COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE |
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QUÉBEC |
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DOSSIERS : |
C-2009-3538-2 (08-0874-1-3) C-2009-3539-2 (08-0874-3) |
LE 20 AVRIL 2010 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE Me PIERRE DROUIN |
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le commissaire à la déontologie policière |
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c. |
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L’agent MATHIEU BOSSÉ, matricule 2995 L’agente JULIE LACOMBE, matricule 3025 |
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Membres du Service de police de la Ville de Québec |
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DÉCISION AU FOND ET SUR SANCTION |
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C-2009-3538-3
[1]
Le 13 juillet 2009, le Commissaire à la déontologie policière
(Commissaire) dépose au Comité de déontologie policière (Comité), à l’encontre
des agents Mathieu Bossé, matricule 2995 et Julie Lacombe, matricule 3025,
une citation leur reprochant de ne pas avoir respecté l’autorité de la loi et
de ne pas avoir collaboré à l’administration de la justice, le 12 juillet 2008,
contrevenant ainsi à l’article
· en utilisant la force contre M. André Bujold (chef 1);
· en procédant à l’arrestation de M. Bujold (chef 2);
· en détenant de M. Bujold (chef 3).
C-2009-3539-2
[2]
Le même jour, concernant le même événement, le Commissaire dépose au
Comité, à l’encontre de l’agente Julie Lacombe, une citation lui reprochant de
ne pas avoir respecté l’autorité de la loi et de ne pas avoir collaboré à
l’administration de la justice, le 12 juillet 2008, en saisissant le téléphone
cellulaire de M. Bujold, contrevenant ainsi à l’article
[3] Les procureurs au dossier informent le Comité que les agents Bossé et Lacombe reconnaissent avoir commis les inconduites qui leur sont reprochées.
[4] EN CONSÉQUENCE, le Comité :
C-2009-3538-2
[5] PREND ACTE que les agents MATHIEU BOSSÉ ET JULIE LACOMBE admettent avoir eu les conduites dérogatoires décrites aux chefs 1, 2, et 3 de la citation;
[6]
DÉCIDE QUE la conduite des agents MATHIEU BOSSÉ, matricule
2995 et JULIE LACOMBE, matricule 3025, membres du Service de
police de la Ville de Québec, le 12 juillet 2008, à Québec, constitue un acte
dérogatoire à l’article
[7]
DÉCIDE QUE la conduite des agents MATHIEU BOSSÉ, matricule
2995 et JULIE LACOMBE, matricule 3025, membres du Service de
police de la Ville de Québec, le 12 juillet 2008, à Québec, constitue un acte
dérogatoire à l’article
[8]
DÉCIDE QUE la conduite des agents MATHIEU BOSSÉ, matricule
2995 et JULIE LACOMBE, matricule 3025, membres du Service de
police de la Ville de Québec, le 12 juillet 2008, à Québec, constitue un acte
dérogatoire à l’article
C-2009-3539-2
[9] PREND ACTE que l’agente JULIE LACOMBE admet avoir eu la conduite dérogatoire décrite à cette citation;
[10]
DÉCIDE QUE la conduite de l’agente JULIE LACOMBE,
matricule 3025, membre du Service de police de la Ville de Québec, le 12
juillet 2008, à Québec, constitue un acte dérogatoire à l’article
[11] Les faits pertinents sont décrits dans un document intitulé « Exposé des faits »[2] déposé aux dossiers par les procureurs des parties et que le Comité reproduit ci-dessous :
«Les éléments pertinents sont survenus au cours de la nuit du 11 et 12 juillet 2008, plus précisément sur la Grande-Allée en front d’un établissement connu sous le nom de «Dagobert».
À cette période avait lieu à Québec le Festival d’été et, pour la circonstance, une portion de la Grande-Allée, notamment en front de l’établissement «Dagobert» avait été fermée à la circulation automobile laissant ainsi libre accès aux piétons.
