Décision

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M.L. c. Desjardins Sécurité financière

2010 QCCA 586

 

COUR D'APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE QUÉBEC

 

N:

200-09-006586-090

 

(400-17-001523-071)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

 

DATE :

26 mars 2010

 

CORAM :  LES HONORABLES

ANDRÉ FORGET, J.C.A.

LORNE GIROUX, J.C.A.

JEAN BOUCHARD, J.C.A.

 

PARTIE APPELANTE

AVOCATE

 

M... L...

 

 

Me CHRISTINE JUTRAS (ABSENTE)

(Jutras & Associés)

 

PARTIES INTIMÉES

AVOCATS

 

DESJARDINS SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

 

Me KATIA LUSSIER (ABSENTE)

(Cholette, Houle)

 

 

C... P...

 

 

Me YVES BOUCHER (ABSENT)

(Godin, Boucher)

 

 

L... R...

 

 

Me VALÉRIE LANEUVILLE (ABSENTE)

(Bélanger, Sauvé)

 

 

S... A...

 

 

Me MAURICE BIRON (ABSENT)

(Biron, Spain)

 

 

En appel d'un jugement rendu le 8 janvier 2009 par l'honorable Gaétan Pelletier de la Cour supérieure, district de Trois-Rivières.

 

 

NATURE DE L'APPEL :

 
Assurance

 

Greffière :  Michèle Blanchette (TB3352)

Salle :  4.33

 


 

 

AUDITION

 

 

9 h 39

Arrêt.

 

 

 

 

 

 

 

(s)

Greffière audiencière

 


PAR LA COUR

 

 

ARRÊT

 

 

[1]               Quelques instants avant de mettre fin à sa vie, J... Le... écrit de sa main un document qu'il qualifie de testament :

Je suis en ce moment en train d'écrire mes dernières volontés et je veux que ce document soit mon testament. (souligné dans le texte)

[2]               Le testament n'a pas été vérifié conformément aux règles prévues à la loi[1] et la demande présentée à cette fin lors de l'audition n'a pas été retenue par le premier juge « puisqu'une demande de vérification de testament est soumise à des règles particulières et, en l'espèce, constitue une demande entièrement nouvelle et distincte de la demande principale » (paragr. 9 du jugement).

[3]               Le document comporte la clause suivante :

Sur l'assurance de 200 000 $ que Desjardins dont M... L... est bénéficiaire, je lui demande de rembourser en ordre :

S... A... :                      100 000 $

L... R... :                        40 000 $

C... P... :                        40 000 $

                                   ________

                                    180 000 $

Le reste pour les frais de la maison à ville A et pour aussi le réinstallement de V... La... dans une demeure de son choix.

[4]               Il n'est pas contesté que M... L... est la bénéficiaire désignée d'une police d'assurance de 200 000 $ sur la vie de J... Le....

[5]               L'assureur reconnaît que la ou les bénéficiaires ont droit à l'indemnité; vu le litige entre les parties, Desjardins Sécurité Financières (Desjardins) a déposé au Bureau des dépôts et consignations du Québec 202 031,78 $ représentant l'indemnité d'assurance et les intérêts. Dans son mémoire, Desjardins déclare ne rechercher aucune conclusion.

[6]               M... L... prétend qu'elle est la seule bénéficiaire de la police d'assurance et, à titre subsidiaire, plaide que les intimés n'ont pas droit à une part proportionnelle des intérêts accumulés.

[7]               M... L... plaide en substance que :

7.1             il n'y a pas eu de révocation formelle de sa qualité de bénéficiaire;

7.2             à titre de bénéficiaire d'un contrat d'assurance, elle n'est pas responsable des dettes de J... Le...;

7.3             la clause en litige ne comporte pas une obligation de payer les montants indiqués à S... A..., L... R... et C... P..., mais plutôt un souhait exprimé par J... Le...;

7.4             les dispositions relatives au droit des assurances ne permettent pas d'imposer une charge à un bénéficiaire.

[8]               Au départ, il n'est pas contesté que la désignation de M... L... était révocable au seul gré du preneur, J... Le....

