST devait s'assurer que monsieur Dufour était en mesure de trouver effectivement un emploi parce qu'il a perdu beaucoup d'avantages reliés à celui qu'il occupait chez l'employeur. Dans cette perspective, il prétend que l'emploi de commis au courrier ne respecte pas le critère de possibilité raisonnable d'embauche parce qu'il ne présente pas une possibilité suffisante que monsieur Dufour se trouve un tel emploi.
[47] Cette prétention du représentant de monsieur Dufour ne peut pas être retenue. Comme l'a indiqué la jurisprudence à plusieurs reprises, la notion de possibilité raisonnable d'embauche ne doit pas être confondue avec celles de disponibilité de l'emploi ou d'emploi garanti. La CSST n'a pas l'obligation de trouver un emploi au travailleur mais uniquement celle d'identifier un emploi qui présente une possibilité raisonnable d'embauche pour lui.
[48] La jurisprudence est partagée sur la question de savoir si, dans l'appréciation de la possibilité raisonnable que présente un emploi, on doit prendre en considération la compétitivité du travailleur, mais elle est unanime à reconnaître que ce critère implique que l'emploi retenu par la CSST doit exister sur le marché du travail[5].
[49] Le représentant de monsieur Dufour ne plaide pas que ce dernier n'est pas compétitif mais plutôt qu'il n'y a pas suffisamment d'emplois de commis au courrier dans la région pour retenir qu'il s'agit d'un emploi qui présente une possibilité raisonnable d'embauche.
[50] Le tribunal estime que la preuve soumise à cet égard ne supporte pas une telle conclusion. D'une part, les affirmations de monsieur Dufour selon lequel l'emploi de commis au courrier est en voie de disparition sont insuffisantes pour établir ce fait. D'autre part, celui-ci n'a effectué à peu près aucune démarche sérieuse pour tenter d'obtenir un poste de commis au courrier. Dans ce contexte, compte tenu des informations contenues à Repères sur les perspectives d'emploi et compte tenu de l'existence d'entreprises de livraison de courrier dans la région de monsieur Dufour, le tribunal retient que l'emploi de commis au courrier présente une possibilité raisonnable d'embauche pour lui.
[51] Il n'y a pas lieu d'examiner si cet emploi satisfait aux autres critères de l'emploi convenable parce que monsieur Dufour ne prétend pas que ce n'est pas le cas.
[52] Après considération de la preuve au dossier et des arguments soumis par les représentants des parties, la Commission des lésions professionnelles conclut que la CSST était justifiée de modifier le plan individualisé de réadaptation concernant l'emploi convenable de technicien juridique et que l'emploi de commis au courrier constitue un emploi convenable pour monsieur Dufour, emploi qu'il était capable d'exercer à compter du 21 juin 2010.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Denis Dufour;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 15 octobre 2010 à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était justifiée de modifier le plan individualisé de réadaptation concernant l'emploi convenable de technicien juridique;
DÉCLARE que l'emploi de commis au courrier constitue un emploi convenable pour monsieur Dufour, qu'il était capable d'exercer à compter du 21 juin 2010.
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Claude-André Ducharme |
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Réal Brassard, Expert Conseil |
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Représentant de la partie requérante |
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Me René Fréchette |
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Vigneault, Thibodeau, Giard |
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Représentant de la partie intervenante |
[1] L.R.Q. c. A-3.001
[2] Canada Steamship Lines ltée et Lafleur, C.A.L.P. 49886-03-9303, 29 mai 1995, M. Beaudoin; Désormeaux et Plomberie Chauffage Normand inc., 2009 QCCLP 8807 ; Hamel et Transformation B.F.L., 2010 QCCLP 1254 .
[3] Avenor inc. et Joseph, C.A.L.P 61085-07-9407, 21 novembre 1995, B. Lemay (3 cours échoués sur 5).
[4] 2010 QCCLP 8877 .
[5] Bouchard et C.S.S.S. Québec-Nord, 2009 QCCLP 993 .
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.