Il y avait foule sur la Grande-Allée au moment des événements pertinents en raison des nombreuses activités qui se déroulaient dans le cadre de ce festival dont notamment la tenue d’un spectacle sur les Plaines d’Abraham.
Quant aux intimés, ceux-ci étaient affectés ce soir-là à une unité spéciale de surveillance pédestre, précisément sur cette section de la Grande-Allée.
Les autorités policières anticipaient des problèmes de maintien de l’ordre de sorte qu’elles avaient pris des dispositions particulières, soit l’ajout de personnel additionnel pour les circonstances, de même que la réquisition d’un fourgon cellulaire stationné à toute proximité.
Dans ce dernier cas, l’objectif recherché était d’y placer les personnes qui seraient arrêtées et détenues, le tout afin de permettre aux patrouilleurs de retourner immédiatement à leur assignation aux lieu et place de devoir, comme à leur habitude, se rendre au parc Victoria pour reconduire les personnes détenues au bloc cellulaire.
De fait, une foule importante s’était rassemblée sur la Grande-Allée et à un certain moment, les intimés ont prêté assistance à deux (2) de leurs collègues, soit les constables Charles-André Maheux et Dave Lévesque, lesquels étaient à procéder à une arrestation face au «Dagobert».
Un attroupement s’était formé autour des policiers qui procédaient à l’arrestation et les intimés, comme d’autres policiers, sont donc intervenus pour s’assurer que tout allait se dérouler normalement.
À un certain moment, le plaignant, monsieur André Bujold, s’est approché pour filmer l’intervention policière avec son cellulaire.
Le constable Maheux interpella l’intimée Julie Lacombe en lui demandant que l’individu cesse son manège et qu’il s’éloigne compte tenu qu’il était à proximité de l’endroit où s’effectuait l’arrestation.
L’intimée Julie Lacombe demanda au plaignant à quelques reprises de cesser l’utilisation de son cellulaire pour prendre des images des policiers. Le plaignant se retira de l’autre côté de la rue, faisant face à l’intimée Lacombe qui avançait vers lui.
Une discussion est intervenue au cours de laquelle l’intimée Julie Lacombe, convaincue que le plaignant avait pris des images permettant d’identifier un collègue de travail, demanda à examiner le cellulaire, ce que le plaignant refusa. Il fut alors mis en état d’arrestation pour entrave selon la réglementation municipale.
L’intimé Mathieu Bossé prêta assistance à l’intimée Julie Lacombe pour l’arrestation du plaignant, lequel, mécontent de la tournure des événements, protesta au point qu’une deuxième accusation fut portée contre lui, soit pour désordre, encore une fois en vertu de la réglementation municipale.
Le plaignant fut menotté puis amené au fourgon cellulaire, conformément aux instructions que les intimés avaient reçues ce soir-là, pour y être détenu.
Outre la saisie de son cellulaire, son arrestation et sa détention, monsieur Bujold s’est également plaint d’une entorse à un coude, mais cette allégation n’a été ni documentée ni confirmée par un diagnostic médical.
Ni l’un, ni l’autre des constats d’infraction n’ont procédé devant un tribunal.»
[12]
En conformité avec l’article
[13] L’essentiel de ces représentations se retrouve dans le document intitulé « Exposé des faits »[4] déposé aux dossiers et que le Comité reproduit ci-dessous :
«En juillet 2008, l’intimée Julie Lacombe comptait neuf (9) ans d’expérience en tant que policière et elle était patrouilleuse pour le Service de police de la Ville de Québec.
L’intimé Mathieu Bossé comptait huit (8) ans d’expérience et agissait également comme patrouilleur pour le Service de police de la Ville de Québec.
Les deux (2) intimés n’ont aucun antécédent déontologique.
À cette époque est apparu le phénomène consistant à prendre des photos ou des vidéos de policiers.
Certaines images ainsi captées se sont retrouvées sur les réseaux d’internet publicisant le visage des policiers.
Or, pour les policiers, le recours à une certaine forme d’anonymat est une règle depuis longtemps suivie et elle repose sur des exigences de sécurité personnelle.