[9]               Le premier juge conclut que J... Le... a clairement manifesté son intention de partager le produit du contrat d'assurance dans son document :

[44]      Le Tribunal ne croit pas non plus que cette demande puisse être exécutée au bon vouloir de L.... LE... ne laisse d'ailleurs pas le choix à L... lorsqu'il écrit : « je lui demande… ». L'intention de LE... où il indique dans son document que le seul moyen de payer A..., R... et P... est les assurances et par suite qu'il lui demande de les rembourser sur l'assurance de 200 000 $ indique bien que ces montants doivent leur être remis.

[45]      D'ailleurs, le paragraphe suivant est indicateur d'une telle intention en indiquant que le « reste » dont L... est bénéficiaire pourra servi pour les frais de la maison de ville A qui est la propriété de L....

[46]      Aussi, l'ensemble de ce document reflète-t-il que c'était bien l'intention de LE... d'imposer à L..., comme charge, de payer à A..., R... et P... les montants indiqués au document.

[10]           L'interprétation de cette clause par le premier juge est raisonnable et sa décision n'est donc pas entachée d'une erreur manifeste et déterminante qui justifierait une intervention de cette Cour.

[11]           Pour donner effet à l'intention de J... Le..., le premier juge retient plutôt l'imposition d'une charge à la bénéficiaire désignée à la police d'assurance tout en constatant que la révocation partielle de la bénéficiaire permettrait d'atteindre le même résultat :

[47]      En l'espèce, la charge imposée à L... fait d'elle en quelque sorte une bénéficiaire partielle puisqu'elle ne peut conserver que 20 000 $ sur les 200 000 $.

[48]      Par ailleurs, si on considérait la clause comme une révocation partielle et non une charge, le résultat serait le même.

[12]           Il faut plutôt conclure que le document comporte une révocation partielle de M... L... à titre de bénéficiaire.

[13]           J... Le... pouvait révoquer en totalité la bénéficiaire; or, qui peut le plus, peut le moins. À ce sujet, l'auteur Jean-Guy Bergeron écrit: :

La révocation d'une désignation peut être partielle ou complète. Les bénéfices révoqués retournent dans le patrimoine du titulaire du contrat, à moins que la révocation ne soit accompagnée d'une nouvelle désignation ou en résulte[2].

[14]           Aucune formalité n'est exigée pour la révocation d'un bénéficiaire, lorsque cela est permis, si ce n'est l'exigence d'un écrit aux termes de l'article 2449 C.c.Q. :

[…]      Lorsqu'elle peut être faite, la révocation doit résulter d'un écrit; il n'est pas nécessaire, toutefois, qu'elle soit expresse.

[15]           La révocation peut donc être implicite[3] et il n'est pas nécessaire qu'elle soit transmise à l'assureur du vivant de l'assuré[4].

[16]           J... Le... n'avait pas à obtenir le consentement de M... L... pour révoquer en partie le bénéfice qu'il lui avait attribué.

[17]           Il n'y a aucun obstacle à la révocation partielle de M... L... : elle a été faite par un écrit qui exprime, à tout le moins de façon implicite, l'intention de J... Le... en ce sens.

[18]           Cela étant, il n'y a aucun motif pour prétendre que les intérêts accumulés ne devraient pas être partagés au prorata entre les quatre bénéficiaires de la police d'assurance.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[19]           REJETTE le pourvoi, avec dépens.

 

 

 

 

ANDRÉ FORGET, J.C.A.

 

 

 

LORNE GIROUX, J.C.A.

 

 

 

JEAN BOUCHARD, J.C.A.

 



[1]    Articles 772 à 775 C.c.Q.; 887 à 891 C.p.c.

[2]    Voir Jean-Guy Bergeron, Les contrats d'assurance (terrestre), lignes et entre-lignes, Tome 2, Les Éditions SEM inc., 1992, p. 479.

[3]    Didier Lluelles, Précis des assurances terrestres, 5e éd., Montréal, Les Éditions Thémis, 2009, p. 445.

[4]    Bouffard c. Assurance-Vie Desjardins, [1997] R.R.A. 471 (C.S.).

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