À titre d’exemple, les services de police attribuent à leurs membres un numéro matricule servant à leur identification avec le nom de famille n’étant pas une règle pour les patrouilleurs, à tout le moins au Service de police de la Ville de Québec.
De même, lorsque les policiers sont appelés, et ce, de façon régulière, à venir témoigner devant les tribunaux, ils ne fournissent jamais leur adresse personnelle, mais toujours celle de leur lieu de travail, et ce, contrairement aux autres citoyens.
Les policiers sont également soucieux de préserver leur identité ne serait-ce que dans les moments où seuls ou avec des amis ou des membres de leur famille, ils fréquentent des endroits publics ou ils sont susceptibles de rencontrer des personnes auprès desquelles ils ont eu à faire des interventions.
Enfin, la clientèle avec laquelle les policiers sont en contact est constituée, dans une proportion importante, des personnes criminalisées contre lesquelles les policiers sont en droit de vouloir se prémunir, non seulement lors de l’exécution de leurs fonctions, mais également lorsqu’ils ne sont pas au travail.
Par ailleurs, et à tout moment pertinent dans cette affaire, les intimés n’avaient reçu aucune formation particulière que ce soit auprès de l’École nationale de police ou de leur employeur sur la façon de faire face à cette nouvelle technologie permettant de capter leur visage et de diffuser celui-ci sans aucun contrôle quel qu’il soit.
C’est donc dans ce contexte très particulier que les intimés ont agi à l’endroit du plaignant, monsieur André Bujold, le 12 juillet 2008, considérant comme intimidant le fait qu’un inconnu s’approche pour prendre en image un policier sans savoir l’utilisation qu’il comptait en faire ultérieurement.
En agissant ainsi, les intimés considéraient que le plaignant entravait le travail policier justifiant alors, selon eux, leur intervention.
Après considération de l’ensemble des faits et prenant en compte notamment la définition de l’intimidation au Code criminel, les intimés reconnaissaient d’une part qu’ils n’auraient pas dû saisir le cellulaire du plaignant et, d’autre part, qu’ils n’auraient pas dû procéder à l’arrestation de ce dernier parce que celui-ci refusait d’obtempérer à leur demande.
Les intimés déplorent la tournure des événements et les inconvénients qui en ont découlé pour le plaignant, ajoutant cependant qu’ils ont agi de bonne foi, sans malice et sans intention de nuire au plaignant, lequel par ailleurs leur était complètement inconnu.» (sic)
[14] En se référant à la jurisprudence, les procureurs soumettent que, relativement à des fautes similaires, les sanctions varient entre l’avertissement et une période de suspension de cinq jours.
C-2009-3538-2
Chef 2 (arrestation de M. Bujold)
[15] Il est soumis, plus spécifiquement, que l’arrestation sans motif de M. Bujold est la faute déontologique la plus importante, d’autant plus qu’il en découle que l’usage de la force, la détention et la saisie du téléphone cellulaire deviennent autant de fautes déontologiques.
[16] Ils recommandent comme sanction l’imposition à chacun des deux policiers une suspension sans traitement de deux jours.
[17] Il est soumis que la force utilisée n’a pas été excessive. M. Bujold a été poussé jusqu’au fourgon cellulaire. Il a par ailleurs opposé une certaine résistance.
[18] Les procureurs recommandent conjointement comme sanction, l’imposition d’une suspension sans traitement d’un jour à être purgée de façon concurrente avec le chef 2 de la citation.
[19] Les procureurs rappellent que cette faute découle également de l’arrestation sans motif de M. Bujold. Celle-ci fut d’une durée de trois heures. Cependant, cette durée n’est pas attribuable aux deux policiers puisqu’ils avaient amené M. Bujold au fourgon cellulaire et qu’ils l’ont remis aux policiers responsables. Ils recommandent comme sanction l’imposition d’une suspension sans traitement d’un jour, à être purgée de façon consécutive avec le chef 2 de la citation.
[20] Les procureurs recommandent comme sanction l’imposition d’un blâme pour la dérogation commise par l’agente Lacombe.
[21] Leur suggestion est fondée sur le fait que la policière reconnaît qu’elle n’avait aucun motif pour saisir le téléphone cellulaire de M. Bujold.
[37] La reconnaissance par les policiers des inconduites qui leur sont reprochées comporte l’avantage d’abréger le débat.
[38] Toutefois, vu les circonstances propres au présent cas et selon la teneur de la citation, le Comité a le devoir de réserver sa discrétion, dans l'exercice de sa compétence exclusive, d'entendre et de disposer des citations dont il est saisi et de sanctionner les policiers, conformément aux dispositions de la Loi.
[39] Le législateur a confié au Comité un rôle de gardien du respect des devoirs et des normes de conduite imposés aux policiers par le Code. À ce titre, il lui incombe de s'assurer que les sanctions qu'il impose protègent l'intérêt du public.
[40] C'est à la lumière de cet objectif que le Comité doit évaluer la justesse et le caractère raisonnable des recommandations communes des parties.
[41]
Les dispositions de l’article
[42] Il convient de rappeler l'objectif du Code, lequel est énoncé à son article 3 :
« Le présent Code vise à assurer une meilleure protection des citoyens et citoyennes en développant au sein des services policiers des normes élevées de services à la population et de conscience professionnelle dans le respect des droits et libertés de la personne dont ceux inscrits dans la Charte des droits et libertés de la personne.»
[43] Dans les présents dossiers, les policiers reconnaissent avoir mal évalué leur pouvoir d’intervention en procédant à l’arrestation de M. Bujold, commettant ainsi une faute déontologique. Il en résulte que la force utilisée par les policiers, la détention qui s’en est suivie, ainsi que la saisie du téléphone cellulaire deviennent autant de fautes déontologiques.
[44] Les policiers ont bien compris cette limite en ces termes :
«Les intimés déclarent également avoir bien compris la limite de leur pouvoir d’intervention face à une telle pratique et que ce ne serait qu’en présence d’éléments leur donnant des motifs probables de croire que le fait de filmer des policiers pourrait être utilisé à des fins illégales qu’ils seraient justifiés de procéder comme ils l’ont fait.»
[45] Le Comité tient compte de cette admission dans son appréciation des justes sanctions à leur être imposées.
[46] De plus, le Comité tient également compte de l’absence d’antécédent déontologique.
[47] Compte tenu des circonstances exposées au Comité, de la gravité des fautes reprochées aux agents Bossé et Lacombe et des représentations des deux procureurs, le Comité croit que leurs recommandations communes relativement aux sanctions à être imposées, atteignent les objectifs de dissuasion et d’exemplarité recherchées. Le Comité acquiesce donc aux suggestions communes des procureurs.
PAR CES MOTIFS, le Comité IMPOSE les sanctions suivantes :
C-2009-3538-2
[58] Aux agents MATHIEU BOSSÉ, matricule 2995 et JULIE LACOMBE, matricule 3025, membres du Service de police de la Ville de Québec :
Chef 1
[59]
une suspension sans traitement d’un jour ouvrable de huit heures, à
être purgée de façon concurrente avec le chef 2 de la citation, pour
avoir dérogé à l’article
Chef 2
[60]
une suspension sans traitement de deux jours ouvrables de huit heures
par jour pour avoir dérogé à l’article
Chef 3
[61]
une suspension sans traitement d’un jour ouvrable de huit heures, à
être purgée de façon consécutive avec le chef 2 de la citation, pour
avoir dérogé à l’article
C-2009-3539-2
[63] À l’agente JULIE LACOMBE, matricule 3025, membre du Service de police de la Ville de Québec :
[64]
un blâme pour avoir dérogé à l’article
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Pierre Drouin, avocat |
Me Robert Voyer |
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Procureur du Commissaire |
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Me Robert DeBlois |
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Procureur de la partie policière |
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Lieu de l’audience : Québec |
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Date de l’audience : 30 mars 2010 |
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